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Jurisprudence : E-commerce

mardi 02 octobre 2018
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Cour de cassation, ch. civile 1, arrêt du 12 septembre 2018

Mme X. / Cometik

activité principale - consommateur - contrat - contrat hors établissement - droit de rétractation - professionnel non spécialiste - site internet

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 23 mai 2017), que, le 17 juillet 2014, hors établissement, Mme X., architecte, a souscrit auprès de la société Cometik un contrat de création et de licence d’exploitation d’un site Internet dédié à son activité professionnelle, ainsi que d’autres prestations annexes ; que, le 2 septembre suivant, elle a dénoncé le contrat ; que, déniant à Mme X. le droit de se rétracter, la société l’a assignée en paiement ;

Attendu que la société Cometik fait grief à l’arrêt d’anéantir les effets du contrat, de la condamner à rembourser à Mme X. les sommes par elle versées en exécution de celui-ci et de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que l’objet d’un contrat entre dans le champ de l’activité principale du professionnel lorsqu’il participe à la satisfaction des besoins de l’activité professionnelle ; que la cour d’appel a elle-même retenu que le contrat conclu le 17 juillet 2014 par Mme X. portait « notamment sur la création d’un site Internet dédié à son activité » ; qu’en retenant pourtant que ce contrat n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article L. 121-16-1, III, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 121-16-1, III, devenu L. 221-3 du code de la consommation, que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l’objet n’entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code ;

Attendu qu’ayant souverainement estimé que la communication commerciale et la publicité via un site Internet n’entraient pas dans le champ de l’activité principale de Mme X., architecte, la cour d’appel n’a pu qu’en déduire que celle-ci bénéficiait du droit de rétractation prévu par l’article L. 121-21 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; que le moyen n’est pas fondé ;

DÉCISION

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Cometik aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour la société Cometik.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir anéanti tous les effets du contrat du 17 juillet 2014 conclu entre Mme X. et la société Cometik, et d’avoir condamné cette dernière à rembourser à Mme X. toutes les sommes versées au titre de ce contrat ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE

« Sur l’exercice du droit de rétractation : que nul ne discute que, dans le cadre de la loi du 17 mars 2014, les parties au contrat disposent d’un droit de rétractation qui s’exerce conformément aux articles L121-17, L121-21 et L121-21-1 du code de la consommation (devenus L221-18 et suivants du même code depuis la mise en application de l’ordonnance du 14 mars 2016) ; qu’il en découle, les informations relatives au droit de rétractation n’ayant pas été fournies, que Mme X. bénéficierait, dans ce cadre, d’un délai de rétractation de 14 jours prolongé de 12 mois à compter de la conclusion du contrat ; que l’intéressée a rétracté son engagement 47 jours après cet événement ; que la seule question en débat est donc celle de l’applicabilité au contrat signé par Mme X. et la société Cometik, des dispositions du code de la consommation ; que l’article L121-16-1 précise, en son point III, que les sous-sections 2, 3, 6, 7 et 8, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ; qu’il n’est pas discuté que le contrat a été conclu hors établissement et que Mme X., professionnel sollicité, n’employait pas de salariés. Les parties ne s’opposent que sur le point de savoir si l’objet du contrat entre dans le champ de l’activité principale de Mme X. ; que l’appelant soutient que tel n’est pas le cas au motif que les prestations visées au contrat servent les besoins professionnels de l’intéressée, le seul critère pertinent pour déterminer ce point étant celui de l’utilité des prestations commandées pour l’exercice de l’activité principale du professionnel sollicité ; qu’il n’y aurait, dans la logique de cette position, aucune différence entre la situation actuelle et celle antérieure au 17 mars 2014, qui écartait les dispositions protectrices du code de la consommation s’agissant d’un contrat relatif à des prestations ayant un rapport direct avec les activités professionnelles de la personne sollicitée ; que pourtant, même si l’exposé des motifs de la loi du 17 mars 2014 ne présente aucune explication sur ce point, ces deux formulations ne peuvent être considérées comme strictement équivalentes ; qu’il convient au surplus d’observer que, si ce texte de loi est motivé par la nécessité d’intégrer en droit interne une directive européenne (2011/83/UE), ce dernier texte ne vise que les rapports entre consommateurs et professionnels et ne définit pas les conditions dans lesquelles un professionnel pourrait bénéficier de la protection réservée aux consommateurs ; que dès lors deux éléments doivent être pris en compte : que d’une part la dynamique des textes dont les formulations doivent être analysées au regard de leur évolution ; qu’il est certain qu’un système de communication visant à porter à la connaissance du public une activité, fût-elle étrangère au domaine de la communication électronique, a un rapport direct avec cette activité, puisqu’il a vocation à en faciliter l’exercice ; mais qu’il n’entre pas nécessairement dans le champ de cette activité qui, contrairement à ce qu’affirme l’appelant, n’est pas défini par l’utilité d’un tel système pour celle-ci, mais bien par les caractéristiques particulières du service en cause, rapportées à celles de l’activité qu’il a vocation à servir ; que d’autre part la logique du système normatif qui, en tant qu’instrument de protection de l’un des contractants, est légitimé par le déséquilibre existant entre un professionnel connaissant parfaitement le service qu’il propose et un tiers, ignorant dans ce domaine ; qu’à cet égard le simple fait que le service commandé serve l’activité professionnelle de la personne sollicitée ne confère à celle-ci aucune qualité de nature à rééquilibrer les rapports contractuels alors que tel est le cas si ce service présente des caractéristiques propres conformes à celles de l’activité de cette personne, ou à tout le moins suffisamment proches ; qu’il faut en déduire que le contrat conclu le 17 juillet 2014 entre Mme X., auto entrepreneur dans le domaine de l’architecture, et la société Cometik concernant la création d’un site internet, n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité ; que le jugement sera en conséquence confirmé » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE

