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Jurisprudence : Droit d'auteur

mardi 08 septembre 2009
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Tribunal de grande instance de Paris 31ème chambre Jugement du 3 septembre 2009

Scpp / Jean-Louis et Benoît T.

autorisation - droits voisins - édition - logiciel - musique - peer to peer - producteur - responsabilité - site internet

[…]

DISCUSSION

Sur l’action publique

Sur le constat à l’origine des poursuites :

Le 11 juin 2007 un agent assermenté conformément aux dispositions de l’article L 331-2 du code de la propriété intellectuelle se connectait au réseau internet sur le site web dont l’adresse était la suivante: http://www.radioblogclub.fr.

Par la suite l’agent procédait aux constatations suivantes :

« Après chargement du site est apparue en français une page d’accueil intitulée “radio.blog.club France”
Plusieurs rubriques sont proposées en bas de la page d’accueil : « Radio.blog” « Radio blog.blog” « Radio.blog.club” « Le Forum”…
Cette page d’accueil comporte également un moteur de recherche qui permet la recherche et l’écoute de phonogrammes, par le biais du nom de l’artiste et / ou de la chanson recherchés.
Il est également possible de constituer une ou plusieurs playlists en cliquant sur la rubrique “vos playlists perso” en haut de la page d’accueil.

Pour créer sa propre playlist il est nécessaire de s‘inscrire en créant un compte (qui fonctionne avec un identifiant et un mot de passe). Une fois le compte créé il est possible de sélectionner des titres à partir du moteur de recherche du site Radioblogclub et de les ajouter à la ou aux playlists créées. Une fois la ou les playlists constituées, il est indiqué qu‘il est possible d’écouter ces titres et de les faire partager en publiant une adresse URL, sur un site internet sur un blog ou en l’adressant par mail.

A titre d‘exemple j‘effectue une recherche sur le nom de l’artiste française “Mylène Farmer” dans la fenêtre du moteur de recherche prévue à cet effet en haut de la page d‘accueil. Une nouvelle page web apparaît qui propose une liste de phonogrammes de l’artiste recherchée. Ainsi 86 phonogrammes de l’artiste “Mylène Farmer” sont mis à disposition du public. Des annonces publicitaires sont également proposées sur la page…  »

Différents sites étaient, en outre, indiqués tandis qu’une bannière publicitaire mentionnait la société “Virgin Mobile”, et qu’il était proposé annoncer sur radio.blog.club.

Les constatations se poursuivaient :
« … je sélectionne le premier résultat de ma recherche correspondant au titre “Tristana » “de “Mylène Farmer ». Une nouvelle page web apparaît qui mentionne une playlist d’artistes français et internationaux (dont Mylène Farmer, Vangelis, Mecano, Lilly Allen, Indochine, Fergie, Enya, Christina Aguilera) associés pour chacun d‘eux à un phonogramme. A la suite de ma demande le titre “Tristana” est immédiatement diffusé dans une fenêtre à droite de la page qui comporte également la pochette de l‘album dont est extrait ce titre… Ce titre est diffusé dans son intégralité, puis commence automatiquement la diffusion du titre suivant de la playlist. Il est possible d‘écouter l’ensemble des titres correspondant à la playlist des artistes mentionnés sur la page, les uns à la suite des autres ou à la demande ou bien d’interrompre la diffusion et de revenir à la page d’accueil du site pour procéder à une nouvelle recherche…  »

Un processus identique à celui venant d’être décrit était mis à jour en recherchant le nom d’autres artistes notamment celui de Pascal Obispo puis de Madonna.

En retournant sur la page principale sous la rubrique intitulée “Radio.blog” il est indiqué « Télécharger Radio.Blog pour diffuser voire musique sur votre site web
Télécharger Radio Blog 2.5”…

A la date du 26 juillet 2007, j’effectue, à titre d’exemple plus d’une centaine de recherches à partir des noms d‘artistes français et internationaux, dans la fenêtre du moteur de recherches prévue à cet effet. Ainsi il apparaît que 25 818 titres de 138 artistes français et étrangers appartenant au répertoire social géré par la SCPP sont mis à disposition sur ce site.

