Jurisprudence : Marques
Cour d’appel d’Aix en Provence 2ème chambre Arrêt du 6 décembre 2007
TWD Industrie / Google France, Google Inc
concurrence déloyale - constat - contrefaçon - liens - marques - moteur de recherche - mots clés - preuve - procédure - publicité
FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société TWD Industries a développé et vend notamment par le biais d’internet un logiciel «de contrôle à distance d’un parc informatique», dénommé «Remote Anything». Elle a déposé, le 2 mai 2005, auprès de l’institut National de la Propriété Industrielle une demande d’enregistrement de la marque semi figurative «Remote-Anything», publiée, le 10 juin 2005, au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle et enregistrée, le 7 octobre 2005.
La société Google Inc, société de droit américain, exploite un moteur de recherche, et depuis 2002, un programme dit AdWords, permettant parallèlement à l’affichage des résultants suite à des recherches d’internautes, l’affichage de «liens commerciaux» ou sponsorisés d’autres sites Web créés par des annonceurs dans des circonstances aujourd’hui controversées. L’Eurl Google, société de droit fiançais, a été constituée en 2002.
La société TWD Industries a fait grief à la société Google Inc et à l’Eurl Google de faire apparaître, ensuite de recherches effectuées à partir des mots-clés «Remote-Anything», sous le bandeau «liens commerciaux», des liens renvoyant à des sites de sociétés commercialisant des produits identiques et concurrents et pour certains sites comportant des propos dénigrants.
Par jugement contradictoire en date du 7 février 2006, le Tribunal de Grande Instance de Nice, se déclarant compétent territorialement pour connaître de l’action en justice intentée par la société TWD Industries, a déclaré la société TWD Industries irrecevable en sa demande en contrefaçon de marque, l’a déboutée de ses demandes en concurrence déloyale et en publicité mensongère, a débouté la société Google Inc et l’Eurl Google de leur demande en annulation du dépôt de la marque «Remote-Anything» et a condamné la société TWD Industries à payer à la société Google Inc et à l’Eurl Google la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
La société TWD Industries a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, clans leur rédaction issue du décret N°98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et moyens de la société TWD Industries dans ses conclusions récapitulatives N° 2 en date du 4 octobre 2007 tendant à faire juger :
– que la société Google Inc et l’Eurl Google ont commis des actes de contrefaçon de la marque «Remote-Anything» par sa reproduction réalisée dès lors que des internautes utilisant le moteur de recherche Google, se servent à titre de mot-clé du signe constitué par la marque,
– que les procès-verbaux d’huissier constatant les faits de contrefaçon sont réguliers et probants,
– que la marque «Remote-Anything» est valable, comme distinctive,
– que la société Google Inc et l’Eurl Google ont commis des actes de contrefaçon à compter du 10 juin 2005 et postérieurement au 19 septembre 2005, date à partir de laquelle elles prétendent abusivement avoir bloqué l’utilisation du mot-clé «Remote-Anything»,
– que la société Google Inc et l’Eurl Google ont eu un rôle actif dans la sélection du mot-clé litigieux, le fonctionnement du programme Adwords impliquant l’intervention active des sociétés Google,
– que la société Google Inc et l’Eurl Google, fournisseurs de liens sponsorisés, ont également commis des faits de dénigrement et de détournement de clientèle et ont ainsi engagé leur responsabilité sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel, en favorisant notamment l’utilisation de la marque à titre de mot-clé, soit en proposant directement aux annonceurs la marque à titre de mot-clé, soit en les laissant choisir à titre de mot-clé la marque protégée «Remote-Anything», sans exercer aucun contrôle,
– que la société Google Inc et l’Eurl Google se sont également rendus fautives de publicité trompeuse et de parasitisme et que l’ensemble de ces agissements leur vaudra d’être condamnées à des dommages-et-intérêts à hauteur de 250 000 € au titre de la contrefaçon, à hauteur de 250 000 € au titre de la publicité mensongère et à hauteur de 1 000 000 € au titre des «fautes commises» ;
Vu les prétentions et moyens de la société Google Inc et de l’Eurl Google dans leurs conclusions en réponse et récapitulatives en date du 1er octobre 2007 tendant à faire juger :
