Jurisprudence : Marques
Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 3ème section Jugement du 07 janvier 2009
Voyageurs du Monde, Terres d'Aventure / Google et autres
contrefaçon - liens commerciaux - marques - moteur de recherche - publicités - responsabilité
FAITS ET PRETENTIONS
La société Voyageurs du Monde est immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 11 avril 1979. Elle exerce les activités de tour opérateur et d’agent de voyages. Elle est spécialisée dans l’organisation de voyage en individuel sur mesure.
Cette société est titulaire de différentes marques semi-figuratives et verbales comportant la dénomination Voyageurs du Monde et de différents noms de domaine utilisant également ces termes.
La société Terre d’Aventure est immatriculée au registre du commerce et d’industrie de Paris depuis le 3 mai 1976 et exerce également une activité de tour opérateur et d’agence de voyages. Elle est spécialisée dans l’organisation de voyages d’aventure, notamment dans l’organisation de randonnées ou de trekking.
Cette société est également titulaire de différentes marques Terres d’Aventure et d’une marque Terdav ainsi que de différents noms de domaine permettant d’accéder au site internet qu’elle édite.
Dans le courant du printemps 2004, la société Voyageurs du Monde s’est aperçue que la saisie de la requête “voyageurs du monde” laissait apparaître des liens hypertextes publicitaires sur le moteur de recherche “google.fr” à destination de sites web dans le domaine du voyage.
L’Agence pour la Protection des Programmes (APP) a dressé un constat les 27 et 28 avril 2004 à cet effet.
Par lettre du 12 mai 2004, la société Voyageurs du Monde mettait en demeure la société Google de mettre fin à de tels actes.
La société Google répondait qu’elle cessait l’affichage de liens sponsorisés suivant la saisie des mots-clés “voyageurs du monde” et “voyageur du monde”.
Par constat des 5 et 7 mai 2004, l’APP constatait également la suggestion de la réservation du mot-clé “terre d’aventure” ou “terdav” dans l’outil “adwords” de la société Google.
Suite aux lettres de mise en demeure qui étaient adressées à la société Google France les 18 mai et 2 juin 2004, celle-ci répondait qu’elle allait supprimer les marques en cause dans l’outil de suggestion du système “adwords”.
Postérieurement, les sociétés demanderesses auraient constaté la persistance des faits précédemment dénoncés ainsi que leur apparition sur le moteur de recherche “Yahoo”.
Aussi, elles ont assigné par acte d’huissier du 20 octobre 2006, les sociétés Google France et la société Overture dont le nom commercial est Yahoo Search Marketing en atteinte à la renommée de leurs marques “Voyageurs du Monde”, “Terres d’Aventure” et “Terdav”, en contrefaçon de ces mêmes marques, en usurpation de leurs dénominations sociales, noms commerciaux et noms de domaine, en publicité trompeuse, en concurrence déloyale et agissements parasitaires.
Par des écritures du 4 septembre 2007, la société Google Inc est intervenue volontairement à l’instance.
Par acte du 1er octobre 2007, les sociétés demanderesses ont assigné aux mêmes fins la société Google Ireland Limited.
Par ordonnance du juge de la mise en état, il a été donné acte aux demanderesses de leur désistement d’instance et d’action à l’égard de la société Overture.
Dans leurs dernières écritures du 15 septembre 2008, les sociétés Voyageurs du Monde et Terres d’Aventure demandent principalement au tribunal, au visa des articles L 711-2, L 713-5, L 713-2 et L 713-3 du Code de Propriété Intellectuelle, L 115-33 et L 121-1 du code de la consommation, des articles 1382 et 1383 du code civil de :
– constater que les procès-verbaux de constat établis par l’APP sont parfaitement valables et recevables ;
– constater que l’ensemble des impressions d’écrans des résultats de recherche obtenus par elles sur le moteur de recherche “google.fr” et produites aux débats sont parfaitement valables et recevables ;
– constater que les extraits de comptes Adwords des clients annonceurs des sociétés Google versés aux débats par ces dernières constituent des preuves constituées par elle-même et ne sont pas valables ;
– constater le caractère parfaitement distinctif et de renommée des marques “Voyageurs du Monde” n° 9 983 147 1, 9 983 147 4 et 0 303 096 pour désigner des produits et services des classes 16, 39, 41 et 42 ;
– constater le caractère parfaitement distinctif et de renommée des marques “Terres d’Aventure” et “Terdav” n° 1 592 015, 99 782 364 et 1731 328 2 pour désigner des produits et services des classes 9, 16, 25, 39, 41 et 42 ;
– constater en tout état de cause qu’en raison de l’exploitation importante de ces marques dans le temps, celles-ci ont acquis un caractère distinctif par l’usage ;
– débouter la société Google France de sa mise hors de cause et les sociétés Google de leurs demandes de rejet de pièces et de nullité des marques opposées ;
– constater que les sociétés Google ont fait une exploitation injustifiée des marques précitées en suggérant dans le cadre de leurs programmes publicitaires AdWords la réservation de mots-clés correspondant en tout ou en partie y compris sous une forme dérivée aux marques précitées, en commercialisant les dits mots-clés et en permettant l’affichage de liens publicitaires hypertextes à destination de sites internet proposant des produits et services identiques à ceux protégés par les marques en cause et cela de parfaite mauvaise foi ;
– constater que par ces mêmes actes, les sociétés Google ont commis des actes de contrefaçon des dites marques par reproduction ou à tout le moins par imitation, des actes d’usurpation de leurs dénominations sociales, noms commerciaux et noms de domaine ainsi que des actes de publicité trompeuse, de concurrence déloyale et d’agissement parasitaires ;
