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Jurisprudence : Vie privée

mercredi 13 février 2002
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Tribunal de Grande Instance de Paris 13ème chambre Jugement du 13 février 2002

Antoine C. / SA TATI et Ministère Public

accès non autorisé à un système de traitement automatisé de données

Faits et procédure

A.C. est prévenu d’avoir à Paris et en tout cas sur le territoire national, entre novembre 1997 et novembre 2000 et en tout cas depuis temps non prescrit, accédé ou s’être maintenu, frauduleusement, dans un système de traitement automatisé de données, en l’espèce le système de traitement automatisé de données de la SA Tati, faits prévus par l’article 323-1 alinéa 1 du code pénal et réprimés par les articles 323-1 alinéa 1 et 323-5 du code pénal.

L’affaire a été appelée, successivement, aux audiences du 23 janvier 2002, pour première audience au fond et renvoyée pour délibération et ce jour pour prononcé du jugement.

A l’appel de la cause, le président a constaté l’identité du prévenu et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.

Les débats ont été tenus en audience publique.

Le président a donné connaissance des faits motivant la poursuite.

Le président a instruit l’affaire et a interrogé le prévenu sur les faits et a reçu ses déclarations.

Me Grabli, avocat du barreau de Paris, au nom de la SA Tati, partie civile, a été entendue, après dépôt de conclusions visées par le président et le greffier, en ses demandes et plaidoirie.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Me Itéanu, avocat du barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie pour A.C., prévenu.

A.C., prévenu, a présenté ses moyens de défense et a eu la parole en dernier.

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Puis, à l’issue des débats tenus à l’audience publique du 23 janvier 2002 à 13 h 30, le tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé le 13 février 2002 à 13 h 30.

A cette date, vidant son délibéré conformément à la loi, le président, en l’absence des autres magistrats ayant participé au délibéré, a donné lecture de la décision.

Motifs

Sur l’action publique :
Attendu que le prévenu a déclaré qu’une fonction du navigateur Netscape permettait d’afficher dans le navigateur l’ensemble du contenu du serveur Tati ; qu’il a indiqué, à titre de démonstration lors de son interrogatoire par les services de police, avoir procédé à une copie d’écran démontrant qu’à partir de la page d’accueil du site Tati, il choisissait les fonctions « communicator », puis « outils du serveur », puis « service de la page », fonctionnalités présentes sur tous les navigateurs Netscape ; que dans « services de la page », l’ensemble du contenu du serveur s’affichait sous forme d’arborescence ; qu’en consultant les liens HTML, il avait trouvé notamment le listing de clients apparaissant dans le journal « Newbiz », fichier de type « .mdb » dans lequel la société Tati enregistrait le résultat de questionnaires posés aux internautes, dans lequel apparaissaient les noms, adresses et autres données personnelles des visiteurs du site ayant bien voulu répondre à des questions personnelles, fichier qui comportait selon lui 4 000 entrées ;

Attendu qu’aucun élément de la procédure ne démontre que le prévenu ait fait usage, pour avoir accès au fichier « clients » ci-dessus, d’autres manipulations que celles qu’il a décrites ; que la société Tati ne démontre pas que le fichier litigieux ait été protégé par des codes ou clés d’accès que le prévenu se serait trouvé dans la nécessité de forcer pour accéder audit fichier ; qu’il résulte, au contraire, de messages e-mail produits par le prévenu et adressés par celui-ci à la société Ogilvy Interactive, hébergeur du site Tati, et signalant à celle-ci des failles dans le système de protection de données, que cette société ne disconvient pas de l’existence de ces failles ; qu’il résulte de ces éléments que le fichier litigieux était accessible par la seule utilisation des fonctionnalités du navigateur Netscape ;

Attendu que l’article 226-17 du code pénal réprime le fait de procéder ou de faire procéder à un traitement automatisé d’informations nominatives sans prendre toutes les précautions utiles pour préserver la sécurité de ces informations, et notamment d’empêcher qu’elles ne soient communiquées à des tiers non autorisés ; que si cette obligation incombant à la société Tati n’apparaît pas avoir été respectée en l’espèce, ce non-respect ne constitue en aucun cas une excuse ou un prétexte pour le prévenu d’accéder de manière consciente et délibérée à des données dont la non-protection pouvait être constitutive d’une infraction pénale ; qu’en accédant à plusieurs reprises au fichier litigieux et en le téléchargeant, le prévenu, qui fait d’ailleurs état dans ses déclarations de la loi qui fait obligation aux sociétés de protéger les données nominatives collectées, avait nécessairement conscience que son accès et son maintien dans le site de la société Tati étaient frauduleux ; qu’il y a lieu en conséquence d’entrer en voie de condamnation à son encontre ;

A.C. n’ayant pas été condamné au cours des cinq années précédant les faits, pour crime ou délit de droit commun, aux peines prévues par les articles 132-30, 132-31 et 132-33 du code pénal, peut bénéficier du sursis simple dans les conditions prévues par les articles 132-29 et 132-34 de ce même code.

Sur l’action civile :
Attendu, sur la constitution de partie civile de la société Tati, que celle-ci ne saurait se prévaloir de ses propres carences et négligences pour arguer d’un prétendu préjudice, en réalité subi par les personnes victimes éventuelles de violations de leur vie privée ; qu’il y a lieu, en conséquence, de débouter cette société de ses demandes.

Par ces motifs

Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l’encontre de A.C., prévenu, à l’égard de la SA Tati, partie civile :

Sur l’action publique :
. déclare A.C. coupable pour les faits qualifiés d’accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, faits commis du 1er novembre 1997 au 30 novembre 2000, à Paris et sur le territoire national ;

. vu les articles susvisés, condamne A.C. à une amende délictuelle de 1 000 € ;

. vu les articles 132-29 et 132-34 du code pénal, dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine dans les conditions prévues par ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l’avertissement, prévu à l’article 132-29 du code pénal, au condamné que s’il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l’objet d’une condamnation qui sera susceptible d’entraîner l’exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu’il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du code pénal.

Sur l’action civile :
. déclare recevable la constitution de partie civile de la SA Tati ;

. déboute la SA Tati de ses demandes.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 90 € dont est redevable A.C..

Le tribunal : M. Noël Miniconi (vice-président), Mme Jelena Kojic et M. Jean-Paul Etienne (Juge), M. Michel Frézouls (substitut du procureur de la République).

Avocat : Mes Olivier Itéanu et Elisabeth Grabli.

Notre présentation de la décision

 
 

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