– que seule la société Google Inc est éditrice en France du programme Adwords et que l’Eurl Google devra donc être mise hors de la cause,
– que la société Google Inc a mis en oeuvre un ensemble de moyens (-consignes de rédaction à l’usage des annonceurs lors de la création de leur compte AdWords relativement à la disponibilité des mots-clés -procédures l’alerte et de désactivation des mots-clés litigieux) qui ont pour but notamment de réaliser le «blocage» effectif et quasi instantané desdits mots, ce qui a été réalisé en l’espèce le 19 septembre 2005 suite à l’assignation délivrée le 13 septembre 2005, sans avertissement ou mise en garde préalable de la société TWD Industries,
– que les constats fondant les demandes de la société TWD Industries sont nuls et dépourvus de force probante,
– que le « juge français » est territorialement incompétent pour connaître une demande d’interdiction du mot-clé « Remote-Anything » sur l’ensemble des sites de Google concernant des Etats étrangers, le critère d’accessibilité des sites étrangers pour retenir la compétence territoriale étant «extrêmement critiquable», un lien de rattachement étroit étant maintenant exigé en jurisprudence,
– que la société Google Inc n’a ni proposé, ni suggéré à ses annonceurs le mot-clé litigieux qui a été sélectionné par les seuls annonceurs et sous leur entière et exclusive responsabilité,
– que la marque «Remote-Anything» déposée par la société TWD Industries ne présente pas un caractère suffisant de distinctivité et devra être annulée,
– que la société Google Inc n’a pas commis personnellement d’actes constitutifs de contrefaçon de la marque, la sélection des mots-clés étant à l’initiative exclusive des annonceurs et leur utilisation, des internautes,
– que la société Google Inc n’a commis ni acte de publicité mensongère, ni acte de dénigrement, ni d’une manière générale un quelconque acte engageant sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, en I‘absence de toute obligation de contrôle a priori du choix des mots-clés par les annonceurs et compte tenu de l’impossibilité matérielle d’effectuer un tel contrôle,
– que la société Google Inc a rempli sans faute son rôle de prestataire d’un service technique en mettant à disposition du public un service de communication en ligue, son rôle étant limité à l’enregistrement de données réunies sous la responsabilité des annonceurs,
– subsidiairement, que la société TWD Industries ne démontre pas la réalité d’un quelconque préjudice qui résulterait des agissements qu’elle dénonce ;
L’ordonnance de clôture de l’instruction de I’affaire a été rendue le 29 octobre 2007,
DISCUSSION
Attendu que selon les articles 15 et 16 du nouveau code de procédure civile, 1- les parties doivent mutuellement se faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leur prétentions et les moyens de droit qu’elles invoquent et 2- le juge doit, en toutes circonstances, faire observer le principe de la contradiction et veiller à ce que les parties aient été à même de débattre des moyens et explications qu’il retiendra dans sa décision ; qu’en l’espèce en déposant le jour de la clôture de l’instruction dont la fixation au 29 octobre 2007, avait été reportée, sans changement de la date de l’audience des plaidoiries fixée au 8 novembre 2007, lors de l’audience dite «ordre de travail» du 4 avril 2007, des conclusions nouvelles et «copieuses», la société Google Inc et l’Eurl Google n’ont pas mis l’appelante en mesure d’y répondre ;
que ce comportement est contraire à la loyauté des débats en ne permettant pas à l’évidence à la société TWD Industries, appelante, de disposer d’un temps utile pour y répondre d’autant plus que la société TWD Industries avait déjà fait diligence en répondant, le 4 octobre 2007, à des conclusions précédentes déposées par les intimées, le 1er octobre 2007, les conclusions en date du 1er octobre 2007, des sociétés Google répliquant déjà tardivement à des conclusions déposées, le 3 avril 2007, par la société TWD Industries ; qu’aucune cause sérieuse au retard à déposer (de nouveau) des conclusions n’est alléguée par la société Google Inc et par l’Eurl Google ; qu’il y a lieu de rejeter les dernières conclusions de la société Google Inc et de l’Eurl Google ;