– à titre subsidiaire, dire que les sociétés Google ont commis des fautes au sens des articles 1382 et 1383 du code civil,
– en tout état de cause, débouter les sociétés Google de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
– ordonner aux sociétés Google de supprimer de leur générateur de mots-clés accessible sur site internet tout mot ou expression reproduisant de manière identique ou similaire les marques “Voyageurs du Monde” “ Terres d’Aventure” et “Terdav” et ce, sous astreinte,
– interdire aux sociétés Google d’afficher des annonces au profit d’entreprises offrant des produits ou services protégés par les dites marques lors de la saisie sur le moteurs de recherche “www.google.fr” d’une requête reproduisant de manière identique ou similaire les marques précitées et ce, sous astreinte ;
– condamner in solidum les sociétés Google à leur payer une somme provisionnelle de 500 000 € au profit de la société Voyageurs du Monde et une somme provisionnelle de 300 000 € au profit de la société Terres d’Aventure, à titre de dommages et intérêts à valoir sur la réparation définitive du préjudice qu’elles ont subi et qui sera définitivement indemnisé après rapport d’expert dans la désignation est requise ;
– condamner in solidum ces mêmes sociétés à leur payer à chacune une indemnité de 50 000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire de la décision à intervenir et de l’autorisation de sa publication sur différents supports (journaux, magazines et sites internet).
Dans leurs dernières conclusions du 11 septembre 2008, les sociétés Google demandent au tribunal de :
– prononcer la nullité des procès-verbaux de constat réalisés par les agents assermentés de l’APP et produits aux débats ;
– dire que les captures d’écran constituant les pièces adverses n° 19, 20, 70, 76, 77, 78, 79, 90, 91, 113 et 114 ainsi que celles annexées à la pièce adverse n° 37 ont été réalisées dans des conditions qu’il n’est pas possible de connaître et sont en conséquence dépourvues de valeur probante ;
– constater que la société Google France est étrangère aux faits qui sont reprochés par les demanderesses dans l’assignation du 20 octobre 2006 ;
– constater qu’aucune des sociétés Google n’a commis d’acte de contrefaçon au sens des articles L 713-2 et L 713-3 du Code de Propriété Intellectuelle,
– constater que la preuve de la renommée des marques opposées n’est pas rapportée ;
– constater qu’aucune des sociétés Google n’a commis les actes qui leur sont reprochés ;
– constater que le positionnement d’un lien promotionnel sur les pages de résultats visités par les internautes qui reproduisent une marque ou ses variantes dans leurs recherches n’altèrent pas en lui-même de manière substantielle la liberté et la capacité de choix de ces internautes et leur offre une simple alternative qui est tout à fait conforme aux objectifs poursuivis par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs transposant la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales ;
– constater l’absence de tout préjudice démontré et le défaut de preuve d’un lien de causalité entre les fautes alléguées et ce prétendu préjudice ;
– constater l’absence de nécessité et le caractère disproportionné d’une mesure de publication dans la presse et/ou la page d’accueil du site “google.fr” ;
– prononcer la nullité des marques opposées.
En définitive, les sociétés Google demandent le débouté des prétentions des demanderesses et leur condamnation à leur payer une indemnité de 35 000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
DISCUSSION
* sur la validité des constats APP :
Les sociétés Google soutiennent que les procès-verbaux produits aux débats et dressés par les agents assermentés de l’Agence pour la Protection des Programmes à savoir, Pierre F., Ambroise S. et Virginie M. sont nuls pour les motifs suivants : d’une part, ils ont été réalisés pour la constatation d‘acte de contrefaçon de marque, matière pour laquelle, l’Agence pour la Protection des Programmes (APP) n’a pas de compétence légale, l’agrément du Ministre de la Culture à l’APP concernant uniquement la constatation des infractions aux articles L 335-2 et L 335-5 du Code de Propriété Intellectuelle ; d’autre part, les constatations effectuées ne relèvent pas de l’objet social de l’APP qui est limité à la défense “des intérêts moraux et matériels des personnes physiques ou morales, auteurs de logiciels ou concepteurs de technologie de l’information” ni de la défense de l’intérêt de ses membres, les sociétés demanderesses n’étant pas membres de l’Agence pour la Protection des Programmes ; enfin, l’offre de service de l’APP est contraire aux dispositions de l’article L 442-7 du code du commerce qui interdit d’offrir (de façon habituelle) des produits à la vente, les vendre ou fournir des services si ces activités ne sont pas prévues par des statuts.
Si la compétence de l’Agence pour la Protection des programmes porte en application de l’article L 331-2 du Code de Propriété Intellectuelle sur la constatation des atteintes portées aux droits d’auteur et à des droits voisins, rien de s’oppose à ce que ses agents puissent également constater dans le cadre d’une activité accessoire des atteintes portées à d’autres droits de propriété intellectuelle, étant observé alors qu’il ne s’agit pas d’actes d’huissier relevant du régime des nullités instauré par le Code de Procédure Civile ni de procès-verbaux ayant la même force probante que ceux des agents ou officiers de police judiciaire mais de simples constatations soumises à l’appréciation du tribunal.
