Jurisprudence : Base de données
Cour administrative d’appel de Nancy 1ère chambre Arrêt du 18 avril 2013
Notre Famille.com / Conseil général de la Moselle
données - données personnelles - données publiques - droit - liberté - réutilisation de données - services culturels
FAITS ET PROCÉDURE
[…]
La société Notre Famille.com demande à la cour :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 1003777 du 8 décembre 2010 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite née le 30 mai 2010 par laquelle le président du conseil général de la Moselle a rejeté sa demande tendant à la réutilisation des informations publiques que constituent les cahiers de recensement des années 1801, 1806, 1821, 1826, 1831, 1836, 1841, 1846, 1851, 1856, 1861, 1866, 1872, 1876, 1881, 1886, 1891, 1896, 1901, 1906, 1911, 1921, 1926 et 1931 ;
2°) d’annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil général de la Moselle a refusé de donner suite à l’avis de la commission d’accès aux documents administratifs du 29 avril 2010 et a confirmé sa décision rejetant la demande tendant à la réutilisation des informations publiques que constituent les cahiers de recensement des années 1801, 1806, 1821, 1826, 1831, 1836, 1841, 1846, 1851, 1856, 1861, 1866, 1872, 1876, 1881, 1886, 1891, 1896, 1901, 1906, 1911, 1921, 1926 et 1931 déposés auprès du service des archives du département de la Moselle ;
3°) d’enjoindre au président du conseil général de la Moselle de lui proposer, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l’arrêt et sous astreinte de 200 € par jour de retard, des modalités non discriminatoires et conformes au droit de mise à disposition, en vue de réutilisation, des informations publiques contenues dans les documents sollicités et notamment au sein des tableaux de recensement pour les arrondissements de Metz, Sarreguemines et Thionville de 1818, la liste nominative de la commune de Lening de 1851, les tableaux de dénombrement de 1861, la liste nominative de la commune de l’Hôpital-Carling de 1866, les instructions, états et circulaires concernant les dénombrements entre 1908 et 1830, et les états relatifs à la ville de Metz de 1810 concernant les mouvements annuels de la population ;
4°) d’enjoindre au président du conseil général de la Moselle de saisir, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’arrêt et sous astreinte de 200 € par jour de retard, l’Office des statistiques de l’Alsace-Moselle de Strasbourg ou, à défaut, de saisir de sa demande tout organisme assurant aujourd’hui la conservation effective des documents sollicités et dont le service des archives du département de la Moselle a établi qu’il n’a pas la possession ;
5°) de mettre à la charge du département de la Moselle le versement de la somme de 4000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que l’ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ; que le département de la Moselle n’a ni accusé réception de la demande de la société Notre Famille.com en date du 16 juillet 2009, ni répondu à cette demande par une décision expresse comportant l’indication des voies et délais de recours, de sorte qu’elle pouvait à tout moment saisir la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) préalablement à la saisine de la juridiction administrative, du refus opposé à sa demande ;
Vu l’ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d’Etat en date du 21 novembre 2011 attribuant le jugement de la présente requête à la cour administrative d’appel de Nancy ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 février 2012, présenté par le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, qui indique que ce litige ne concerne pas directement les services de l’Etat ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2012, présenté pour le département de la Moselle par la société Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qui conclut au rejet de la requête, et subsidiairement au non-lieu à statuer, et à ce que soit mise à la charge de la société Notre Famille.com la somme de 4 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il fait valoir que le tribunal a pu considérer à bon droit qu’il résultait des articles 17 et 19 du décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 que le refus de communiquer un document administratif ne peut être déféré au juge de l’excès de pouvoir sans que la CADA ait été au préalable saisie par l’intéressé dans le délai contentieux courant contre ledit refus et retenir que la société requérante ne contestait pas ne pas avoir saisi en temps utile la CADA