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Jurisprudence : Marques

mardi 09 juillet 2002
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Tribunal de Grande Instance de Paris 3ème chambre, 3ème section Jugement du 9 juillet 2002

SA Finaxa, SA AXA / SA Online, Sarl Mescal y Tequila, SA Free, Cécile B., Pierre Jean C.

article 1382 du code civil - balise méta - constat agent assermenté app - contrefaçon - loi du 30 septembre 1986 (loi du 1er août 2000) - marque - mot clef - nom de domaine - pornographie - responsabilité de l'hébergeur

Les faits

La société Finaxa, une des sociétés holding du groupe Axa est propriétaire notamment :

– de la marque Axa n° 1 282 650 déposée le 7 août 1984 et renouvelée le 2 juin 1994 pour désigner différents produits et services des classes 35 et 36 de la classification internationale ;

– de la marque Axa n° 94 513 873 déposée le 1er avril 1994 pour désigner différents produits et services de la classe 38 de la classification internationale.

La société Axa est titulaire d’une licence d’exploitation de ces marques régulièrement inscrite au registre national des marques.

La société Axa est également titulaire de plusieurs noms de domaine « axa.fr » et « axa.com ».

S’étant aperçues que la société Mescal Y Tequila éditait un site hébergé par la société Free sous le nom de domaine « croisières-libertines.com » mais qui apparaissait sous l’adresse « http://axa.croisières-libertines.com », les sociétés Finaxa et Axa assignaient le 25 avril 2002, la société Mescal Y Tequila, la société Free, Mlle B. et M. C. en contrefaçon de marque, usurpation de dénomination sociale et indemnisation.

Les sociétés Finaxa et Axa demandent au tribunal de :

– faire injonction aux défendeurs de cesser toute utilisation du terme Axa tant sur le site croisières-libertines.com que parmi les mots clefs, tags ou sources de pages de ce site et ce, sous astreinte de 1500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

– faire injonction aux défendeurs à l’exception de la société Free de fermer la boîte postale et le compte bancaire ouverts sous le nom Axa Réalisations et ce, sous astreinte de 1500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

– condamner solidairement les défendeurs à l’exception de la société Free à leur payer la somme de 150 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon de la marque n° 94 513 873 et celle de 50 000 € pour l’atteinte à la marque renommée n° 1 282 650 ;

– condamner solidairement les défendeurs à l’exception de société Free à lui payer la somme de 5000 € en application de l’article 700 du ncpc ;

et ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire

La société Free demande sa mise hors de cause, n’étant pas le prestataire d’hébergement du site argué de contrefaçon et dit qu’elle n’aurait pas été assignée si la société Mescal Y Tequila avait respecté les dispositions de l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986.

La société Online qui intervient volontairement dit :

– qu’elle assure la prestation d’hébergement du site litigieux ;

– qu’elle se soumettra à la décision à intervenir ;

– qu’elle n’est nullement responsable puisqu’elle n’a commis aucune faute, seul l’éditeur, en l’espèce, la société Mescal Y Tequila qui est un professionnel de l’édition et de la presse étant responsable car étant l’initiateur du service, le rédacteur de son contenu et en organisant la diffusion.

Aussi, la société Online sollicite la condamnation de toute partie succombante à lui payer une indemnité de 2000 € en application de l’article 700 du ncpc, n’ayant pas vocation à supporter des frais irrépétibles inhérents aux procédures engagées au sujet des services qu’elle héberge et dont elle n’est pas légalement responsable.

La société Mescal Y Tequila plaide que :

– elle doit être mise hors de cause, n’étant que prestataire de services de M. C., conformément au devis du 13 décembre 2001 produit aux débats ;

– dans ce cadre, elle a créé le site www.croisièreslibertines.com et elle a déposé le 23 novembre 2001 le nom de domaine correspondant ;

– les coordonnées de M. C. sont les seules qui apparaissent sur les pages du site.

Aussi, cette défenderesse conclut principalement à sa mise hors de cause compte-tenu de son unique qualité de prestataire technique.

