Jurisprudence : Marques
Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 1ère section Jugement du 31 octobre 2006
Iliad / Google, Helios Service
contrefaçon - liens commerciaux - marques - moteur de recherche - mots clés - publicité - référencement - responsabilité - site internet
FAITS ET PROCEDURE
La société Iliad exploite le service d’annuaire Annu :
– via le service minitel « 3617 Annu » depuis fin 1994 (qui permet une recherche inverse afin d’identifier un abonné à partir de son numéro, une recherche nationale à partir d’un numéro incomplet, à partir d’un nom incomplet, sur une implantation géographique donnée ou sur une cinquantaine de pays,
– un site internet « annu.com » depuis 1998,
– depuis février 2000, un service de renseignement téléphonique,
– depuis juin 2002, un service SMS au numéro 61007.
Elle est titulaire de deux marques :
– Annu n°1 75 2029 déposée le 9 mai 1989 désignant entre autres services des banques de données et services de vidéo textes,
– Annu n°97 661 680, marque semi figurative constituée du terme Annu dans une police particulière, déposée le 30 janvier 1997 désignant la publicité, la gestion de fichiers informatiques, la location de temps d’accès à un centre serveur de base de données.
Elle détient également des droits sur ses codes télématiques de type minitel (3617 Annu) et de son nom de domaine internet (annu.com).
Ayant découvert que le moteur de recherche Google mettait en ligne deux liens commerciaux lorsqu’un internaute tapait le signe Annu, à savoir www.annuaire-inverse.net et « www.quitel.net », elle a fait assigner par acte du 30 juin 2004, la société Helios, la société Google Inc et la société Google France aux fins de voir dire que l’activation de ces liens met en jeu la responsabilité de ces sociétés ; qu’elles ont commis des actes de contrefaçon de ses marques et de détournement de ses codes minitel et de son nom de domaine.
Dans ses dernières conclusions en date du 3 avril 2006, la société Iliad a fait valoir que les deux liens commerciaux cités plus haut qui appartiennent à la société Helios, sont accessibles à l’adresse Annu.com et apparaissent à la même hauteur que sa propre référence alors qu’elle dispose seule des droits sur ces signes déposés comme marque et qu’en application de l’article L 713-2 et L 713-3 du code de la propriété intellectuelle les conditions de la contrefaçon sont remplies à savoir la reproduction du mot clé Annu pour des services identiques ;
qu’il est incontestable que la société Helios a, en utilisant le mot clé annu, et les sociétés Google en activant la publicité et l’offre commerciale à partir dudit mot clé commis des actes de contrefaçon ; que l’annonceur a utilisé le signe Annu pour désigner et diriger les internautes vers ses propres services d’annuaire qui sont des services identiques à ceux protégés par les marques invoquées et que la société Google a sélectionné le signe « annu » en fonction de sa spécialité et a activé ce lien pour diriger les internautes vers des services identiques.
Elle a ajouté que ces agissements constituent également un détournement parasitaire de la partie distincte du code minitel et de son nom de domaine. A titre subsidiaire, elle a prétendu que la responsabilité des sociétés Google peut également être abordée au regard des dispositions des articles L 713-5 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil.
Elle a soutenu que ses marques sont notoires car elles sont connues d’un grand public et qu’elles ont été consacrées comme telles par la jurisprudence. Un sondage réalisé en novembre 2004 par la Sofres montre que le service Annu est connu de 53% des français et que le pourcentage atteint 73% parmi les français qui utilisent des annuaires électroniques, qu’ainsi la première condition de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle est remplie car les marques Annu sont renommées et que la seconde l’est aussi puisque l’emploie des marques Annu dans des mots clés lui est préjudiciable.
Elle a contesté la demande de déchéance de ses marques formée par la société Google en la considérant comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.
Elle a sollicité des mesures d’interdiction sous astreinte, de publication judiciaire sur les pages d’accueil des sites « annuaire-inverse.net » et « quitel.net » ainsi que sur les pages d’accueil du site Google sous astreinte de 5000 € par jour de retard et de condamnation pécuniaire in solidum des trois sociétés défenderesses à hauteur de 200 000 €.