Compte-tenu des conditions d’objectivité et d’indépendance dont bénéficient les agents de l’APP ainsi que du parfait respect par ces derniers des vérifications techniques préalables nécessaires à toute constatation intervenant sur internet, le tribunal considère que les procès-verbaux produits présentement aux débats constituent la preuve des faits, objet des constatations, faits dont les sociétés Google ne démontrent pas le caractère erroné, leur assertion à cet égard n’étant étayée par aucun élément.
* sur la valeur probante des impressions d’écran versées aux débats par les sociétés demanderesses :
Les sociétés Google soutiennent que ces pièces n’ont aucune valeur probante faute de démonstration de la réalisation des vérifications techniques préalables nécessaires à tout constat sur internet.
S’il est constant que la seule production de copie d’écran réalisée dans des conditions qui n’ont pas été constatées par un huissier ou par tout autre tiers présentant les conditions d’objectivité et d’indépendance nécessaires, est insuffisante pour établir la matérialité de l’atteinte à un droit de propriété intellectuelle, il en est autrement lorsque ces copies d’écran s’inscrivent dans une suite de constats d’huissier ou de pièces probantes qui donnent à ces copies d’écran une garantie de vraisemblance.
En l’espèce, le tribunal relève que les demanderesses ont fait dresser six constats APP avant l’édition des copies d’écran en cause ainsi que deux constats d’huissier en date du 16 mars 2008 soit postérieurement, constats qui tous établissent la persistance de l’affichage de liens publicitaires hypertextes par la saisine des dénominations incriminées, liens à destination de sites internet offrant des prestations de voyagiste ainsi que le démontrent les copies d’écran ; que ces pages comportent toutes le logo de Google comme titre du site considéré et une mention différente en bas de page démontrant les différentes requêtes réalisées ; qu’elles reproduisent des résultats obtenus sur ce site (cf. informations figurant en bas de page) et font figurer des liens promotionnels hypertextes différents suivant les dates d’impression et les requêtes saisies.
Au vu de ces éléments, le tribunal considère que les copies d’écran réalisées par les sociétés demanderesses ont valeur probante.
* sur la valeur probantes des comptes Adwords communiquées par les sociétés Google :
Les sociétés demanderesses soutiennent que les copies des comptes AdWords de sociétés qui leur sont concurrentes, produites par les sociétés Google n’ont aucun caractère probant, s’agissant de documents issus du système de gestion interne de ces sociétés dont les conditions de recueil ne sont pas connues.
Dès lors que les sociétés Google sont poursuivies par les demanderesses en responsabilité pour avoir permis à certains des clients du système publicitaire “AdWords” de faire afficher leurs liens promotionnels hypertextes à partir des mots-clés choisis par eux reproduisant les marques des demanderesses, ces sociétés sont bien-fondées à produire aux débats comme moyens de défense, les comptes “Adwords” des dits clients pour justifier du mal-fondé des prétentions des demanderesses. Si celles-ci doutaient de la véracité des dits comptes, il leur appartenait de saisir le juge de la mise en état d’une demande de production par ces sociétés tierces d’un relevé de leur compte “adwords” étant relevé qu’aucun élément n’accrédite en l’état leur allégation de manipulation par les sociétés Google des comptes en cause.
Aussi, ces pièces sont considérées par le tribunal comme des éléments de preuve ayant une valeur probante.
* sur la validité des marques opposées :
Les sociétés Google soutiennent que les marques “Terres d’Aventure” et “ Voyageurs du Monde” sont nulles pour défaut de distinctivité en application de l’article L 711-2 du Code de Propriété Intellectuelle, les signes étant composés de termes descriptifs des activités désignées ou de leurs caractéristiques.
Le tribunal relève que la marque Terres d’Aventure n° 99 782 364 et les marques Voyageurs du Monde n° 9 983 147 1 et 9 983 147 4 sont des marques semi-figuratives et que dès lors elles ne peuvent être déclarées nulles pour défaut de distinctivité, l’élément figuratif étant de fantaisie et apte, combiné à l’élément dénominatif à assurer la distinctivité de ces titres au regard des services désignés.
S’agissant des marques purement dénominatives “Voyageurs du Monde” n° 0 303 096 0 déposée le 29 mai 2000 et “Terres d’Aventure” n° 1 592 015 déposée le 23 janvier 1989 pour désigner les services suivants, pour la première “transport de personnes, agence de tourisme et de voyages, information concernant le voyage…
organisation de voyages et séjour, réservation de places pour les voyageurs, location de véhicules de transport, réservation d’hôtel pour voyageur” pour la seconde “agence de tourisme, réservation de chambres d’hôtel” le tribunal remarque que si elles sont composées de termes évocateurs du domaine concerné, à savoir les “voyageurs”, le “monde”, l’“aventure”, les “terres”, ces mots pris dans leur combinaison ne servent pas à désigner les services précités visés à l’enregistrement ni une de leurs caractéristiques. Au surplus l’exploitation de ces marques depuis 2000 pour la première et depuis 1989 pour la seconde, relayée par les différents médias nationaux (cf. revue de presse produite) et promue par des investissements publicitaires importants leur ont fait acquérir une distinctivité certaine par l’usage.