A titre subsidiaire cette concluante écrit que :

– la contrefaçon n’est pas constituée en l’absence de similarité des produits et même au regard de la marque Axa désignant des produits de la classe 38 dès lors qu’en l’espèce, le terme Axa n’est pas utilisé pour désigner un produit de « communication entre ordinateurs » mais un site d’informations et de diffusion destinés aux amateurs de films X amateurs ;

– l’exploitation du vocable AX.A n’est pas injustifiée car elle correspond au contenu du site (Amateurs de film X à caractère Amateur) et n’est pas faite pour exploiter la notoriété de la marque Axa ;

– en tout état de cause, le site est en période de test et ne reçoit que 50 visiteurs par jour.

Aussi, la société Mescal Y Tequila conclut au débouté des demandes et à la condamnation solidaire des demanderesses à lui payer une somme de 10 000 € en application de l’article 700 du ncpc.
La discussion

Mlle B. et M. C. régulièrement assignés n’ayant pas constitué avocat, la présente décision est réputée contradictoire.

* Sur les droits des sociétés Axa

La société Finaxa justifie par la production des certificats d’identité correspondants être titulaire :

– d’une marque dénominative Axa déposée le 1er avril 1994 et enregistrée sous le n° 94 513 873 pour désigner les produits et services suivants : « équipement pour le traitement de l’information, ordinateurs, mémoires d’ordinateurs, programme d’ordinateurs, logiciels (programmes enregistrés), progiciels, papier, produits de l’imprimerie, logiciels (programmes imprimés), manuels d’instructions, communication par terminaux d’ordinateurs, services de formation en matière informatique, services de programmation pour ordinateurs, conception et réalisation de logiciels » des classes 9, 26, 38, 41 et 42 de la classification internationale ;

– d’une marque dénominative Axa déposée le 7 août 1984, régulièrement renouvelée le 2 juin 1994 et enregistrée sous le n° 1 282 650 pour désigner les produits et services suivants : « véhicules et appareils de locomotion, métaux précieux et leurs alliages et objets en ces matières ou en plaqué, joaillerie, horlogerie et autres instruments chronométriques, papier carton et produits en ces matières non compris dans d’autres classes, papeterie, articles pour reliures, photographies, machines à écrire et articles de bureau, matériel d’instruction ou d’enseignement, cartes à jouer, cuir et imitation de cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes, malles et valises, vêtements, chaussures, chapellerie, jeux articles de gymnastique et de sport, articles pour fumeurs, allumettes, publicité et affaires : publicité, distribution de prospectus, d’échantillons, location de matériel publicitaire, aide aux entreprises industrielles et commerciales dans la conduite de leur affaires, conseil, informations ou renseignements d’affaire, comptabilité, reproduction de documents, assurances et finances : assurances, banques, agence de change, gérance de portefeuille, recouvrement des créances, loteries, émission de chèques de voyage et de lettres de crédit, agences immobilières (vente, location de fonds de commerce et d’immeubles), expertise immobilière, gérance d’immeubles, transport de personnes et de marchandise, remorquage maritime, déchargement, renflouement de navires, entrepôt, garage de véhicules, location de garages » des classes 12, 14, 16, 18, 25, 28, 34, 35, 36, 39 de la classification internationale.

La société Axa bénéficie d’une licence d’exploitation de ces deux marques en exécution d’un contrat en date du 21 mai 1996 enregistré à l’Inpi le 12 août 1996.

Les demanderesses justifient également par la production d’extraits de leur kbis, bénéficier de la protection de leur dénomination sociale, ces deux sociétés ayant comme activité déclarée la prise de participation sous toutes formes dans toutes sociétés.

Par copie d’écran et des extraits de la recherche Idemco, la société Axa justifie être titulaire du nom de domaine « axa.fr » qu’elle exploite pour présenter ses produits.

En revanche, ces mêmes documents établissent que le titulaire du nom de domaine « axa.com » est le Gie informatique Axa qui n’est pas dans la cause.