La société Iliad a demandé au tribunal de :
Juger que l’activation de liens commerciaux et publicitaires à partir du mot clé « Annu » pour promouvoir et permettre l’accès à des services identiques à ceux exploités par la société Iliad sous ses propres signes distinctifs Annu engage la responsabilité des sociétés Helios, Google Inc et Google France ;
Juger que les sociétés Helios, Google Inc et Google France ont commis des actes de contrefaçon des marques Annu n°1 752 029 et 97 661 680 au sens des articles L 713-2, voire L 713-3 (pour la marque 97 661 680) du code de la propriété intellectuelle ;
Juger que les sociétés Helios, Google Inc et Google France se sont rendues coupables d’actes de détournement du signe Annu pris en tant que code minitel et nom de domaine internet de la société Iliad au sens des articles 1382 et 1383 du code civil ;
Subsidiairement en ce qui concerne la responsabilité des sociétés Google Inc et Google France,
Juger que les faits reprochés constituent un usage injustifié et préjudiciable des marques Annu au sens de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Juger qu’en permettant et en organisant ce type d’agissements les sociétés Google Inc et Google France ont commis des fautes civiles de parasitisme commercial au sens des dispositions de l’article 1382 du code civil et à tout le moins une imprudence fautive au sens de l’article 1383 du code civil ;
Faire interdiction aux sociétés Helios, Google Inc et Google France de permettre l’utilisation du signe Annu, seul ou en association avec un autre signe confusant et/ou préjudiciable pour activer des liens commerciaux et publicitaires pour promouvoir des activités et services identiques à ceux protégés par le signe Annu de la société Iliad ;
Dire que cette mesure d’interdiction sera assortie d’une astreinte de 5000 € par infraction constatée, laquelle commencera à courir dès la signification de la décision à intervenir ;
Condamner in solidum les sociétés Helios, Google Inc et Google France à payer à la société Iliad la somme de 200 000 € sauf à parfaire en réparation du préjudice subi ;
Ordonner à la société Helios de publier le dispositif de la décision à intervenir sur la page d’accueil des sites « annuaire-inverse.net » et « quitel.net » qu’elle édite ;
Ordonner aux sociétés Google Inc et Google France de publier le dispositif de la décision à intervenir sur la page d’accueil de leur site google.com et google.fr ;
Dire que ces mesures de publication sur les quatre sites devront être effectuées dans la quinzaine de la signification du jugement pendant une durée de 3 mois et ce, sous astreinte de 5000 € par jour de retard ;
Dire que ces mesures devront être effectuées sous le titre « Publication judiciaire » en caractères majuscules, et que le corps du texte de la publication ne saurait être inférieur à la taille des caractères utilisés sur le site lui-même ; enfin, dire que l’intégralité de la publication devra apparaître en première page du site et situé en haut de celle-ci ;
Autoriser la société Iliad à faire publier par extraits ou en entier la décision à intervenir dans 5 revues périodiques de son choix aux frais in solidum des sociétés Helios, Google Inc et Google France, à concurrence de la somme globale de 50 000 € HT ;
Dire que le tribunal se réservera l’éventuelle liquidation des astreintes ;
Assortir la décision de l’exécution provisoire ;
Rejeter l’intégralité des demandes reconventionnelles des défendeurs ;
Condamner in solidum les sociétés Helios, Google Inc et Google France à payer à la société Iliad la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc ainsi qu’à supporter la charge des dépens lesquels seront recouvrés directement par Me Yves Coursin, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du ncpc.
Par conclusions en date du 6 juin 2006, la société Helios a fait valoir que les sociétés Google vendent des espaces publicitaires dont font partie les liens commerciaux adwords ; qu’elles offrent un service d’assistance au choix des mots clés pour une optimisation de ces liens commerciaux, qu’en conséquence, elles interviennent de façon active dans le choix des mots clés notamment en proposant des mots clés supplémentaires.
Elle a décrit la procédure qu’elle a suivie pour créer ses liens commerciaux et a précisé que Google préconisait des termes comme annuaire, Annu, SFR, Bouygues etc…, que sa propre campagne publicitaire a commencé le 5 janvier 2004 et a cessé le 27 mai 2004 estimant que le retour sur investissement était décevant.
Elle a indiqué que le nombre de clics sur Annu était de 3,9% et que l’utilisation du terme Annu était invisible pour l’internaute.
En conséquence, elle a soutenu que les éléments matériels de la contrefaçon n’étaient pas réunis car elle a utilisé la marque Annu comme référence nécessaire au sens de l’article L 713-6 du code de la propriété intellectuelle et que le risque de confusion n’est pas démontré, qu’il en est de même pour le parasitisme ou le préjudice.
Elle a sollicité le rejet de toutes les mesures d’interdiction et de publication judiciaire et la garantie des sociétés Google.
La société Helios a sollicité du tribunal de :
Dire que le mot clé Annu n’a pas été utilisé à titre de marque dans le cadre du référencement adwords des sites de la société Helios ;
Dire qu’aucun acte matériel de reproduction ou d’usage illicite du signe Annu n’a été commis lors de la sélection par la société Helios du signe à titre de mot clé sur les recommandations de Google ;
Dire qu’aucun risque de confusion n’existe entre les services désignés dans le dépôt de la marque concernée et les services promus grâce aux liens commerciaux, à savoir les sites « quitel » et « annuaire inversé », dans la mesure où lesdits liens ne permettent en aucune manière de tromper le public sur l’origine des services de la société Iliad et de ceux de la société Helios ;
Dire qu’aucun détournement du nom de domaine « annu.com » ni du code 3617 Annu n’a été commis par la société Helios et que le choix du terme Annu à titre de mot clé en tant qu’abréviation d’un service d’annuaire constitue une pratique commerciale loyale.
En conséquence,
Dire qu’en sélectionnant parmi les mots clés proposés par Google le terme Annu permettant de faire apparaître sous le terme lien commercial la description et l’adresse des sites internet de la société Helios, cette dernière n’a pas commis de contrefaçon par reproduction ou usage illicite des marques Annu pour des services similaires à ceux désignés par les dépôts desdites marques, aucun risque de confusion dans l’esprit du public n’ayant été créé ;
Dire en outre que le prétendu détournement des codes télématiques Annu par la société Helios conjointement avec les sociétés Google Inc et Google France n’est pas constitué et ne porte pas sur un élément distinct de ceux allégués au titre de contrefaçon ;
Dire en tout état de cause qu’en ayant fait figurer sous l’intitulé « liens commerciaux » la description et l’adresse des deux sites, la société Helios n’a commis aucune manœuvre déloyale ni acte de parasitisme, aucun risque de confusion entre les sites litigieux n’ayant été créé ;
A titre subsidiaire
Dire que la société Iliad ne démontre ni l’existence d’un préjudice subi, ni son lien de causalité avec les agissements de la société Helios, ni son étendue, compte tenu de la durée réduite de la campagne et de son faible impact ;
Débouter à la société Iliad de l’ensemble de ses demandes d’indemnisation,
Débouter la société Iliad de ses demandes de mesures de publication, d’interdiction et d’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
A titre infiniment subsidiaire
Dire que les sociétés Google Inc et Google France doivent répondre des risques liés à l’utilisation de son outil, le générateur de mots clés et que les conditions générales d’adwords et plus particulièrement la clause d’exonération de responsabilité n’ayant pas été acceptées par la société Helios lui sont inopposables ;
Dire que par si extraordinaire, le tribunal devait considérer ces conditions générales comme applicables, la société Google doit répondre de sa faute à l’égard de la société Helios en lui ayant fourni les moyens de choisir le terme Annu marque protégée en tant que mots clés ;
Condamner en conséquence la société Google à garantir la société Helios de tous risques d’éviction résultant de l’utilisation de son outil, le générateur de mots clés, et de toutes condamnations éventuelles prononcées à son encontre ;
Débouter la société Google de ses demandes à l’encontre de la société Helios sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou civile ;
En tout état de cause
Condamner tout succombant à verser à la société Helios la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du ncpc ;
Condamner tout succombant aux dépens.
