Jurisprudence : Base de données
Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 1ère section Jugement du 20 juin 2007
PMU / Eturf
bases de données - constat - extraction substantielle - investissement substantiel
FAITS ET PROCEDURE
Par acte du 16 février 2005, le Gie Pari Mutuel Urbain dit PMU a fait assigner devant ce tribunal la société Zeturf.com devenue la société Eturf aux fins de voir cesser les actes d’extractions répétées et systématiques du contenu de la base de données Infocentre PMU commis par la société défenderesse et réparer le préjudice subi au titre de cette extraction illicite ainsi qu’au titre de la concurrence déloyale.
Dans ses dernières écritures signifiées le 25 septembre 2006, le PMU a demandé à la juridiction saisie de :
Vu les articles L 341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu l’article 1382 du code civil,
– constater que le PMU est producteur de la base de données Infocentre PMU,
– constater que la société Eturf a commis des actes d’extractions substantielles de la base de données Infocentre PMU,
– en tout état de cause, constater que la société Eturf commet des actes d’extractions répétées et systématiques du contenu de la base de données Infocentre PMU,
En conséquence et en tant que de besoin,
– ordonner à la société Eturf l’interdiction d’extraire de quelque façon que ce soit et de n’importe quel support des parties de la base de données Infocentre PMU, sous astreinte de 10 000 € par extraction illicite constatée,
– condamner la société Eturf à verser au PMU la somme de 400 000 € de dommages-intérêts pour le préjudice subi au titre de l’extraction illicite et 140 000 € au titre de la concurrence déloyale, sauf à parfaire,
– condamner la société Eturf à publier, pendant une durée de deux mois, le jugement à intervenir sur la page d’accueil de son site www.eturf.fr sur la première moitié de ladite page d’accueil et visible dès l’accès à ladite page dès chargement de la page par un internaute disposant de performance moyenne, de façon lisible, en français et en lettre de taille suffisante dans un encadré de 468×120 pixels, le texte devant être précédé du titre Avertissement Judiciaire en lettres capitales et gros caractères,
– autoriser le PMU à procéder à la publication d’extraits de la décision à intervenir dans 5 revues ou journaux de son choix, aux frais de la société Eturf, dans la limite de 10 000 € par publication,
– autoriser le PMU à publier sur son site internet la décision à intervenir de façon visible, en français et en lettre de taille suffisante dans un encadré de 468×120 pixels,
– débouter la société Eturf de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la société Eturf au paiement de la somme de 6000 € au titre de l’article 700 du ncpc,
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
– condamner la société Eturf aux entiers dépens y compris les frais engagés pour le constat d’huissier du 19 octobre 2004 et ceux engagés dans le cadre de la saisie contrefaçon du 3 février 2005.
Dans ses dernières conclusions du 27 avril 2006, la société Eturf a demandé au tribunal de :
Vu l’article L 420-2 du code de commerce,
Vu l’article 1382 du code civil,
– dire et juger que le PMU est irrecevable à invoquer les dispositions relatives aux bases de données,
– dire et juger au surplus que la société Eturf ne pratique aucun acte de téléchargement massif depuis la base de données « Infocentre »,
– dire et juger en outre que les informations en cause (et notamment les cotes des chevaux et les rapports définitifs des courses) constituent des ressources essentielles à l’activité de la société Eturf et d’information hippique,
– dire et juger enfin que le PMU a commis un abus de position dominante et une faute à l’encontre de la société Eturf,
En conséquence,
– débouter le PMU de l’intégralité de ses demandes,
– condamner le PMU à verser à la société Eturf la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts,
– octroyer à la société Eturf une licence obligatoire sur la base de données « Infocentre »,
– prononcer une expertise afin de fixer le montant de la redevance annuelle devant être versée à ce titre par la société Eturf, ou à tout le moins dire et juger que celle-ci ne saurait être supérieure à la somme de 30 000 € HT,
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
– condamner le PMU à verser à la société Eturf la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du ncpc,
– condamner le PMU aux entiers dépens dont distraction au profit de Me François Greffe, avocat aux offres de droit.