Dans ces conditions, les demandes de nullité des marques opposées sont rejetées.
* sur la renommée des marques opposées
L’article L 713-5 du Code de Propriété Intellectuelle dispose que l‘emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour les produits ou services non similaires à ceux désignés dans l‘enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s‘il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ; que les dispositions de l‘alinéa précédent sont applicables à l’emploi d’une marque notoirement connue au sens de l‘article 6 bis de la Convention de Paris, pour la protection de la propriété industrielle précitée.
Si l’importance des investissements publicitaires exposés pour la promotion de la marque “Voyageurs du monde” (plus de 6 millions d’€ en 4 ans) et le positionnement de son site internet (50ème position des sites internet français en nombre de visiteurs) sont des indices d’une certaine notoriété de ce titre, l’absence de production de sondage ne permet pas de lui reconnaître le statut d’une marque de renommée, la connaissance par une large fraction du public concernée n’étant pas démontrée.
S’agissant de la marque “Terres d’Aventure”, aucun élément n’est produit pour démontrer sa renommée.
Dès lors que la renommée des marques opposées n’est pas justifiée, les demandes sur ce fondement sont rejetées.
* sur les faits :
– s’agissant des marques “Voyageurs du monde” :
Il ressort des pièces produites que :
– le 27 avril 2004, la société Voyageurs du Monde a fait établir par l’APP un constat démontrant qu’à la suite de la requête de l’internaute “voyageurs du monde” apparaissaient des liens commerciaux à destination de sites concurrents à savoir “www. VoyagesVoyages.com”, “www. Lasminute.fr” et www.leguideduvoyage.com ;
– par lettre du 12 mai 2004 cette société signalait cette situation à la société Google France qui supprimait le mot-clé “voyageur du monde” de la liste des mots-clés du titulaire du compte “leguideduvoyage.com” et qui insérait le terme “voyageurs du monde” dans la liste de filtrage dite “TM Monitor liste” pour empêcher d’autres annonceurs de choisir ce mot-clé ;
– par lettre du 18 mai 2004, la société Voyageurs du Monde par la voie de son conseil confirmait la suppression de liens hypertextes sponsorisés suivant la requête “voyageurs du monde”;
– suite au courrier électronique adressé le 6 avril 2005 par la société Voyageurs du Monde, la société Google France a rajouté les termes “voyageur du monde” sur la liste “TM Monitor liste” précitée ;
– suite à une nouvelle lettre du 11 avril 2005, la société Google France a rajouté la dénomination “VDM” sur cette même liste ainsi que les variantes “voyageursdumonde”, “voyageursdu monde”, « voyageurdu monde”, « voyageurs dumonde” et “voyageur dumonde” ;
– en revanche, la société Google France n’a pas déféré aux demandes de la société Voyageurs du Monde de “blacklister” les mots ou expressions “Voyageurs”, “Voyageurs en Asie”, « Voyageurs en Inde”, « Voyageurs dans les Iles”, “Villages du Monde”, « Hotels d’Exception”, “Voyages au Japon” compte-tenu d’après elle de l’absence de caractère distinctif de ces termes pour désigner des activités de voyagiste ;
– les sociétés Google justifient également que l’apparition des liens promotionnels pour des sites concurrents constatés par l’APP dans des procès-verbaux des 24, 27 juin 2005, 27 septembre 2005, 29 septembre 2006 et 16 mars 2008 provient de son système dit de “requête large”, aucun nouvel annonceur n’ayant choisi les termes “voyageur(s)du monde” comme mot-clé.
– s’agissant des marques “Terres d‘Aventure” et “Terdav » :
– le constat de l’APP des 5 et 7 mai 2004 démontre que la saisie de la requête “terres d’aventure” par l’internaute sur le moteur de recherche “google.fr” faisait apparaître deux liens commerciaux renvoyant vers les sites “www.voyagesvoyages.com” et “www.voyages-luxe.com”, sites de voyagiste ;
– suite à une mise en demeure du 18 mai 2004, la société Google France vérifiait que le titulaire du site “voyagesVoyages.com” avait supprimé le 7 mai 2004 son mot-clé et que le maintien de l’apparition du lien provenait de l’utilisation de la requête large par le terme “aventure” ; de même, l’autre titulaire de compte n’avait jamais choisi le mot clé “terre d’aventure” mais uniquement ”aventure” en requête large ;
– la société Google France a inséré les termes “terres d’aventure” et “terdav” dans la liste de filtrage “TM Monitor list” afin d’empêcher le choix par d’autres annonceurs de ce mot-clé et a informé le 3 juin 2004 le conseil de la société Terres d’Aventure de ses démarches ;
– suite à une nouvelle mise en demeure de cette société du 28 juillet 2005, la société Google France a ajouté à la “TM Monitor List” une série de variations orthographiques ou dérivées des marques “Terres d’Aventure” et “Terdav” ;
– suivant le procès-verbal de l’APP réalisé le 23 septembre 2005, trois liens commerciaux apparaissaient encore en réponse au mot-clé “terredav” choisi par des annonceurs dont l’un n’apparaissait plus dans le constat APP du 27 décembre 2005, dont le second renvoyait à un site de rencontre et dont le dernier renvoyait au site officiel de la société Terres d’Aventure ;
– les autres liens commerciaux constatés par l’APP correspondent à des affichages suite à l’utilisation du système de la requête large, les annonceurs ayant choisi des mots-clé génériques du type “voyage, aventure, séjour, circuit etc…”.