Par conclusions du 13 mars 2005, les sociétés Google ont présenté le service de référencement Adwords, la procédure de création d’un lien commercial et ont affirmé qu’elles ne suggèrent aucun mot clé.
Elles ont soutenu que leur responsabilité ne peut être mise en cause car elles bénéficient du régime exonératoire des hébergeurs internet tel que fixé par la loi du 21 juin 2004.
Elles ont précisé qu’aucun acte de contrefaçon ne peut être personnellement imputé à Google car le choix des mots clés est sous la maîtrise exclusive des exploitants des sites référencés et que Google ne fournit aucun conseil.
Elles ont contesté que l’intervention de Google à travers son outil dénommé « générateur de mots clés » soit à l’origine d’une contrefaçon et qu’elles n’ont en tout état de cause pas personnellement exploité la marque Annu.
Elles ont enfin dénié que la méthode de ciblage mise en œuvre par le service clientèle d’un concurrent constitue une pratique honnête et loyale participant du libre jeu de la concurrence ; elles ont rappelé qu’elles n’ont commis personnellement aucun acte d’usurpation, qu’il n’y a aucun rapport de concurrence entre Iliad et Google.
Elles ont indiqué qu’il n’était pas démontré que la marque Annu soit notoire et qu’aucune mise en cause de leur responsabilité ne peut leur être imputée car elles ne peuvent être tenues de procéder à un contrôle préalable des liens adwords et car elles ont traité avec diligence la plainte de Iliad en désactivant le lien litigieux avant même l’introduction de l’instance.
Elles ont précisé qu’elles ont mis en place une procédure de réclamation à laquelle la société Iliad n’a pas jugé opportun de recourir.
Elles ont contesté l’existence même d’un préjudice subi par la société Iliad, demandé la garantie de la société Helios et sollicité le rejet de toutes les mesures d’interdiction et de publication judiciaire.
Elles ont formé une demande reconventionnelle en déchéance des marques pour défaut d’usage.
Les sociétés Google Inc et Google France ont sollicité du tribunal de :
A titre principal
Sur le terrain de la contrefaçon,
Dire que le mot clé Annu n’a pas été utilisé à titre de marque dans le cadre du référencement adwords du site de la société Helios,
Dire que Google n’est pas l’auteur des faits de contrefaçon allégués, le choix des mots clés ainsi que le contenu du lien commercial étant sous la maîtrise exclusive de l’éditeur concerné,
Dire que les produits et services exploités par Google sont différents de ceux visés par la marque de la demanderesse,
Dire qu’aucun risque de confusion n’existe entre les services de la demanderesse et ceux de Google,
Dire qu’aucun risque de confusion n’existe entre les services de la demanderesse et ceux de la société Helios dont les liens commerciaux sont sans ambiguïté quant à l’origine distincte des sites auxquels ils se réfèrent,
En conséquence,
Dire qu’en référençant un lien commercial pour le site société Helios sur la requête du mot clé Annu, Google n’a pas commis de contrefaçon par reproduction ou usage illicite de la marque verbale Annu n°1 752 029 pour les banques de données et service de vidéo texte et n’a pas commis de contrefaçon par reproduction ni par imitation de la marque semi figurative Annu n°97 661 680.