DISCUSSION
Les sociétés de courses françaises sont autorisées à organiser des courses hippiques sur leurs hippodromes et à recueillir sur ces courses des paris collectés sur et en dehors des hippodromes. Elles sont à cet effet regroupées au sein du groupement d’intérêt économique PMU, lequel a pour activité principale la collecte et le traitement, pour le compte de ces sociétés de courses, des paris hippiques, et ce sous la tutelle du Ministère de l’agriculture, du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et du Ministère de l’intérieur.
Les prélèvements sur les paris engagés ne peuvent en France dépasser 32% du montant des enjeux. Ils sont répartis, après déduction des frais de gestion du PMU, en prélèvements revenant à l’Etat et en prélèvements revenant aux sociétés de courses dont la vocation est l’amélioration de la race chevaline en France, laquelle est précisément obtenue par l’organisation de courses hippiques qui permettent de récompenser les meilleurs éleveurs et propriétaires par le versement de prix de courses.
Dans le cadre de son activité, le PMU a constitué en 2002 une base spécialisée de données en ligne réunissant des informations hippiques sur les courses françaises dénommées Infocentre PMU.
Au moyen de cette base de données, le PMU informe quotidiennement les parieurs principalement :
– du programme des courses à venir,
– des performances antérieures des chevaux,
– des chevaux partants et non partants,
– des rapports probables (« cotes »),
– de leurs évolutions au fur et à mesure de la prise de paris,
– des résultats définitifs des courses et des rapports définitifs dont bénéficient les parieurs gagnants.
Cette information est diffusée aux parieurs par le PMU via trois médias principaux : le minitel avec le service accessible par le 3615 code PMU ou Infopmu, le site internet accessible par www.pmu.fr et la chaîne de télévision Equidia éditée par le PMU.
La base de données Infocentre PMU est une base professionnelle de données, spécifiquement destinée à des entreprises susceptibles d’utiliser et/ou de diffuser des informations hippiques dans le cadre de leur activité et notamment aux partenaires étrangers ayant un accord avec le PMU pour la prise de paris sur les courses françaises. Des contrats de fourniture d’un droit d’accès à la base de données Infocentre PMU ont ainsi été conclus avec diverses sociétés.
La société Eturf, anciennement dénommée société Zeturf.com, a été créée en 2000 et avait à l’origine pour activité l’édition d’un site internet dédié à l’information hippique et accessible depuis d’adresse www.zeturf.com. En complément de l’exploitation de ce site, la société Eturf a ensuite développé une activité de fournitures de contenu hippique, réalisant les pages hippiques de journaux tels « Le journal du dimanche », « Nice Matin » et « La Provence » ou concevant les pages hippiques de site internet tel celui du « Parisien ».
Par un contrat du 8 février 2005, la société Zeturf a cédé à une société RBP Ventures Ltd située à Malte le site internet www.zeturf.com et toute l’interface du site moyennant la somme de 150 000 €. Il a également été conclu aux termes du même acte un contrat de fourniture de contenu par la société Zeturf au site www.zeturf.com permettant à ce dernier de continuer à fournir à ses utilisateurs la même qualité d’information pour un prix mensuel de 10 000 €. Enfin, la société Zeturf s’est engagée à modifier sa raison sociale et à abandonner le nom Zeturf, ce qu’elle a accompli en prenant la nouvelle dénomination Eturf.
Il convient de préciser que la société RBP Venture Ltd qui va prendre le nom de Zeturf Ltd après l’acquisition du site du même nom, bénéficiant de l’audience du site internet www.zeturf.com s’est très rapidement mise à offrir la prise de paris en ligne en français sur les courses hippiques organisées en France.
Le PMU a engagé à l’encontre de celle-ci des actions en vue de faire cesser l’activité illégale de prise de paris en ligne, seule le requérant étant habilité à collecter les paris hors des hippodromes, et ce en y associant la société Eturf compte tenu des liens existant entre les sociétés Zeturf Ltd et Eturf.
