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Jurisprudence : Responsabilité

vendredi 29 juillet 2016
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Tribunal de commerce de Rennes, jugement du 30 juin 2016

Tendriade-Collet / SFR et SFD

devoir de conseil - dysfonctionnements - obligation de résultat - opérateur de téléphonie - téléphonie

FAITS ET PROCEDURE

La société Tendriade Collet est un abattoir spécialisé dans la transformation et la vente de produits soumis à des dates limites de consommation très courtes. Son réseau de communication est un outil important pour l’exercice de son activité.

Démarchée par SFD, distributeur des services de SFR, Tendriade a signé le 18 mars 2014 avec SFR un contrat portant sur la fourniture de services de téléphonie mobile pour de la voie et des données qui a pris effet le 1er mai 2014.

Dès la prise d’effet du contrat, les services proposés par SFR ont révélé des dysfonctionnements.

Par courriers du 26 juin et du 29 juillet 2014, Tendriade a mis en demeure SFD, distributeur des services SFR, de réaliser toutes les actions permettant d’apporter les services attendus. Ces courriers sont restés sans effet.

Tendriade a fait constater par Huissier le 5 août 2014 l’impossibilité d’utiliser les services de SFR.

Tendriade a résilié de façon unilatérale le contrat signé à effet du 25 septembre 2014, demande adressée à SFD par courrier le 8 août 2014.

En l’absence de réponse, le conseil de Tendriade a fait parvenir une nouvelle lettre à SFR en date du 21 octobre 2014.

Tendriade a reçu le 26 novembre 2014 un courrier aux termes duquel SFR reconnaît que son distributeur a été informé des difficultés rencontrées par Tendriade mais qu’elle n’avait pas pu mettre en oeuvre ses compétences puisque les précédents courriers ne lui étaient pas destinés directement. SFR conclut que la résiliation devait respecter les conditions contractuelles, à savoir le paiement des sommes restant à courir jusqu’à l’expiration de la période minimale.

Dans un second courrier en date du 5 mars 2015, SFR a notifié à Tendriade la résiliation du contrat selon les dispositions contractuelles établissant le montant de sa créance à la somme de 56 563.77 Euros. Elle informait Tendriade que son dossier était transmis ou service contentieux.

C’est dans ce contexte que Tendriade assigne SFR devant le Tribunal de Commerce pour obtenir la résolution du contrat et la réparation du préjudice subi.

Par acte introductif d’instance en date du 27 mars 2015 remis à personne par Maitre Julie Lamotte, Huissier de Justice à PARIS, la société Tendriade Collet France a assigné la société SFR devant le Tribunal de Commerce de Rennes.

SFR a soulevé l’incompétence territoriale du Tribunal de Commerce de Rennes.
Par Jugement du 17 juillet 2015, le Tribunal a retenu sa compétence.

SFR a ensuite conclu au fond arguant notamment n’avoir pas été informée des difficultés rencontrées par son client, la société Tendriade Collet.

La société Tendriade Collet a donc fait assigner en intervention forcée la société SFD, distributeur des solutions SFR, par acte du 12 novembre 2015.

L’affaire a été évoquée à l’audience publique du 19 avril 2016.

La société Tendriade Collet avait pour avocat la Selarl Nouveau Monde Avocats, représentée par Maitre Bernard Lamon, Avocat au Barreau de Rennes.

La société SFR était représentée par la SCP d’Avocats Piriou-Metz-Nicolas, représentée par Maitre Guillaume Metz, Avocat au Barreau de Versailles.

Le jugement mis en délibéré sera contradictoire et rendu en premier ressort, compte tenu du montant de la demande en principal.

Il sera prononcé par mise à disposition au Greffe, les parties en étant informées à l’audience conformément à l’article 450 du Code de Procédure Civile.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Les parties présentes ou représentées ont déposé à l’audience à l’issue de leurs plaidoiries et à l’appui de leurs argumentations et moyens développés l’ensemble des pièces et justificatifs considérés comme indispensables et nécessaires à la justification de leurs prétentions et, conformément aux dispositions de l’article 455 du CPC, lecture en a été faite en délibéré et le Tribunal y fait expressément référence.

