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Jurisprudence : Marques

vendredi 25 avril 2003
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Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 2ème section 25 avril 2003

Neocom Multimedia / Luckysurf.com

droit d'auteur - marques - nom de domaine

FAITS ET PROCEDURE

La société Neocom Multimédia est propriétaire de la marque française semi-figurative « Lucky » n°1379435, renouvelée le 10 octobre 1996, déposée pour désigner dans la classe n°38 « tous services de communication » et exploitée dans le cadre de services télématiques « 36.15 Lucky » et services en ligne « Lucky.fr ».

Elle revendique également des droits d’auteur sur le terme « Lucky » en tant que titre d’œuvres multimédia et des droits privatifs sur le code minitel « 36.15 Lucky » ainsi que sur le nom de domaine « Lucky.fr ».

Elle constata que la société Luckysurf.com exploitait un site de communication sur le réseau dans le cadre duquel elle utilisait les termes « Luckysurf » et « Luckysurf.com » pour désigner une loterie permettant de gagner jusqu’à un million de dollars US, ce site étant accessible par des noms de domaine qui reproduisaient le signe « Luckysurf ».
Ainsi par acte du 23 avril 2002, la société Neocom Multimédia a-t-elle fait assigner la société Luckysurf.com pour voir constatée la contrefaçon ainsi réalisée de sa marque « Lucky » et du titre « Lucky » de l’œuvre constitué par le service télématique qu’elle exploite, et l’usurpation fautive de son code télématique « 36.15 Lucky ».

Outre les mesures d’interdiction et de publication d’usage, elle sollicite la condamnation de la défenderesse à lui verser une somme de 250 000 € à titre de dommages-intérêts, le tout avec exécution provisoire.

La société Luckysurf.com lui oppose qu’aucun risque de confusion ne peut exister entre la marque semi-figurative de la demanderesse et la dénomination « Luckysurf », et surtout que les services en cause ne sont pas similaires.
Elle fait valoir en outre que la société Neocom Multimédia ne démontre nullement être titulaire de droits d’auteur sur le titre « Lucky » et qu’en tous cas un tel titre est dépourvu d’originalité tout comme en est dépourvu le service de jeux individualisé par ce titre.

Quant à l’usurpation alléguée, du code télématique « Lucky », la défenderesse soutient que les demandes formées sur ce fondement supposent la preuve de la commission d’actes distincts, de ceux incriminés au titre de la contrefaçon et que cette preuve n’est pas rapportée en l’espèce.
Elle conclut au débouté de l’ensemble des prétentions de la demanderesse et à la publication de la présente décision.

DISCUSSION

Sur la contrefaçon de la marque

Attendu que la marque semi-figurative acquise par la société Neocom Multimédia a été déposée et renouvelée pour désigner les services de la classe n°38 suivants : « Tous services de communication comprenant notamment la communication téléphonique, télématique, la transmission de messages, tous services destinés à l’information du public ».

Attendu qu’elle ne vise aucun autre service et notamment pas les services de jeux pour la désignation desquels la dénomination litigieuse est utilisée.

Attendu que le seul fait que ces services de jeux étaient mis en ligne sur le réseau internet est suffisant pour considérer que ceux-ci sont similaires aux services de communication désignés par la marque « Lucky ».

Attendu que le dépôt d’une marque pour désigner les seuls services de la classe numéro 38 ne saurait conférer à son titulaire un monopole sur tout usage de ce signe pour désigner un site internet, quel que soit le contenu de celui-ci.

Qu’en l’absence de similarité des services en cause, les demandes de la société Neocom Multimédia fondées sur une contrefaçon par imitation de la marque Lucky ne peuvent qu’être rejetées.

Sur le titre « Lucky »

Attendu que la société Neocom Multimédia précise avoir racheté en 1998 à la société Mediapropres l’ensemble de son activité télématique développée sur la dénomination « Lucky », à savoir : la marque du même nom, les services télématiques « 36.15 Lucky » et les services en ligne « Lucky.fr ».

Attendu qu’en réponse à la société défenderesse qui lui oppose qu’elle ne prouve pas avoir acquis de droits patrimoniaux sur le titre « Lucky », elle réplique qu’en rachetant le service Lucky, elle a nécessairement acquis l’ensemble des droits sur cette dénomination et notamment les droits d’auteur.

Mais attendu qu’à supposer que le titre « Lucky » qui identifie une œuvre multimédia de jeux, soit original, il demeure que ce n’est pas la société demanderesse qui l’a divulgué sous son nom puisqu’elle a acquis, en 1998, les services de jeux précités, déjà désignés sous l’appellation « Lucky ».

Attendu que dans l’acte de cession aucune disposition ne fait état des droits d’auteur éventuellement attachés au titre « Lucky ».

Attendu qu’en l’absence de tout élément permettant d’établir l’existence et a fortiori l’étendue de la cession alléguée, la société Neocom Multimédia est irrecevable à agir sur le fondement de droits d’auteur.

Sur l’usurpation du code télématique Lucky

Attendu que le terme « Lucky » est également un nom de code minitel dont la société Neocom Multimédia est devenue titulaire pour l’avoir acquis de la société Mediapropres qui avait mis en œuvre ce service minitel en 1992.

Attendu que la société demanderesse est dès lors bien fondée à soutenir que le nom de code « 36.15 Lucky » constitue un signe distinctif pour la défense duquel l’action en concurrence déloyale lui est ouverte.

Attendu à cet égard que les services de jeux proposés par la défenderesse sont identiques à ceux proposés sous le nom de code télématique « 36.15 Lucky ».

Attendu que les dénominations à prendre en considération sont d’une part « 36.15 Lucky » et d’autre part « Luckysurf.com ».

Attendu que les utilisateurs de ces services de jeux sont familiers des quelques termes anglosaxons qui ont cours dans ce domaine parmi lesquels figure nécessairement le terme « Lucky » ; qu’ils comprendront dès lors, sans difficulté, que ledit terme signifie « Chanceux » et renvoie simplement à la situation qui peut être la leur à l’issue du jeu.

Attendu que la distinctivité du terme « Lucky » étant faible, l’adjonction du suffixe « surf » donne à l’ensemble « Luckysurf » une configuration propre dont il n’est pas établi qu’elle puisse générer un risque de confusion.

Attendu que la demande de publication de la présente décision n’est nullement justifiée par les considérations de l’espèce.

Qu’il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles par elle exposés.

DECISION

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort,

. Déclare la société Neocom Multimédia irrecevable à agir sur le fondement de droits d’auteur,

. La déboute pour le surplus de ses prétentions,

. Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du ncpc,

. Condamne la demanderesse aux entiers dépens.

Le tribunal : M. Girardet (vice président), Mmes Saint Schroeder et Darbois (vice présidentes)

Avocats : Me Yves Coursin, SCP Coblence Desponds Gagnepain et associés

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.