Jurisprudence : Contenus illicites
Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé 02 juillet 2007
UDAF de l'Ardèche et autre / Linden Research et autres
constat - contenus illicites - forum de discussion - mineur - nullité - pornographie - preuve - site internet
PROCEDURE
Vu l’assignation délivrée les 25 et 29 mai 2007 par l’Union Départementale des Associations Familiales (UDAF) de l’Ardèche et la Fédération des Familles de France, suivant laquelle il est demandé en référé de :
Vu la loi n°2004-575 du 22 juin 2004 dite pour la confiance dans l’économie numérique, notamment son article 6-1.8, vu l’urgence, les dispositions des articles 808 et 809 du ncpc,
Vu les dispositions du code pénal et notamment ses articles 121-3 al. 1, 227-23 et 227-24,
Vu les dispositions du code de la santé publique et notamment ses articles L 3511-3, L 3511-4, L 3323-2, L 3323-3, L 3323-4 et 3421-4,
Vu la loi Evin n°91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme,
Vu les dispositions du ncpc et notamment ses articles 700 et 1382,
– se déclarer compétent,
– dire et juger que la société Linden Research est responsable en tant qu’éditeur du contenu du site internet www.secondlife.com qu’elle édite,
– dire et juger que la société Linden Research est coupable des faits qui lui sont reprochés aux termes des articles 227-23 et 227-24 du code pénal, L 3511-3, L 3511-4, L 3323-2, L 3323-3, L 3323-4 et L 3421-4 du code de santé publique, et de la loi Evin n°91-32 du 10/01/1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme,
– constater que le service de communication au public en ligne Second Life, publiquement accessible sur le territoire français à l’adresse www.secondlife.com, caractérise par son contenu une atteinte systématique et répétée aux lois de la République, et que la diffusion des messages et images occasionne un dommage dont il convient d’ordonner la cessation par application de l’article 6-1.8 de la Len,
En conséquence,
A titre principale,
– ordonner à la société Linden Research, en tant qu’éditeur et hébergeur, sous astreinte de 5000 € par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, exécutoire sur minute, d’empêcher efficacement toute mise à disposition aux mineurs à partir de leur serveur sur le territoire français, du site internet accessible à l’adresse www.secondlife.com,
– ordonner la réouverture des débats à l’issue d’un délai de 15 jours à compter de l’ordonnance à intervenir afin de vérifier que la société Linden Research a exécuté ses obligations, et à défaut, liquider l’astreinte prononcée, et statuer sur la demande de filtrage qui pourra être présentée à l’encontre des fournisseurs d’accès internet,
– se réserver la liquidation de l’astreinte prononcée,
– condamner la société Linden Research à verser aux demanderesses la somme de 20 000 € à titre provisionnel de dommages-intérêts,
– constater que les fournisseurs d’accès à internet ont été valablement informés du contenu du site www.secondlife.com,
A titre subsidiaire, en cas de non-comparution de la société Linden Research,
– faire injonction aux fournisseurs d’accès à internet (FAI), les sociétés Free, Neuf Cegetel, Tele2 France, T-Online France (Club internet), Telecom Italia (Alice ADSL), AOL France, Noos, Numéricable et Orange France, de mettre en œuvre toutes mesures propres à interrompre l’accès à partir du territoire français au contenu du service de communication en ligne hébergé actuellement à l’adresse www.secondlife.com,
– dire que chacun d’eux devra justifier auprès des demanderesses dans le délai de dix jours faisant suite au prononcé de la décision à intervenir, des dispositifs précisément mis en oeuvre à la fin demandée,
– ordonner une astreinte de 3000 € par jour de retard,
– se réserver la liquidation de l’astreinte prononcée,
– dire qu’à défaut d’agir promptement pour rendre impossible l’accès au site www.secondlife.com, les FAI précités sont susceptibles d’exposer leur responsabilité civile et/ou pénale,
– ordonner la réouverture des débats à l’issue d’un délai de 15 jours à compter de l’ordonnance à intervenir afin de vérifier que les sociétés défenderesses ont exécuté leurs obligations, et à défaut, liquider l’astreinte prononcée,
En tout état de cause,
– condamner solidairement la société Linden Research et les FAI à verser aux demanderesses la somme de 8000 € au titre des dispositions de l’article 700 du ncpc,
– condamner solidairement la société Linden Research et les FAI aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Cheron, avocat su barreau de Paris, conformément à l’article 699 du ncpc, y compris les constats établis par Me Albou,
– constater que l’exécution provisoire est de droit ;
Vu les conclusions des sociétés Linden Research, de la société Free, des sociétés Neuf Cegetel, T-Online France, Noos, Numéricable, des sociétés Tele2 France et Telecom Italia, les conclusions des sociétés AOL France et Orange France qui demandent à être mises hors de cause ;
Vu les conclusions de l’Association des Fournisseurs d’Accès et de Services Internet (AFA), et de la société France Telecom intervenant volontairement ;
FAITS
L’UDAF de l’Ardèche exposent que Second Life est un univers virtuel en trois dimensions, créé en 2003 par le concepteur, développeur et éditeur Linden Lab. En accès libre à partir du site internet secondlife.com, le programme fourni permet aux utilisateurs – les « résidents » – de vivre, grâce à une simulation leur permettant d’utiliser un personnage qu’ils ont créé – l’avatar – une « seconde vie » – second life – ,
Elles expliquent que la majeure partie du monde virtuel est créée par les joueurs eux-mêmes qui peuvent acquérir ou créer du contenu (bâtiments, vêtements, véhicules…), les échanges se faisant en Linden Dollars, monnaie virtuelle qui peut être échangée contre la monnaie réelle moyennant un taux de change fluctuant en fonction de l’offre et la demande (200 Linden dollars correspondent à environ 1 €).