Par une ordonnance du 8 juillet 2005 confirmée en appel par un arrêt du 4 janvier 2006, le juge des référés a :
– constaté le trouble manifestement illicite résultant de l’activité de prise de paris organisée par le service de communication au public en ligne accessible à l’adresse www.zeturf.com,
– ordonné sous astreinte à la société Zeturf de mettre fin à cette adresse à l’activité de prise de paris en ligne sur les courses hippiques organisées en France,
– ordonné sous astreinte à la société Eturf de mettre en oeuvre tous moyens à sa disposition pour mettre fin à toute contribution à l’exploitation de la prise de paris en ligne sur le site en question.
En dépit de différentes actions menées par le PMU à l’encontre des hébergeurs successifs du site www.zeturf.com la prise de paris sur ledit site s’avère à ce jour toujours possible.
La société Eturf souligne que le site www.zeturf.com ne lui appartient plus depuis le 8 février 2005 et affirme qu’elle a, dès le prononcé de l’ordonnance du 8 juillet 2005, cessé tout contact avec la société de droit malais Zeturf Ltd, ne lui délivrant plus aucun contenu hippique et recentrant son activité sur la seule délivrance au public d’informations hippiques.
Elle expose dans ce cadre qu’elle procède dans un premier temps à la collecte d’informations hippiques par ses propres moyens, à savoir ses journalistes, des pigistes et un réseau de correspondants présents sur les hippodromes, puis dans un deuxième temps à un important travail de traitement et d’enrichissement de ces informations brutes réalisé par son équipe rédactionnelle, laquelle élabore ses pronostics, conseils de jeux, cotes théoriques, articles, interview et avis sur les chevaux.
Le PMU reproche à la société Eturf, sur le fondement des articles L 341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil, de procéder à l’extraction illicite de données issues du site internet www.pmu.fr diffusant sa base de données Infocentre PMU, notamment celles relatives aux rapports probables des chevaux (cotes) participant aux courses hippiques, aux résultats et rapports définitifs, et de les réutiliser à des fins commerciales en vendant lesdites données à des journaux tels que « Le journal du dimanche » ou à la presse régionale, en s’en servant pour alimenter le site internet du « Parisien » et surtout pour créer une audience et lancer un site illégal de prise de paris sur internet accessible par les noms de domaine zeturf.com et .fr.
Il convient de préciser à ce stade de nos développements que les rapports probables se définissent comme les rapports permettant d’estimer les chances de victoire et les gains que peut rapporter chaque cheval en simple gagnant. Plus les parieurs sont nombreux à miser sur un cheval, plus le rapport probable est bas et moins ils gagneront d’argent. Inversement, moins un cheval est joué, plus le rapport probable est élevé, plus il rapportera s’il gagne. La cote d’un cheval est donc fonction du nombre de parieurs qui ont misé sur celui-ci.
Le rapport définitif représente la somme perçue par le gagnant d’un pari. Il est calculé par le PMU pour chaque jeu en fonction du montant total des sommes pariées sur cette course et du nombre de gagnants.
En défense, la société Eturf réplique que le PMU est mal fondé à invoquer les dispositions de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle puisqu’il n’a pris aucun risque tel qu’entendu par ce texte en investissant dans la base de données Infocentre PMU.
Elle conteste ensuite télécharger massivement des données depuis ladite base.
Enfin, elle considère que le PMU abuse de sa position dominante sur le marché de l’information hippique en lui interdisant d’utiliser des informations, et notamment les rapports probables et définitifs des courses, essentielles à la poursuite de son activité. Elle sollicite en conséquence du tribunal l’octroi d’une licence d’utilisation de la base de données Infocentre PMU.
Sur la qualité de producteur de base de données du PMU
Aux termes de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle, « le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel ».
La base de données Infocentre PMU dont l’existence n’est pas remise en cause par le société Eturf, a fait l’objet d’un dépôt auprès de l’Agence pour la Protection des Programmes sous le n°IDDN.FR.001.420014.00D.P.2004.000.10300 au nom et pour le compte du Gie PMU.