Sur la concurrence déloyale,
Dire que les possibilités offertes par les services adwords ne sont pas illicites,
Dire que le déclenchement d’une annonce commerciale de la société Helios par le terme de recherche Annu s’inscrit dans les limites de la libre concurrence,
Dire que la société Iliad n’allègue au titre de la prétendue usurpation de son nom de domaine et de son code télématique aucun fait distinct de ceux allégués au titre de la contrefaçon,
Dire en tout état de cause que Google n’a commis aucun acte de concurrence déloyale à l’encontre de la société Iliad, n’étant aucunement dans une situation de concurrence avec celle-ci en ne créant au demeurant aucun risque de confusion entre les sites litigieux,
Sur l’atteinte à la marque notoire,
Dire que la renommée de la marque verbale n°1 752 029 Annu et de la marque semi figurative Annu n°97 661 680 n’est pas rapportée,
Dire que la société Google n’a commis aucun acte susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle,
Sur l’application de l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986,
Dire que Google se borne à mettre à la disposition des éditeurs de site internet un système technique de référencement fonctionnant par l’intermédiaire de mots clés sélectionnés librement et sous leur propre responsabilité par les éditeurs souhaitant être référencés,
Dire que le stockage du contenue des annonces litigieuses de la société Helios sur le site adwords ainsi que des mots clés qui y sont associés dont le choix final incombe à la société Helios, s’analyse en une activité d’hébergement au sens de l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986,
Constater que la société Iliad n’a formulé aucune plainte auprès de la société Google visant à les informer de ses griefs à l’encontre des liens commerciaux www.annuaire-inverse.net et www.quitel.net de la société Helios,
Donner acte aux sociétés Google de ce qu’elles ont désactivé lesdits liens commerciaux et interdit l’usage ultérieur du signe Annu,
En conséquence, dire que Google doit être considéré comme un prestataire de stockage au sens de l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986,
Dire que les sociétés Google ont agi avec diligence pour faire cesser une situation illicite, avant même d’y être invitée par une autorité judiciaire alors même que les faits incriminés ne revêtaient pas manifestement un caractère illicite,
Dire que dans ces conditions, la responsabilité des sociétés Google ne saurait être engagée à raison du contenu des liens commerciaux www.annuaire-inverse.net et www.quitel.net de la société Helios et des mots clés qui y sont associés et ce, sur quelque fondement que ce soit,
Sur le terrain de la responsabilité civile,
Dire en tout état de cause que Google n’a pas commis de faute d’imprudence ou de négligence au sens des articles 1382 et 1383 du code civil,
Dire que les responsabilités des sociétés Google ne sauraient être engagées sur le fondement de l’article 1384 du code civil à raison du contenu informationnel d’un lien commercial et des mots clés qui déclenchent son apparition,
En conséquence,
Mettre hors de cause les sociétés Google,
Subsidiairement
Dire que la société Iliad ne démontre aucun préjudice dont les sociétés Google seraient les auteurs,
Débouter en conséquence la société Iliad de ses demandes tendant à la condamnation des sociétés Google à lui payer des dommages-intérêts, débouter la société Iliad de ses demandes tendant à la publication du jugement à intervenir,
A titre infiniment subsidiaire,
Constater qu’en application des conditions générales d’adwords souscrites par la société Helios cette dernière s’est engagée contractuellement à assumer l’entière responsabilité du contenu des liens adwords, ces mots clés et des options de ciblage librement choisi par elle, à garantir que l’utilisation du service adwords et le choix des mots clés n’enfreignaient pas les droits des tiers, notamment le droit des marques, et à garantir les sociétés du groupe Google contre toute action de tiers résultant de l’utilisation du service adwords,
Dans l’hypothèse vraiment très extraordinaire où le tribunal estimerait que la société Helios n’est pas liée par les conditions générales adwords susvisées,
Constater que la société Helios en tant qu’unique auteur du choix du mot clé Annu est à l’origine d’un fait engageant sa responsabilité civile délictuelle à l’encontre des sociétés Google France et Google Inc au sens de l’article 1382 du code civil,
Condamner la société Helios à relever et à garantir les sociétés Google France et Google Inc de leurs condamnations,
Débouter la société Helios de ses demandes à l’encontre des sociétés Google France et Google Inc sur le fondement de la garantie d’éviction,
Condamner la société Helios aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit du cabinet Herbert Smith,
La condamner à régler aux sociétés Google la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du ncpc.
A titre reconventionnel,
Dire que la marque verbale Annu n°1 752 029 ainsi que la marque semi figurative Annu n°97 661 680 n’ont jamais été exploitées pour des services autres que les services de consultation d’annuaire en ligne,
Prononcer la déchéance de la marque verbale Annu n°1 752 029 avec effet à compter du 29 mars 2004 soit à l’issue de la période d’inexploitation courant depuis le 29 mars 1999 et ce pour l’ensemble des produits couverts par cette marque,
Prononcer la déchéance de la marque semi figurative Annu n°97 661 680 avec effet à compter du 29 mars 2004 soit à l’issue de la période d’inexploitation courant depuis le 29 mars 1999 et ce pour l’ensemble des produits couverts par cette marque,
En tout état de cause,
Débouter la société Iliad de l’ensemble de ses demandes,
La débouter de sa demande d’exécution provisoire du jugement à intervenir,
Condamner la société Iliad à payer aux sociétés Google la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du ncpc,
La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit du cabinet Herbert Smith, avocat, en application de l’article 699 du ncpc.
La clôture a été prononcée le 26 juin 2006.
DISCUSSION
Des pièces versées au débat et des explications des parties, il apparaît constant que :
– la société Helios et la société Iliad sont des sociétés concurrentes partageant le même secteur d’activité, édition et exploitation de services audiotel, de services télématiques et de sites internet pour des annuaires,
– les sociétés Google offrent aux internautes un double service, d’une part la mise à disposition d’un moteur de recherche dont les résultats s’affichent sur la partie gauche de l’écran et d’autre part l’affichage de liens commerciaux qui constituent des publicités payées par les annonceurs disposant d’un site, liens qui apparaissent sur le coté droit de l’écran,
– dans le processus d’élaboration des liens commerciaux dans le système dénommé adwords par Google, les annonceurs sont amenés à choisir des mots clés qui, lorsqu’ils sont tapés par l’internaute dans le cadre d’une recherche, font apparaître les liens commerciaux ; lors de cette étape, les annonceurs sont guidés par le mode d’emploi élaboré par Google qui suggère des mots clés pertinents au regard de l’activité développée par les annonceurs en raison du nombre de clics qu’ils génèrent et ce en se basant sur un reporting interne, c’est-à-dire sur un bilan statistique évaluant le nombre de clics par mot clé, et leur impact,
– ce service d’annonces publicitaires en marge des résultats de la recherche sur le mot clé est un service payant, Google calculant sa rémunération en fonction du nombre de clics sur chaque lien commercial et du prix maximal accepté par l’annonceur (CPC) après sélection de son mot clé.
