Jurisprudence : Responsabilité
Cour d’appel de Paris Pôle 1, chambre 4 Arrêt du 26 mars 2010
Youtube / Magdane et autres
responsabilité
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS
La Cour statue sur rappel interjeté par la société de droit américain Youtube Llc de l’ordonnance contradictoire rendue le 5 mars 2009 par le Juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris qui a :
• Ordonné le rejet des pièces 9 bis, 27, 46, 64, 65 et 76 communiquées par la société Youtube ;
• Déclaré :
– recevable Monsieur Roland Magdane pour l’atteinte à ses droits moraux d’auteur ;
– irrecevable la société Matex et Monsieur Roland Magdane pour l’atteinte à leurs droits patrimoniaux d’auteur ;
– recevable Monsieur Roland Magdane pour l’atteinte à ses droits moraux et patrimoniaux d’artiste interprète ;
– Déclaré recevable la société Matex Productions pour l’atteinte à ses droits patrimoniaux de producteur ;
• Interdit à la société Youtube de diffuser les oeuvres originales figurant dans les DVD “Magdane Show” et ”Magdane Craque”, communiqués dans le cadre de la présente procédure, à l’adresse URL http:www.youtube.com, sous astreinte de 150 € par infraction constatée passé le délai de quinze jours de la signification de la présente ordonnance ;
• Dit que la société Youtube, qui n’a pas accompli les diligences nécessaires en vue de rendre impossible la remise en ligue des sketches “Benoît” et « Le dentiste » déjà signalés comme illicites, ne peut se prévaloir de la limitation de sa responsabilité prévue à l’article 64-2 de la loi du 21 juin 2004 et engage à ce titre sa responsabilité, en conséquence, condamné la société Youtube à payer à Monsieur Roland Magdane :
– la somme provisionnelle de 1500 € à titre de dommages-intérêts compte tenu de l’atteinte à son droit moral d’auteur et d artiste interprète ;
– la somme provisionnelle de 1500 € à titre de dommages compte tenu de l’atteinte à son droit patrimonial d’artiste interprète ;
– à la société Matex Productions la somme provisionnelle de 1500 € à titre de dommages-intérêts compte tenu de l’atteinte à son droit patrimonial de producteur;
• Enjoint en tant que de besoin à la société Youtube de communiquer à Monsieur Roland Magdane les données fournies par les éditeurs des deux vidéos litigieuses “Benoît” et “Le dentiste” identifiés dans le constat APP du 26 décembre 2008, et notamment leurs adresses lP et e-mail, dans le délai de huit jours suivant la signification de la présente ordonnance ;
– Rejeté pour le surplus la demande de communication ;
– Rejeté la demande de provision à valoir sur les frais de justice nécessaire à l’obtention des données réclamées par les demandeurs ;
• Condamné la société Youtube à payer à Monsieur Roland Magdane une somme de 3000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
• Condamné la société Youtube aux dépens.
