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Jurisprudence : Vie privée

lundi 24 septembre 2007
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Tribunal de grande instance de Versailles 8ème chambre correctionnel Jugement du 27 juin 2007

Ministère public / Massire T.

diffusion - film - téléphonie - vie privée

PROCEDURE

Par ordonnance de renvoi de l’un des juges d’instruction de ce siège, en date du 30 janvier 2007, le prévenu est renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention :
– Pour s’être le 24 avril 2006, en tout cas depuis un temps non prescrit, à Porcheville, en tous cas sur le territoire national, alors qu’il pouvait par son action personnelle ou en provoquant un secours, sans risque pour lui ou pour des tiers, porter assistance à Isabelle H. épouse B., qui se trouvait en péril, abstenu volontairement de le faire,

* Faits prévus et réprimés par les articles 223.6 al. 2 et 223.16 du code pénal.

– Pour avoir, le 24 avril 2006, en tout cas depuis un temps non prescrit à Porcheville, en tous cas sur le territoire national, volontairement fixé, enregistré ou transmis sans son consentement, l’image de Isabelle H. épouse B. se trouvant dans un lieu privé, en l’espèce une salle de classe,

* Faits prévus et réprimés par les articles 226.1, 226.5, 226.6, 226.31 du code pénal.

[…]

DISCUSSION

Sur l’action publique

Massire T. a reconnu avoir filmé avec son téléphone portable, l’agression de sa professeur Isabelle H. qui a été rouée de coups par un autre élève de la classe Abdoullah W., et ce dans la salle de classe pendant un cours.

Massire T. n’a reconnu les faits qu’après avoir été confondu par l’enquête qui a déterminé au vue du film en cause, qu’il était le seul élève à l’endroit d’où avait commencé le filmage. Massire T. s’est rapproché de la scène de violence et a effectué des zooms.

Il a ensuite permis la circulation de son téléphone entre les mains de nombreux élèves qui ont transféré l’enregistrement litigieux sur leurs téléphones ; la scène d’agression filmée se retrouvant ultérieurement diffusée dans les médias de la presse écrite et audiovisuelle.

La salle de classe du lycée de Porcheville n’est accessible qu’aux personnes autorisées et constitue donc un lieu privé au sens de l’article 226-1 du code pénal. La professeur n’a pas consenti au filmage litigieux, ni à sa transmission.

Le prévenu sera donc déclaré coupable d’atteinte à l’intimité de la vie privée.

Il est manifeste qu’il n’a pas eu le moindre geste pour porter secours à la victime et tenter de faire cesser l’agression alors qu’il était en mesure de le faire puisqu’il a pris la peine de se saisir de son téléphone, en le mettant en marche en filmant et en se rapprochant de la scène de violence.

Le prévenu sera donc déclaré coupable de non assistance à personne en péril.

Sur la peine

L’attitude du prévenu manifeste un manque total de respect à l’égard de sa professeur. Il a été mu par l’envie de faire un scoop malsain.

Ces faits particulièrement graves sont la cause d’un trouble exceptionnellement grave et durable à l’ordre public, s’agissant de faits commis dans un établissement scolaire à l’encontre d’un enseignant et ayant eu un retentissement médiatique national.

Le prévenu sera en conséquence sanctionné par une peine d’emprisonnement d’un an, qu’il convient toutefois, en raison de l’absence d’antécédents, d’assortir d’un sursis partiel à hauteur de 6 mois.

Sur l’action civile

Le tribunal dit y avoir lieu à déclarer recevable en la forme la constitution de partie civile de Isabelle H., M. B.

Le tribunal reçoit la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice personnel et moral subi par Isabelle H., partie civile, d’un montant de 10 000 €, par avocat, la représentant.

Au fond, il convient de faire droit à cette demande, en la ramenant à la somme de 5000 €.

De plus recevant la demande d’un montant de 3000 € présentée en vertu de l’article 475-1 du code de procédure pénale, le tribunal considère qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de Isabelle H., partie civile, les sommes exposées par elle et non comprise dans les frais.

Il convient de faire droit à cette demande et de lui allouer, à ce titre, une somme ramenée à 2000 €.

Le tribunal reçoit la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par M. B., partie civile, d’un montant de un euro, par avocat, la représentant.

Au fond, il convient de faire droit en intégralité à cette demande.

DECISION

Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l’encontre de Massire T., prévenu ; à l’égard de Isabelle H., M. B., parties civiles ;

Sur l’action publique

. Déclare Massire T. coupable pour les faits qualifiés de :

Non assistance à personne en danger, faits commis le 24 avril 2006, à Porcheville,
Utilisation d’un document ou enregistrement obtenu par une atteinte à la vie privée d’autrui, faits commis le 24 avril 2006, à Porcheville.

Vu les articles susvisés :

. Condamne Massire T. à 1 an d’emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du code pénal :

. Dit qu’il sera sursis pour une durée de 6 mois à l’exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l’avertissement, prévu à l’article 132-29 du code pénal, au condamné que s’il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l’objet d’une condamnation qui sera susceptible d’entraîner l’exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu’il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du code pénal.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 90 € dont est redevable Massire T.

Sur l’action civile

. Déclare recevable, en la forme, la constitution de partie civile de Isabelle H., M. B.

. Déclare Massire T. entièrement responsable des préjudices subis par Isabelle H., M.B.

. Condamne Massire T., à payer à Isabelle H., partie civile, la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts, et en outre la somme de 2000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

. Condamne Massire T. à payer à M. B., partie civile, la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts.

Le tribunal : M. Thierry Bellancourt (vice président), Mme Brigitte Pavard et Anne Zysman (juges)

Avocats : Me Sophie Gallais, Me Cécile Flecheux

Cette décision est frappée d’appel.

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