Sur l’identification des personnes susceptibles d’être mises en cause :

A la suite des éléments mis à jour par le constat une enquête était conduite et révélait les points suivants :
– le titulaire du site considéré était la société à responsabilité limitée “Mubility”, Benoît T. en était le gérant tandis que son père Jean-Louis apportait des conseils sur le plan juridique ;
– la société était rémunérée par plusieurs régies publicitaires ; à ce titre sur une période de dix-huit mois les versements s’étaient élevés à 793 161 € 09 ;
– l’examen de la comptabilité de la société faisait apparaître des transferts de fonds au profit de la société “JBV” dont le gérant était Jean-Louis T. à concurrence de 390 000 € entre le 15 juin 2007 et le 23 janvier 2008.

Sur les faits visés par la prévention :

Compte tenu des éléments mis à jour au cours de l’enquête préalable :
– la société « Mubility”, Benoît T. et Jean-Louis T. ont été cités devant le Tribunal d’une part pour infraction aux dispositions de l’article L 3354 du code de la propriété intellectuelle entre le 16 août 2005 et le 23 janvier 2008 et d’autre part entre le 2 août 2006 et le 23 janvier 2008 pour violation des dispositions énoncées par l’article L 335-2-1 du même code
– Benoît T. comparaît, en outre, pour abus de biens sociaux et Jean- Louis T. pour recel de ce délit.

Sur la culpabilité :

Sur les infractions au code de la propriété intellectuelle

Les prévenus font plaider leur relaxe en faisant valoir que la matérialité des faits n’est pas établie (A) en tous cas ils soutiennent qu’ils n’ont pas sciemment agi au détriment d’intérêts protégés par la loi (B) Benoît T. et Jean-Louis T. estiment enfin que leur responsabilité personnelle ne peut être recherchée (C).

A – Sur la matérialité des faits,

Deux séries d’infractions sont visées par la prévention.

*
En premier lieu, il est reproché aux prévenus d’avoir contrevenu aux dispositions de l’article L 335-4 du code de la propriété intellectuelle qui sanctionne « toute fixation ; reproduction, communication ou mise à disposition du public, à litre onéreux ou gratuit ou toute télédiffusion… d’un phonogramme, réalisée sans l’autorisation, lorsqu‘elle est exigée, de I‘artiste-interprète, du producteur de phonogrammes… »

Au cours des débats les prévenus n’ont contesté ni le processus mis à jour par l’agent assermenté lors de ses opérations ni les conséquences en résultant.

II ressort manifestement de ces constatations que, dès le 16 août 2005, le site internet exploitant le logiciel – Radioblog – avait mis à la disposition du public, sans autorisation préalable, des enregistrements musicaux protégés et ce par voie de liens ce qui avait conduit à la diffusion en écoute des dits enregistrements musicaux.

En effet une fois la playlist constituée celle-ci était, ensuite, accessible par l’intermédiaire de son support d’implantation (blog, site ou forum de discussion) et tout internaute ayant accès au support abritant une – playlistradioblog – pouvait l’écouter sans avoir à solliciter une quelconque autorisation ou à acquitter un quelconque droit.

Au regard du texte sus visé, la matérialité des faits visés par la prévention est caractérisée.