Pour la société Tendriade Collet, en demande,
Vu les articles 1134 et 1184 du Code Civil
Vu les articles 48 et 700 du Code de Procédure Civile
– Dire que SFR n’a pas rempli son obligation de résultat
– Dire que c’est à bon droit que la société Tendriade Collet a mis fin de manière unilatérale à la relation contractuelle
– Prononcer la résolution du contrat conclu le 18 mars 2014
– Conclure que la créance de SFR d’un montant de 56 563.77 EUROS n’est pas fondée
– Dire que SFD n’a pas rempli son obligation de conseil
– Condamner SFR solidairement avec SFD à payer à la société Tendriade Collet la somme de 50 000 EUROS au titre des dommages et intérêts
– Condamner SFR et SFD à payer à la société Tendriade Collet la somme de 8000 EUROS au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
– Condamner SFR et SFD ou paiement des entiers dépens,
– Prononcer l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Pour les sociétés SFR, SFD, en défense,
Vu les articles 1134, 1146, 1147, 1148 et 1150 du Code Civil,
Vu l’article 9 du Code de Procédure Civile,
– Dire et juger la SAS Tendriade Collet irrecevable et mal fondée en ses moyens et demandes et l’en débouter en toutes fins qu’ils comportent, à l’encontre tant de la société SFR que de la société SFD,
– Prononcer la mise hors de cause de la société SFD,
– Recevoir la société SFR en ses demandes reconventionnelles et l’y déclarer bien fondée

En conséquence,
– Prononcer la résiliation du contrat cadre ayant lié les parties aux torts exclusifs de la SAS Tendriade Collet
– Condamner la SAS Tendriade Collet à payer à la société SFR une somme de 56 563.77 Euros avec intérêts de droit à compter du 5 mars 2015, date de la mise en demeure et ce, jusqu’à parfait paiement,
– Condamner la SAS Tendriade Collet à payer à la société SFR une somme de 5000 Euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC
– Condamner la SAS Tendriade Collet à payer à la société SFD une somme de 2500 Euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir
– Condamner la SAS Tendriade Collet aux entiers dépens.

DISCUSSION

Sur la demande principale
Attendu que le demandeur prétend que :
– SFR n’a pas rempli son obligation de résultat quant à la qualité de son service de télécommunications,
– Tendriade a signalé comme il convenait de le faire ces problèmes à son interlocuteur SFD
– le contrat doit donc être résilié
– des dommages et intérêts doivent être versés solidairement par SFR et SFD son distributeur
– subsidiairement, si le tribunal considère que SFR n’a pas été suffisamment informée des dysfonctionnements en cours. SFD a doublement manqué à ses obligations personnelles d’une part, en ne vérifiant pas la qualité du réseau dans les locaux de Tendriade et d’autre part, pour ne pas l’avoir informée. à réception des deux lettres recommandées avec avis de réception qu’il fallait procéder de telle ou telle manière avec l’opérateur.
Qu’elle justifie de cette prétention au moyen notamment de courriers d’alerte à SFD et d’un constat d’huissier :

Attendu que les sociétés SFR et SFD, pour leur défense, demandent au tribunal de :
– prononcer la résiliation du contrat cadre ayant lié les parties aux torts exclusifs de Tendriade Collet.
– condamner Tendriade Collet à payer une somme de 56 563.77 Euros avec intérêts de droits à compter de la mise en demeure du 5/3/2016,

Qu’elle justifie de cette prétention au moyen de la résiliation unilatérale du contrat par Tendriade Collet et de la facturation correspondant à la durée d’engagement contractuel restant à courir.

Attendu que l’article 1134 du Code Civil dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les couses que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi »·

a) Sur l’obligation de résultat

Attendu que Tendriade a conclu par l’intermédiaire de SFD un contrat auprès de SFR pour la fourniture de service de téléphonie pour la voie et les données signé le 18 mars 2014 avec prise d’effet au 1er mai 2014.

Attendu que l’article 1147 stipule que cc Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retord dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

Attendu que pour les opérateurs de téléphonie, la qualité de service doit être assurée en application des dispositions de l’article D 98-4 du Code des Postes et Télécommunications électroniques suivant :

« – Règles portant sur les conditions de permanence, de qualité et de disponibilité du réseau et du service.
I.- Conditions de permanence du réseau et des services.
L’opérateur doit prendre les dispositions nécessaires pour assurer de manière permanente et continue l’exploitation du réseau et des services de communications électroniques et pour qu’il soit remédié aux effets de la défaillance du système dégradant la qualité du service pour l’ensemble ou une partie des clients, dans les délais les plus brefs. Il prend toutes les mesures de nature à garantir un accès ininterrompu aux services d’urgence.
L’opérateur met en oeuvre les protections et redondances nécessaires pour garantir une qualité et une disponibilité de service satisfaisantes.
II.- Disponibilité et qualité du réseau et des services.
L’opérateur met en oeuvre les équipements et les procédures nécessaires, afin que les objectifs de qualité de service demeurent au niveau prévu par les normes en vigueur en particulier au sein de I’UIT et de l’ETSI, notamment pour ce qui concerne les taux de disponibilité et les taux d’erreur de bout en bout.
L’opérateur mesure la valeur des indicateurs de qualité de service définis par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dans les conditions prévues par l’article L. 36-6. L’Autorité peut demander la certification des méthodes de mesure de la qualité de service. Les modalités de mise à disposition du public du résultat de ces mesures sont fixées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dans les mêmes conditions ».

Attendu que l’obligation qui découle de cet article D98-4 CPCE est d’ordre public.