Il ressort de cet exposé des faits que l’apparition de liens commerciaux à destination de sites de voyagistes concurrents des demanderesses avec l’affichage de leurs marque résultent soit du choix par ces derniers dans le système “adwords” de mots-clés reproduisant les marques en cause soit du fonctionnement du système de la requête large avec le choix de mot-clés génériques dans ce domaine comme “voyage”, “circuit” “séjour” “aventure”…
* sur la responsabilité de Google :
Il est acquis aux débats que dans le cadre de son service “Adwords”, Google exerce une triple activité de régie publicitaire, de conseil en publicité des annonceurs par la suggestion des mots-clés et de support publicitaire par l’affichage des liens promotionnels sur les pages de résultats sur son moteur de recherche “www.google.fr”.
Les sociétés Voyageurs du Monde et Terres d’Aventure font grief aux sociétés Google :
– d’une part d‘avoir proposé et vendu sur son système de référencement payant aux annonceurs grâce à un programme d’aide au choix de mots clés (dit générateur de mots clés) des mots-clés reproduisant des signes leur appartenant (marques, dénominations sociales, noms de domaine) et cela quel que soit le droit de l’annonceur à utiliser ces signes ;
– d’autre part d’avoir permis l’affichage des annonces portant atteinte à leurs droits (marques, dénominations sociales, noms de domaine) ;
Il ressort de l’attestation de M. C. de Google que l’affichage d’un lien commercial dans le système “adwords” résulte de la combinaison de deux critères principaux : les mots-clés choisis par l’annonceur et les options de ciblage qui y sont associées (ciblage en requête large, ciblage en mot clé exact, ciblage en expression exacte, ciblage avec mots-clés à exclure). D’autres critères interviennent également qui ne sont pas ici problématiques : le coût par clic, le budget quotidien de l’annonceur, le ciblage géographique et horaire de l’annonce, le taux de clic de l’annonce par rapport à chaque mot-clé.
– sur la contrefaçon par les mots-clés :
Les demanderesses soutiennent qu’en proposant moyennant rémunération à tout annonceur potentiel une liste de mots clés constitués notamment de leurs marques à partir de requêtes correspondant à des produits identiques à ceux que désignent les dites marques, les sociétés Google ont commis des actes de contrefaçon de marques.
Le tribunal considère qu’il ne saurait être reproché aux sociétés Google de contrefaçon de marques ; ces actes illicites ne sont constitués que lorsque l’annonceur a choisi l’une de ces dénominations comme mot clef sans avoir l’autorisation du titulaire.
En associant comme résultat à une requête à partir du nom commun d’un produit ou un service une marque visant dans leur enregistrement ce produit ou ce service, la société Google ne fait pas un usage illicite de celle-ci car lorsque l’outil suggère le nom d’une marque, Google ne sait pas à priori si l’annonceur va choisir cette marque et dans l’hypothèse d’un choix si son client est autorisé à l’utiliser, par exemple en tant que distributeur de produits authentiques ou licenciée.
Dans ces conditions, la responsabilité de Google ne saurait être recherchée sur le fondement de la contrefaçon de marques par le fonctionnement à priori du générateur de mots-clefs.
Seul l’annonceur qui sait qu’il n’est pas autorisé à utiliser la marque choisie comme mot-clé commet par ce choix un acte de contrefaçon puisque le public concerné à savoir l’internaute qui tape le mot-clé va mettre en relation les produits ou services qu’il propose sur son annonce avec la marque lors de l’affichage des résultats.
– par le fonctionnement de la requête large :
Lorsque l’annonceur va choisir un mot-clé avec option “requête large”, son annonce est susceptible d’apparaître à la suite d’une infinité de requêtes comportant le mot-clé concerné
En l’espèce, ce système permet l’affichage de liens promotionnels pour des sites concurrents des demanderesses à partir du choix par les annonceurs comme mots-clés des termes génériques composant leurs marques ou des termes associés du type “voyage”, ”voyage aventure” etc…
Le tribunal considère que Google ne saurait par la mise à disposition de cet outil logiciel être poursuivie en contrefaçon de marques. En effet, cet outil permet à l’internaute d’accéder à des annonces publicitaires en lien avec sa recherche et ce n’est que lors de l’affichage que la relation est faite entre la requête de l’internaute et les produits et services proposés.
Comme précédemment, c’est à l’annonceur qui choisit la requête large d’exclure l’affichage de son annonce à toutes requêtes reproduisant l’intitulé des marques de ses concurrents Google ne pouvant exclure à priori de son outil documentaire des affichage suite aux requêtes reproduisant des marques comportant des termes génériques susceptibles d’être associés par l’internaute.
– par les annonces publicitaires :
Si l’article 5-3 de la Directive du 21 décembre 1988 rapprochant les législations en matière de marques fait état de la possibilité pour un Etat d’interdire l’usage d’un signe dans les papiers d’affaires et sur la publicité, cette faculté n’est ouverte que dans l’hypothèse où le signe est utilisé pour identifier aux yeux du public pertinent la provenance d’un produit ou d’un service proposé.