*
En second lieu, il est reproché aux prévenus d’avoir contrevenu à l’interdiction édictée par l’article L 335-2-1 du code de la propriété intellectuelle qui réprime le fait 1° « D’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’oeuvres protégées… »

D’une part, les prévenus contestent l’application de ce texte en expliquant que les dispositions en cause n’auraient vocation à s’appliquer que pour les éditeurs de logiciels de peer-to-peer.
Cependant le Tribunal observe que dans l’exposé relatif à l’amendement présenté par deux parlementaires pour l’adoption de ce texte (amendement n° 150 à la date du 8 décembre 2005) il était indiqué « les opportunités offertes par la révolution numérique ont entraîné des dérives telles que des usages qui nuisent gravement à la viabilité des industries culturelles portées notamment par des logiciels de peer-to-peer. « 
En s’exprimant de la sorte le législateur illustrait son propos et le but poursuivi par lui mais il ne réservait pas le domaine du texte considéré à un seul type de logiciel lequel n’était cité, pour être sans doute le plus connu, qu’à titre d’exemple.
En définitive, il n’est pas contesté que le logiciel Radioblog ne permettait pas le téléchargement toutefois cette situation n’est pas de nature à écarter le logiciel considéré des prévisions du dispositif mis en place par la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 qui incrimine, de manière générale, toute mise à disposition au profit du public.

D’autre part, les prévenus réfutent toute responsabilité en invoquant, leur profit, les dispositions de la loi N° 2004-669 du 9 juillet 2004 à l’origine de l’article L 32-3-3 du code des postes et des communications électroniques relatif à la qualité d’hébergeur.

L’hébergeur est défini comme étant la personne physique ou morale qui assure, mémé à titre gratuit,… le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature (loi N° 2004-575 du 21 juin 2004 article 6) or, en l’espèce, selon les propres déclarations de Benoît T. notamment, aucun titre musical n’était stocké sur un serveur appartenant à la société « Mubility” de sorte que le statut revendiqué ne peut, dans cette, hypothèse, recevoir application.

En définitive, au regard des explications qui précèdent et du mécanisme décrit par l’un des constats le site ayant eu pour adresse URL http//www.radioblog.fr mettait à la disposition des internautes, sans autorisation, des liens hypertextes permettant l’écoute de phonogrammes.

Grâce à ce logiciel l’internaute pouvait constituer, à la demande, des playlists d’écoute.
Par la suite il pouvait les faire partager sur un autre site ou sur un blog.
Enfin le logiciel était configuré pour que les playlists ainsi créées soient automatiquement référencées sur le site Radioblog.

Lorsqu’il avait été entendu par les fonctionnaires de police le 30 janvier 2008 (procès-verbal N° 100-07-6) à la question « Si je crée une playlist via votre application est-ce que d’autres usagers peuvent l‘écouter ? Si oui, de quelle façon… » la réponse de Benoît T. ne comportait aucune ambiguïté sur le mécanisme mis en place « Si l’utilisateur n‘a pas interdit le référencement de sa liste musicale via les paramètres de l’application sa playlist sera accessible et écoutable depuis notre site radioblog.club.fr (le référencement est activé par défaut) ».

Il faut observer que la faculté de désactiver figurait de manière presque confidentielle à la – sous rubrique FAQ – Francophone RBC de la rubrique – “Questions en français” et selon une procédure prenant effet dans un délai de 48 heures.

En conclusion, le mécanisme du logiciel examiné conduisait, de manière manifeste, à la mise à disposition automatique des playlists constituées ce qui correspond à la matérialité du délit mis en oeuvre par le texte précité applicable depuis le 2 août 2006.

B – Sur l’élément intentionnel,

Les prévenus contestent toute responsabilité pénale en excipant de leur bonne foi.