Pour jouer à Second Life, il suffit de créer un compte gratuit sur le site officiel en remplissant quelques champs correspondant au pseudonyme choisi, à un mot de passe, puis de télécharger le personnage.
Cet univers est donc totalement conçu par la communauté des internautes au gré de leur imagination, comportant aussi bien des reproductions de lieux réels comme le Mont Saint-Michel, que des espaces totalement imaginaires.
Chaque créateur de contenu est juridiquement considéré comme son auteur, et libre de les commercialiser ; aussi, des industriels se sont d’ores et déjà installés dans cet univers afin d’assurer la promotion de leurs marques, ainsi que des administrations ou universités…
Elles indiquent que début mai 2007, on comptait plus de six millions d’utilisateurs, dont un peu moins de deux millions de résidents actifs sur soixante jours, un million d’euros étant échangé chaque 24 h par les résidents, et quelques centaines de résidents parvenant même à vivre de leurs activités économiques virtuelles ; Second Life rapporterait officiellement à son éditeur, Linden Lab 700 00 $ par mois, soit plus de 520 000 €.
Les demanderesses relèvent que les mineurs qui entrent leurs véritables dates de naissance pour s’enregistrer et créer un personnage doivent nécessairement fournir un numéro de carte bancaire, de téléphone ou de compte paypal détenu par un adulte, mais que si l’internaute mineur entre une date de naissance indiquant qu’il est majeur, aucun contrôle n’est alors effectué : à leur sens, l’ensemble des personnes, mineurs compris, s’inscrivent dès lors en indiquant une date de naissance imaginaire leur permettant d’accéder au jeu sans être astreint à communiquer des informations bancaires, éludant ainsi tout contrôle permettant d’interdire l’accès aux mineurs.
Or suivant leurs explications, on constate sur le site de nombreux agissements en infraction avec la législation française, les demanderesses s’appuyant sur des constats dressés par huissier.
Elles mettent en cause des messages pouvant être vus par les mineurs à caractère violent, pornographique et de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, et en particulier des messages à caractère pornographique représentant des mineurs.
Elles soulignent le fait que dans l’univers Second Life, les avatars, c’est-à-dire les personnages, à qui il est possible de donner l’aspect d’un enfant, ont par exemple la possibilité de se faire « greffer » un sexe masculin ou féminin, ainsi que d’avoir des relations sexuelles virtuelles, avec toutes les combinaisons possibles, avec la possibilité de reproduire grâce à un simple clic des relations sexuelles en particulier avec des prostituées virtuelles ; le système de forum de discussion mis en place représenterait dans ce contexte un moyen privilégié pour discuter avec le ou les partenaires durant l’action.
Elles ajoutent que des photographies pornographiques sont apposées sur certaines régions de « l’univers », que des sex-shops vendent des vidéos pornographiques, et que des liens permettent d’accéder directement à des sites internet pornographiques.
Elles invoquent diverses dispositions de la loi pénale, notamment l’article 227-24 du code pénal, soulignant qu’à leur sens les travaux préparatoires à l’entrée en vigueur de l’article 17 de la loi n°98-468 du 17 juin 1998 font ressortir la volonté de réprimer la diffusion, même sous forme d’images virtuelles, des représentations de mineurs à caractère pornographique.
Elles font valoir que le diffuseur est tenu d’une obligation de précaution, et que l’éditeur du site ne peut ignorer l’existence de tels messages, eu égard au fait que les zones concernées portent l’indication de la mention « mature » – « contenu pouvant choquer » – ou PG, – « Parental Guidance » -, correspondant à une zone tout public par opposition à la zone réservée aux adultes.
Les demanderesses mettent encore en cause la présence de publicités et de propagande en faveur du tabac, en infraction avec la loi dite Evin, de l’alcool et de stupéfiants, l’affichage de jeux d’argent en ligne, pourtant encadrés par la législation française qui confie cette activité de jeux de hasard à un nombre restreint d’opérateurs.
Elles soutiennent que cette juridiction est compétente, dans la mesure où ce jeu en ligne est librement accessible sur le site internet http://secondlife.com, et où les faits litigieux ont été constatés le 27 mars 2007 à Paris par l’huissier ; elles se fondent sur les dispositions de l’article 46 du ncpc, le dommage invoqué ayant été subi dans le ressort de cette juridiction.
Ces associations mettent en avant le caractère manifestement illicite du contenu du site en question, pour demander que Linden Research mette en place des mesures efficaces afin d’interdire aux mineurs l’accès à cet univers virtuel Second Life, ainsi que de faire cesser les agissements illicites qui s’y déroulent.
Dans cette attente, il est demandé que Linden Research soit en outre tenue de cesser de diffuser sur le territoire français les contenus litigieux.