Dans ses dernières conclusions du 11 février 2010, la société de droit américain Youtube Llc demande à la Cour de :
• In limine litis, se déclarer incompétent pour connaître de la demande de liquidation d’astreinte des intimés et les renvoyer à mieux se pourvoir devant le juge de l’exécution près du Tribunal de Grande Instance de Paris,
• Infirmer l’ordonnance du 5 mars 2009 en ce qu’elle a :
– dit que la responsabilité de la société Youtube était engagée du fait de la mise en ligne des vidéos “Benoît” et “le Dentiste” identifiées dans le constat du 26 décembre 2008 et déjà mentionnées dans un constat du 21 novembre 2008 préalablement notifié ;
– prononcé, à l’encontre de la société Youtube, une mesure d’interdiction ;
• Confirmer l’ordonnance pour le surplus ;
• Et y ajoutant,
* Sur l’irrecevabilité de la société Matex Productions sur le fondement des droits patrimoniaux de producteur afférents aux oeuvres figurant dans les DVD “Magdane Craque” et “Magdane Show”
– Constater que le président du Tribunal a statué ultra petita en prononçant une condamnation sur le fondement des droits patrimoniaux de producteur de la société Matex, alors que l’action de cette dernière était exclusivement fondée sur le droit d’auteur et qu’elle n’a pas été jugée recevable à agir sur ce fondement ;
– Retrancher tant des motifs que du dispositif de l’ordonnance toute mention relative à la qualité à agir de la société Matex sur le fondement des droits patrimoniaux de producteur et à la violation prétendue desdits droits de producteur par la société Youtube ;
– Subsidiairement, constater que la société Matex ne rapporte pas la preuve de sa qualité de producteur et n’est pas recevable à agir sur le fondement des droits de producteur ;
– Très subsidiairement, constater que la société Camus Productions, qui est mentionnée sur la pochette du DVD « Magdane Craque”, est présumée être cotitulaire des droits d’exploitation y afférents et qu’à défaut d’intervention de cette dernière, Matex Productions n’est pas recevable à agir ;
– Dire et juger, en tant que de besoin, que toutes demandes de la société Matex Productions sur le fondement des droits voisins des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes (article L 213-1 et/ou L 215-1 du code de la propriété intellectuelle) doivent être considérées comme nouvelles et par là-même irrecevables en application de l’article 524 du Code de Procédure Civile ;
* Sur l’irrecevabilité de la société Matex et de Monsieur Magdane sur le fondement des droits patrimoniaux d’auteur sur les sketchs issus des DVD “Magdane Craque” et “Magdane Show” et notamment les sketchs “Benoît” et “Le Dentiste” ;
– Constater que les droits d’auteur sur les sketches en cause ont été cédès à la Sacem qui est statutairement investie du droit exclusif d’agir en justice sur le fondement desdits droits ;
– Prononcer la nullité de la cession postérieure desdits droits à la société Matex Productions dans le cadre du contrat d’édition de novembre 2001 ;
– Constater en tant que de besoin que le contrat d’édition de novembre 2001 ne vise pas expressément les oeuvres issues du DVD “Magdane Craque” et que dix sketchs, sur les quatorze mentionnés dans le constat du 25 novembre 2009 sur lequel sont fondées les demandes additionnelles des intimés, ne sont pas non plus visés par ce contrat ;
* Sur l’irrecevabilité des demandes de la société Matex et de Monsieur Magdane ayant trait à la mise en ligne des vidéos mentionnées dans le procès-verbal de constat du 11 novembre 2007
– Constater que ces demandes se heurtent à l’autorité de chose jugée par l’ordonnance du 9 janvier 2008 ;
– Constater que ces demandes sont nouvelles et partant, irrecevables en application de l’article 524 du code de Procédure Civile ;
– Constater en tant que de besoin que le contenu des vidéos mentionnés dans le procès-verbal de constat du 12 novembre 2007 n’est pas rapporté ;
* Sur l’irrecevabilité des demandes de la société Matex et de Monsieur Magdane sur le fondement du droit commun de la responsabilité
– Constater que dans leurs écritures antérieures à leurs conclusions du 28 janvier 2010, les intimées ont reconnu que la responsabilité de la société Youtube devait en l’espèce être appréciée selon les dispositions de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique, dont ils demandaient expressément l’application ;