Cependant

– au regard des investigations conduites et au tenue des débats il n’est pas contestable et n’est, du reste, pas contesté qu’aucune démarche préalable d’autorisation de quelque nature que ce soit n’a précédé la mise en place des faits à la date du 16 août 2005
– ni Jean-Louis T. ni Benoît T. ne prétendent ignorer la protection organisée par le droit français en faveur des auteurs et l’existence de droits dits voisins
– Jean-Louis T. revendique une expertise en matière de droit d’auteur ; il est gérant de la société “Créateur Conseil” dont l’objet est le conseil juridique et la gestion auprès des sociétés d’éditions, de productions musicales, des artistes et toute autre activité culturelle ; pour la société “Mubility” exploitant le site www.radioblogclub.fr il a été rémunéré pour les conseils donnés sur le plan juridique
– le 15 février 2007 la société Civile des Producteurs de Phonogramme en France rappelait à la société « Mubility » et à son gérant les tenues de l’article L 335-4 du code la propriété intellectuelle et les dispositions devant être prises à ce propos mais les réponses apportées conduisaient à ignorer le droit du producteur à agir ; une fin de non recevoir était opposée à la mise en demeure adressée le 19 juillet 2007; cette fois, par la société Civile des Producteurs de Phonogrammes.
– lors de son audition par les fonctionnaires de police le 30 janvier 2008 (procès-verbal 100-07-6) Benoît T. expliquait « nous avons aussi tenté une approche auprès de EMI qui nous demandait beaucoup d’argent pour la diffusion d’artistes de leur catalogue (1 centime d’euro par écoute et six mois d’avance).

En définitive, au regard de ce qui précède il apparaît que :
– l’application a été mise en place sans le moindre égard concernant la réglementation édictée par le code de la propriété intellectuelle
– des mises en garde ont été adressées ultérieurement mais les faits ont été poursuivis et les droits invoqués ignorés
– par la suite les démarches entreprises notamment auprès de la société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique au cours de l’année 2007 n’avaient pas été opérées de manière spontanée et elles ne pouvaient, dans de telles circonstances, témoigner de la volonté de la société, de son gérant et / ou de son conseil de respecter pour l’avenir dès droits jusqu’alors, en toute connaissance, ignorés.

En conclusion, au regard de ce qui précède, l’élément intentionnel des infractions est dûment établi.

C – Sur la responsabilité de chaque prévenu,

S’agissant de la société “Mubility” :
elle était titulaire du site considéré ; les infractions examinées avaient été commises au nom et pour le compte de cette personne morale dont l’implication dans le processus litigieux est caractérisée.

S’agissant de Benoît T. :
il a été le concepteur du système sur le plan technique ; par suite il a engagé sa responsabilité personnelle et ne peut solliciter une relaxe.

S’agissant de Jean-Louis T. :
celui-ci déclare être étranger aux faits d’infractions au code de la propriété intellectuelle dans la mesure où il soutient n’avoir participé directement ni à l’exploitation du logiciel ni à celle du site.
Toutefois : l’intéressé déclare une adresse personnelle correspondant au siège social de la société “Mubility” ; le 30 janvier 2008 il précisait aux fonctionnaires de police (procès-verbal 100-07-11 page 2) s’être occupé de la constitution de la société et depuis l’origine avoir pris en charge l’aspect juridique de l’entreprise ; avoir conclu pour le compte de la société un contrat avec la société “Etoile Média” (page 3 du même procès-verbal) ; les déclarations de l’intéressé témoignent de sa parfaite connaissance des spécificités du site et les réponses apportées par lui pour le compte de la société aux titulaires des droits démontrent son engagement dans la structure mise en place. Cette organisation avait nécessité l’intervention personnelle de Jean-Louis T. ; par suite, ce dernier ne peut sérieusement contester son implication dans le déroulement des faits.

Sur l’infraction au code de commerce

Il n’est pas discuté et n’est en fait, pas contesté que des mouvements de fonds sont intervenus entre les sociétés “Mubility” et “JBV” entre le 15 janvier 2007 et le 23 janvier 2008 au profit de cette dernière société pour un somme totale de 390 000 € (procès-verbal 08-08-6).