En l’espèce, dans le système publicitaire adwords seul l’annonceur en choisissant les mots clef et leurs options de ciblage et l’internaute en le tapant pour faire sa recherche met en lien le signe (le mot-clef) et le produit ou le service proposé (par l’annonceur) ou recherché (par l’internaute). Dès lors, la responsabilité de Google lors de l’affichage des liens commerciaux ne peut être recherchée sur le fondement de la contrefaçon de marque.
* sur l’usurpation de dénominations sociales et de noms de domaine :
Le tribunal considère pour les mêmes motifs que précédemment que la responsabilité de Google ne peut être recherchée de ce chef. Seul le choix de l’annonceur ou celui de l’internaute permet de mettre en lien le mot-clef et l’activité des sociétés titulaires des dénominations sociales ou des noms de domaine en cause.
* sur la responsabilité de la société Google du fait du système “adwords” :
Ainsi qu’il a été précisé précédemment, les sociétés Google exercent par le fonctionnement du système de référencement “AdWords” une triple activité : une activité de régisseur publicitaire, une activité de conseil en publicité et une activité de support publicitaire.
II est constant qu’une agence en publicité est tenue d’une obligation quant à la disponibilité des signes qu’elle propose à ses clients d’utiliser sur leurs supports publicitaires.
En l’espèce, le tribunal considère que Google commet une faute sur le fondement de 1382 du code civil en ne vérifiant pas après le choix par l’annonceur d’un mot clé constituant une marque ou une dénomination sociale ou un nom de domaine que cette utilisation par l’annonceur est licite tant au regard du droit des marques qu’au regard des règles de loyauté du commerce. En effet, ainsi qu’il a été dit précédemment, l’utilisation par l’annonceur d’un signe distinctif de son concurrent pour proposer les mêmes produits ou services est illicite.
Dès lors que la société Google suggère comme mots-clés des signes, objet de droits privatifs puis en fait un usage commercial il lui appartient vis-à-vis du titulaire de ceux-ci de vérifier que ses annonceurs sont bien habilités à les utiliser sauf à participer à la commission d’actes illicites commis par ces derniers.
Elle ne saurait par une clause contractuelle inopposable aux tierces victimes, se décharger de cette responsabilité sur les annonceurs puisqu’elle-même est appelée à bénéficier financièrement des choix qu’elle suggère à ses clients étant rémunérée à partir de requêtes utilisant les signes en cause.
Puisque son activité d’AdWords se situe dans la vie des affaires, les sociétés Google se doivent d’agir suivant les usages loyaux du commerce. Dès lors que son programme de générateur de mots clefs a pour objectif d’améliorer le contact de l’annonce avec les internautes “cible”, la société Google doit adopter des mesures de précaution pour ne pas faciliter à ses clients grâce à la mise à disposition de cet outil, la commission d’atteintes aux droits des tiers dont en cas de carence, elle se rend complice.
Si la multiplicité des liens commerciaux, des mots-clés choisis et des options de ciblage combinée à la multiplicité des signes privatifs, rendent difficile le filtrage des requêtes donnant l’affichage de liens commerciaux illicites, il appartient à Google de mettre en place tous les moyens techniquement possibles et disponibles pour y arriver.
En l’espèce, Google a, dès sa connaissance des faits litigieux, porté sur sa liste de filtrage dite “TM Monitor List” les marques litigieuses puis plus tardivement des variations orthographiques de celles-ci et leurs dérivées pour éviter qu’elles ne soient choisies par d’autres annonceurs. Google a également supprimé sur le compte des annonceurs qui lui étaient signalés, les mots-clés correspondants.
Toutefois, Google n’a mis en place aucune mesure pour imposer à ces annonceurs l’exclusion de l’affichage de leur annonce en réponse aux requêtes comportant les marques des demanderesses ou leur variations orthographiques ou leurs dérivées alors qu’elle était en possession dès le 12 mai 2004 de la liste de l’ensemble de celles-ci et que le nombre de ses annonceurs voyagistes est limité.
Aussi, le tribunal considère que la responsabilité civile de Google est engagée de ce fait ainsi que pour le retard mis à inscrire les mots-clés reproduisant les variations orthographiques ou les dérivées des marques “Voyageurs du Monde”, “Terres d’Aventure” et “Terdav” sur la liste “TM Monitor List”.
* sur la publicité mensongère :
Les sociétés demanderesses soutiennent que les liens hypertextes affichés ne sont pas clairement identifiés comme étant publicitaires et que l’affichage de liens publicitaires hypertextes à destination de sites concurrents de celui recherché par l’internaute dans sa requête est une pratique de publicité trompeuse.
Les sociétés Google répliquent que les liens promotionnels sont isolés dans une bannière qui les distingue des résultats du moteur de recherche ; que le terme lien renvoie à la notion de lien “hypertexte” et que ces “liens” sont commerciaux car ils sont payants ; que le terme “lien commercial” utilisé depuis 2002 est passé dans le langage commun pour désigner des liens promotionnels ou sponsorisés sur internet.
S’il ressort effectivement des nombreuses pièces produites aux débats par les sociétés Google que l’expression “liens commerciaux” est passé dans le langage courant pour désigner de annonces publicitaires sur internet disposant d’un lien hypertexte, il n’en demeure pas moins que l’emplacement réservé aux liens commerciaux “adwords” rendent difficile l’identification de leur caractère publicitaire.