En l’espèce, la société Helios annonceur a choisi 132 mots clés pour activer son lien commercial dont le signe Annu, pour lequel le générateur de mots clés de Google avait indiqué qu’il faisait partie des mots clés « les plus usités par les utilisateurs » et qu’ainsi, « vous pouvez améliorer votre ciblage et votre taux de clics ».
Sur le bénéfice de la loi sur les hébergeurs internet
Les sociétés Google exercent effectivement une activité de mise à disposition du public par des services de communication en ligne de stockage d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature ; à ce titre elles bénéficient des dispositions de l’article 43-8 de la loi du 30 juin 1986 applicable au moment des faits, et ne peuvent voir leur responsabilité engagée du fait de ces activités ou des informations à condition de ne pas avoir connaissance de leur caractère illicite.
Cependant en l’espèce, elles ne sont pas recherchées pour un usage illicite du moteur de recherche mais pour des actes de contrefaçon ou de faute délictuelle dans le cadre de leur activité publicitaire développée par le moyen de l’affichage de liens commerciaux.
Cette activité s’apparente à une activité de régie de publicité qui offre des espaces publicitaires à ses clients moyennant finance et les sociétés Google ne peuvent en conséquence invoquer les dispositions protectrices de la loi du 30 septembre 1986.
Sur la notoriété des marques Annu
Iliad a versé des pièces au débat qui établissent la fréquentation importante de son service minitel 3617 Annu, de son service internet et de ses services SMS et téléphoniques (ses relevés de fréquentation), l’ampleur des investissements publicitaires effectués pour se faire connaître et développer son activité (ses tableaux comptables), et la reconnaissance des utilisateurs qui identifient le service Annu à 53% pour le grand public en général et de 72% des utilisateurs de ce type d’annuaires (un sondage réalisé par la Sofres). Par ailleurs, elle produit des décisions judiciaires qui ont déjà retenu sa notoriété.
Ainsi, il convient de constater au vue de l’ensemble de ces éléments, la notoriété de la marque Annu n°97 661 680 déposée le 30 janvier 1997 désignant la publicité, la gestion de fichiers informatiques, la location de temps d’accès à un centre serveur de base de données, c’est-à-dire les services d’annuaire en ligne et de la marque Annu n°1 752 029 déposée le 9 mai 1989 désignant entre autres services des banques de données et services de vidéo textes, qui concerne donc les services proposés dans le cadre du minitel, du téléphone mobile ou des SMS qui sont des services similaires à celui du service d’annuaire en ligne.
Sur la contrefaçon des marques Annu par la société Helios
La société Helios a reconnu avoir utilisé le mot clé Annu comme mot clé pour voir son site apparaître en marge droite des résultats de recherche effectués à partir de ce signe.
Elle a volontairement coché le terme Annu sachant qu’il s’agit de la marque d’un de ses concurrents, marque qui a été jugée notoire et qu’elle connaissait comme telle, de façon à apparaître en même temps que son concurrent quant un internaute cherchait à trouver le site de ce dernier.
Il importe en l’espèce peu à son égard que la société Google lui ait proposé ce terme car dans le cadre de sa propre activité qui consiste à proposer le même type de services d’annuaires en ligne, elle le connaît et l’a choisit en raison de la notoriété de cette marque et donc de l’attrait des consommateurs pour les produits qu’ils identifient grâce à cette marque.
L’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que :
« Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire,
a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction des mots clés tels que « formule, imitation, genre méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits et services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement. »
En l’espèce, il est constant que la société Helios a fait usage de la marque Annu n°97 661 680 déposée le 30 janvier 1997 désignant la publicité, la gestion de fichiers informatiques, la location de temps d’accès à un centre serveur de base de données, comme mot clé pour des produits et services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement, c’est-à-dire pour tenter de vendre ses propres services à la place de ceux de la société Iliad par le biais de ce lien commercial qui s’affiche à la même hauteur mais sur la droite que le site www.annu.com.
Il est faux de dire que l’internaute n’a pas pu constater l’utilisation de cette marque car c’est précisément en tapant le signe Annu que le lien hypertexte est apparu, ce signe restant d’ailleurs apparent sur la page d’ouverture du site.
La société Helios prétend qu’elle a utilisé le signe Annu comme diminutif nécessaire du terme annuaire et non comme étant la marque Annu.
Or il convient de rappeler qu’un diminutif n’est pas en soi nécessaire pour identifier un service ou un produit, et ce d’autant que le terme annuaire avait été choisi par la société Helios parmi ces 132 mots clés, que par le biais de la requête large, son site serait apparu à partir du terme annuaire ; enfin, celle-ci, concurrente directe de la société Iliad sur le secteur d’activité des annuaires en ligne, ne pouvait ignorer que le terme Annu était la marque de cette société et qu’elle commettait des actes de contrefaçon en le sélectionnant.
S’agissant de produits identiques (ce qui est le cas puisque la société Helios propose un service d’annuaires en ligne et il importe peu que l’accès à ces annuaires soit différent, à partir du nom incomplet ou à partir du numéro, le principe de l’annuaire étant le même), aucune confusion ne doit être alléguée.