Attendu que la société Google Inc a créé le programme Google AdWords afin de faire pour le compte d’annonceurs la promotion des produits et services de ceux-ci sur le Web en leur ouvrant un compte en vue de la diffusion d’annonces ciblées en parallèle à l’exploitation d’un moteur de recherche d’informations en ligne, les résultats de recherche informative étant accompagnés de l’affichage distinct de liens commerciaux, sponsorisés ; que cette «solution de publicité permettant d’atteindre les internautes» utilisant le moteur de recherche Google, est gérée pour la France par l’Eurl Google, présentée par la société Google lnc, comme «étant un point de contact pour les clients -annonceurs- souhaitant avoir des conseils sur la solution AdWords»;
qu’il ne peut être sérieusement soutenu que l’Eurl Google est étrangère au moteur de recherche Google, alors que le contrat passé, le 16 mai 2002, entre la société Google Inc et sa filiale, l’Eurl Google a pour objet la fourniture par l’Eurl Google à la société Google Inc de services de démonstration auprès de la clientèle des Services Internet et, notamment, selon l’annexe A la fourniture des services en relation avec le programme AdWords Google (programme de placement de liens sponsorisés sur le moteur de recherche Google) ;
Attendu que les éléments de preuve fournis par la société TWD industries sont recevables dès lors que tant l’huissier qui a instrumenté que l’agent assermenté de l’Agence pour la Protection des Programmes qui a effectué des constatations matérielles, n’agissaient pas dans un cadre spécifique et que, les faits de contrefaçon et/ou de concurrence déloyale pouvant être rapportés par tous moyens, leurs constatations pouvaient être formalisées ainsi qu’elles l’ont été dans des documents non assujettis à des formes particulières ;
que ces documents soumis la contradiction des parties mentionnent les circonstances dans lesquelles les constatations ont été opérées ; que ces constatations matérielles consistant principalement à enregistrer les résultats de recherches effectuées sur des sites et notamment sur le site www.google.fr font l’objet de documents ayant force probante ; que la société Google Inc et l’Eurl Google qui se bornent à contester les conditions dans lesquelles les constatations ont été opérées et la qualité juridique de ceux qui les ont effectuées, ne remettent pas véritablement en cause le contenu de ces éléments de preuve ;
Attendu qu’en matière de contrefaçon, la victime peut exercer son action en réparation devant la juridiction de l’Etat sur le territoire duquel le dommage découlant de faits de contrefaçon a été subi par le titulaire de la marque ; que s’agissant d’une contrefaçon réalisée via internet par le biais de la reproduction interdite d’une marque déposée, l’ensemble des juridictions françaises est territorialement compétent pour connaître de l’action du titulaire de la marque se plaignant de l’exploitation d’un site internet accessible à partir de la France et offrant à la vente sur le territoire français des produits ou services disponibles pour la clientèle d’internautes ;
qu’en l’espèce, les sites des sociétés Google affichent des liens commerciaux à destination du public français d’internautes, déclenchés à partir de l’utilisation du mot-clé «Remote-Anything» et renvoyant à des sites de diverses sociétés, créés en langue française, anglaise ou autre ; que la reproduction en France de la marque «Remote-Anything» à titre de mot-clé permettant l’affichage de liens commerciaux renvoyant à des sites internet lors qu’il est recouru au moteur de recherche Google, constitue, le cas échéant, un acte de contrefaçon commis au préjudice de la société TWD Industries ; que, cependant, la société TWD Industries ne démontre pas que tous les sites affichés sous le bandeau «liens commerciaux» mettent à la disposition des consommateurs français des produits identiques ou similaires aux siens ;
qu’il n’est produit au débat par la société TWD Industries aucun contenu des sites incriminés révélant les modalités précises de l’offre de produits aux consommateurs français si bien qu’il ne peut être considéré que les liens commerciaux affichés sur les sites «étrangers» des sociétés Google présentent effectivement des produits (logiciels d’un type déterminé) qui sont disponibles aux consommateurs résidant en France et qui sont identiques ou similaires à ceux de la société TWD industries; que la société Google Inc et l’Eurl Google ne disconviennent pas que le site accessible à l’adresse www.google.fr, rédigé en langue française comporte des liens commerciaux proposant effectivement au public résidant en France, des produits disponibles qui sont identiques ou similaires à ceux de la société TWD Industries ; qu’au surplus la protection conférée par le code de la propriété intellectuelle au titre des marques ne peut être mise en oeuvre que pour les faits de contrefaçon commis en France ou pour un préjudice dont les effets se font sentir en France ;
