Jurisprudence : Droit d'auteur
Cour de cassation Chambre criminelle Arrêt du 4 novembre 2008
Willy L. / Servane T., Thomas K.
contrefaçon - droit d'auteur - originalité - site internet
Statuant sur le pourvoi formé par L. Willy, contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 13ème chambre, en date du 5 février 2008, qui, pour contrefaçon d’une oeuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur, l’a condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 112-2, L. 121-8, L. 122-3, L. 122-4, L. 122-6, L. 335-2, L. 335-3, L. 335-5, L. 335-6 et L. 335-7 du code de la propriété intellectuelle, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré WiIIy L. coupable de contrefaçon par édition ou reproduction d’une oeuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur et l’a condamné à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis, ordonné la confiscation de certains scellés et la restitution d’autres à leur propriétaire, enfin a statué sur les intérêts civils ;
“aux motifs propres qu’il ressort des constatations opérées par le service de la Brigade centrale pour la répression des contrefaçons industrielles et artistiques (BCRCIA) que, d’août à octobre 2006, Willy L. a fait mettre en ligne le site reproduisant, sans leur consentement, les créations graphiques de Thomas K. et les créations rédactionnelles de Servane T. ; qu’il a reconnu durant sa garde à vue avoir repris dans leur intégralité notamment la charte graphique du site et le logo ainsi que la foire aux questions (FAQ), en étant conscient qu’il n’avait pas le droit de les utiliser ;
qu’il ne conteste donc pas la matérialité de la reproduction, mais soutient qu’au moment de la mise en ligne, la société UP & Sales n’était plus propriétaire des droits en cause qui, selon lui, faisaient partie des actifs de la société Data Direct en liquidation ; que ce moyen ne saurait être retenu ; qu’en effet, d’une part, les créations auxquelles il a été porté atteinte sont celles de Servane T. et de Thomas K., et non celles de la Société UP & Sales et, d’autre part, comme l’a relevé le tribunal, Willy L., poursuivi à raison de ses actes personnels, n‘est pas fondé à se prévaloir d’éventuels droits au bénéfice d’une personne morale qu’il s’est borné à représenter au moment de la signature du contrat (arrêt, p. 5 et 6) ;
“et aux motifs des premiers juges que lors de sa garde à vue, Willy L. a reconnu avoir fait appel à une société canadienne pour mettre en ligne un site internet en « continuant la partie du projet » qu’il avait obtenu de Servane T. ; qu’il a indiqué avoir utilisé le logo et la charte graphique créées par Thomas K., et la foire aux questions rédigée par Servane T. « sans le consentement » de leur créateur » ; qu’il ressort des pièces du dossier et des déclarations du prévenu que le contrat dont les conditions d’exécution sont discutées par les parties liait d’une part la société UP & Sales, représentée par Servane T., d’autre part la société Data Direct, représentée par le prévenu ;
qu’il apparaît qu’au moment de la mise en ligne du site, la société Data Direct, partie au contrat litigieux, faisait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, ouverte le 1er juin 2006 ; que, par la suite, Willy L. a été désigné administrateur d’une personne morale distincte, la société Data Direct Indexa gent, soumise au droit luxembourgeois, et sans lien juridique apparent avec la société Data Direct ; que Willy L. ne démontre pas à quel titre il se trouve en mesure de se prévaloir d’engagements contractés au profit d’une personne morale qu’il s’est borné à représenter lors de la signature du contrat ; que, dans ces circonstances, il apparaît que Willy L. a fait usage des créations visées par la prévention sans le consentement de leurs auteurs, sans pouvoir justifier de sa bonne foi ; qu’il sera donc déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés (jugement, p. 4) ;
“alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision, à peine de nullité ; que l’insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; que l’aveu du prévenu ne dispense pas les juges du fond de caractériser les éléments constitutifs de l’infraction ; qu’en se bornant à affirmer, pour déclarer Willy L. coupable des faits reprochés, qu’il avait reconnu durant sa garde à vue avoir repris dans leur intégralité les créations graphiques de Thomas K. et les créations rédactionnelles de Servane T., étant conscient qu’il n’avait pas le droit de les utiliser, sans constater les éléments constitutifs de l’infraction de contrefaçon d’une oeuvre de l’esprit au mépris des droits d’auteur, la cour d’appel a violé les textes susvisés” ;
Vu l’article 593 du code de procédure pénale ensemble les articles L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l’infraction qu’il réprime ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Willy L. a mis en ligne un site internet en reproduisant, sans autorisation, les créations graphiques et rédactionnelles respectivement réalisées par Thomas K. et par Servane T. qui avaient été chargés de la conception de ce site ; qu’il a été poursuivi pour contrefaçon par reproduction d’une oeuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, l’arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si et en quoi chacune des oeuvres, dont la protection était sollicitée, résultait d’un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de leurs auteurs, seul de nature à leur conférer le caractère d’une oeuvre originale protégée, comme telle, par le droit d’auteur, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
DECISION
Par ces motifs :
. Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 5 février 2008, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
. Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
. Dit n’y avoir lieu à application au profit de L’Eurl UP and Sales, Thomas K., la société Le Club Créatif et Servane T. de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
. Ordonne l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
La Cour : M. Farge (président), M. Le Corroller (conseiller rapporteur), M. Blondet (conseiller de la chambre);
Avocats : SCP Laugier et Caston, SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire.
Voir décision de Cour de cassation du 19/10/2010
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