Il n’est plus contesté par la société Eturf, et ce au vue de la production d’un rapport amiable de M. Stéphane L., expert en informatique et en comptabilité, du 30 janvier 2006 qui établit que « des investissements particulièrement lourds ont été et continuent à être régulièrement engagés par le PMU pour constituer, vérifier et présenter à ses clients et au public les informations issues de sa base de données Infocentre », lesquels ont été évalués par l’expert à « un total d’environ 4 446 287,32 € HT, depuis le 27 mai 2002, lié à la constitution et la vérification des données de l’Infocentre et un montant annuel d’environ 157 000 €, charges patronales incluses, lié à la présentation des données de l’Infocentre par les propres salariés du PMU », que les investissements réalisés par le PMU sur la base de données Infocentre PMU soient substantiels.
La société Eturf fait valoir que le PMU ne justifie pas d’une prise de risque dans la création de la base de données Infocentre puisque celle-ci est indissociablement liée à l’exercice de son activité principale, qu’il n’existe aucune possibilité de substitution à cette base de données, seul le PMU ayant la capacité de calculer et de collecter les informations hippiques dont s’agit, et que le PMU ne recherche aucun retour sur investissement, n’exploitant sa base de données que de manière confidentielle.
Il importe peu que sa base de données soit en rapport avec l’activité du PMU pour apprécier l’existence d’un risque, tout producteur d’une base de données ayant naturellement intérêt à investir dans le champ de son activité. L’absence de retour d’investissement qui caractériserait l’absence de risque n’est pas démontrée dès lors que le PMU justifie avoir conclu des « contrats » de fourniture d’un droit d’accès à la base de données Infocentre PMU » avec les sociétés Editions en direct, AFP et Daniel Louis Diffusion moyennant une contrepartie financière.
Il apparaît que la notion de risque est étroitement liée à celle d’investissement au sens de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle. En l’espèce, le PMU a engagé de lourds investissements pour la constitution et la présentation de sa base de données. Il en assume les risques, que ce soit en terme de bénéfice ou de déficit, de sorte que l’absence de prise de risque alléguée n’est pas établie.
En conséquence, il convient de reconnaître au PMU la qualité de producteur de base de données ouvrant droit à la protection des articles L 342-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.
Sur l’extraction et la réutilisation de données de la base Infocentre PMU par la société Eturf
Il résulte d’un courrier de la société Eturf, alors société Zeturf, du 30 septembre 2004 adressé au PMU en réponse à une mise en demeure de celui-ci de « cesser sans délai toute diffusion au sein du site internet (www.zeturf.com) des données issues des bases de données du PMU » que dans le cadre de son activité d’édition d’un site internet d’information sur les courses hippiques, la société défenderesse reconnaît « utiliser, bien évidemment, des informations publiées par vos soins et largement et immédiatement reprises et diffusées sur d’autres supports de presse ».
Suivant un procès verbal de constat du 19 octobre 1994, le PMU a fait établir que des données contenues dans sa base de données étaient reprises à l’identique sur le site de la société Eturf anciennement dénommée société Zeturf, et ce de façon quasi simultanée. Ainsi le PMU ayant volontairement glissé une erreur en cours de constat dans ses données publiées sur son site www.pmu.fr, à l’exception de la télévision ou du minitel, s’agissant de rapports définitifs sur une course de chevaux se tenant à Deauville ce jour-là, à savoir un rapport définitif de 2,80 pour le cheval arrivé en deuxième position au lieu d’un rapport définitif réel de 2,90, l’huissier a relevé que cette même erreur était reprise en quasi temps réel sur le site www.zeturf.com.