que le Tribunal de Commerce de Nice était donc bien compétent territorialement pour connaître, pour le moins, de l’action de la société TWD Industries en ce qui concerne les éventuels faits de contrefaçon découlant de l’exploitation du site www.google.fr et qui sont susceptibles d’avoir commis un préjudice à la société TWD Industries dont le siège social se situe à Biot (06) ;
Attendu que la marque «Remote-Anything» déposée par la société TWD Industries n’encourt pas la nullité pour défaut de caractère distinctif ; que s’agissant d’une marque française, la combinaison de deux vocables en langue anglaise, n’évoque pas de manière directe et concrète le produit ; que le signe vocal «Remote-Anything» pouvant être traduit par «tout à distance» ne décrit pas pour le public pertinent français, le produit en cause (« logiciel d’accès à distance ») et présente un caractère arbitraire et distinctif suffisant ; que les sociétés Google ne font pas la preuve que la désignation du produit en cause se fait usuellement en France sous l‘expression «Remote-Anything» passée dans le langage courant ;
Attendu que selon les articles L 713-2 et L 713-3 du code de la propriété intellectuelle sont interdits 1- la reproduction ou l’usage, ou encore l’usage d’une marque reproduite pour des produits identiques à ceux désignés dans l’enregistrement, 2- s’il peut en résulter une confusion dans l’esprit du public, a) la reproduction, l’usage d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite pour des produits similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, et b) l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;
que l’usage dont se plaint la société TWD Industries, est celui par les sociétés Google de sa marque «Remote-Anything» désignant des logiciels d’un type particulier ; que l’utilisation du programme AdWords fait que, en sollicitant le moteur de recherche Google, par une requête formée du mot-clé «Remote-Anything», choisi par des annonceurs, (mot-clé qui est une reproduction de la marque), il est déclenché l’affichage de liens commerciaux sponsorisés ; que ces liens renvoient à des sites de sociétés commercialisant des produits identiques à ceux commercialisés par la société TWD Industries ; que l’usage, au sens de l’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle, «dans la vie des affaires», du mot-clé «Remote-Anything» en relation avec des produits de même nature que ceux protégés par la marque, grâce au moteur de recherche Google, sans l’autorisation du propriétaire de la marque, réalise la contrefaçon de la marque «Remote-Anything» ;
que l’usage visé par ledit article concerne tous les actes par lesquels un opérateur économique reproduit une marque, sans qu’il soit nécessairement requis que l’usage de la marque contrefaisante soit effectué «en tant que marque» ; qu’en l’espèce, grâce à l’utilisation du moteur de recherche exploité commercialement par les sociétés Google, qui ont intégré une marque reproduite à titre de mot-clé dans ledit moteur, des liens commerciaux sponsorisés sont affichés pour dévoiler de sites concurrents à celui de la société TWD Industries ;
que la société Google Inc et l’Eurl Google ont porté directement atteinte aux droits privatifs du titulaire de la marque, qui n’ont pas pour finalité exclusive de garantir la provenance du produit ; que la demande de la société TWD Industries fondée sur l’atteinte portée à ses droits découlant de marque «Remote-Anything» doit être accueillie ;
Attendu que la société Google Inc et l’Eurl Google ne se sont pas comportées en simples «prestataires techniques», activité de stockage de données relevant des dispositions de l’article 6,2° de la loi dite LCEN du 21 juin 2004, mais ont, à partir des données à la constitution desquelles elles ont joué un rôle actif ; diffusé des messages publicitaires sous forme de liens commerciaux au profit d’annonceurs qui les rémunèrent pour la diffusion, ce qui constitue une activité de régie publicitaire à l’occasion de laquelle elles peuvent engager leur responsabilité sur le fondement du droit commun ;