de la décision de refus litigieuse ; que l’article R. 421-5 du code de justice administrative n’est pas applicable à la présentation des demandes d’avis à la CADA, qui est exclusivement organisée par les dispositions du décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 ; que, de même, les demandes formulées sur le fondement de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 19 de la loi du 12 avril 2000 ; qu’en effet, les dispositions spéciales régissant l’accès aux documents administratifs et la réutilisation des informations publiques sont exclusives de l’application d’autres dispositions générales susceptibles de s’appliquer aux décisions administratives ; qu’en tout état de cause, ces demandes relatives à la réutilisation d’informations publiques contenues dans des documents d’archives entrent dans le champ d’application du 2° de l’article 3 du décret du 6 juin 2001 portant exemption de l’obligation de délivrer un accusé de réception ;
que subsidiairement, il n’y a pas lieu de statuer sur la requête ; qu’il s’est conformé à l’avis de la CADA ; que les conclusions de la société Notre Famille.com sont irrecevables dès lors que les documents demandés ne sont pas les mêmes, par leur teneur ou leur date, que ceux pour lesquels la CADA a été saisie ; qu’il en va ainsi des conclusions concernant les tableaux de recensement pour les arrondissements de Metz, Sarreguemines et Thionville de 1818, les tableaux de dénombrement de 1861, la liste nominative de la commune de l’Hôpital-Carling de 1866, les instructions, états et circulaires concernant les dénombrements entre 1908 et 1930, ainsi que les états relatifs à la commune de Metz de 1810 concernant les mouvements annuels de la population ; qu’à titre encore plus subsidiaire, l’objet de la demande de la société requérante n’était pas assez précis ; que la demande de la société requérante porte sur des documents d’archive qui, pour la plupart, n’existent plus ou n’ont jamais existé ; qu’en effet, s’agissant de la période 1801-1872, la collection départementale des listes nominatives de dénombrements quinquennaux a presque entièrement disparu ;
que ces listes n’ont pas été versées aux archives du département ; que, pour la période 1872-1918, les listes nominatives de dénombrement n’ont jamais existé ; que, pour la période 1918-1931, les listes nominatives de dénombrement n’ont pas été remises aux archives départementales, mais à une administration spécifique, l’Office des statistiques d’Alsace-Moselle ou à la direction générale des services d’Alsace-Lorraine ; que ceux des documents qui existent sont en accès libre au service départemental d’archives de la Moselle ; qu’il ne revenait pas aux autorités départementales de se rapprocher de la société requérante pour déterminer les conditions dans lesquelles les documents seraient mis à sa disposition ; qu’elles n’avaient pas non plus à transmettre sa demande à l’Office des statistiques d’Alsace-Moselle, structure administrative qui n’existe plus ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 octobre 2012, présenté pour la société Notre Famille.com, par Me Simonel, qui conclut aux mêmes fins que la requête et précise que sa demande de réutilisation des informations publiques porte en tout état de cause sur les documents identifiés sous les cotes 188 M 2/2, 188 M 8/2, 188 M10/2, 188 M11/2, 189 M 1/2, 192 M1/2 ;
Elle soutient en outre que le mémoire en défense de première instance du département de la Moselle lui a été transmis le 8 novembre 2010, sans qu’un délai lui ait été imparti pour répondre ; qu’il serait contraire aux principes du procès équitable que l’absence de contestation -involontaire- d’un requérant autorise le juge à faire droit à un moyen d’irrecevabilité sans examen du bien-fondé de ce moyen ; que le juge recherche, en droit comme en fait, si l’irrecevabilité qu’il prononce est fondée, indépendamment du fait que l’intéressé la conteste ou pas ; que sauf disposition spéciale expresse, la procédure de l’accusé de réception est générale ; que la réponse à une demande de réutilisation ne présente pas un caractère d’automaticité car la loi prévoit la possibilité pour les personnes publiques de fixer leurs conditions de réutilisation ; que, subsidiairement, aucun délai de recours ne court contre une décision implicite de rejet lorsqu’elle ne peut être prise que par une délibération de l’assemblée locale ;