Ils sont en effet placés soit juste au-dessus des résultats dits “naturels” du moteur de recherche soit à droite de ceux-ci. Cet emplacement est manifestement choisi pour que les internautes accordent le même crédit au contenu des liens commerciaux qu’aux résultats “naturels” alors que les critères d’affichage ne sont pas les mêmes ; il s’agit pour ces derniers d‘un critère objectif (affichage en fonction du nombre de clics des internautes) alors qu’il s’agit de critère purement commerciaux pour les autres.
De plus en dehors de la mention “liens commerciaux”, rien ne distingue la présentation de ces liens de celle des résultats “naturels” : sont utilisés la même couleur et le même graphisme.
Cet emplacement et cette présentation des liens commerciaux ne sont pas suffisamment distinctifs pour permettre l’identification de leur caractère publicitaire et ce, alors que les internautes ne semblent pas à même dans leur grande majorité de faire la différence entre les liens hypertextes issus du moteur de recherche et ceux sponsorisés (cf. article du journal du Net du 26 janvier 2005), l’étude Sofres produite par la société Google à cet égard n’étant pas pertinente, les questions induisant les réponses et étant posées à partir de visuel papier et non de pages écran sur ordinateur.
Enfin, le placement de liens hypertextes publicitaires suivant la saisie par l’internaute d’une requête comportant la reproduction des signes privatifs des demanderesses et cherchant dès lors les sites de celles-ci , incite ce dernier à penser à une association entre les services des demanderesses et ceux proposés par ces liens.
Ces actes sont fautifs au regard de l’article 20 de la Loi du 20 juin 2004 (Lcen) qui impose que toute publicité sur internet soit clairement identifiée comme telle et au regard de l’article L 121-1 du code de la consommation tant dans sa rédaction antérieure à la Loi du 4 août 2008 que dans sa rédaction postérieure qui prohibe pour la première toute présentation fausse ou de nature à induire en erreur sur les caractéristiques du service, objet de la publicité, ou pour la seconde toute pratique commerciale créant une confusion avec une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent.
* sur les responsables :
La société Google France demande sa mise hors de cause exposant que :
– la société Google Inc est la seule et l’unique propriétaire des sites Google dans le monde ; elle est titulaire du nom de domaine “www.google.fr” et ses locaux hébergent les sites Google ; elle est donc l’éditeur et l’exploitant exclusif de ces sites avec la technologie qu’elle a développée ;
– la société Google Ireland est la régie chargée de la commercialisation du système AdWords sur l’Europe et récipiendaire des paiements ; c’est avec cette société que les annonceurs contractent ;
– la société Google France se borne à promouvoir le service Adwords pour le compte de Google Inc, d’assurer une permanence téléphonique pour renseigner les clients français ou leur faire des démonstrations sur le service Adwords et à assurer le support juridique en France des autres filiales du groupe Google comme prestataire de service indépendant.
Les demanderesses répliquent que lors de sa création, la société Google France a été présentée comme assurant la régie publicitaire “adwords” pour la France ; elles ont toujours été en contact avec cette seule société et le contrat produit aux débats définissant les liens entre la société Google Inc et la société Google France a manifestement réalisé pour les besoins de la cause (siège social de cette dernière n’existant pas à la date supposée du contrat, signature du gérant de la société Google France déposée avec les statuts différente de celle figurant au contrat).
Il ressort des éléments produits que :
– la société Google France est présentée aux yeux du public français comme étant le gestionnaire des liens sponsorisés ainsi que cela ressort de son site internet (“pour nous contacter”) et des interviews données par son gérant lors de sa création. A l’occasion de celle-ci d’ailleurs, elle donnait son adresse postale en France dans un communiqué de presse accessible encore aujourd’hui sur son site ;
– seule la société Google France est immatriculée en France ce qui suppose qu’elle est la seule à développer l’activité Google sur ce territoire ;
– dans de nombreuses décisions administratives ou juridictionnelles dont une décision du Conseil de la Concurrence, la société Google France est présentée, sans qu’elle ne l’ait jamais contesté comme les prestataires des services publicitaires de Google ;
– avant l’engagement de la présente instance, les demanderesses ont eu comme unique contact la société Google France par l’intermédiaire d’une de ses salariées , Mme G. qui a donné son numéro de téléphone en France et dont l’adresse électronique précise qu’elle est située sur le territoire français (trademarks-fr@google. com).
Si la commercialisation du système Adwords est pour des raisons économiques ou fiscales située en Irlande et si le nom de domaine, les marques, les serveurs et l’exploitation matérielle du site google.fr sont le fait de la société Google Inc cette circonstance ne saurait dégager la responsabilité de la société Google France qui est la seule société du groupe a intervenir légalement en France et qui est celle qui apparaît et se comporte comme responsable sur ce territoire de l’activité publicitaire du site internet portant le même nom Google France.
Dans ces conditions, le tribunal considère que sont responsables des actes illicites précités, les trois sociétés Google qui interviennent dans la gestion du système Adwords
* sur les mesures réparatrices :
Afin de mettre un terme aux actes illicites précités, il est mis en oeuvre une mesure d’interdiction dans les conditions définies au présent dispositif.