Les associations demanderesses précisent qu’à l’égard des FAI, leur action a pour objet principal de les informer du contenu manifestement illicite du site www.secondlife.com, et de solliciter, à défaut de comparution de la société Linden Research, prestataire d’hébergement du site www.secondlife.com, et qui en est dans le même temps l’éditeur, l’application de l’article 6.1.8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique : compte tenu de l’urgence comme du fait que le site litigieux est hébergé aux Etats-Unis et du risque que le prestataire d’hébergement ne comparaisse pas, elles demandent dans l’acte introductif à ces fournisseurs d’accès de mettre en oeuvre toutes mesures propres à interrompre l’accès à partir du territoire français au site www.secondlife.com, soutenant qu’il ne saurait être valablement invoqué de difficultés techniques, une demande similaire ayant conduit efficacement à filtrer l’accès depuis le territoire français d’un site internet négationniste hébergé à l’étranger.
La société de droit de l’Etat de Californie (Etats-Unis d’Amérique) Linden Research Inc, nom commercial « Linden Lab », demande pour l’essentiel de dire irrecevables les constats dressés en violation des articles 9 et 237 du ncpc, et les associations demanderesses en leurs demandes.
Elle fait d’abord valoir que cette juridiction ne peut intervenir qu’à titre provisoire sans pouvoir allouer de dommages-intérêts, et uniquement en matière civile, et que faute d’action pénale engagée, les demanderesses ne peuvent exercer l’action civile.
Elle soutient que la loi française est inapplicable, seuls les sites internet s’adressant au public français étant concernés ; dans le cas présent, le contenu du site www.secondlife.com est entièrement rédigé en anglais, comme la majorité des « îlots » – islands – créés par les utilisateurs, dont seule une minorité d’entre eux – ce qui n’est pas le cas de ceux visés – vise le public français.
Les constats sur lesquels s’appuient les associations en demande présentent aux yeux de la société défenderesse des irrégularités, étant à tout le moins dénués de force probante.
Elle fait valoir que l’huissier doit agir avec conscience, objectivité et impartialité, ses constatations purement matérielles étant exclusives de tout avis sur les conséquences de droit ou de fait pouvant en être tirées.
L’autorisation judiciaire aurait été requise, s’agissant de son point de vue d’un lieu privé ouvert au public, auquel l’huissier a eu accès par l’utilisation du mot de passe du conseil des demanderesses ; l’officier ministériel ne fait pas mention du fait qu’il s’est assuré pour l’établissement du second constat de la correspondance de la page affichée avec celle en ligne à ce moment, que le cache du navigateur a bien été vidé en supprimant cookies, fichiers temporaires et historiques des pages web visitées.
Elle met encore en cause le contenu, en ce que l’avatar – AY Boucher – censé créé à la suite de l’inscription d’un mineur n’a été que peu utilisé, alors que ceux utilisés pour le reste des constatations, ont été créés soit après inscription d’un majeur par l’huissier – AY Giha -, soit antérieurement à l’établissement du constat – Kalel Carter – sans que la neutralité de son profil puisse être contrôlé, ni vérifié qu’il fait bien suite à une inscription de mineur : selon la société Linden Research, il n’a été donné accès par l’avatar AY Boucher à aucun des contenus allégués comme illicites, alors que le monde accessible aux mineurs – « teen » – est étanche, ne pouvant donner accès au monde « général », et vice versa.
Observant que les démarches actives nécessaires pour faire participer les avatars aux actions ne sont pas décrites, elle relève en particulier la confusion existant entre les copies d’écrans de l’espace Second Life, et celles correspondant à du contenu de sites internet hors de cet espace, et le fait que les conditions d’acquisition et l’utilisation de Linden Dollars ne sont pas explicitées, alors qu’elles sont de nature à révéler l’intervention d’un majeur, ou en tout cas, son contrôle des agissements d’un mineur.
Elle fait valoir que le procès verbal de constat ne permet pas de manière générale de s’assurer de l’identité de l’auteur des constatations, de l’avatar utilisé, et des conditions de création de l’un d’eux, Kalel Carter, et du contrôle par l’huissier de la manipulation d’un autre, acteur majeur – AY Giha – .
La qualification d’avatar ayant l’image d’un « enfant » étant à ses yeux contestable, la lecture des constats lui parait révéler un manquement de l’huissier à ses devoirs d’impartialité et d’objectivité, par une application orientée de la mission et une description contestable du contenu, sans qu’il soit précisé que le filtre de l’outil de recherche permettant de bloquer les contenus pouvant heurter la sensibilité a été désactivé. Invoquant le principe de loyauté dans l’administration de la preuve, elle conteste la méthode tendant à provoquer une situation et à y participer, et conclut à l’absence de valeur probante des constats.
A titre subsidiaire, la société Linden Research conteste l’existence d’un trouble à caractère manifestement illicite.
Elle souligne d’abord le fait qu’elle est prestataire d’hébergement pour ce qui concerne les contenus créés par les utilisateurs de Second Life sur les îlots, dont elle n’est l’éditeur que de la forme initiale et du moteur de recherche mis à la disposition : les actes litigieux des avatars ont de ce point de vue pour éditeur celui qui l’a créé, et non celui qui a mis à disposition la plate-forme de « chat ».