Les opérations de saisie contrefaçon diligentées dans les locaux de la société Eturf anciennement société Zeturf le 3 février 2005 par le PMU, dûment autorisé à cet effet par le président de ce tribunal, ont corroboré l’alimentation du site de la société Eturf par l’extraction de données figurant sur le site du PMU. Lors de la saisie, un rédacteur de la société défenderesse a d’ailleurs expliqués s’agissant des collectes de données relatives aux cotes que « celles-ci sont prises en fonction de l’heure, par exemple à 11 heures, sur le site www.pmu.fr et au plus rapide geny.com, tierce-magazine.com ou equidia ».
Par procès verbal du 25 juillet 2005, le PMU a fait constater que les données diffusées par le PMU étaient reprises sur le site www.leparisien.com et sur le site www.zeturf.com, à une époque où la société Eturf affirme ne plus délivrer de contenu hippique à la société Zeturf de droit maltais, et ce toujours au moyen d’une information volontairement erronée glissée dans les données du PMU, laquelle se retrouve sur les deux sites susvisés.
Enfin, par un nouveau procès verbal du 1er septembre 2005, il a de la même manière été constaté que « les informations disponibles sur le site leparisien.fr et eturf.fr étaient identiques et simultanées », confirmant ainsi que la société Eturf alimente le site www.leparisien.fr.
Au demeurant si la société Eturf nie pratiquer des téléchargements massifs de la base de données du PMU, elle reconnaît néanmoins dans ses écritures que « si les acteurs de l’information hippique peuvent obtenir un certain nombre d’informations par leurs propres moyens, certaines données, telles que les rapports définitifs des courses nationales et les cotes de chevaux, sont nécessairement obtenues suite à leur diffusion par le PMU », expliquant que seul le PMU étant habilité à prendre des paris sur les courses hippiques en France, il est donc le seul à connaître, à un moment donné et à la clôture des paris, le nombre exact de parieurs sur chaque cheval et le montant total des enjeux, éléments indispensables pour calculer les cotes et les rapports définitifs des courses.
Il n’est pas contesté par la société Eturf que les informations qu’elle reconnaît extraire, à savoir les cotes et les rapports définitifs, contiennentt des données essentielles, se trouvant au cœur de son activité. Elle indique d’ailleurs dans ses écritures que « sans l’indication des rapports définitifs des courses et des cotes de chevaux, toute activité d’information hippique s’avère incomplète et devient en conséquence inexploitable ».
Aux termes de l’article L 342-1 du code de la propriété intellectuelle, sur lequel se fonde le PMU, « le producteur de bases de données a le droit d’interdire :
1) l’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ;
2) la réutilisation par la mise à disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenue de la base, quelqu’en soit la forme.
Ces droits peuvent être transmis ou cédés ou faire l’objet d’une licence ».
L’article L 342-3 précise que lorsque « une base de données est mise à la disposition du public par le titulaire des droits », ce qui semble être le cas puisque les données de la base Infocentre PMU sont accessibles depuis le site internet www.pmu.fr « celui-ci ne peut interdire l’extraction ou la réutilisation d’une part non substantielle, apprécié de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, par la personne qui y a licitement accès ».
Cet article tolère ainsi a contrario l’usage du contenu de la base de données sans l’autorisation de son titulaire, à certaines conditions.
En l’espèce, il apparaît que les données systématiquement extraites et réutilisées par la société défenderesse portent sur des informations essentielles à son activité, qui font précisément la valeur de la base de données Infocentre PMU et sans lesquelles la société Eturf considère que la poursuite de son activité serait incomplète et difficile. Il s’agit donc d’extraction et de réutilisation de parties de la base de données du PMU qualitativement substantielle qui ne peuvent entrer dans le champ de tolérance défini à l’article L 342-2 du code de la propriété intellectuelle.
En conséquence, les faits d’extraction et de réutilisation au sens des articles L 341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle reprochés à la société Eturf s’avèrent caractérisés.
Sur l’abus de position dominante du PMU et la demande de licence d’utilisation de la base de données Infocentre PMU formée par la société Eturf
La société Eturf fait encore valoir en défense que le PMU abuse de sa position dominante sur le marché de l’information hippique, au sens de l’article L 420-2 du code de commerce, en lui refusant toute possibilité d’accès et d’utilisation des cotes de chevaux et des rapports définitifs des courses hippiques, alors que la quasi-totalité des médias français, y compris elle-même jusqu’à l’introduction de la présente instance, a toujours utilisé les cotes et les rapports définitifs des courses, sans avoir souscrit un quelconque abonnement à la base de données Infocentre PMU, et ce au vue et au su du PMU.