* Sur les faits

Il ressort des constatations de l’Agence pour la Protection des Programmes en date du 16 avril 2002 :

– que par l’adresse « axa.croisières-libertines.com », l’internaute accède à un site dénommé « AX.A » site X gratuit pour adultes qui présente les activités du club des Amateurs de X amateurs, c’est à dire des films X amateurs ;

– que la dénomination « AX.A » est reproduite sur chaque page écran et sert de « balises » pour le référencement dans les moteurs de recherche ;

– que le site comporte des fichiers vidéo en accès libre montrant des scènes pornographiques et intitulées « axa-vidéo ».

Des copies d’écran de ce même site captées le 28 mai 2002 établissent que la dénomination AX.A a été supprimée des écrans mais que cette dénomination figure toujours dans le bandeau supérieur dans la mention « Axa. Le site des amateurs de X amateurs ».

Par ailleurs, il ressort du constat précité qu’une boîte postale a été créée sous la dénomination AX.A Réalisations dans le but de recevoir les moyens de paiements des abonnés à ce service pornographique lesquels sont invités à libeller leurs chèques à l’ordre de AX.A Réalisations.

* Sur la qualification desdits faits :

L’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque même avec l’adjonction de mots tel que « formule, façon, système, imitation, genre, méthode » ainsi que l’usage d’une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement.

L’article L 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle dispose que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.

Il y a lieu de relever qu’en l’espèce, la dénomination attaquée Axa ou AX.A désigne :

– un site diffusant des informations sur un club « d’amateurs de films X amateurs » ; que ce produit n’est pas visé dans les enregistrements des marques opposées ; qu’il ne peut être assimilé à un produit de « communication par terminaux d’ordinateurs » ou « d’équipement pour le traitement de l’information », la communication informatique étant le support de diffusion d’informations sur le club en cause mais non le produit désigné par la dénomination incriminée qui est une publication en ligne ;

– des films à caractère pornographique ;

– une entreprise éditrice de ce site.

Ces produits n’étant pas visés dans l’enregistrement des marques en cause et aucun de ceux-ci n’étant similaires à des produits y figurant, les deux articles précités sont inapplicables.

L’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ; que les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables à l’emploi d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris, pour la protection de la propriété industrielle précitée.

Il n’est pas contesté que la marque Axa n° 1 282 650 pour désigner des produits financiers et d’assurances jouit d’une renommée importante liée à l’ancienneté de son exploitation et à l’importance des campagnes publicitaires organisées pour sa promotion.

Le tribunal considère que l’emploi de la marque Axa ou AX.A pour désigner des activités à caractère pornographique porte un préjudice à cette dernière car son association à ce type d’activité la dévalorise. Par ailleurs, ce choix d’un signe renommé permet d’attirer les internautes et d’augmenter l’audience du site incriminé et constitue donc une exploitation injustifiée.

De même l’utilisation dans le cadre d’une activité commerciale d’un vocable identique ou similaire à la dénomination sociale de la société Axa constitue des agissements fautifs au sens de l’article 1382 du code civil.

* Sur les responsabilités :

Il ressort tant du constat de l’APP que de la lettre de M. C. adressé au conseil des demanderesses que ce dernier est l’éditeur du site en cause, a ouvert une boîte postale et un compte en banque sous la dénomination AX.A Réalisations et exerce une activité à caractère pornographique sous cette dénomination et ce, bien que son kbis mentionne également comme nom commercial de son activité « AX. Communication ».

Dans ces conditions, M. C. est responsable des agissements fautifs précités.

Il ressort de la note d’honoraires en date du 15 mai 2002 que la société Mescal Y Tequila a assuré le développement du site « amateurs de X amateurs », a assuré l’hébergement de celui-ci pendant six mois chez Online.net et a déposé le nom de domaine croisières-libertines.com.

Il y a lieu de relever que s’il est indiqué sur cette note d’honoraires « exécution des pages html », le cahier des charges précise :

– qu’elle était chargée de la création du site incriminé à partir d’un logiciel du commerce et qu’elle assurait pendant 6 mois l’hébergement de ce site chez Online.net dans l’attente de l’hébergement par M. C. de celui-ci chez un « fournisseur adéquat » ;

– que « tous les éléments visuels, photos, vidéos seront fournis par vous (M. C.). Notre rôle consistera à les intégrer dans les pages et ainsi créer le squelette du site que vous pourrez modifier à votre convenance » ;

– que le nom de domaine déposé par elle ne comportait pas la reproduction de la marque.

