Jurisprudence : E-commerce
Cour d’appel de Paris 4ème chambre, section A Arrêt du 31 octobre 2007
Red Sound Systems / Emmanuel P.
e-commerce
Vu l’appel interjeté le 27 novembre 2006 par la société Red Sound Systems, d’une ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris en date du 10 novembre 2006, qui a :
– décliné sa compétence, au profit du tribunal, pour connaître de la demande aux fins de nullité du procès-verbal de constat en date du 3 février 2005,
– rejeté l’exception d’incompétence territoriale,
– renvoyé les parties à conclure sur le fond,
– réservé les dépens et accessoires ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 29 août 2007, par lesquelles la société Red Sound Systems, poursuivant la réformation de l’ordonnance déférée, demande à la Cour de :
– faire droit à son exception d’incompétence territoriale,
– déclarer le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour statuer sur l’action en contrefaçon de la marque communautaire “Cycloops” n° 001951587,
– renvoyer Emmanuel P. à se pourvoir devant le tribunal des marques communautaires du Royaume-Uni, lieu du domicile du défendeur,
– condamner Emmanuel P. à lui payer la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du ncpc et à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel avec le bénéfice des dispositions de l’article 699 du ncpc ;
Vu les uniques écritures, en date du 10 avril 2007, par lesquelles Emmanuel P., poursuivant la confirmation de l’ordonnance entreprise, prie la Cour de débouter la société Red Sound Systems de toutes ses demandes, fins et conclusions et de la condamner à lui payer la somme de 6000 € par application de l’article 700 du ncpc ainsi qu’à supporter les dépens de première instance et d’appel sous le bénéfice de l’article 699 du ncpc ;
DISCUSSION
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :
– Emmanuel P. est titulaire d’un brevet français enregistré le 12 août 1996 et d’un brevet européen revendiquant la priorité du brevet français qui enseigne un procédé et un dispositif pour l’enregistrement en boucles cycliques de plusieurs séquences phoniques, en vue d’une reproduction simultanée de celles-ci ;
– il est en outre titulaire d’une marque communautaire “Cycloops” n°001951987, déposée le 14 novembre 2000 pour désigner divers produits et services des classes 9, 15 et 42 et notamment les appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son et/ou des images et/ou de données, les supports d’enregistrement magnétiques ou optiques, disques acoustiques ou vidéo,
– la société Red Sound Systems Limited est une société de droit anglais qui fabrique et commercialise des produits et des technologies organisés autour d’un logiciel de prise de contrôle du tempo, destinés à une clientèle de disc-jockeys,
– les deux parties ont conclu en date du 12 janvier 2001 un contrat de licence non exclusive d’exploitation du brevet,
– un prototype de l’invention a été présenté au salon de Francfort en avril 2001 sous la marque “Cycloops” puis commercialisé sous cette même marque,
– toutefois, faute d’accord des parties sur les conditions d’une licence d’exploitation de la marque, la société Red Sound Systems a décidé d’exploiter le produit sous la dénomination “C-Loops”,
– c’est dans ces circonstances qu’Emmanuel P. l’a assignée devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins qu’il ordonne la reddition des comptes relatifs à l’exploitation du brevet, constate la contrefaçon de la marque “Cycloops” par l’usage de la dénomination “C-Loops” et prononce la résolution du contrat de licence du 12 janvier 2001 aux torts et griefs de la société Red Sound Systems,
– à ces prétentions la société Red Sound Systems a opposé, par voie d’incident soumis au juge de la mise en état, l’exception de procédure tirée de l’incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de l’article 93 du règlement communautaire n°40/94 du 20 décembre 1993 ;
Sur l’exception d’incompétence
Considérant que le moyen tiré de l’incompétence de la juridiction saisie constitue une exception de procédure, telle que définie à l’article 73 du ncpc, en ce qu’il tend à faire déclarer la procédure irrégulière ;
Considérant au vu des dispositions des article 771 et suivants du ncpc, qu’il incombe au juge de la mise en état dès lors qu’il est désigné, de statuer sur les exceptions de procédure, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal ; que les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions ultérieurement à moins qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état; que l’ordonnance de ce dernier statuant sur une exception de procédure a, au principal, autorité de chose jugée ; qu’elle est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa signification ;
Considérant qu’aux termes de l’assignation introductive d’instance, Emmanuel P. a saisi le tribunal de grande instance de Paris d’une action en contrefaçon, sur le fondement de l’article L713-3 du code de la propriété intellectuelle, de la marque communautaire “Cycloops” n°001951587, déposée le 14 novembre 2000 ;