En l’espèce, il est également constant que la société Helios a fait usage de la marque Annu n°1 752 029 déposée le 9 mai 1989 désignant entre autres services des banques de données et services de vidéo textes, comme mot clé pour des produits et services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, à savoir les services d’annuaires sur minitel, sur téléphone mobile ou par SMS, c’est-à-dire pour tenter de vendre ses propres services à la place de ceux de la société Iliad par le biais de ce lien commercial qui s’affiche à la même hauteur mais sur la droite que le site www.annu.com.
Il existe une confusion possible dans l’esprit de l’internaute qui peut penser que les sites « quitel.net » et « annuaire-inverse.net » sont édités par la même société que celle qui exploite la marque Annu dans ses services similaires.
En conséquence, les conditions de la contrefaçon des marques Annu n°1 752 029 déposée le 9 mai 1989 désignant entre autres services des banques de données et services de vidéo textes et Annu n°97 661 680 déposée le 30 janvier 1997 désignant la publicité, la gestion de fichiers informatiques, la location de temps d’accès à un centre serveur de base de données, au regard des articles L 713-3 du code de la propriété intellectuelle pour la seconde sont remplies à l’encontre de la société Helios.
Sur la contrefaçon des marques Annu par les sociétés Google
L’activité du système adwords, à savoir celle de régie publicitaire, n’est pas une activité illicite et il est d’usage de faire de la publicité à proximité des locaux des concurrents.
Il est habituel également dans les annuaires papier de voir apparaître des publicités pour une ou plusieurs sociétés aux pages relatives à leur activité, insérées au sein de la liste de tous les concurrents répertoriés dans l’annuaire.
Or en l’espèce, il n’est pas reprochée aux sociétés Google d’exercer leur activité de régie publicitaire, mais d’avoir commis des actes de contrefaçon ou de parasitisme en usant de façon illicite de deux marques notoires dans le cadre de leur activité de régie, c’est-à-dire en proposant à la société Helios de choisir le terme Annu, qui est un signe protégé et en l’utilisant elles-mêmes comme mot clé proposé, ce pour avoir une plus grande fréquentation du site par un grand nombre de clics et pour obtenir un meilleur ciblage des internautes.
Les sociétés Google ont élaborée un processus permettant aux annonceurs de choisir leurs mots clés ; à toutes les étapes des conseils sont donnés pour atteindre une meilleure efficacité dans le choix des mots clés et notamment il est porté à la connaissance des annonceurs les termes les plus utilisés pour leur domaine d’activité.
Lors de cette proposition de mots, aucun contrôle a priori n’est effectué par Google sur le caractère protégé ou non des signes proposés, le seul critère présidant à leur promotion étant le nombre de visites sur ces sites par les internautes, nombre statistique calculé à la seule initiative de Google.
Le mot Annu ayant été proposé par les sociétés Google, il convient d’examiner si l’usage de ce signe par elles dans le cadre non pas du moteur de recherche, mais du générateur de mots clés, constitue une contrefaçon des deux marques au regard des dispositions du code de la propriété intellectuelle.
Au regard les articles L 713-2 et L 713-3 du code de la propriété intellectuelle
La marque Annu n°1 752 029 déposée le 9 mai 1989 désigne entre autres services des banques de données et services de vidéo textes ;
Les sociétés Google n’ont pas une activité d’annuaires en ligne mais une activité de régie publicitaire.
En conséquence, les services exploités par la société Google ne sont ni identiques ni similaires et la demande de la société Iliad ne saurait prospérer sur ce fondement.
La marque Annu n°97 661 680, marque semi figurative constituée du terme Annu dans une police particulière, déposée le 30 janvier 1997 désigne la publicité, la gestion de fichiers informatique, la location de temps d’accès à un centre serveur de base de données.
L’activité de régie publicitaire n’est pas une activité de publicité mais de mise à disposition à des clients d’espaces publicitaires.
Là encore la condition d’identité ou de similarité des produits ou services contrefaits par l’usage de la marque n’est pas remplie.
Au regard de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle
L’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle dispose :
« L’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. »
En l’espèce, il n’est pas contestable que les sociétés Google ont utilisé et donc fait usage du terme Annu pour développer leur activité de régie publicitaire, puisque leur intérêt financier est d’être le mieux rémunérées possible par le nombre de clics et par le choix du coût maximal du clic pour les mots clés fort utilisés opéré par les internautes.
S’il est vrai que l’activité des sociétés Google dans le cadre du système adwords n’est pas similaire à celle de la société Iliad, cet élément est inopérant puisque le signe utilisé est une marque notoire, et que cette condition est exclue par l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle.
L’exploitation de la marque Annu ne trouve aucune justification puisque le terme annuaire était également retenu et permettait à la société Helios d’accéder à l’affichage publicitaire proposé par les sociétés Google.
La marque Annu en tant que mot clé ne peut être considérée comme un référencement nécessaire car d’autres termes tels que le nom commun annuaire permettent d’assurer le service de régie publicitaire offert aux annonceurs ; qu’il n’est pas démontré par des pièces versées au débat que le diminutif « annu » est devenu un terme usuel remplaçant dans le langage courant le terme annuaire.
L’utilisation de marques dans le générateur de mots clés n’a de sens que pour attirer un nombre plus important d’internautes qui connaissent les marques en raison des efforts publicitaires et promotionnels que les titulaires des marques ont développés.
De plus l’utilisation des marques notoires Annu est de nature à porter préjudice à son titulaire, la société Iliad, en lui faisant perdre la valeur de sa marque et en la dévalorisant.