Au vu de ces éléments, le tribunal considère que la société Mescal Y Tequila est intervenue comme conceptrice du site dans ses aspects techniques et comme mandataire de M. C. pour souscrire le contrat d’hébergement auprès de la société Online.com et pour l’enregistrement du nom de domaine mais non comme éditrice n’ayant pas la responsabilité du contenu des informations diffusées sur le réseau et que dès lors elle n’est pas responsable des agissements fautifs précités.

Mlle B. sera également mise hors de cause. En effet, ainsi qu’il a été rappelé ci-avant, la société dont elle est gérante, la société Mescal Y Tequila n’est pas l’éditrice du site et n’est pas dès lors soumise aux dispositions de l’article 43-10 de la loi du 30 septembre 1986. Au surplus, l’infraction à l’obligation formulée par ce texte ne saurait la rendre co-auteur des fautes délictuelles constatées : les atteintes à la marque renommée Axa et à la dénomination sociale de la société Axa n’étant liées qu’au caractère pornographique des informations figurant sur le site, exploitation qui n’est pas le fait de la société Mescal Y Tequila ou de sa gérante.

Le tribunal donne acte aux sociétés demanderesses de l’abandon de leurs demandes à l’encontre de la société Free.

* Sur les mesures réparatrices :

Il est fait droit à la demande d’interdiction dans les conditions définies au présent dispositif.

Du fait de l’atteinte à sa marque renommée Axa n° 1 282 650, la société Finaxa a subi un préjudice lié à la dévalorisation de cette dernière qui sera indemnisée par des dommages-intérêts à hauteur de 7600 €.

La société Axa qui ne justifie d’aucun préjudice commercial lié à cette atteinte sera déboutée de ce chef. En revanche, il lui est alloué une indemnité d’un même montant pour l’atteinte à sa dénomination sociale consécutive à l’exploitation précitée.

Eu égard à l’urgence à faire cesser les agissements dont s’agit, il y a lieu à exécution provisoire de la présente décision.

L’équité commande en outre d’allouer aux demanderesses une somme de 3500 € en application de l’article 700 du ncpc et une indemnité de 1500 € à la société Online qui a dû intervenir au lieu et place de la société Free.
La décision

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et par décision réputée contradictoire,

. Donne acte à la société Online de son intervention volontaire ;

. Met hors de cause la société Free, la société Online, la société Mescal Y Tequila et Mlle B. ;

. Dit que l’exploitation de la dénomination Axa ou AX.A pour désigner un site et une activité à caractère pornographique porte atteinte à la marque renommée Axa n° 1 282 650 dont la société Finaxa est titulaire et constitue une usurpation de la dénomination sociale de la société Axa ;

. Dit que M. C. est responsable de ces agissements fautifs en application des articles L 713-5 du code de la propriété intellectuelle et de l’article 1382 du code civil ;

. Interdit à M. C. l’utilisation à quelque titre que ce soit du terme Axa tant sur le site croisières-libertines.com que parmi les mots-clés, métatags ou sources des pages de ce site et ce sous astreinte de 300 € par jour de retard passé le délai de huit jours après la signification de la présente décision ;

. Interdit à M. C. l’utilisation du terme Axa pour désigner une boîte postale ou un compte bancaire et ce sous la même astreinte que précédemment ;

. Condamne M. C. à payer à la société Finaxa la somme de 7600 € en réparation de l’atteinte portée à sa marque et une indemnité du même montant à la société Axa pour usurpation de sa dénomination sociale ;

. Ordonne l’exécution provisoire ;

. Déboute les parties de leurs autres demandes ;

. Condamne M. C. à payer aux sociétés demanderesses la somme de 3500 € et à la société Online la somme de 2000 € en application de l’article 700 du ncpc et aux dépens qui comprendront les frais de constat de l’Agence pour la Protection des Programmes.

Le tribunal : Mme Belfort (vice président), Mmes Tapin et Richard (juges)

Avocats : Me De Cande, Me Coursin, Me Le Gall

Voir décision de Cour de cassation du 31/01/2008

 
 

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