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Jurisprudence : E-commerce

mercredi 24 juillet 2002
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Tribunal d’instance de Strasbourg Jugement du 24 juillet 2002

Thierry P. / Netbusiness Planète Discount

commerce électronique - contrat de vente en ligne - erreur matérielle - nullité

Les faits

Par demande entrée au greffe le 30 novembre 2001, Thierry P. a présenté une requête en injonction de faire au juge du tribunal de Strasbourg et a sollicité que la société Netbusiness lui livre un rétroprojecteur Sony KF50SX100 au prix de 5290 F + 200 F de frais de port conformément à la commande validée le 21 novembre 2001.

L’injonction de faire a été rendue le 13 décembre 2001 dans les termes de la demande et les parties ont été convoquées à l’audience du 25 janvier 2002 du tribunal de céans.

Par conclusions du 19 mars 2002, Thierry P. a sollicité :

– que l’ordonnance du 13 décembre 2001 soit confirmée ;

en conséquence :

– que la société Netbusiness soit condamnée à lui livrer le rétroprojecteur Sony KF50SX100 au prix de 5290 F, soit 806,46 euros + 200 F de frais de port, soit 30,49 euros conformément à la commande validée le 21 novembre 2001, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

– que le tribunal se réserve le droit de liquider l’astreinte,

– qu’il lui soit donné acte de ce qu’il réglera lesdites somme sur le compte Carpa de son conseil qui sera autorisé à s’en dessaisir dès que la société Netbusiness aura livrée l’appareil commandé,

– que la société Netbusiness soit condamnée au paiement de la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du ncpc,

– que soit ordonnée l’exécution provisoire.

Thierry P. a exposé qu’il n’a jamais annulé le crédit Cetelem ; que le contrat n’est pas nul pour absence d’un prix réel et sérieux ; que les 4 conditions prévues par l’article 1108 du code civil sont remplies ; que la diffusion sur le site internet de la vente d’un téléviseur au prix de 5290 F constitue une offre par laquelle la défenderesse a manifesté sa volonté de contracter ; que son acceptation a suffi pour former la vente ; que la société Netbusiness a confirmé la vente ; que la société Netbusiness ne rapporte pas la preuve d’un quelconque piratage informatique.

Par conclusions du 11 février 2002 et 3 mai 2002, la société Netbusiness a sollicité :

à titre principal :

– de constater, d’une part, que l’annulation par Thierry P. de sa demande de crédit auprès de Cetelem a entraîné ipso facto l’annulation de sa commande initiale,

– de constater, d’autre part, que le montant mentionné sur le bon de commande de Thierry P. ne peut être considéré comme un prix réel et sérieux,

– de dire et juger en conséquence qu’aucun contrat de vente n’a pu être conclu entre la société Netbusiness et Thierry P.,

– de débouter en conséquence Thierry P. de toutes ses demandes, fins et conclusions, et ce compris sa demande de condamnation de la société Netbusiness à une astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi que sa demande d’exécution provisoire,

– de condamner Thierry P. à lui verser la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du ncpc,

– de condamner Thierry P. aux dépens.

à titre subsidiaire :

– de constater le vice du consentement dont a été victime la société Netbusiness,

– d’annuler en conséquence le contrat de vente conclu entre Thierry P. et la société Netbusiness,

– de constater que l’on ne peut exclure à priori l’hypothèse d’un piratage informatique du site internet « planetediscount.com » destiné à modifier les tarifs habituellement pratiqués par la société Netbusiness,

– de débouter en conséquence Thierry P. de toutes ses demandes, fins et conclusions, et ce compris sa demande de condamnation de la société Netbusiness à une astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi que sa demande d’exécution provisoire,

– de condamner Thierry P. à lui verser la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du ncpc,

– de condamner Thierry P. aux dépens.

La société Netbusiness a précisé, notamment, que Thierry P. est parvenu à passer commande pour un prix dix fois inférieur au prix auquel ce produit est habituellement commercialisé par elle ; que Thierry P. a annulé sa demande de crédit auprès de Cetelem ; qu’elle était donc dans l’impossibilité absolue de traiter sa commande ; que la vente n’a pu être conclue compte tenu de l’annulation du crédit ; qu’il y a absence de prix réel et sérieux ; qu’il y a également vice de consentement de la société Netbusiness.

La discussion

Il n’est pas contesté que Thierry P. a validé le 21 novembre 2001 la commande d’un rétroprojecteur Sony KF50SX100 au prix de 5290 F + 200 F de frais de port et que la société Netbusiness lui a envoyé le même jour à 21 heures 36 un accusé de réception confirmant cette commande et l’acceptant.

Cependant, même si la société Netbusiness n’a pas pu présenter sa facture d’achat du rétroprojecteur Sony KF50SX100 objet du litige, il ressort de 3 documents différents que l’appareil en cause était vendu pour un prix supérieur à 50 000 F auprès d’autres commerçants.

Ainsi, le site internet son-video.com proposait l’appareil à un prix de 54 903,60 F au 22 janvier 2002, la société Darty le proposait à 54 899,99 F à la même date et le magasin Sony de l’espace Trocadéro a fait un devis de 59 987,27 F le 29 mars 2002.

Il apparaît donc évident que le prix proposé par la société Netbusiness sur son site internet le 21 novembre 2001, soit 5290 F, soit 1/10ème du prix proposé pour cet appareil à la même époque par les concurrents de la société Netbusiness, résulte d’une erreur purement matérielle d’étiquetage informatique.

Cette erreur matérielle d’étiquetage informatique a provoqué l’envoi par la société Netbusiness le 21 novembre 2001 d’un accusé de réception de la commande compte tenu des modalités pratiques de vente sur internet où les accusés de réception sont envoyés automatiquement.

Il s’ensuit que ce prix n’a pas exprimé le consentement de la société Netbusiness de vendre cet appareil à ce prix alors qu’il s’agit d’une erreur purement matérielle d’étiquetage informatique prouvée par le prix proposé par les concurrents de la société Netbusiness pour cet appareil.

Or, à défaut de consentement, la vente doit être déclarée nulle. Thierry P. sera donc débouté de ses demandes.

La société Netbusiness est à l’origine de cette erreur dont il n’est pas prouvé qu’elle provienne d’une manipulation informatique. L’équité commande donc de laisser à la charge de chaque partie les frais non compris dans les dépens qu’elle a cru devoir exposer au cours de la présente instance.

Il convient de prononcer l’exécution provisoire du présent jugement.

Les dépens doivent être supportés par la partie qui succombe.

La décision

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort :

. Annule le contrat de vente d’un rétroprojecteur Sony KF50SX100 conclu entre Thierry P. et société Netbusiness le 21 novembre 2001,

. Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,

. Déboute chaque partie de sa demande sur l’article 700 du ncpc,

. Condamne Thierry P. aux entiers dépens,

. Déboute toutes les parties pour le surplus.

Le tribunal : M. Olivier Ruer (juge).

Avocats : Me Leva, Me Bloch.

Notre présentation de la décision

 
 

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