Ainsi, les sociétés Google ont bien fait usage du terme Annu, marque jouissant d’une renommée, et cet usage est une exploitation injustifiée de cette marque.
Elles ne peuvent exonérer leur responsabilité du seul fait qu’elles ne sont pas tenues de mettre en place un système de contrôle préalable des mots clés utilisés par leurs clients ou proposés par son système adwords.
En effet, elles arguent d’un surcoût économique insurmontable qu’elles ne tentent même pas de le chiffrer, et qui en tout état de cause, constitue un élément relevant de leur totale appréciation et qui ne peut se définir comme une cause exonératoire.
Il appartient aux acteurs de la vie économique de faire des choix au vu des obligations mises à leur charge par les législations internationales et nationales et de répondre ensuite des conséquences de leurs choix quand une contravention aux règles en vigueur est arguée ou reconnue.
De même, le choix de mettre en place une procédure de réclamation est à la discrétion du management des sociétés Google qui peuvent tenter par tous moyens qui leur conviennent de régler les litiges nés de l’utilisation abusive de mots clés ; cependant, les sociétés Google ne peuvent contraindre les tiers à utiliser cette procédure de médiation et aucune conséquence ne peut être tirée du refus d’un tiers de se soumettre à cette procédure préalable.
En conséquence, les sociétés Google ont commis des actes de parasitisme des marques Annu en exploitant de façon injustifiée les marques notoires Annu.
La société Iliad forme également des demandes sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil au titre du parasitisme commercial mais elles sont fondées sur les mêmes faits à savoir le fait de proposer sciemment aux annonceurs comme mot clé pertinent le terme Annu qui est une marque notoire et donc de se situer dans le sillage de la notoriété de la marque Annu ;
Cette demande de parasitisme commercial sera donc déclarée irrecevable.
Sur le parasitisme des autres signes Annu
La demande de parasitisme est fondée sur l’utilisation fautive des noms de domaine, des noms de services minitel ou de SMS appartenant à la société Iliad.
Or, la société Helios en choisissant comme mot clé et les sociétés Google en les exploitant de façon injustifiée, n’ont pas commis de fautes à l’égard des codes télématiques de la société Iliad (3617 Annu et annu.com) car les faits incriminés reposent bien sur une utilisation abusive des marques Annu et non sur celle des codes télématiques qui sont précédés des chiffres « 3617 » ou suivies du signe « com ».
La société Iliad sera donc déboutée de ses demandes de parasitisme fondées sur l’utilisation fautive de ses codes télématiques.
Sur la déchéance des marques
Les sociétés Google demandent reconventionnellement la déchéance des marques Annu n°1 752 029 et n°97 661 680 pour non exploitation.
Cependant, elles ne motivent pas les raisons pour lesquelles elles forment cette demande et ne précisent pas si elles ont l’intention d’utiliser cette marque pour d’autres produits que ceux exploités par la société Iliad ni dans quel cadre.
En conséquence, elles ne démontrent aucun intérêt à agir de ce chef ; elles seront déclarées irrecevables à agir en déchéance des marques Annu n°1 752 029 et n°97 661 680.
Sur le préjudice
Il est constant que la durée de l’atteinte à la marque par la société Helios ou de l’usage injustifiée des marques Annu par les sociétés Google a duré du 5 janvier 2004 au 27 mai 2004, délai de la campagne publicitaire de la société Helios et qu’elle a cessé du fait de la désactivation des liens commerciaux et du mot clé Annu.
Il convient d’indiquer que contrairement à ce que disent les écritures des sociétés Google, la société Iliad ne forme aucune demande d’indemnisation relative au contenu des liens commerciaux mais seulement en raison de l’usage illicite de ses marques.
Du fait de l’atteinte incontestable portée aux deux marques notoires tant par la société Helios sur le fondement de l’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle que par les sociétés Google sur le fondement de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle, il convient de condamner in solidum les sociétés Helios et Google à payer à la société Iliad la somme de 50 000 € en réparation du préjudice subi.
Pour ce qui est du détournement de clientèle allégué à l’encontre de la société Helios, s’il est vrai qu’un certain nombre de clics lui ont été comptabilisés et facturés par les sociétés Google, ce qui représente le nombre de visiteurs sur ses sites à partir du lien hypertexte, il n’est donné au tribunal aucun élément permettant de calculer le détournement effectif de clientèle puisqu’une visite sur le site ne signifie pas nécessairement un achat ou le paiement d’un service.
En conséquence, en l’état des éléments du dossier, le détournement de clientèle n’est pas démontré dans son quantum et ne peut donc être indemnisé.
Aucun détournement de clientèle n’est allégué à l’encontre des sociétés Google.
Les faits de contrefaçon ayant eu lieu du 5 janvier 2004 au 27 mai 2004 et les sociétés Google ayant désactivé le lien commercial et enlevé le mot Annu des mots clés proposés aux annonceurs dans leur générateur de mots clés, il n’y a pas lieu de prononcer une mesure de publication judiciaire sur la page du site internet de la société Helios ou sur les pages d’ouverture des sites Google à titre de dommages-intérêts complémentaires, l’indemnisation de l’atteinte aux marques réparant suffisamment le préjudice subi.
Les mesures d’interdiction d’utilisation du terme Annu dans le générateur de mots clés sont sans objet, la société Helios ayant cessé toute campagne publicitaire sur le site de Google et les sociétés Google ayant cessé de proposer ce terme dans leur générateur de mots clés.