– Dire qu’en contestant soudainement l’applicabilité de ces dispositions, les intimés ont violé le principe de loyauté procédural, lequel interdit aux plaideurs, sous peine d’irrecevabilité, de se contredire aux dépens d’autrui dans le cadre de la même instance ;
– Dire que les demandes fondées sur la prétendue responsabilité qu’engagerait la société Youtube en qualité d’éditeur conformément au droit commun sont, de ce fait, irrecevables ;
* Sur la responsabilité de Youtube du fait des 25 vidéos litigieuses mentionnées et/ou identifiées dans les procès-verbaux de constat antérieurs à l’ordonnance entreprise,
– Dire et juger qu’en application de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’Economie numérique applicable au service de la société Youtube, celle-ci ne peut se voir imposer de mettre en place une mesure de contrôle l’obligeant, sur une période indéterminée, à surveiller l’ensemble des vidéos postées sur son site afin de déterminer si celles-ci sont identiques ou similaires à des contenus contrefaisants préalablement portés à sa connaissance ;
– Constater que les 15 vidéos litigieuses mentionnées dans le procès-verbal de constat du 12 novembre 2007 ont été retirées promptement par la société Youtube ;
– Constater que les 7 vidéos litigieuses identifiées dans le procès-verbal de constat du 20 novembre 2008 ont été retirées promptement par la société Youtube et qu’il s’agit de vidéos dont l’identité avec celles mentionnées dans le précédent constat du 12 novembre 2007 n’est pas rapportée ;
– Constater que les 3 vidéos litigieuses identifiées dans le procès-verbal de constat du 26 décembre 2008, notamment les vidéos intitulées “Benoît” et “Le dentiste”, ont été retirées promptement par la société Youtube et qu’il s’agit de vidéos dont l’identité avec celles mentionnées dans les précédents constats du 12 novembre 2007 et/ou du 20 novembre 2008 n’est pas rapportée ;
– Constater que la société Matex et Monsieur Magdane n’ont jamais souhaité utiliser le service d’identification de contenu par empreintes digitales mis à leur disposition par Youtube et que, jusqu’au 8 janvier 2009, ils n’ont pas mis la société Youtube en mesure de réaliser une empreinte digitale des DVD de référence “Magdane Show” et “Magdane Craque” dont sont notamment issus des sketchs “le Dentiste” et « Benoît” ;
– Dire et juger, en conséquence, que la responsabilité de Youtube ne peut être engagée du fait de la mise en ligne des 22 vidéos litigieuses mentionnées et/ou identifiées dans les procès-verbaux de constat antérieurs à l’ordonnance entreprise ;
* Sur la mesure de surveillance ordonnée
– Constater que la mesure d’interdiction prononcée par le juge des référés n’est pas suffisamment ciblée et n’est pas temporaire, contrairement aux stipulations de l’article 6-I-7, alinéa 2 de la LCEN ;
– Dire subsidiairement que cette mesure doit être limitée dans le temps à une durée maximale de un an suivant la signification de l’ordonnance entreprise ;
– Constater en tout état de cause que Youtube n’a pas failli à l’obligation qui a été mise à sa charge par le juge des référés ;
* Sur les demandes additionnelles des intimées fondées sur la diffusion de 8 nouveaux fichiers identifiés, par procès-verbal de constat du 25 novembre 2009, postérieurement l’ordonnance entreprise
– Dire que les demandes additionnelles formulées devant la Cour d’Appel par la société Matex Productions et Monsieur Magdane sont irrecevables à défaut de contenir un exposé suffisamment précis de leurs prétentions exactes, les vidéos litigieuses sur lesquelles portent ces demandes n’étant pas clairement identifiées ;
– Dire que les demandes additionnelles formulées devant la Cour d’Appel par la société Matex Productions et Monsieur Magdane sont nouvelles et par conséquent, irrecevables de application de l’article 524 du Code de procédure Civile ;
– Subsidiairement,
– Constater que Monsieur Magdane est membre de la Sacem et, à ce titre, a fait apport à cette société des oeuvres correspondant aux différents sketchs identifiés sur le site www.youtube.fr lors des constatations en date du 25 novembre 2009 ;