« Sur le droit de rétractation : que la loi « consommation » n° 2014-344 du 17 mars 2014 dite « loi Hamon » transpose en droit français la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs et introduit en son article 5 une définition du consommateur : « au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » ; que la notion de non-professionnel subsiste ; qu’une nouvelle section « contrats conclus à distance et hors établissement » entre dans le code de la consommation, qui est en partie applicable entre professionnels ; que l’article L. 121-16-1, III° du code de la consommation prévoit que certaines des nouvelles dispositions sont applicables « aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq » ; que sont notamment applicables les dispositions de l’article L. 121-1 selon lequel « Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5. Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle. Le délai mentionné au premier alinéa du présent article court à compter du jour : 1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l’article L. 121-16-2 ; 2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens et les contrats de prestation de services incluant la livraison de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat. Dans le cas d’une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d’une commande d’un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce. Pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai court à compter de la réception du premier bien » ; l’article L. 121-17 prévoit que : « I.- Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : 1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2. 2 Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ; 3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ; 4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 121-21-5 ; 5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 121-21-8 l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ; 6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat. II.- Si le professionnel n’a pas respecté ses obligations d’information concernant les frais supplémentaires mentionnés au I de l’article L. 113-3-1 et au 3° du I du présent article, le consommateur n’est pas tenu au paiement de ces frais. III.- La charge de la preuve concernant le respect des obligations d’information mentionnées à la présente sous-section pèse sur le professionnel » ; que selon l’article L. 121-21-1 : « Lorsque les informations relatives au droit de rétractation n’ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° du I de l’article L. 121-17, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l’article L. 121-21. Toutefois, lorsque la fourniture de ces informations intervient pendant cette prolongation, le délai de rétractation expire au terme d’une période de quatorze jours à compter du jour où le consommateur a reçu ces informations » ; qu’en l’espèce et dans un premier temps il y a lieu d’apprécier la finalité de l’achat et d’interpréter ce que recouvre l’activité du professionnel et pour cela vérifier si la prestation entre dans le champ de l’activité principale du professionnel en se référant à la notion de compétence professionnelle ; que dans un second temps ; si les conditions de la mise en oeuvre du délai de rétraction sont remplies ; qu’il est constaté que le contrat a été conclu hors établissement et que Mme X. a moins de 5 salariés, exerçant seule sa profession d’architecte d’intérieur ; que le contrat conclu avec la SARL Cometik est destiné à la promotion de son activité par la création et le référencement d’un site internet ; que Mme X. n’a pas de connaissance professionnelle particulière dans le domaine du contrat, et la création de site n’apparait pas indispensable à l’exercice de son activité, Mme X. ayant exercé préalablement son activité sans site internet ; que si la communication commerciale et la publicité via un site internet peuvent apparaître comme des outils importants du développement marketing d’une société, il n’est pour autant pas encore partie intégrante du champ de compétente de tout professionnel, notamment pour Mme X., architecte d’intérieur exerçant seule ; que Mme X. pouvait donc bénéficier d’un droit de rétractation ; que le contrat est bien un contrat de fourniture d’un contenu numérique non fourni sur un support matériel, et ni les dispositions générales, ni les dispositions particulières ne portent mention d’une information de la perte du droit de rétractation ou par la fourniture du contenu dudit contrat avant l’expiration du délai de rétractation ; que Mme X. a exercé son droit de rétractation 47 jours après la signature du contrat et respecte ainsi les règles prévues à l’article L. 121-21-1 du code de la consommation ; qu’en vertu de l’article L. 121-21-4 du code de la consommation, lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel est tenu de rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées ; que conformément à l’article L. 121-21-6 du code de la consommation, le consommateur qui a exercé son droit de rétractation d’un contrat de fourniture d’un contenu numérique non fourni sur un support matériel n’est redevable d’aucune somme si le professionnel n’a pas recueilli son accord exprès pour l’exécution du contrat avant la fin du délai de rétractation ; qu’il y a donc lieu de dire le droit de rétractation valable et ayant anéanti le contrat ; que la SARL Cometik est de fait condamnée à rembourser à Mme X. toutes les sommes versées par elle depuis le début du contrat » ;

ALORS QUE

L’objet d’un contrat entre dans le champ de l’activité principale du professionnel lorsqu’il participe à la satisfaction des besoins de l’activité professionnelle ; que la cour d’appel a elle-même retenu que le contrat conclu le 17 juillet 2014 par Mme X. portait « notamment sur la création d’un site internet dédié à son activité » (arrêt, p. 2, alinéa 1er) ; qu’en retenant pourtant que ce contrat n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé l’article L. 121-16-1, III, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause.


La Cour :
Mme Batut (président)

Avocats : SCP Boulloche, SCP Delamarre et Jehannin

Source : legifrance.gouv.fr

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