Jean-Louis T. expliquait « non, il n’y a pas de contrat écrit entre nos deux sociétés. C’est un accord tacite » (procès-verbal 08-08-14). Ce partenariat entre les deux entités s’inscrivait, selon lui, d’une part dans un investissement pour développer une activité musicale et d’autre part pour permettre à la société “JBV” de gérer Radioblog à l’étranger. En dernier lieu ces mouvements, ou en tous cas une partie d’entre eux, ont été justifiés par un apport en compte courant et les perspectives d’un contrat de co-production avec l’artiste Valérie Leulliot.

Il est constant qu’un concours financier entre sociétés d’un même groupe doit être dicté par un intérêt économique, social ou financier commun devant être apprécié au regard d’une politique élaborée pour l’ensemble du groupe.

Les moyens invoqués par Jean-Louis T. pour se défendre de l’infraction lui étant reprochée ne paraissent pas s’inscrire dans une telle perspective et ce d’autant moins qu’à la même époque il disait avoir engagé, au nom de la société “Mubility”, des démarches auprès des titulaires des droits organisés par le code de la propriété intellectuelle et que la société aurait dû, de façon prioritaire, constituer provision pour faire face aux échéances à venir à ce propos.

En conclusion, les faits d’abus de biens sociaux commis par Benoît T. sont établis et c’est en toute connaissance que Jean-Louis T. en a été le bénéficiaire.

Sur la peine :

Le Tribunal observe le succès remporté par les faits organisés par les prévenus ; en dernier lieu, 800 000 visites quotidiennes avaient été, du reste, mises à jour ; ce succès d’audience a généré au titre de l’écoute en ligne seulement un chiffre d’affaires de 403 286 € en 2006 et en 2007 de 686 469 € au titre des recettes publicitaires ; cette entreprise a été particulièrement lucrative, elle est née et s’est poursuivie en dehors de tout cadre légal au mépris des droits de propriété intellectuelle.

Jean-Louis T. et Benoît T. n’ont jamais été condamnés mais les circonstances de leurs agissements et les conséquences de ceux-ci méritent un avertissement significatif de nature également à les dissuader de renouveler de tels faits. lI y a lieu, en outre, de tenir compte des bénéfices liés à la poursuite de ces agissements illégaux.

Il convient, dès lors, de prononcer contre chacun des prévenus une peine de 12 mois d’emprisonnement sous le bénéfice du sursis et de les condamner chacun à une amende de 10 000 €.

A titre complémentaire il y a lieu conformément aux termes du dispositif d’ordonner la publication d’un extrait du jugement et la confiscation des scellés.

En l’état aucun élément ne permet au Tribunal d’accueillir favorablement la demande de non inscription sur l’extrait numéro 2 du casier judiciaire.

Concernant la société “Mubility » : il apparaît que cette personne morale a été mise en place pour donner à des faits délictueux un habillage respectable et n’avait, au regard des circonstances de l’espèce, aucune autre finalité.
II convient, en conséquence, d’ordonner la fermeture définitive, de la société considérée.

Sur l’action civile

La société Civile des Producteurs de Phonogrammes et la société des Producteurs de Phonogrammes en France se constituent parties civiles.

* Concernant la recevabilité des demandes :

Les prévenus font valoir « qu‘aucune des partie civiles n‘est mandatée par leurs membres pour gérer les droits relatifs à l’exploitation interactive d’oeuvres musicales intégrales sur I‘internet. »

En premier lieu, l’article L 321-l du code de la propriété intellectuelle confère le droit d’ester en justice aux sociétés de producteurs de phonogrammes pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge.

En second lieu, il ressort des statuts de la société Civile des Producteurs de Phonogrammes (article 4) et des statuts de la société des Producteurs de Phonogrammes en France (article 3) qu’elles sont l’une et l’autre habilitées à assurer la défense de l’intérêt collectif de la profession exercée par leurs membres.

Les faits de contrefaçon sus visés entrent dans les prévisions de la mission qui est dévolue à chaque partie civile dont l’action repose sur la violation d’un préjudice collectif qu’il leur appartient de défendre.