– Constater que Monsieur Magdane ne peut avoir cédé à la société Matex Productions les droits de reproduction et de représentation relatifs aux oeuvres susvisées, puisqu’il les avait précédemment apportés à la Sacem, seule habilitée à agir;
– Dire en conséquence, que Monsieur Magdane et la société Matex Productions sont irrecevables à agir sur le fondement des droits patrimoniaux d’auteur sur les oeuvres concernées ;
– Constater que la société Matex Productions ne démontre pas être à l’origine de la fixation initiale des séquences audiovisuelles reproduites dans les fichiers dont la diffusion a été constatée sur le site www.youtube.fr dans le procès-verbal d’huissier établi le 25 novembre 2009 et que, par conséquent, la preuve de sa qualité de producteur n’est pas rapportée ;
– Dire en conséquence, que la société Matex Productions est irrecevable à agir sur le fondement des droits voisins des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes ;
– Constater que les fichiers dont la diffusion a été constatée sur le site www.youtube.fr par procès-verbal d’huissier établi le 25 novembre 2009, ne reproduisent à l’identique ni les vidéos figurant dans les DVD “Magdane Show” ou “Magdane Craque”, ni celles précédemment mentionnées et/ou identifiées dans les procès-verbaux de constat des 12 novembre 2007, 21 novembre 2008 et 26 décembre 2008 ;
– Constater que la société Youtube a retiré ces fichiers avec diligence dès qu’ils lui ont été signalés ;
– Dire en conséquence que la responsabilité de Youtube ne saurait être engagée, sur quelque fondement que ce soit, du fait de la diffusion des huit sketches supplémentaires visés dans le procès-verbal de constat du 25 novembre 2009 ;
* Sur la communication des données susceptibles de permettre l’identification des utilisateurs ayant postées les vidéos “Le Dentiste” et “Benoît” telles qu’identifiées dans le procès-verbal du 26 décembre 2008
– Constater que la société Youtube a dûment communiqué les données nécessaires le 23 juin 2009, par courrier électronique dont la réception n’est pas contestée ;
– Constater que les intimés ne démontrent aucun préjudice imputable au caractère prétendument lacunaire ou tardif des données ainsi communiquées ;
* Sur les donné-actes
– Donner acte à la société Youtube de ce qu’elle s’engage à donner gratuitement aux intimés la possibilité de souscrire au service Vidéo ID et d’utiliser l’interface de ce logiciel conformément aux conditions générales habituelles qui lui sont applicables ;
– Donner acte à la société Youtube de ce que, si la Cour l’y autorise, elle s’engage à fournir à Monsieur Magdane les données en sa possession qui permettent l’identification des utilisateurs qui sont à l’origine de la mise en ligne des sketchs visés dans le procès-verbal de constat du 25 novembre 2009 ;
* En tout état de cause
– Débouter la société Matex Productions et Roland Magdane de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
– Condamner la société Matex Productions et Roland Magdane à verser chacun à la société Youtube la somme de 18 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner Matex Productions et Roland Magdane aux dépens en application des dispositions de l’article 699 du CPC, dont distraction au profit de la SCP Panet Serra.
Dans leurs dernières conclusions du 17 février 2010 Roland Magdane, Monsieur Luc C., Monsieur Bob D., Monsieur Didier M., Monsieur Serge B. et la société Matex Productions demandent à la Cour de :
• Vu les articles 563, 565, 808 et 809 du CPC, les articles L 121-1, L 121-2, L 122-1, L 132-7, L 132-24, L 212-1, L 212-4, L 215-1 et L 335-2 du CPl, l’article 6 de la LCEN, I‘article 1382 du Code Civil, l’édit de Villers Cotterets, l’arrêt du 14 janvier 2010 rendu par la 1ère chambre Civile de la Cour de Cassation,
• In limine litis : Confirmer la parfaite recevabilité à agir de (i) la société Matex Productions et (ii) Roland Magdane en leur qualité respective de (i) producteur, par ailleurs cessionnaire des droits des auteurs et (ii) auteur interprète des oeuvres contrefaites, qualité dont ils s’étaient prévalues en première instance, et ce tant pour les contrefaçons commises selon procès-verbaux dressés en 2007, 2008 et 2009 dès lors que le dernier procès-verbal de constat du 25 novembre 2009 ;