Considérant que cette marque est régie par le règlement (CE) n°4094 du 20 décembre 1993 dont le titre X pose les règles de compétence et de procédure applicables aux actions en justice relatives aux marques communautaires ;
Qu’en vertu des dispositions combinées des articles 91 et 92 du règlement et R3 12-10 du code de l’organisation judiciaire, le tribunal de grande instance de Paris se voit attribuer une compétence exclusive, pour connaître des actions relatives aux marques communautaires et notamment des actions en contrefaçon, dès lors que ces actions relèvent de la compétence territoriale de la juridiction française ;
Qu’à cet égard, l’article 93 du règlement dispose que ces actions peuvent être portées devant la juridiction de l’Etat membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile, ou encore sur le territoire duquel le fait de contrefaçon a été commis ;
Considérant qu’en l’espèce, étant constant que la société Red Sound Systems n’est pas domiciliée en France, Emmanuel P. se prévaut de la compétence de la juridiction française en excipant de la commission de faits de contrefaçon sur le territoire français ;
Qu’il en veut pour preuve le constat réalisé le 3 février 2005 par Virginie M., agent assermenté de l’Agence pour la protection des programmes (APP), sur le site internet www.redsound.com, qui établit selon lui l’usage, sur ce site accessible au public français, de la dénomination contrefaisante “C-Loops” pour désigner le produit commercialisé par la société Red Sound Systems ;
Considérant toutefois que l’APP, organisation européenne des auteurs concepteurs en technologie de l’information, figure an nombre des organismes visés à l’article L331-1, alinéa 2, du Code de la propriété intellectuelle et se trouve, à ce titre, habilitée, en vertu des dispositions de l’article L331-2 du même Code, à faire établir par ses agents assermentés la constatation des infractions aux livres 1er, II et III de ce Code ;
Que Virginie M., agent de l’APP, auteur du constat litigieux, ne saurait agir que dans les limites de l’arrêté en date du 30 septembre 2003 du Ministre de la Culture, pris au visa des articles L331-2 et R331-1 du code de la propriété intellectuelle, qui ne lui accorde d’agrément en vue de son assermentation qu’à l’effet de constater la matérialité des infractions aux articles L335-2 à L335-5 dudit code ;
Qu’il s’ensuit que le constat de I’APP, dès lors qu’il porte sur la constatation d’une infraction au droit des marques, n’est pas légalement admissible à titre de preuve dans le litige de l’espèce ainsi que le soutient à juste titre la société Red Sound Systems ;
Qu’Emmanuel P. prétend par ailleurs que la mention “C-Loops” sur les relevés de comptes de redevances qui lui ont été adressés à son domicile de Villemomble par la société Red Sound Systems en 2002, 2003, 2004 et 2005 justifie de la contrefaçon de marque sur le territoire français ;
Que toutefois, l’usage de cette mention, circonscrit aux échanges entre les parties et à seule fin d’identifier les articles donnant droit à redevance au bénéfice d’Emmanuel P. en vertu des stipulations du contrat de licence de brevet le liant à la société Red Sound Systems ne saurait constituer un acte d’exploitation sur le territoire français de la marque critiquée ;
Que force est de constater que la preuve n’est pas rapportée de la commission en France de faits de contrefaçon de la marque communautaire “Cycloops” par la société Red Sound, de sorte que, par application des dispositions de l’article 93 du règlement communautaire susvisé, le tribunal de grande instance de Paris n’est pas compétent pour connaître de l’action en contrefaçon de marque communautaire d’Emmanuel P. ;
Sur les autres demandes
Considérant que l’équité ne commande pas de faire droit à la demande formée par la société Red Sound Systems sur le fondement de l’article 700 du ncpc ;
Que le sens du présent arrêt justifie le rejet de la demande d’Emmanuel P. sur ce même fondement et de le condamner aux dépens de la procédure d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du ncpc.
DECISION
Par ces motifs :
– Infirme l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 10 novembre 2006,
Statuant à nouveau,
– déclare le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître de l’action en contrefaçon de marque communautaire engagée par Emmanuel P.,
– renvoie ce dernier à mieux se pourvoir,
– déboute les parties de leur demande formée au titre de l’article 700 du ncpc,
– condamne Emmanuel P. aux dépens de la procédure d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du ncpc.
La cour : M. Alain Carre Pierrat (président), Mmes Dominique Rosenthal Rolland et Brigitte Chokron (conseillers)
Avocats : Me Albane Lafanechere, Me Jean Marc Lefrançois
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