que, par sa lettre du 28 juin 2010, le département de la Moselle s’est borné à proposer une consultation en salle de lecture des documents sur lesquels elle entendait exercer son droit de réutilisation ; que le département n’a pas respecté les termes de l’avis de la CADA ; qu’elle a pu identifier selon la nomenclature instituée par les archives départementales, les documents portant les références : 188 M 2/2, 188 M 8/2, 188 M 10/2, 188 M 11/2, 189 M 1/2, 192 M 1/2 ; que ces documents identifiés par répertoire et par série sont des informations publiques figurant dans les cahiers de recensement faisant l’objet de la demande de communication ; qu’elle ne conteste pas que, pour la période 1801-1872, la collection départementale des listes nominatives de dénombrements quinquennaux aurait été presque en totalité pilonnée et que, pour la période 1872-1918, le département n’aurait pas mis en place de recensements quinquennaux ; qu’en revanche, pour la période 1918-1931, le département était en mesure de transmettre sa demande à la direction régionale d’Alsace de l’Insee qui a fait suite à l’Office des statistiques d’Alsace-Moselle et qui était aisément identifiable ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 janvier 2013, présenté pour le département de la Moselle, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;
Il soutient en outre que le tribunal ne s’est pas borné à relever que la société requérante ne contestait pas ne pas avoir saisi en temps utile la CADA de la décision de refus litigieuse, mais a surtout retenu que ladite société n’avait saisi la CADA qu’en mars 2010 d’une décision de refus née en août 2009 ; que la société requérante a disposé d’un délai d’un mois pour répondre à la fin de non recevoir qu’il avait soulevée ; que saisis d’une demande fondée sur l’article 10 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, les services culturels sont en situation de compétence liée pour faire droit aux demandes de réutilisation dont ils sont saisis ; que les demandes relatives à la réutilisation d’informations publiques contenues dans des documents d’archive entrent dans la catégorie des demandes n’appelant d’autre réponse que le service d’une prestation ou la délivrance d’un document prévu par les lois et les règlements ;
que, dans cette hypothèse, ainsi que le prévoient les articles 12 et 13 de la loi du 17 juillet 1978 et 19 de la loi du 12 avril 2000 et l’article 3 2° du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001, il n’est pas accusé réception des demandes ; qu’en tout état de cause les dispositions spéciales régissant l’accès aux documents administratifs et la réutilisation des informations publiques sont exclusives de l’application d’autres dispositions générales susceptibles de s’appliquer aux décisions administratives ; que les décisions par lesquelles les services d’archives départementaux répondent aux demandes de réutilisation des informations publiques n’entrent pas dans le champ d’application de l’article R. 421-3 du code de justice administrative, quand bien même existerait une délibération du conseil général définissant les conditions de réutilisation des données publiques produites, reçues et conservées par les services d’archive ; que les modalités d’accès aux documents contenant des informations publiques réutilisables ont été communiquées à la société requérante par lettre du 28 juin 2010 ; que ce n’est que par une délibération du 16 juin 2011 qu’a été adopté un règlement général ; qu’il n’appartenait pas aux autorités départementales de se rapprocher de la société requérante pour déterminer avec elle les conditions dans lesquelles les informations publiques sollicitées pouvaient être mises à sa disposition ;
que le département s’étant ainsi conformé à l’avis de la CADA, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées devant le tribunal administratif par la société Notre Famille.com ; que les documents d’archive visés par les conclusions du recours ne sont pas strictement les mêmes que ceux pour lesquels la CADA a émis un avis le 30 mai 2010 ; que pour les documents d’archive anciens dont l’administration détentrice n’est pas clairement identifiée, il appartient au seul administré de procéder aux recherches en prenant directement attache avec les administrations susceptibles de répondre à sa demande ; qu’en tout état de cause, les dispositions générales de la loi du 12 avril 2000 ne sont pas applicables ; que les conclusions tendant à ce qu’il lui soit enjoint de transmettre la demande de la société Notre Famille.com à l’office des statistiques d’Alsace-Moselle sont irrecevables ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er mars 2013, présenté pour la société Notre Famille.com, qui conclut aux mêmes fins que la requête ;