Elle précise que les gestes et paroles affichés disparaissent aussitôt, et qu’en pareil cas il peut lui être demandé les données d’identification de l’éditeur de l’avatar.
Linden Research ne serait dès lors l’éditeur que des îlots « Orientation Island » et « Linden Village », et non de ceux évoqués par le constat qu’il héberge, et des sites internet externes consultés par l’huissier.
Elle ajoute pour ce qui concerne l’hébergement qu’aucune notification au sens des dispositions de l’article 6.1.5 de la loi du 21 juin 2004 ne lui a été faite.
Elle conteste au surplus que les infractions puissent être constituées, en particulier celles relatives à la représentation à caractère pornographique de mineur, et fait valoir qu’elle a réalisé pour sa part un travail d’autorégulation et de réflexion afin de protéger les mineurs, évoquant le contenu du formulaire d’inscription, des avertissements donnés, la mise en place d’un système permettant de signaler les abus, et le lancement prochain, pour contrôle de l’accès aux contenus réservés aux adultes, d’un système nouveau de vérification préalable de l’âge du visiteur.
Elle ajoute que l’urgence n’est pas caractérisée, et demande de débouter les associations de leurs demandes en lui allouant une indemnité de 5000 € en application des dispositions de l’article 700 du ncpc.
L’AFA demande de dire qu’elle est recevable en son intervention volontaire, et que la responsabilité civile et pénale des fournisseurs d’accès ne peut être engagée qu’à titre subsidiaire, après constat de l’impossibilité d’obtenir du prestataire d’hébergement la cessation du dommage.
Elle considère que l’illicéité d’un site internet ne peut être appréciée au regard de la loi française que si le site vise le public français, ce qui n’est pas à son sens le cas de www.secondlife.com, site « passif ».
Invoquant l’exigence du respect des droits et libertés hiérarchiquement supérieurs et du principe de proportionnalité, elle soutient qu’il ne peut être en conséquence fait aux fournisseurs d’accès les injonctions demandées, et demande de débouter les associations de leurs demandes, et de la condamner au paiement d’une indemnité de 8000 € au titre de l’article 700 du ncpc.
Mettant en avant les initiatives prises par elle en faveur de la protection de l’enfance, elle considère que des mesures ne peuvent être prescrites aux FAI qu’en présence du constat préalable de l’impossibilité de les exiger du prestataire d’hébergement, et qu’en l’espèce l’assignation, qui les informe à titre principal tout en sollicitant une condamnation de ceux-ci in solidum avec la société Linden Research, viole le principe de subsidiarité en question.
Elle invoque le caractère licite du site et de son réseau, eu égard aux acteurs économiques et politiques qui l’utilisent, et au fait que le caractère illicite n’est pas manifeste s’agissant d’un site étranger qui ne vise pas le public français ; le principe de proportionnalité serait méconnu par les demanderesses eu égard à leur demande tendant à une mesure de censure à caractère général.
Les sociétés Neuf Cegetel, T-Online, Noos et Numéricable demandent d’annuler et à titre subsidiaire d’écarter le procès verbal de constat du 27 mars 2007 (pièce n°15).
Soulignant au préalable que le service de communication en ligne Second Life ne présente en lui-même aucun caractère illicite, ne faisant qu’héberger des contenus de toute nature créés par ses utilisateurs, et invoquant divers droits et libertés fondamentaux, elles relèvent l’absence de vérification de la correspondance de la date retenue par l’horloge du système d’exploitation avec celle du constat, et le fait que les caches de l’ordinateur n’ont pas été vidés, rendant envisageable l’affichage d’éléments de pages web s’y situant.
Invoquant l’exigence de constatations personnelles de l’huissier et de respect du principe de loyauté des preuves, elles relèvent le fait que l’huissier n’a pas procédé lui-même à la création de l’avatar « Kalel Carter », mis en scène en présence d’un autre, « Ay Giha », sans respect des formalités préalables (description du logiciel et du matériel utilisés, caches vidés, désactivation de la connexion par proxy, vérification de la date et l’heure de l’horloge du système d’exploitation).
Relevant également des inexactitudes dans la description des scènes alors qu’il est seulement demandé d’empêcher toute mise à disposition aux mineurs sur le territoire français du site accessible à l’adresse www.secondlife.com, elles soutiennent que la matérialité des infractions prétendues n’est pas démontrée.
Elles font aussi valoir l’absence de mise en mouvement de l’action publique rendant irrecevables les demanderesses à engager l’action civile, et l’absence de « lien suffisant, substantiel ou significatif » permettant de rattacher les faits à la loi française.
La société Linden Research ayant comparu, elles font valoir que les demandeurs ne peuvent mettre en cause les fournisseurs d’accès qu’en présence d’une défaillance de celle-ci, de sorte que l’action à leur endroit serait privée d’objet.
Elles font aussi valoir à titre plus subsidiaire le caractère disproportionné des mesures demandées, en considération en particulier du caractère relatif de leur efficacité, de leur caractère provisoire, et de l’existence de dispositifs de filtrage mis à disposition des utilisateurs.
Elles sollicitent l’indemnisation de leurs frais irrépétibles à hauteur du montant de 3000 €.