En conséquence, les moyens d’irrecevabilité doivent être écartés.

* Concernant le bien fondé des demandes :

L’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que pour fixer les dommages intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits…

D’une part, sur les conséquences économiques négatives : il est, à ce jour, peu contestable que les agissements examinés dans le cadre de la présente procédure mettent en péril la création artistique, la production musicale et la survie même des auteurs et des artistes-interprètes.
La prolifération de la contrefaçon sur internet a entraîné, en outre, des conséquences sur l’emploi dans le domaine du disque.
En l’espèce le succès remporté par le site litigieux – ayant compté dans le dernier état plus de 20 millions de visites par mois – a manifestement participé à la situation exposée et s’est traduit par un manque à gagner pour les titulaires des droits.

D’autre part, sur les bénéfices réalisés par les auteurs des faits : au titre des recettes publicitaires le chiffre d’affaires de la société “Mubility” s’est élevé pour l’année 2006 à 403 286 € et pour l’année 2007 à 686 469 €.

Par application des principes énoncés par le texte précité : il convient de condamner solidairement Jean-Louis T. et Benoît T. à verser à la société Civile des Producteurs de Phonogrammes une somme de 871 804 € et à la société des Producteurs de Phonogrammes en France une somme de 217 951€.

Au titre des frais de procédure : il convient de faire droit à ces réclamations dans les conditions et les limites fixées au dispositif

Les prétentions complémentaires des parties civiles doivent être rejetées.

DECISION

Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l’encontre de la société Mubility, Benoît T., Jean-Louis T., prévenus, à l’égard de la société Civile des Producteurs de Phonogrammes et la société des Producteurs de Phonogrammes en France, parties civiles ;

Sur l’action publique :

. Déclare la société Mubility coupable pour les faits qualifiés de :
– reproduction ou diffusion non autorisée de programme, vidéogramme ou phonogramme, faits commis du 16 août 2005 au 30 janvier 2008, à Paris,
– reproduction ou diffusion non autorisée de programme, vidéogramme ou phonogramme, faits commis du 2 août 2006 au 30 janvier 2008, à Paris.

Vu l’article 131-11 du Code pénal et à titre de peine principale :

. Ordonne à l’encontre de la société Mubility la fermeture à titre définitif de la société ayant servi à commettre les faits incriminés.

. Déclare Benoît T. coupable pour les faits qualifiés de :
– reproduction ou diffusion non autorisée de programme, vidéogramme ou phonogramme, faits commis du 16 août 2005 au 30 janvier 2008, à Paris,
– reproduction ou diffusion non autorisée de programme, vidéogramme ou phonogramme, faits commis du 2 août 2006 au 30 janvier 2008, à Paris,
– abus des biens ou du crédit d’une société par un gérant a des fins personnelles, faits commis du 16 août 2005 au 30 janvier 2008, à Paris.

Vu les articles susvisés :

. Condamne Benoît T. à 12 mois d’emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

. Dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine dans les conditions prévues par ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l’avertissement, prévu à l’article 132-29 du Code pénal, au condamné que s’il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l’objet d’une condamnation qui sera susceptible d’entraîner l’exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qui encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du Codé pénal.

Vu les articles susvisés :

. Condamne Benoît T. à une amende délictuelle de 10 000 €.

Le président avise le condamné que s’il s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1500 €. Le président informe le condamné que le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de demander la restitution des sommes versées.

Vu les articles susvisés ; à titre de peine complémentaire :

. Ordonne à l’encontre de Benoît T. la confiscation des scellés.

. Rejette la demande de non inscription de cette décision au bulletin N°2 du casier judiciaire.