Elle soutient en outre que le délai d’un mois séparant la production du mémoire en défense du département de la Moselle de l’ordonnance attaquée était insuffisant et ne lui a pas permis d’y répondre ; que la consultation sur place des documents ne peut suffire ;
[…]
DISCUSSION
1. Considérant que, par une lettre du 16 juillet 2009, la société NotreFamille.com a demandé au président du conseil général de la Moselle de l’autoriser à réutiliser les données nominatives figurant dans les cahiers de recensement des années 1801, 1806, 1821, 1826, 1831, 1836, 1841, 1846, 1851, 1856, 1861, 1866, 1872, 1876, 1881, 1886, 1891, 1896, 1901, 1906, 1911, 1921, 1926 et 1931, déposés selon elle au service des archives départementales, afin de pouvoir les numériser et les mettre à la disposition de ses clients pour leurs recherches généalogiques ; que le département ayant opposé un refus implicite à sa demande, elle a saisi le 29 mars 2010 la commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui a rendu le 22 avril 2010 un avis favorable à la communication de ces documents sous certaines conditions ; que le département n’ayant pas donné suite à sa demande de communication dans le délai de deux mois courant à compter de l’enregistrement, le 30 mars 2010, dans les services de la CADA, de la demande d’avis formée par la société Notre Famille.com, une décision implicite de rejet est intervenue le 30 mai 2010, que cette dernière a contestée devant le tribunal administratif de Strasbourg ; que la société Notre Famille.com relève appel de l’ordonnance du 8 décembre 2010 par laquelle le tribunal a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le département de la Moselle
2. Considérant que le silence gardé par le département de la Moselle à la suite de la saisine de la CADA a fait naître le 30 mai 2010 une décision portant confirmation de son refus de communication des cahiers de recensement ; qu’en se bornant à adresser par lettre du 28 juin 2010 copie du règlement des salles de lecture du service départemental d’archives de la Moselle, et au demeurant sans évoquer les conditions de réutilisation des informations contenues dans les documents sollicités, le département ne peut être regardé comme ayant fait droit à la demande de communication du 16 juin 2009 et comme ayant ainsi rapporté sa décision de refus ; que, par suite, il y a toujours lieu pour la Cour de statuer sur la requête de la société Notre Famille.com ;
Sur la régularité de l’ordonnance attaquée
3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée : “ Sous réserve des dispositions de l’article 6, les autorités mentionnées à l’article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent titre. “ ; qu’aux termes de l’article 10 de la même loi : “ Les informations mentionnées dans des documents produits ou reçus par les administrations mentionnées à l‘article 1er, quel que soit le support, peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus. Les limites et conditions de cette réutilisation sont régies par le présent chapitre, même si ces informations ont été obtenues dans le cadre de l’exercice du droit d’accès aux documents administratifs régi par le chapitre Ier(…) “ ; qu’aux termes de l’article 11 de ladite loi : “ Par dérogation au présent chapitre, les conditions dans lesquelles les informations peuvent être réutilisées sont fixées, le cas échéant, par les administrations mentionnées aux a et b du présent article lorsqu’elles figurent dans des documents produits ou reçus par : / a) Des établissements et institutions d’enseignement et de recherche ; / b) Des établissements, organismes ou services culturels. “ ; que son article 13 dispose que : “ Les informations publiques comportant des données à caractère personnel peuvent faire l’objet d’une réutilisation soit lorsque la personne intéressée y a consenti, soit si l’autorité détentrice est en mesure de les rendre anonymes ou, à défaut d’anonymisation, si une disposition législative ou réglementaire le permet. / La réutilisation d’informations publiques comportant des données à caractère personnel est subordonnée au respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés “ ;