que notamment elles doivent répondre du choix qu’elles agréent, de mots-clés (choix effectué par les annonceurs avec le concours des sociétés Google) et vérifier que la mise en ligne des liens commerciaux sponsorisés ne portent pas atteinte aux droits des tiers, sans pouvoir invoquer une soi-disant «impossibilité matérielle, juridique et économique» pour opérer une vérification «a priori» ; qu’un empêchement de cette triple nature, à le supposer établi, ne peut exonérer un opérateur économique de toute responsabilité, mais doit le conduire à renoncer à cette activité ou bien, s’il persiste à la poursuivre, à en assumer les conséquences ;
Attendu qu’il est démontré par la société TWD Industries que la société Google lnc et/ou l’Eurl Google sont intervenues positivement pour assister les annonceurs lorsque ces derniers ont ouvert un compte AdWords et ont déterminé les mots-clés qui déclencheront l’affichage de liens commerciaux sponsorisés ; que s’il n’est pas avéré que les sociétés Google ont proposé directement à des annonceurs, au cours de la procédure de création de leur compte AdWords, le signe «Remote-Anything» comme mot-clé, elles ont recommandé la consultation du «Générateur de mots-clés» destiné à sélectionner les mots-clés les plus pertinents ;
que des annonceurs ont usé du service proposé par les sociétés Google afin d’optimiser le choix de leurs mots-clés et d’obtenir une fréquence d’affichages plus élevée de leurs liens commerciaux et ont arrêté leur choix en faveur du mot-clé litigieux : «Remote-Anything» à. la suite de l’intervention active et intéressée des sociétés Google, qui sont rémunérées au nombre de «clic» effectués par les internautes sur les liens commerciaux sponsorisés qui sont affichés ;
que par l’aide apportée aux annonceurs lors du choix des mots-clés pertinents, les sociétés Google qui tirent un intérêt commercial de la diffusion des messages de publicité sous forme de liens commerciaux, ont participé à la reproduction de la marque déposée : «Remote-Anything» et à l’usage de cette marque reproduite ; qu’il importe peu que les sociétés Google aient rappelé aux annonceurs de messages publicitaires dans les conditions générales des contrats, l’interdiction de porter atteinte aux droits des tiers, résultant notamment de la propriété intellectuelle et plus spécialement résultant du droit des marques et leur aient adressé des invitations ou avertissements à vérifier la disponibilité des termes qu’ils choisissent en guise de mots-clés ; que leur responsabilité au titre de la contrefaçon par usage d’une marque reproduite, demeure parallèlement à celle des annonceurs ;
Attendu que la société TWD Industries impute à la société Google Inc et à l’Eurl Google des faits de concurrence déloyale, de parasitisme et plus généralement un comportement contraire à la bonne foi et à la loyauté devant présider aux relations commerciales, en ne vérifiant pas les choix des mots-clés effectués par les annonceurs et les aidant même à choisir comme mots-clés des signes pouvant constituer des marques ; que des tels agissements se confondent avec ceux déjà sanctionnés au titre de la contrefaçon de marque et ne peuvent fonder une demande en réparation civile sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle ;
qu’aucune circonstance particulière caractérisant à la charge des sociétés Google des faits fautifs distincts des faits de contrefaçon, n’est suffisamment établie par la société TWD Industries ; que l’utilisation de mots-clés par le moteur de recherche Google (notamment le vocable générique anglais «remote»), qui ne sont pas la reproduction exacte de la marque déposée, n’est pas incriminable ;
Attendu que la société TWP Industries ne fait pas la preuve suffisante que les sociétés Google ont commis des actes constitutifs de dénigrement, de détournement de clientèle ou/et de publicité mensongère au profit de «partenaires commerciaux» qu’elle désigne dans ses conclusions, mais dont elle n’établit pas précisément les liens avec les sociétés Google ; que la publicité mensongère ne peut être invoquée dès lors que les liens commerciaux sponsorisés qui s’affichent sur l’écran sous un emplacement réservé à cet effet, ne peuvent être considérés par un internaute «pratiquant» (d’attention moyenne) comme ayant une relation commerciale nécessaire avec le ou les site(s) recherchée(s) figurant sous la colonne «résultats» ; que les références des sites affichés comme liens commerciaux sont différentes de celles des sites figurant sous la colonne «résultats» ;