. Déclare Jean-Louis T. coupable pour les faits qualifiés de :
– reproduction ou diffusion non autorisée de programme, vidéogramme ou phonogramme, faits commis du 16 août 2005 au 30 janvier 2008, à Paris,
– reproduction ou diffusion non autorisée de programme, vidéogramme ou phonogramme, faits commis du 2 août 2006 au 30 janvier 2008, à Paris,
– recel de bien provenant d’un délit puni d’une peine n’excédant pas 5 ans d’emprisonnement, faits commis au cours de l’année 2007 au 30 janvier 2008, à Paris,

Vu les articles susvisés :

. Condamne Jean-Louis T. à 12 mois d’emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

. Dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine dans les conditions prévues par ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l’avertissement, prévu à l’article 132-29 du Code pénal, au condamné que s’il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l’objet d’une condamnation qui sera susceptible d’entraîner l’exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu’il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du code pénal.

Vu les articles susvisés :

. Condamne Jean-Louis T. à une amende délictuelle de 10 000 €.

Le président avise le condamné que s’il s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1500 €. Le président informe le condamné que le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.

Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de demander la restitution des sommes versées.

Vu les articles susvisés ; à titre de peine complémentaire :

. Ordonne à l’encontre de Jean-Louis T. la confiscation des scellés.

. Rejette la demande de non mention de cette décision au bulletin N°2 du casier judiciaire.

Vu les articles susvisés ; à titre de peine complémentaire ;
. Ordonne à l’encontre de Benoît T. et de Jean-Louis T. la publication sur le site Amazon.fr, en première page, pour une durée de 30 jours, en lettres noires sur fond blanc, en police de caractères Verdana gras de taille 15 sous le titre – Publication Judiciaire – du texte suivant ;
– Par jugement en date du 3 septembre 2009 la 31ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné JLT, BT et la société M pour contrefaçon en ayant mis à la disposition du public un logiciel conduisant à l’écoute et au partage non autorisés d’oeuvres musicales protégées. En répression le Tribunal a condamné les auteurs des faits à une peine de 12 mois d’emprisonnement avec sursis et à une peine d’amende et a ordonné la fermeture définitive de la société. Sur les intérêts civils le Tribunal a alloué aux sociétés de producteurs de phonogrammes une somme de 1 089 755 € au titre du préjudice matériel -.

La Présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 90 € dont est redevable la société Mubility, de 90 € dont est redevable Benoît T., de 90 € dont est redevable Jean-Louis T. ;

Sur l’action civile

. Déclare recevables, en la forme, les constitutions de partie civile de la société Civile des Producteurs de Phonogrammes et de la société des Producteurs de Phonogrammes en france.

. Condamne solidairement Benoît T. et Jean-Louis T. à payer à la société Civile des Producteurs de Phonogrammes, partie civile, la somme de 871 804 € à titre de dommages-intérêts.

. Condamne solidairement Benoît T. et Jean-Louis T., à payer à la société des Producteurs de Phonogrammes en France, partie civile, la somme de 217 951 € à titre de dommages-intérêts.

. Condamne Benoît T., à payer à la société Civile des Producteurs de Phonogrammes, partie civile, la somme 2000 € au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

. Condamne Benoît T., à payer à la société des Producteurs de Phonogrammes en France, partie civile, la somme de 2000 € au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

. Condamne Jean-Louis T., à payer à la société Civile des Producteurs de Phonogrammes, partie civile, la somme de 2000 € au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

. Condamne Jean-Louis T. à payer à la société des Producteurs de Phonogrammes en France, partie civile, la somme de 2000 € au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

. Déboute les parties civiles du surplus de leurs demandes.

Les prévenus présents à l’audience sont informés de la possibilité pour les parties civiles, non éligibles à la CIVI, de saisir le SARVI s’ils ne procèdent pas au paiement des dommages-intérêts auxquels ils ont été condamnés dans le délai de 2 mois courant à compter du jour où la décision est devenue définitive.

Le tribunal : Mme. Marie-Christine Plantin (vice-président), M. Jean-François Monereau et Mme Catherine Raynouard (juges)

Avocats :

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