Elle expose que le caractère essentiel des données hippiques en cause et l’absence de possibilité de substitution dans l’accès à celles-ci commande d’en garantir un accès et une utilisation dans les mêmes conditions à l’ensemble des acteurs de l’information hippique. Elle sollicite en conséquence pour la poursuite de son activité une licence d’utilisation, moyennant une redevance qui ne saurait être supérieur à celle versée par la société Edition en direct, soit la somme de 30 000 € par an pour un abonnement Infocentre PMU « X Pro ».
Il est constant que seul l’abus de position dominante est sanctionné aux termes de l’article L 420-2 du code de commerce.
En l’espèce, si le monopole du PMU sur certaines données hippiques, telles les cotes des chevaux et les rapports définitifs, n’est pas réellement contesté par le requérant, il s’avère que le PMU propose un accès à sa base de données depuis 2003 en souscrivant des abonnements à titre onéreux dans le cadre d' »un contrat de fourniture d’un droit d’accès à la base de données Infocentre PMU ». Il importe peu à cet égard que le PMU ait toléré jusque là l’utilisation de sa base de données par la société Eturf, la tolérance n’étant pas constitutive de droit et le PMU ayant de surcroît la faculté d’interdire cette utilisation dès lors que ses intérêts commerciaux le justifieraient.
Or, il apparaît que la société Eturf n’a jamais sollicité avant l’introduction de la présente instance la possibilité de pouvoir bénéficier d’un accès ou d’une licence à la base de données Infocentre PMU. En effet, après la mise en demeure du PMU du 28 août 2004 de cesser de diffuser des données issues de ladite base, la société Eturf n’a accompagné sa réponse en date du 30 septembre 2004 d’aucune demande d’accéder aux données du PMU, considérant que « les informations que nous traitons étant publiées appartiennent de facto au domaine public et sont en conséquence de libre parcours… La liberté d’informer est en France un principe sacré et l’essence même de notre activité. Dans ces conditions, vous comprendrez que nous en pouvons donner une suite favorable à votre demande ».
La première demande de licence obligatoire de la société Eturf figure dans des conclusions signifiées le 9 septembre 2005.
A cette date, il est avéré que la société Eturf a, si ce n’est participé à la mise en place d’un site illégal prenant des paris en ligne sur les courses françaises depuis l’état de malte, au moins alimenté ce site www.zeturf.com en données hippiques, et ce antérieurement à la demande de licence obligatoire formée au mois de septembre 2005.
Le refus du PMU de concéder à la société Eturf une licence d’utilisation de sa base de données apparaît dès lors justifié au regard de l’attitude de la société défenderesse et ne constitue pas une réaction disproportionnée par rapport à la légitime protection de ses intérêts commerciaux, des intérêts de la filière hippique dont il assure le financement et du monopole sur les paris qui lui a été conféré.
En conséquence, l’abus de position dominante du PMU n’est pas caractérisé et la société Eturf sera déboutée de sa demande de licence portant sur l’accès à la base de données Infocentre PMU.
Sur les agissements parasitaires reprochés à la société Eturf
Le PMU expose que le parasitisme est le fait de vivre dans le sillage d’un autre en profitant sans bourse déliée des efforts qu’il a réalisés, de ses activités et des ses produits ou services et reproche à la société Eturf d’avoir extrait des données lui appartenant et de s’en être servi pour vivre, en les revendant.
Il apparaît que ces faits ne sont pas distincts de ceux déjà retenus au titre des articles L 341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle relatifs à la protection dont bénéficie le producteur de données, à savoir l’extraction et la réutilisation à des fins commerciales de partie du contenu de la base de données Infocentre PMU par la société défenderesse.