La société par actions simplifiées Tele2 France demande de son coté de débouter les demanderesses, estimant également discutable l’application de la loi française, et que le procès verbal de constat est dénué de force probante, en ce que l’huissier, loin de se limiter à la consultation du site, a étendu ses constatations au monde virtuel « Second Life », distinct, après avoir téléchargé le logiciel approprié, et n’a pas donné le détail des manipulations effectuées, empreintes pour certaines de provocation.
Rappelant l’obligation à laquelle elle est tenue comme fournisseur d’accès de mettre à disposition de ses clients un logiciel de contrôle parental, elle soutient le caractère subsidiaire de la procédure pouvant être mise en oeuvre à son égard, ce qui suppose de son point de vue l’introduction de deux instances successives.
A l’audience, elle a sollicité l’indemnisation de ses frais irrépétibles à hauteur du montant de 5000 €.
La société par actions simplifiées Telecom Italia demande de dire, compte tenu de la comparution du prestataire d’hébergement, qu’il n’y a lieu à statuer sur les demandes formées à son encontre, et la condamnation in solidum des demanderesses au paiements d’une indemnité de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc.
Elle fait aussi valoir l’absence de mise en mouvement de l’action publique rendant irrecevables les demanderesses à engager l’action civile, comme le caractère très contestable de la force probante des constats sur lesquels les associations demanderesses s’appuient, soulignant en particulier le caractère privé des espaces concernés.
Elle estime aussi douteux que la loi française puisse s’appliquer, et fait valoir que le caractère illicite du site est loin d’être manifeste.
S’interrogeant sur l’efficacité des mesures demandées, elle fait état de son engagement en manière de lutte contre les contenus illicites, et soutient que le débat portant sur les demandes formées à son égard est prématuré, eu égard en particulier au désir de coopération du prestataire d’hébergement.
La société anonyme France Telecom, intervenante volontaire dans la mesure où la société anonyme Orange France demande à être mise hors de cause invoque aussi la nécessité d’entendre de façon stricte la notion de subsidiarité, et demande de constater la comparution de la société Linden Research, prestataire d’hébergement de la plate-forme d’échanges Second Life, et de dire l’action à son encontre irrecevable.
A l’audience, elle a sollicité l’indemnisation de ses frais irrépétibles dont elle laisse le montant à notre appréciation.
La société par actions simplifiées Free estime prématurée la demande formée à titre subsidiaire à son encontre, se réservant de demander le remboursement des frais occasionnés par d’éventuelles mesures de fermeture d’accès ou filtrage ; elle demande le rejet de la demande d’indemnisation pour frais irrépétibles.
La société en nom collectif AOL France sollicite d’être mise hors de cause, dans la mesure où elle n’est pas actuellement fournisseur d’accès à l’internet, activité reprise par la société Neuf Cegetel, et demande l’indemnisation des frais irrépétibles qu’elle a été amenée à engager à hauteur de 8000 €.
DISCUSSION
Sur les mises hors de cause
Attendu qu’il n’est pas contesté que la société AOL France n’exerce plus l’activité de FAI ; qu’il n’est pas plus contesté que Orange France, filiale de la société France Telecom, exerce une activité d’opérateur de télécommunications mobiles, et non de fournisseur d’accès à l’internet ;
Qu’elles seront mises hors de cause, étant précisé en ce qui concerne la société AOL France que les demanderesses ont pu se méprendre sur ce point, étant considéré les pièces versées au débat, de sorte qu’il n’y a lieu à application de l’article 700 du ncpc à leur égard ;
Sur les interventions volontaires
Attendu que l’intervention volontaire de la société France Telecom n’est pas contestée, eu égard à l’activité de FAI qu’elle exerce ; qu’elle sera reçue en son intervention ;
Que l’intervention volontaire de l’AFA, constituée suivant la loi du 1er juillet 1901 et déclarée le 15 septembre 1997, soit depuis près de dix ans, n’est pas davantage contestée, eu égard à son objet, soit la défense des intérêts collectifs de ses membres notamment par des actions en justice, et comptant quelque vingt FAI ;
Qu’elle sera reçue en son intervention ;
Sur l’exclusion de pièces des débats
Attendu, sur le constat de la présence dans le dossier des demanderesses de pièces sous forme de onze photocopies non numérotées ni visées parmi les pièces communiquées, qu’il convient de les écarter des débats ;
Sur les demandes formées à l’encontre de Linden Research
Attendu qu’il convient au préalable de rappeler que la demande présentée à titre principal est dirigée à l’endroit de la société Linden Research, prise tant en sa qualité d’éditeur qu’en celle de prestataire d’hébergement, et tend à faire obstacle à « toute mise à disposition aux mineurs à partir de (son) serveur sur le territoire français, du site internet accessible à l’adresse www.secondlife.com » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 809 du ncpc, il peut toujours être prescrit en référé, même en cas de contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Attendu que suivant les dispositions de l’article 6.1.8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004, l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur enquête, à toute personne mentionnée au 2 (c’est-à-dire les prestataires d’hébergement) ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 (c’est à dire les fournisseurs d’accès), toute mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionnel par le contenu d’un service de communication au public en ligne ;