Attendu qu’en matière de téléphonie mobile, la Cour d’appel de Versailles a jugé dans un arrêt du 4/02/2004 : « attendu qu’en sa qualité de prestataire de services, Oronge est tenu à une obligation de résultat envers l’abonné, qu’elle est présumée responsable de tout dysfonctionnement sauf à elle de rapporter la preuve d’une cause étrangère ».

Vu le décret 2012-488 du 13/4/2012 modifiant les obligations des opérateurs de téléphonie mobile en matière notamment de qualité de service,

Que dès lors le Tribunal dira que dans le cadre du contrat liant les parties, SFR est débitrice d’une obligation de résultat.

b) Sur la résolution du contrat

Attendu que l’article 1184 du Code Civil stipule « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans tes contrats synallagmatiques pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances »·

Attendu que Tendriade a alerté son distributeur SFD au moyen de deux courriers de mise en demeure du 26 juin et du 29 juillet 2014,

Attendu que dans son courrier du 26 novembre 2014, SFR reconnaît la communication de dysfonctionnements à son distributeur SFD,

Attendu que Tendriade est un abattoir exerçant une activité de transformation et de vente de produits frais soumis à des dates limites de consommation très courtes, son réseau de communication constituant un outil indispensable à l’exercice de son activité, et qu’elle s’est trouvée confrontée aux dysfonctionnements des services SFR et à l’inertie de cette dernière pour apporter les correctifs nécessaires.

Attendu cependant que la société Tendriade Collet n’a pas respecté les conditions particulières et spécifiques du contrat cadre ONE, paragraphe 7, visant les modalités de notification des incidents.

Que dès lors le Tribunal dit que la société Tendriade Collet n’avait d’autre choix, en l’absence de réponses de SFR ou de son distributeur SFD, que de contacter un nouvel opérateur et demander la résiliation de son contrat auprès de SFR, prononcera la résiliation du contrat cadre One aux torts de SFR et jugera que le paiement des sommes réclamées restant à courir n’est pas justifié.

c) Sur le défaut de conseil de la société SFD

Attendu qu’en sa qualité de revendeur de solutions SFR, la société SFD est tenue à une obligation de conseil et d’information notamment à l’égard d’un client profane et ce tout au long de la relation client.

Attendu qu’au stade de la conclusion du contrat, SFD a manqué à son obligation de conseil en ne vérifiant pas la qualité du réseau dans les locaux de la société Tendriade Collet,

Attendu que SFD n’a pas répondu aux deux lettres recommandées avec avis de réception successives qui lui étaient adressées par Tendriade Collet.

Attendu que SFD n’a pas alerté son client quant aux modalités de signalement des incidents en sa qualité de distributeur des services SFR.

Que dès lors le Tribunal dira que la société SFD a manqué à ses obligations contractuelles.

Attendu que la société SFD sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du CPC.

d) Sur le préjudice

Attendu que la société Tendriade Collet n’apporte pas la preuve du préjudice financier qu’elle a subi,

Que dès lors, le Tribunal la déboutera de ses demandes. fins et conclusions de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle

Attendu que le Tribunal déboutera SFR de ses demandes, fins et conclusions de ce chef.

Attendu que le Tribunal déboutera les parties du surplus de leurs demandes.

Sur l’article 700 du CPC et les dépens

Attendu qu’il serait inéquitable que la société Tendriade Collet la charge des frais et honoraires dont elle a fait l’avance. le tribunal condamnera la société SFR solidairement avec SFD au paiement de la somme de 8000 € au titre de l’article 700 du CPC,

Attendu que la société SFR et SFD seront condamnées aux entiers dépens.

DECISION

Le Tribunal, après en avoir délibéré collégialement, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort prononcé par sa mise à disposition au Greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dons les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile :

– Dit que SFR n’a pas rempli son obligation de résultat.

– Dit que c’est à bon droit que la société Tendriade Collet a mis fin de manière unilatérale à la relation contractuelle,

– Prononce la résiliation du contrat conclu le 18 mars 2014,

– Conclut que la créance de SFR d’un montant de 56 563.77 EUROS n’est pas fondée.

– Dit que SFD n’a pas rempli son obligation de conseil,

– Déboute SFR de toutes ses demandes, fins et conclusions.

– Déboute SFD de sa demande au titre de l’article 700.

– Déboute Tendriade Collet du surplus de ses demandes, fins et conclusions

– Condamne SFR solidairement avec SFD à payer à la société Tendriade Collet la somme de 8000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Condamne SFR et SFD au paiement des entiers dépens.

Liquide les frais de greffe à la somme de 111,17 euros tels que prévu aux articles 69 5 et 701 du
CPC.

Le Tribunal : Franck Pinard (président), François Flaud, Caroline Maillard (juges), Pierre Vetillard (greffier)

Avocats : Me Bernard Lamon, Me Guillaume Metz, Me Virgile Thibaut

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