Le PMU ne saurait donc réclamer d’indemnisation supplémentaire de ce chef.
Sur les mesures réparatrices
Il convient d’interdire à la société Eturf d’extraire des parties qualitativement ou quantitativement substantielles du contenu de la base de données Infocentre PMU, de quelque façon et sur quelque support que ce soit, et ce dans les conditions précisées au dispositif.
La société Eturf use des données du PMU de manière illicite depuis la mise en demeure du 28 août 2004, soit depuis près de trois années. Elle n’a pas communiquée, malgré la demande qui lui a été faite, les contrats passés avec les journaux dont elle réalise les pages hippiques ou le contenu du site ni le nombre d’abonnés jusqu’au transfert de son activité à la société Zeturf permettant de connaître son activité réelle.
Le PMU octroie par ailleurs des licences d’utilisation de sa base de données moyennant une redevance fixe variant de 30 000 à 70 000 € par an, complétée en cas de commercialisation des données concédées par une redevance calculées sur le chiffre d’affaires réalisé par le licencié au moyen de la base de données.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il convient d’allouer au PMU en réparation du préjudice subi du fait de l’extraction illicite et de la réutilisation à des fins commerciales des données de la base Infocentre PMU, la somme de 120 000 € à titre de dommages-intérêts.
La mesure de publication du présent jugement dans des revues ou journaux apparaît justifiée dans les conditions du dispositif à titre de réparation complémentaire, sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter une mesure de publication sur le site internet de la société Eturf.
Par ailleurs, il y a lieu d’autoriser le PMU à publier sur son site internet la présente décision devenue définitive.
Sur l’article 700 du ncpc
Il convient de condamner la société Eturf qui succombe à verser au PMU la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du ncpc.
Sur l’exécution provisoire
Compte tenu de la nature du litige, il convient d’assortir le présent jugement de l’exécution provisoire du chef des mesures d’interdiction et d’indemnisation.
DECISION
Le tribunal statuant par jugement public, par jugement contradictoire et en premier ressort,
. Dit que le PMU a, concernant la base Infocentre PMU; la qualité de producteur de base de données ouvrant droit à la protection des articles L 342-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
. Dit que la société Eturf a commis des actes d’extraction qualitativement substantielle de la base de données Infocentre PMU et de réutilisation à des fins commerciales desdites données, sans l’autorisation du PMU,
. Dit que la société Eturf n’établit pas en l’espèce l’abus de position dominante du PMU
. Déboute en conséquence la société Eturf de sa demande de licence obligatoire sur la base de données Infocentre PMU,
. Déboute le PMU de sa demande formée au titre des agissements parasitaires,
. Interdit à la société Eturf d’extraire des parties qualitativement ou quantitativement substantielles de la base de données Infocentre PMU, de quelque façon et sur quelque support que ce soit, sous astreinte de 5000 € par infraction constatée un mois après la signification du présent jugement,
. Condamne la société Eturf à payer au PMU la somme de 120 000 € à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de l’extraction et de la réutilisation illicites des données de la base Infocentre PMU,
. Autorise le PMU à faire publier le dispositif du jugement devenu définitif dans deux journaux ou revues de son choix, aux frais de la société Eturf, dans la limite de 3000 € HT par insertion,
. Autorise le PMU à publier sur son site internet le présent jugement devenu définitif de façon lisible, en français et le lettre de taille suffisante dans un encadré de 468×120 pixels,
. Condamne la société Eturf à verser au PMU la somme de 5000 € en vertu de l’article 700 du ncpc,
. Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement du chef des mesures d’interdiction et d’indemnisation,
. Rejette le surplus des demandes,
. Condamne la société Eturf aux entiers dépens en ce compris le coût du procès verbal de constat du 19 octobre 2004 et celui du procès verbal de saisie contrefaçon du 3 février 2005.
Le tribunal : Mme Marie Claude Apelle (présidente), Mmes Marie Courboulay et Carole Chegaray (juges)
Avocats : Me Olivier Iteanu, Me François Greffe
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