Que les demanderesses visent en tête du dispositif de leur assignation l’article 6.1.8 ci-dessus indiqué, immédiatement suivi des dispositions des articles 808 et 809 du ncpc ; qu’il s’agit donc bien de mettre fin au dommage occasionné aux mineurs par ce service de communication au public en ligne, sans qu’il y ait lieu de s’arrêter à la formulation inappropriée et de nature à stigmatiser, tendant à dire et juger que la société Linden Research « est coupable des faits qui lui sont reprochés » au visa de diverses dispositions notamment du code pénal, ce qui échappe évidemment à la compétence de cette juridiction civile, saisie en réalité en tout état de cause d’une action engagée en conformité avec les dispositions du ncpc ;
Sur l’application de la loi française
Attendu qu’il convient d’examiner s’il existe un lien suffisamment substantiel de rattachement à l’ordre juridictionnel français, permettant de retenir que le contenu du service de communication au public en ligne s’adresse au public français ;
Qu’il faut relever préalablement que l’univers virtuel Second Life, dont la mise en œuvre suivant la présentation qui en est faite sur la page d’accueil du site remonte à l’année 2003, et dont le développement est présenté comme exponentiel, accueille aujourd’hui quelque sept millions de personnes originaires du monde entier ; que si la société Linden Research fait valoir que les « îlots » rédigés en langue française représentent une part mineure de l’ensemble, et que l’usage de la langue anglaise est généralisé, elle ne peut disconvenir qu’elle entend viser en page d’accueil de son site un public international ; qu’elle évoque au demeurant la large utilisation de tels espaces virtuels par plusieurs acteurs de la vie économique, culturelle ou politique française ;
Qu’en sa qualité de prestataire d’hébergement, sinon d’éditeur, de ces espaces, qui s’adressent à un public français significatif en raison notamment du prestige attaché à certains événements qui y prennent place, elle ne peut ignorer (pièce n°1 de la défenderesse) qu’est disponible un « guide officiel en langue française », réalisé avec la contribution « d’employés de Linden Lab », et préfacé par « Philip Rosedale, fondateur de s Linden Lab », consacrant ainsi le succès rencontré auprès du public français des services qui, en réalité, lui sont bel et bien offerts ;
Qu’ainsi, le fait que le site portail accessible à l’adresse www.secondlife.com ne prévoit pour l’instant pour son utilisation et l’information des internautes, que la langue anglaise, particulièrement utilisée au plan international et sur l’internet, ainsi que les langues allemande et japonaise selon l’une des défenderesses, est sans incidence sur la vocation de la loi française à s’appliquer, en vertu des dispositions de l’article 46 du ncpc, de dommage allégué étant constaté en France, et plus précisément dans le ressort de cette juridiction ;
Sur la force probante des constats
Attendu qu’à l’audience, les associations demanderesses se sont rapportées à notre appréciation sur ce point ;
Attendu en premier lieu que la régularité du procès verbal dressé le 27 mars 2007 à 13 h 30 par Me Eric Albou, huissier de justice, n’est pas en réalité sérieusement contesté ; que l’ordinateur utilisé est en effet précisément décrit avec son adresse IP, comme le mode de navigation et le réseau de connexion à l’internet utilisés ; qu’il mentionne la concordance entre la page affichée et celle en ligne à la date et à l’heure du constat, et fait état du fait que cache du navigateur a été vidé des cookies, fichiers temporaires, et de l’historique des pages visitées ; que le rapport décrit aussi clairement le mode d’inscription sous le pseudonyme AY Boucher, la copie d’écran faisant bien apparaître une date de naissance faisant ressortir l’état de minorité du membre supposé inscrit par l’huissier ; qu’il est enfin bien précisé qu’il est procédé au téléchargement du logiciel Second Life ;
Attendu que le procès verbal établi par le même Me Eric Albou, huissier de justice le 27 mars 2005, 15 h 15, mais de façon distincte, même s’il fait suite au précédent, correspond à la requête de se « rendre sur le site Second Life afin de procéder à toutes constatations utiles, d’une part sur la partie réservée au mineur, et sur celle réservée au majeur… » ;
Qu’établir à partir d’un ordinateur différent, utilisé par son associée, comportant le logiciel d’exploitation XP2 permettant d’accéder au site en question, ce que l’environnement Vista de l’ordinateur utilisé pour le précédent constat ne permettait pas suivant l’huissier instrumentaire, ce constat, s’il précise le réseau utilisé pour la connexion à l’internet et mentionne l’absence de connexion à un serveur proxy, n’indique pas quel navigateur est utilisé, ni ne rapporte un horodatage de l’horloge de l’ordinateur conforme à celui du constat, pas plus qu’il ne précise que les caches, c’est-à-dire les répertoires dans lesquels sont enregistrées les pages consultées sur l’internet, ont bien été vidés des cookies, fichiers temporaires et l’historique des pages visitées, la concordance entre la page affichée et celle en ligne à la date et à l’heure du constat n’étant pas mentionnée ;