4. Considérant, d’autre part, qu’en vertu de l’article 20 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée, la saisine pour avis de la commission d’accès aux documents administratifs est un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux ; qu’aux termes de l’article 25 de la même loi : “ Toute décision de refus d’accès aux documents administratifs ou décision défavorable en matière de réutilisation d’informations publiques est notifiée au demandeur sous la forme d’une décision écrite motivée comportant l’indication des voies et délais de recours.(…) “ ; qu’aux termes de l’article 17 du décret du 30 décembre 2005 : “ Le silence gardé pendant plus d’un mois par l’autorité compétente, saisie d’une demande de communication de documents en application de l’article 2 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée, vaut décision de refus. L’intéressé dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus ou de l’expiration du délai fixé au premier alinéa pour saisir la commission d’accès aux documents administratifs. “ ; qu’aux termes de l’article 19 du même décret : “ La commission notifie son avis à l’intéressé et à l’autorité mise en cause, dans un délai d’un mois à compter de l’enregistrement de la demande au secrétariat. Cette autorité informe la commission, dans le délai d’un mois qui suit la réception de cet avis, de la suite qu’elle entend donner à la demande. Le silence gardé par l’autorité mise en cause pendant plus de deux mois à compter de l’enregistrement de la demande de l’intéressé par la commission vaut confirmation de la décision de refus. “ ; qu’aux termes de l’article 19 de la loi du 12 avril 2000 : “ Toute demande adressée à une autorité administrative fait l’objet d’un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. Ce décret détermine les cas dans lesquels il n’est pas accusé réception des demandes en raison de la brièveté du délai imparti à l’autorité pour répondre, ou lorsque la demande n’appelle pas d’autre réponse que le service d’une prestation ou la délivrance d’un document prévus par les lois et les règlements .(…) Les délais de recours ne sont pas opposables à l’auteur d’une demande lorsque l’accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa.” ; qu’aux termes de l’article 3 du décret du 6 juin 2001 : “ L’accusé de réception n’est pas délivré : (…) 2° Lorsque la demande tend à la délivrance d’un document ou au service d’une prestation prévus par les lois et règlements pour laquelle l’autorité administrative ne dispose d’aucun autre pouvoir que celui de vérifier que le demandeur remplit les conditions légales pour l’obtenir “ ;
5. Considérant que, contrairement à ce que soutient le département de la Moselle, il ne résulte d’aucune des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 modifiée qu’elle aurait défini un régime juridique dérogeant aux dispositions générales fixées par la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; qu’ainsi, sont applicables aux demandes de communication de documents administratifs les dispositions, énoncées aux articles 18 et suivants de la loi du 12 avril 2000, relatives au régime des décisions prises par les autorités administratives ;
6. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que les informations publiques communicables de plein droit, figurant dans les documents détenus par les services d’archives publics, qui constituent des services culturels au sens des dispositions de l’article 11 de la loi du 17 juillet 1978, relèvent de la liberté de réutilisation consacrée par cette loi, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 29 avril 2009 ; qu’il appartient toutefois à l’autorité compétente, saisie d’une demande de réutilisation de ces documents, de s’assurer qu’il s’agit de documents communicables et que cette réutilisation satisfait notamment aux exigences qu’imposent les dispositions de l’article 13 de cette loi qui, s’agissant d’informations publiques comportant des données à caractère personnel, renvoient aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ; qu’ainsi, et même lorsque, comme en l’espèce, elle n’a pas encore établi de règlement fixant les conditions dans lesquelles les informations peuvent être réutilisées, l’autorité administrative ne se trouve pas dans le cas où elle ne dispose d’aucun autre pouvoir que celui de vérifier que le demandeur remplit les conditions légales pour la délivrance d’un document ; que, par suite, la demande présentée par la société Notre Famille.com devait faire d’objet d’un accusé de réception ;
