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Jurisprudence : E-commerce

vendredi 08 février 2008
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Tribunal de commerce de Paris Ordonnance de référé 9 novembre 2007

Ryanair / Vivacances

e-commerce - interdiction - vente en ligne

FAITS ET PROCEDURE

Pour les motifs énoncés en son assignation introductive d’instance en date du 31 juillet 2007, à laquelle il conviendra de se reporter, la société Ryanair Limited nous a demandé, le 11 septembre 2007, de :

Vu les articles 872 et 873 du ncpc.

Ordonner à la société Vivacances de :
1) retirer du site www.vivacances.fr, et du site www.vivacances.com toute information concernant les vols de la société Ryanair,
2) cesser la vente de vols Ryanair,
3) retirer de son site toute référence à la société Ryanair,

Dire que la société Vivacances devra se conformer aux injonctions qui lui seront délivrées dans un délai de huit jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir sous peine d’une astreinte de 5000 € par jour de retard.

Condamner la société Vivacances à lui payer la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du ncpc, ainsi qu’en tous les dépens.

La société Vivacances se fait représenter par son Conseil lequel dépose des conclusions motivées nous demandant de :

Vu les articles L.717-4 et R.717-11 du Code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles 9 et 873 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Vu le décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791,
Vu les pièces versées aux débats,

La recevoir en ses demandes, l’en dire bien fondée et ce faisant,
In limine litis,

Constater que les demandes de Ryanair concernent l’utilisation de la marque communautaire nominale «Ryanair» n°004168721 ;

En conséquence,
Nous déclarer incompétent pour statuer sur les demandes de mesures conservatoires de Ryanair et renvoyer cette dernière à mieux se pourvoir devant le Tribunal de Grande Instance de Paris ;

A titre subsidiaire,
Si nous retenions notre compétence :
Constater l’absence de trouble manifestement illicite du fait de la vente de billets d’avion Ryanair par elle ;

En conséquence, dire n’y avoir lieu à référé ;

A titre reconventionnel,
Condamner Ryanair à lui payer la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu’aux dépens.

A la requête des parties, nous avons remis l’affaire au 30 octobre 2007, pour communication de pièces et dépôt de conclusions en réponse.

A l’audience de ce jour,
Le Conseil du demandeur dépose des conclusions motivées en réponse et nous demande de :

Vu les articles 872 et 873 du ncpc.
Vu les articles 1134 et 1382 du Code Civil.
Vu le principe de la liberté du commerce et de l’industrie.

Débouter la société Vivacances de ses demandes et conclusions.

Lui accorder l’entier bénéfice de son assignation introductive d’instance et de condamner la société Vivacances en conséquence.

Le Conseil du défendeur, après avoir développé à la barre les moyens de ses écritures nous demande, par conclusions motivées récapitulatives, de :

Lui adjuger l’entier bénéfice de ses précédentes écritures.

A titre subsidiaire,
Si nous retenions notre compétence :
Soit au visa de l’article 872 du ncpc,
Constater l’absence d’urgence dans la présente espèce et la présence de contestations sérieuses émises par la société Vivacances ;

Soit au visa de l’article 873 du ncpc,
Constater l’absence de trouble manifestement illicite du fait de la vente de billets d’avion Ryanair par elle ;

En conséquence, dire n’y avoir lieu à référé ;
A titre reconventionnel,
Condamner Ryanair à lui payer la somme de 7500 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu’aux dépens.

Y ajoutant, à la barre la société Vivacances nous demande de prendre acte de son engagement de supprimer le terme «Mandataire» en page 6 des Conditions Générales dans l’article «Annulation Modification» par le mot « Intermédiaire ».

Après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, nous avons remis l’affaire au 09 novembre 2007, pour le prononcé de notre ordonnance.

DISCUSSION

Après avoir entendu les plaidoiries des Parties et pris connaissance de leurs pièces,

Nous retenons :

Que, Vivacances est une agence de voyages en ligne qui édite un site internet dédié à la vente de séjours, proposant des chambres d’hôtels, de billets d’avions et des services associés,

Que Ryanair est une compagnie de transport aérien low costs,

Qu’une personne qui est sur le site de Vivacances pour choisir un voyage, a le choix entre plusieurs compagnies aériennes dont Ryanair,

Nous prenons acte que Ryanair ne demande pas que Vivacances cesse d’utiliser sa marque et son logo, mais veut faire reconnaître son droit à vendre des voyages directement à ses clients et veut interdire à Vivacances de proposer à ses clients d’acheter des billets vendus par Ryanair,

Nous dirons que si les constats d’huissier ne sont pas contradictoires, ils présentent un éventuel élément de preuve qui n’est d’ailleurs pas contesté, de la possibilité de réserver directement des billets d’avions Ryanair depuis le site de Vivacances,

Nous constatons :

Que, sur le fondement des articles 872 et 873 du ncpc, Ryanair nous demande de faire « cesser un trouble manifestement illicite »,

Qu’il n’existe aucun lien contractuel entre Ryanair et Vivacances,

Que par suite, Vivacances ne doit pas utiliser le mot « mandataire » en page 6 de ses conditions générales, ou Vivacances n’agit pas « en tant que mandataires de la compagnie aérienne », comme l’écrit,

Que Vivacances nous a demandé de lui donner acte qu’elle était disposée à remplacer le mot « mandataire » par « intermédiaire »,

En conséquence, nous ordonnerons à Vivacances de remplacer le mot « mandataire » par « intermédiaire » au début de l’alinéa 3 de l’article « Annulation/modification », sous astreinte de 5000 € par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance, et ce pendant 30 jours ;

Par ailleurs, Ryanair soutient que Vivacances ne respecte pas le point 4 de ses conditions générales « liens avec ce site internet »,

Mais attendu qu’il s’agit d’une disposition unilatérale et propre à Ryanair, dont le bien fondé doit être examiné par les juges du fond éventuellement saisis,

Qu’il n’y a aucun trouble manifeste au sens de l’article 873 du ncpc à faire cesser,

Qu’en effet Ryanair ne subit pas de préjudice à voir ses billets d’avions vendus à des clients qui viennent par l’intermédiaire du site de Vivacances,

Que Ryanair ne justifie pas du grief que lui cause le lien entre le site de Vivacances et le sien,

Qu’au contraire, il est intéressant par Ryanair de pouvoir vendre des billets d’avions directement à des clients de Vivacances,

Qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit à une agence de voyages en ligne de permettre la vente de billets d’avion,

En conséquence, nous dirons n’y avoir lieu à référé sur les autres demandes de Ryanair,

Nous estimons que l’équité commande de laisser à chaque partie, les frais engagés à l’occasion du présent litige.

DECISION

Statuant par ordonnance contradictoire en premier ressort,

. Donnons acte à la société Vivacances de ce qu’elle est disposée à remplacer le mot « mandataire » par « intermédiaire ».

Vu l’article 873 du ncpc,

. Ordonnons à la société Vivacances de remplacer au 3ème alinéa de la rubrique « Annulation/Modification » le mot « mandataire » par « intermédiaire » sous astreinte de 5000 € par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance, et ce pendant 30 jours et il nous en sera référé pour la liquidation et/ou le renouvellement de l’astreinte.

. Disons n’y avoir lieu référé pour les autres demandes y compris l’article 700 du ncpc.

. Condamnons la société Ryanair aux dépens,

Le tribunal : M. de Baecque (président)

Avocats : Me Edouard Bertrand, Me Guillaume Teissonnière

Notre présentation de la décision

Voir décision TGI Paris du 9/04/2010