Qu’il ne peut être exclu par conséquent l’affichage par l’ordinateur de pages situées dans ces répertoires ; que ces carences remettent à elles seules en question la force probante pouvant être accordée à ce constat ; qu’en revanche, il ne peut être considéré en l’état de la documentation versée au débat que l’huissier, dès lors qu’il a laissé pour vérification lors de l’inscription au nom de AY Boucher son adresse électronique et les coordonnées de sa carte bancaire, et au nom d’AY Giha cette même adresse, qu’il se serait introduit dans l’espace considéré sans se présenter ;
Attendu que les associations demanderesses ne tirent aucune conséquence des constatations, il est vrai à caractère limité, faites dans l’espace virtuel emprunté par l’avatar créé à la suite de l’inscription par le prétendu mineur utilisant le pseudonyme « AY Boucher » ;
Que ceci étant précisé l’huissier, après s’être inscrit comme majeur sous le pseudonyme « AY Giha », et avoir créé un avatar qu’il a ensuite dévêtu, apparaît se connecter à nouveau à l’aide d’un code utilisateur, non précisé, présenté comme appartenant au cabinet de son mandant, conseil des demanderesses dans cette instance ; que la consultation du constat laisse ignorées les conditions de la création de ce nouvel avatar, dénommé « Kalel Carter », comme de son intervention à ce stade ;
Qu’il est présenté comme un personnage d' »enfant » ou ayant l’apparence ou la taille d’un enfant à de multiples reprises (page 2, annexe 8, page 5, annexes 25, 31 32), alors que l’aspect chétif, voire difforme ou protéiforme offert au regard ne correspond en rien à celui des modèles qu’il est donné de voir sur les pages du site versées au débat, et qui ne comportent, selon la société Linden Research, aucun modèle présentant l’aspect d’un enfant ; que surtout, les termes du procès verbal ne permettent pas d’écarter le fait qu’il a été procédé à l’ouverture du compte lui correspondant par une personne se présentant comme adulte, et à une date et heure antérieure à l’établissement du constat ;
Attendu dès lors que ces circonstances, qui permettent de s’interroger sur le respect par l’huissier instrumentaire d’une stricte neutralité dans l’établissement du procès verbal, ôtent tout caractère démonstratif aux tentatives tendant à convaincre que le site litigieux donne aux mineurs un accès incontrôlé à des contenus réservés aux adultes, comme au fait que des avatars à l’apparence d’enfant puissent participer à des scènes animées ;
Mais attendu que de surcroît l’huissier, loin de se contenter d’un simple constat, perdant ainsi en toute apparence la maîtrise qu’il se doit de conserver en permanence sur les constatations qu’il est chargé de relever personnellement et sous sa responsabilité, décide d’abandonner le contrôle des faits et gestes de sa créature, l’avatar AY Giha, à son mandant présent à l’étude ; que celui-ci, suivant le procès verbal, se connecte alors pour ce faire via le même réseau de connexion, mais à partir de son propre ordinateur, et sans pour autant que mention soit faite de la prise de l’une quelconque des précautions préalables mentionnées plus haut (description et identification de l’ordinateur, purge des caches, etc.) ;
Que la manipulation par l’un, le mandant, de l’avatar – AY Giha – créé par l’autre, et par l’huissier de l’autre avatar – Kalel Carter -, ne relève alors plus de la mission de constat confiée, mais d’opérations en excédant le cadre et qui n’auraient pu le cas échéant s’envisager qu’après en avoir soumis préalablement à l’autorité judiciaire compétente le principe et les modalités, permettant notamment d’apprécier leur légitimité et de tracer le cheminement suivi ;
Que ce constat ne pourra dès lors qu’être écarté, les défendeurs faisant valoir à juste raison qu’il ne présente aucune valeur probante des possibilités réellement offertes à un mineur d’avoir accès puis de participer en se présentant comme tel aux scènes du genre décrit ;
Sur le trouble allégué et le dommage
Attendu que la société Linden Research soutient qu’il assure la prestation du seul hébergement des contenus présents dans les espaces -îlots- ; que celle-ci précise que l’utilisateur, une fois inscrit, subit un apprentissage, qui lui permet de se diriger vers les espaces en question grâce à un système de recherche et de navigation fournis par elle ; qu’il est constant que les outils mis à disposition et en particulier servant à la création de l’avatar, permettent en réalité non seulement de consulter ces espaces, mais d’y tenir des dialogues ou y faire des rencontres par le truchement des avatars ;
Qu’en l’état du caractère inexploitable du constat dressé et de l’imprécision des arguments des demanderesses relativement à la qualité d’éditeur de la société Linden Research, les pièces communiquées et les explications fournies ne permettent cependant pas de retenir avec la force de l’évidence que la société Linden Research se cantonne exclusivement dans un rôle de prestataire d’hébergement des contenus des espaces ci-dessus évoqués ; que l’outil de navigation offert se trouve étroitement lié à celui, sur lequel se trouve installé un filtre des contenus réservés aux adultes, activé par défaut ainsi que le précise la société Linden Research, qui permet de rechercher les divers « mondes » créés par les utilisateurs ;