Attendu sur le préjudice résultant de la contrefaçon de la marque «Remote Anything», qu‘il convient de Ie fixer à la somme de 15 000 € au vu des éléments de préjudice fournis par la société TWD Industries et au regard des considérations suivantes ; qu’il convient d’observer que les faits de contrefaçon ne sont pas poursuivis au-delà du 19 septembre 2005, date à laquelle la société Google Inc a procédé au blocage du mot-clé «Remote-Anything» le rendant inefficace pour déclencher l’affichage de liens commerciaux sponsorisés ensuite de l’assignation, délivrée le 13 septembre 2005 et non précédée de mise en demeure ou de tout autre courrier de la société TWD Industries enjoignant les sociétés Google de cesser leurs actes de contrefaçon ;
que postérieurement au 19 septembre 2005, il n’est pas démontré par la société TWD Industries que la société Google Inc a réactivé le mot-clé litigieux, l’utilisation isolée ou en association avec d’autres du terme générique «remote» étant licite ; que la société TWD industries ne peut se plaindre d’atteinte à ses droits privatifs qu’à compter du 10 juin 2005, date de la publication de sa marque au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle ; que la société TWD industries ne démontre pas que des mots-clés reproduisant sa marque ont été choisis postérieurement à la publication de celle-ci, le 10 juin 2005, les sociétés Google exposant sans être contredites par la société TWD Industries, qu’une société Sphalsdesk avait choisi le mot-clé litigieux, le 6 avril 2005 ;
que la possibilité pour les annonceurs de modifier à tout moment en cours d’exploitation du programme AdWords, leurs mots-clés, comme l’éventualité, réalisée en l’espèce, d’un dépôt de marque reprenant un mot-clé postérieurement au choix de ce mot-clé par un annonceur imposent un contrôle a posteriori et continu effectivement mal aisé à mettre en œuvre ; que le chiffre d’affaires net de la société TWD Industries a légèrement progressé au cours de l’exercice comptable 2006 (236 498 €) pour 235 926 € pour l’exercice précédent (2005), révélant le faible impact des faits de contrefaçon ;
qu’enfin la société TWD Industries en s’absentant, avant d’engager toute instance judiciaire, de mettre en demeure les sociétés Google de cesser d’user de la marque «Remote Anything» qu’elle savait pourtant reproduite depuis le 17 mai 2005, avant même sa publication, et en différant à l’excès l’engagement de la procédure, (celle-ci n’étant engagée que le 17 septembre 2005) a contribué à la réalisation de son propre préjudice pendant la période du 10 juin 2005 au 19 septembre 2005 ; que les procédures d’alerte et de désactivation du programme AdWords, connues de la société TWD Industries, pouvaient être facilement et efficacement mises en oeuvre par celle- ci ;
Attendu que l’équité commande de faire application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; que la partie terme aux dépens devra payer à l’autre la somme de 1000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECISION
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d’Appel d’Aix en Provence à la date indiquée à l’issue des débats, conformément à l’article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile,
. Reçoit l’appel de la société TWD Industries comme régulier en la forme et écarte des débats les concIusions de la société Google Inc et de l’Eurl Google déposées le 29 octobre 2007.
. Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
. Statuant à nouveau, dit que la société Google Inc et l’Eurl
Google ont commis des actes de contrefaçon de la marque «Remote-Anything» par sa reproduction et par l’usage de la marque reproduite.
. Condamne in solidum la société Google Inc et l’Eurl Google à porter et payer à la société TWD Industries la somme de 15 000 € à titre de dommages-et-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et celle de 2000 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
. Condamne in solidum la société Google Inc et l’Eurl Google aux entiers dépens de l’instance.
La cour : M. Robert Simon (président), MM. Baudouin Fohlen et André Jacquot (conseillers)
Avocats : Me Frédéric De Baets, Me Alexandra Neri
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