Les sociétés demanderesses soutiennent qu’elles ont subi :
* un préjudice direct tenant au détournement de la clientèle des internautes sur des sites concurrents entraînant une perte substantielle de leurs chiffre d’affaires dont elles chiffrent l’indemnisation à 1 054 300 € pour la société Voyageurs du Monde et à 823 680 € pour la société Terres d‘Aventure ;
* un préjudice indirect tenant à la perte définitive des clients ne revenant plus souscrire des voyages chez elles dont elles chiffrent l’indemnisation à 273 078 € pour la société Voyageurs du Monde et à 312 998,40 € pour la société Terres d’Aventure ;
* un détournement de leurs investissements publicitaires qui se chiffrent depuis 2002 à la somme de 6 352 886 € pour la société Voyageurs du Monde et à 3 979 116 € pour la société Terres d’Aventure.
Les sociétés Google contestent ces prétentions soutenant que la société Voyageurs du Monde a privilégié pour sa communication les liens sponsorisés sur Google ou d’autres site internet et n’a pas pâti des quelques affichage de liens promotionnels illicites au profit de sites concurrents puisqu’elle indiquait dans la presse qu’en 2005 le nombre de visites de son site avait augmenté de 175% ; qu’il en est de même pour la société Terres d’Aventure ; que les chiffres produits pour démontrer l’impact des faits litigieux sur la fréquentation de leurs sites et leurs ventes sont des éléments que les demanderesses se sont constituées à elle-même et que le pourcentage d’un détournement de 25% des visiteurs des sites officiels sur les liens commerciaux ne repose sur rien ; qu’au contraire , le nombre total des visiteurs de leurs sites ont augmenté d’année en année.
Il n’est pas contestable que les sociétés demanderesses ont subi un préjudice commercial tenant d’une part à un détournement des visiteurs de leurs sites officiels vers des sites concurrents offrant des prestations équivalentes (voyage sur mesure, voyage randonnées ou trekking) et d’autre part à l’utilisation de leurs investissements publicitaires au profit de ces derniers. Toutefois, il n’apparaît pas que ces détournements correspondent à 25% des visiteurs de leurs sites, le nombre de ceux-ci augmentant d’année en année. Ce préjudice commercial n’a pu qu’être marginal et compensé en partie par le report de visiteurs sur leurs propres liens commerciaux grâce au système de la requête large.
Aussi, au vu des éléments produits et sans qu’il soit besoin de recourir à une mesure d’expertise, le tribunal considère que le préjudice de la société Voyageurs du Monde sera justement indemnisé par l’allocation d’une somme de 200 000 € et celui de la société Terres d’Aventure par l’allocation d’une somme de 150 000 €.
Ces condamnations réparant l’entier dommage, il n’y a pas lieu de mettre en oeuvre de mesures de publicité.
L’équité commande d’allouer à chaque société une indemnité de 30 000 € qui comprendra au titre de la prise en charge des frais des constats APP et d’huissier.
Compte-tenu de l’ancienneté du litige et de sa nature, l’exécution provisoire de la décision est ordonnée.
DECISION
Le tribunal, statuant contradictoirement, par décision en premier ressort et remise au greffe, sous le bénéfice de l’exécution provisoire,
. Rejette la mise hors de cause de la société Google France ;
. Rejette les demandes de nullité ou de rejet des débats des pièces produites par les parties (constats APP, copies d’écran, copies des comptes Adwords) ;
. Rejette la demande de nullité des marques opposées ;
. Dit que les sociétés demanderesses n’apportent pas la preuve de la renommée des marques qu’elles opposent et rejettent les demandes formulées sur ce fondement ;
. Déboute les sociétés demanderesses de leurs demandes en contrefaçon de marque ;
. Dit qu’en ne mettant pas en place des moyens de contrôler si les annonceurs pour l’utilisation de mots-clé qui reproduisent ou mutent les signes distinctifs “Voyageurs du Monde”, ”Terres d’Aventure”, “Terdav” des demanderesses qu’elles exploitent comme marques, dénomination sociale, nom commercial et noms de domaine, bénéficient de l’autorisation de ces dernières, les mots-clés étant choisis directement ou par l’option “requête large”, les sociétés Google ont commis des fautes sur le fondement de l’article 1382 du code civil au détriment de celles-ci ;
. Dit qu’en choisissant un emplacement et une présentation des liens commerciaux du système AdWords sur les pages de résultats du moteur de recherche “Google” ne permettant pas à l’internaute d’être assuré du caractère publicitaire de ceux-ci, les sociétés Google ont enfreint l’article 20 de la Loi pour la Confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 ;
. Dit qu’en permettant l’affichage de liens commerciaux à destination de sites de voyagistes à la suite de requêtes reproduisant les signes distinctifs des demanderesses, les sociétés Google ont enfreint l’article L 121-1 du code de la consommation ;
. Interdit la poursuite de ces actes illicites sous astreinte de 10 000 € par jour de retard passé le délai de quatre mois après la signification de la présente décision ;
. Condamne in solidum les sociétés Google à payer à :
– la société Voyageurs du Monde une somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 30 000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– la société Terres d’Aventure une somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 30 000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
. Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
. Condamne in solidum les sociétés Google aux dépens.
Le tribunal : Mme Elisabeth Belfort (vice-président), Mme Agnès Thaunat (vice-président), Florence Gouache (juge)
Avocats : Me Cyril Fabre, Me Alexandra Neri
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.