Sur les appels en garantie
• la garantie demandée par la société Helios
Il n’est pas contestable que la société Helios connaissait parfaitement l’existence des termes Annu car ce sont les marques notoires de son concurrent direct et qu’il lui appartenait de vérifier que ces signes n’étaient pas protégés pour les utiliser, qu’elle a choisi ce terme, comme il a été dit plus haut, pour son caractère fortement attractif auprès des internautes et consommateurs d’annuaires en ligne.
En conséquence, le fait que les sociétés Google aient présenté ce mot parmi les mots clés les plus usités pour le domaine d’activité concerné n’enlève rien à la responsabilité de la société Helios qui doit seule déterminer ses choix au regard des règles de la loyauté dans les affaires et de la législation protectrice des marques, sans pouvoir rechercher de garantie de sa propre faute ; elle avait en effet les moyens d’évaluer seule les conséquences de son choix.
Sa demande de garantie à l’encontre des sociétés Google sera rejetée comme mal fondée.
Sur la garantie demandée par les sociétés Google
Les sociétés Google ne rapportent pas la preuve de ce que la société Helios ait eu connaissance des conditions générales du système adwords au moment de son adhésion au système adwords et qu’elle les ait acceptées car aucun document n’est versé aux débats pour ce faire, ni aucune preuve d’un contrat accepté par signature électronique.
De surcroît, les sociétés Google exerçant par le biais du système adwords une activité de régie publicitaire ne peuvent se dégager de leur propre responsabilité générée par les actes qu’elles effectuent dans le cadre de cette activité.
En conséquence de quoi, les sociétés Google ne peuvent fonder leur demande de garantie sur l’exonération contenue dans ces conditions générales.
Les sociétés Google sont, en tout état de cause, condamnées non pour les choix effectués par l’annonceur Helios mais pour leur utilisation personnelle des mots clés à leur profit dans un système de générateur de mots clés dont elles sont les créatrices et qui leur bénéficie dans le cadre de leur activité de régie publicitaire.
Ainsi, elles ne peuvent faire supporter à d’autres et même à leurs cocontractants les conséquences de leurs propres agissements.
Elles seront déboutées de leurs demandes de garantie formées à l’encontre de la société Helios.
Sur les autres demandes
La nature de l’affaire est compatible avec l’exécution provisoire, celle-ci est nécessaire et sera ordonnée.
Les conditions sont réunies pour condamner in solidum les sociétés Helios, Google France et Google Inc à payer à la société Iliad la somme de 7000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc.
DECISION
Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,
. Dit que la société Helios a commis des actes de contrefaçon de la marque notoire Annu n°1 752 029 déposée le 9 mai 1989 désignant entre autres services des banques de données et services de vidéo textes au regard de l’article L 713-3 du code de la propriété intellectuelle et de la marque n°97 661 680 déposée le 30 janvier 1997 désignant la publicité, la gestion de fichiers informatiques, la location de temps d’accès à un centre serveur de base de données au regard de l’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle, en choisissant le mot clé Annu pour faire apparaître un lien publicitaire mentionnant son site internet, et ce du 5 janvier 2004 au 27 mai 2004,
. Dit que les sociétés Google Inc et Google France ont commis des actes de parasitisme en utilisant la marque notoire Annu n°1 752 029 déposée le 9 mai 1989 désignant entre autres services des banques de données et services de vidéo textes au regard de l’article L 713-3 du code de la propriété intellectuelle et de la marque n°97 661 680 déposée le 30 janvier 1997 désignant la publicité, la gestion de fichiers informatiques, la location de temps d’accès à un centre serveur de base de données, et plus précisément en exploitant le mot clé Annu pour faire apparaître des liens publicitaires dans le cadre de leur activité de régie publicitaire, et ce du 5 janvier 2004 au 27 mai 2004, au regard de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle,
. Déboute la société Iliad de ses demandes fondées sur l’usage abusif de ses codes télématiques,
. Déclare irrecevables les demandes de parasitisme commercial de la société Iliad fondées sur les articles 1382 et 1383 du code civil,
. Condamne in solidum la société Helios et les sociétés Google Inc et Google France à payer à la société Iliad la somme de 50 000 € pour atteinte à ses deux marques Annu n°1 752 029 déposée le 9 mai 1989 désignant entre autres services des banques de données et services de vidéo textes au regard de l’article L 713-3 du code de la propriété intellectuelle et de la marque n°97 661 680 déposée le 30 janvier 1997 désignant la publicité, la gestion de fichiers informatiques, la location de temps d’accès à un centre serveur de base de données,
. Déclare mal fondée la demande de réparation indemnitaire formée par la société Iliad à l’encontre de la société Helios en raison du détournement de clientèle opérée par celle-ci. L’en déboute
. Déboute la société Iliad de ses demandes de publication judiciaire et d’interdiction d’utilisation de ses marques Annu,
. Déclare les sociétés Google Inc et Google France irrecevables à agir en déchéance des marques Annu n°1 752 029 et n°97 661 680 pour défaut d’intérêt à agir,
. Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,
. Condamne in solidum les sociétés Helios et Google France et Google Inc à payer à la société Iliad la somme de 7000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc,
. Déboute la société Helios de sa demande de garantie formée à l’encontre des sociétés Google,
. Déboute les sociétés Google de leurs demandes de garantie formées à l’encontre de la société Helios,
. Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
. Condamne in solidum les sociétés Helios, Google France et Google Inc aux dépens.
Le tribunal : Mme Marie Claude Apelle (président), Mme Marie Courboulay (vice président), Mme Carole Chegaray (juge)
Avocats : Me Yves Coursin, Me Alexandra Neri, Me Véronique Proix
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.