Attendu au demeurant que celle-ci ne conteste pas la nécessité de renforcer le contrôle de l’accès, pour avoir été saisie de réclamations, et avoir décidé de mettre en œuvre à bref délai un système destiné à assurer un contrôle renforcé de l’accès aux contenus réservés aux adultes grâce à une vérification par un organisme tiers de l’identité des membres inscrits ;
Que pour autant, les associations demanderesses, qui pensaient pouvoir s’appuyer sur un constat remontant à plus de trois mois au jour de la présente décision, et qui ne font état à l’appui de leurs demandes d’aucune plainte ayant pu leur être rapportée ou de tout autre élément, ne sont pas en mesure de justifier de la réalisation effective d’un trouble grave à caractère manifestement illicite ou d’un risque de dommage imminent pouvant affecter les mineurs, de nature à justifier la prise de mesures immédiates ;
Qu’il n’y a en définitive pas lieu à référé ;
Sur les demandes à l’égard des fournisseurs d’accès et l’application de l’article 700 du ncpc
Attendu qu’aux termes de l’acte introductif d’instance (page 12), si son objet principal était d’informer ces prestataires, la demande portait à titre subsidiaire, et ce en cas de défaut de comparution de la société prestataire d’hébergement et présentée comme éditrice du site, sur la mise en œuvre immédiate par ceux-ci de mesures propres à interrompre l’accès au site à partir du territoire français ;
Que dans l’hypothèse même de la comparution de la société Linden Research, ce qui est en l’occurrence le cas, il était demandé d’envisager des mesures de filtrage à l’égard des fournisseurs d’accès à l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la première décision ;
Attendu toutefois que les demandes formées à l’encontre de la société Linden Research étant rejetées, celles dirigées à l’égard des fournisseurs d’accès s’avèrent sans objet ; qu’il n’est pas formulé par ceux-ci de demande fondée sur les dispositions de l’article 32-1 du ncpc ; qu’il s’agit donc seulement d’examiner les demandes tendant à l’indemnisation de leurs frais irrépétibles ;
Qu’il est permis à cet égard d’observer, alors que l’établissement des constats remonte à quelque trois mois au jour du prononcé de cette décision, que les associations demanderesses n’ont pas jugé opportun de mettre au préalable en demeure la société Linden Research en la qualité d’éditeur, ni de lui notifier en sa qualité de prestataire les faits et motifs du retrait ou de la modification des contenus du service de communication au public en ligne qu’elle héberge au sens des dispositions de l’article 6.1.5 de la loi du 21 juin 2004 ;
Que s’il est contestable, dans le cadre d’une procédure rapide tendant à la prise de mesures à caractère provisoire, de prétendre que l’article 6.1.8 de la loi déjà citée imposait de n’engager que dans un deuxième temps une instance distincte à l’égard des fournisseurs d’accès, l’attraction immédiate de ceux-ci à la présente instance supposait à tout le moins que soit ménagée la possibilité que la société Linden Research puisse s’exécuter à bref délai compatible avec la nature du trouble allégué, avant d’envisager la mise en œuvre par les fournisseurs d’accès de mesures de filtrage ;
Qu’il apparaît inéquitable, en considération des conditions dans lesquelles cette instance s’est trouvée engagée, de laisser aux fournisseurs d’accès comme à l’AFA la charge en totalité des frais irrépétibles qu’il leur a fallu engager pour se défendre ;
Que celles-ci seront in solidum condamnées à verser à ce titre à l’AFA la somme de 600 €, et aux sociétés Tele2 France, Telecom Italia et France Telecom, ainsi que la somme de 800 € aux sociétés Neuf Cegetel, T-Online France, Noos et Numéricable ;
Que de même, il serait contraire à l’équité de laisser à la société Linden Research la charge en totalité de ses frais irrépétibles ;
Que les associations demanderesses seront in solidum condamnées à lui verser la somme de 1500 € à ce titre ;
Que les dépens seront laissés à leur charge.
DECISION
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
. Recevons la société anonyme France Telecom et l’AFA en leur intervention volontaire,
. Mettons hors de cause les sociétés Orange France et AOL France Snc,
. Ecartons des débats onze pièces en photocopies non numérotées et non communiquées par les associations demanderesses à leurs contradicteurs,
Vu les dispositions de l’article 809 du ncpc, 6.1.8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004,
. Rejetons les prétentions tendant à écarter l’application de la loi française,
. Ecartons des débats pour défaut de valeur probante le constat dressé le 27 mars 2007 à 15 heures 15 minutes par Me Eric Albou, huissier justice,
. Disons n’y avoir lieu à référé, et constatons que les demandes formées à l’égard des fournisseurs d’accès s’avèrent sans objet,
. Condamnons in solidum l’UDAF de l’Ardèche et la Fédération des Familles de France à payer, en application des dispositions de l’article 700 du ncpc :
– à la société de droit de l’Etat de Californie (Etats-Unis d’Amérique), Linden Research la somme de 1500 €,
– à l’AFA la somme de 600 €,
– aux sociétés Neuf Cegetel, T-Online, Noos et Numéricable la somme au total de 800 €,
– à Tele2 France, Telecom Italia et France Telecom, chacune la somme de 600 €,
– Condamnons in solidum l’UDAF de l’Ardèche et la Fédération des Familles au paiement des dépens.
Le tribunal : M. Emmanuel Binoche (président),
Avocats : Me Antoine Cheron, Me Winston Maxell, Me Yves Coursin, Me Nicolas Brault, Me Benoît Philippe, Me Marie Hélène Tonnellier, Me Christophe Caron, Me Alexandre Limb
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