7. Considérant que la demande présentée par la société requérante a été reçue par le département de la Moselle le 20 juillet 2009 ; qu’une décision implicite de rejet est née le 20 août suivant ; que si ce n’est que le 30 mars 2010 qu’elle a saisi la commission d’accès aux documents administratifs, son recours devant ladite commission n’était cependant pas tardif faute pour le département de la Moselle d’avoir accusé réception de la demande reçue le 20 juillet 2009 ; qu’en conséquence, c’est à tort que le tribunal administratif a rejeté comme manifestement irrecevable le recours contentieux dont il était saisi, au motif de la tardiveté de la saisine de la commission d’accès aux documents administratifs ; qu’ainsi la société Notre Famille.com est fondée à soutenir que l’ordonnance attaquée doit être annulée ;
8. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Notre Famille.com devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur la recevabilité des conclusions à fin d’annulation
9. Considérant que tant dans sa demande initiale que dans sa saisine de la commission d’accès aux documents administratifs, la société requérante n’avait pas fait mention des cahiers de recensement des années 1810 et 1818 ; que sa demande ne portait pas davantage sur les instructions, états et circulaires, qui ne constituent pas des listes nominatives susceptibles d’être indexées ; qu’ainsi le département de la Moselle n’a pu opposer de refus portant sur une demande de communication de ces documents ; qu’il est donc fondé, dans cette mesure, à soutenir que les conclusions dirigées contre un prétendu refus tendant à la communication des mouvements de population de l’année 1810 pour la ville de Metz, des tableaux de recensement de l’année 1818 pour les arrondissements de Metz, Sarreguemines et Thionville et des instructions, états et circulaires 1809-1831 pour les dénombrements sont irrecevables ;
Sur la légalité du refus de communication
10. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 4 de la loi du 17 juillet 1978 : “ L’accès aux documents administratifs s’exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l’administration : a) Par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ; b) Sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d’une copie sur un support identique à celui utilisé par l’administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret ; c) Par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique. “ ;
11. Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, la société requérante ne conteste pas que, comme le fait valoir le département de la Moselle, la collection départementale des listes nominatives de dénombrements quinquennaux a été presque entièrement pilonnée s’agissant de la période 1801-1872 et que, pour la période 1872-1918, de tels recensements de la population n’ont pas eu lieu ; que, de plus, le département indique dans sa défense sans être contredit qu’après “ vérification complète, seul un document entre dans la catégorie de ceux qui intéressent la société requérante (réf.188 M8/2 : “ liste nominative de la commune de Lening “, 1851), les autres documents n’étant pas nominatifs et donc non indexables “ ; qu’ainsi seul ce dernier document doit être regardé comme susceptible de correspondre à la demande de la société requérante, laquelle n’était pas imprécise contrairement à ce que soutient le département défendeur, et de lui être communiqué par le service départemental des archives de la Moselle ;
12. Considérant que si le département fait valoir qu’il entend bien reconnaître à la société requérante la possibilité d’accéder aux documents d’archive en sa possession et qu’ils peuvent être consultés en accès libre au service départemental d’archives et reproduits dans les conditions qui lui ont été exposées par lettre du 28 juin 2010, il ne peut toutefois être regardé comme ayant ce faisant respecté les dispositions de l’article 4 de la loi du 4 janvier 1978, qui prévoient que la communication des documents s’effectue au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l’administration ; que l’absence de fichiers numérisés des documents demandés n’est pas de nature à justifier que la communication de la liste nominative de la commune de Lening pour l’année 1851 s’effectue seulement par consultation sur place et délivrance de copie après cette consultation ; que le département ne fait pas état de contraintes techniques qui auraient rendu impossible qu’il soit proposé à la société requérante la délivrance et l’envoi aux frais de celle-ci du document demandé sans qu’elle soit tenue de le consulter au préalable sur place ; que, dans ces conditions, le refus implicite né le 30 mai 2010 est entaché d’illégalité et doit être annulé ;
13. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 17 juillet 1978 : “ (…) Lorsqu’une administration mentionnée à l’article 1er est saisie d’une demande de communication portant sur un document administratif qu’elle ne détient pas mais qui est détenu par une autre administration mentionnée au même article, elle la transmet à cette dernière et en avise l’intéressé. (…) “ ;
14. Considérant que, s’agissant de la période 1918-1931, le département de la Moselle fait valoir que les listes nominatives de dénombrement n’ont pas été remises aux archives départementales mais à des administrations spécifiques telles l’Office des statistiques d’Alsace-Moselle ayant son siège à Strasbourg, service supprimé au plus tard à la fin de l’année 1944, et qu’il ne lui incombe pas de rechercher quel service serait aujourd’hui en possession de ces archives ; que, toutefois, dès lors que, selon ses propres écritures, le département n’ignorait pas que l’Office des statistiques d’Alsace-Moselle avait été rattaché à l’administration des finances, il lui appartenait de transmettre à cette dernière la demande de communication dont il avait été saisi par la société Notre Famille.com, sans qu’il puisse se retrancher derrière une prétendue impossibilité d’y procéder, faute de disposer des informations utiles ; que le refus implicite né le 30 mai 2010 de transmettre la demande de la société requérante à l’administration des finances est également entaché d’illégalité et doit être annulé ;
15. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Notre Famille.com est seulement fondée à demander l’annulation de la décision implicite née le 30 mai 2010 en tant qu’elle porte rejet de sa demande de communication de la liste nominative de la commune de Lening pour l’année 1851 et refus de transmission à l’administration des finances de sa demande de communication des cahiers de recensement afférents à la période 1918-1931 ;
Sur les conclusions à fin d’injonction
16. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le conseil général de la Moselle a adopté le 16 juin 2011 le règlement relatif à la réutilisation d’informations publiques détenues par le service départemental des archives ; qu’eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement pour son exécution que le département de la Moselle, d’une part, propose à la société requérante un accès à la liste nominative de la commune de Lening pour l’année 1851 dans des conditions conformes aux dispositions applicables de la loi du 17 juillet 1978 ainsi qu’à son règlement du 16 juin 2011, d’autre part, transmette à l’administration des finances la demande de la société requérante, en tant qu’elle porte sur des documents afférents à la période 1910-1931 ; qu’il y a lieu de lui enjoindre d’y procéder dans le délai d’un mois à compter de sa notification ; qu’il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative
17. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du département de la Moselle le versement à la société Notre Famille.com d’une somme de 1500 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit à la demande présentée par le département de la Moselle au même titre ;
DÉCISION
Article 1er : L’ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Strasbourg en date du 8 décembre 2010 est annulée.
Article 2 : La décision implicite du président du conseil général de la Moselle née le 30 mai 2010 est annulée en tant qu’elle porte rejet de la demande de la société Notre Famille.com, tendant à la communication de la liste nominative de la commune de Lening pour l’année 1851 et refus de transmission à l’administration des finances de sa demande de communication des cahiers de recensement afférents à la période 1918-1931.
Article 3 : Il est enjoint au département de la Moselle de proposer à la société Notre Famile.com un accès à la liste nominative de la commune de Lening pour l’année 1851 dans des conditions conformes aux dispositions applicables de la loi du 17 juillet 1978 ainsi qu’à son règlement du 16 juin 2011 et de transmettre à l’administration des finances la demande de la société requérante, en tant qu’elle porte sur des documents afférents à la période 1910-1931, dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le département de la Moselle versera une somme de 1500 € (mille cinq cents €) à la société Notre Famille.com en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions du département de la Moselle tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Notre Famille.com et au président du conseil général de la Moselle.
La cour : M. Vincent (président), M. Joseph Pommier (rapporteur), Mme Ghisu-Deparis (rapporteur public)
Avocat : SCP Peignot Garreau
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