* justifie en appel les prétentions que les auteurs et interprètes avaient déjà soumises au premier juge ;
* tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ;
• A titre principal : Confirmer en tant que de besoin l’interdiction de diffuser et commercialiser les oeuvres originales portées dans les 2 DVDs communiqués à Youtube sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et déclarer mal fondée la demande de Youtube tendant à son rejet pour insuffisance de détermination ;
• En tout état de cause :
* Confirmer les condamnations prononcées dans le cadre de l’Ordonnance du 3 mars 2009 au profit de la société Matex Productions et de Roland Magdane ;
* Et y ajouter :
* En raison de la jurisprudence rendue par la 1ère chambre civile de la cour de cassation le 14 janvier 2010, qui pose le principe de la responsabilité de droit commun de Youtube sur les 25 vidéos des intimés à la date de l’ordonnance de référé ;
– Condamner la société Youtube à verser à la société Matex Productions en sa qualité de producteur la somme de 18 750 € à titre de dommages intérêts provisionnels pour atteinte à son droit patrimonial de producteur ;
– Condamner la société Youtube à verser à Roland Magdane en sa qualité d’artiste interprète la somme de 18 750 € à titre de dommages intérêts provisionnels pour atteinte à sou droit patrimonial ;
– Condamner la société Youtube à verser à Roland Magdane en sa qualité d’auteur et interprète la somme de 18 350 € (8250 € en qualité d’auteur et 8250 € en qualité d’interprète) à titre de dommages intérêts provisionnels pour atteinte à son droit moral ;
* En raison de la remise en ligne sur le site de Youtube de 8 oeuvres écrites et interprétées par Roland Magdane contenues dans les DVD «Magdane show» et «Magdane craque» postérieurement à la signification de l’ordonnance du 5 mars 2009 qui y faisait interdiction sous astreinte de 150 € par infraction constatée ;
– Condamner la société Youtube à verser à la société Matex Productions en sa qualité de producteur la somme de 15 000 € à titre de dommages intérêts provisionnels pour atteinte à son droit patrimonial de producteur ;
– Condamner la société Youtube à verser à Roland Magdane en sa qualité d’artiste interprète la somme de 6000 € à titre de dommages intérêts provisionnels pour atteinte à son droit patrimonial ;
– Condamner la société Youtube à verser à Roland Magdane en sa qualité d’auteur la somme de 6000 € à titre de dommages intérêts provisionnels pour atteinte à son droit mural;
– Condamner la société Youtube à verser à Roland Magdane en sa qualité d’artiste interprète la somme de 6,000 € à titre de dommages intérêts provisionnels pour atteinte à son droit moral;
* Condamner la société Youtube à verser à Roland Magdane la somme de 15 000 € pour ne pas avoir communiqué à Roland Magdane les données fournies par les éditeurs des deux vidéos identifiées dans le constat APP du 26 décembre 2008 dans le délai de 8 jours suivant la signification de l’Ordonnance ;
* Enjoindre la société Youtube de communiquer à Roland Magdane les données fournies par les éditeurs des 8 vidéos présentes dans le constat du 25 novembre 2009 telles que listées en pièce 17, notamment leur adresse IP et e-mail dans le délai de 8 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir ;
* Condamner la société Youtube à payer à Roland Magdane et à la société Matex Productions la somme complémentaire de 7000 € au titre de l’article 700 du CPC ;
* Condamner la société Youtube aux dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera poursuivi, pour ceux la concernant, par la SCP Duboscq & Pellerin, en ce compris le coût des procès-verbaux de constat, dans les formes de l’article 699 du même code.
L’ordonnance de clôture est du 25 février 2010.
DISCUSSION
Considérant que Roland Magdane et la société Matex Productions poursuivent en référé la société Youtube pour avoir, sans leur autorisation, laissé mettre en ligne sur le site www.youtube.com des vidéos contrefaisant des oeuvres incluses dans deux DVD intitulés “Magdane Show” et “Magdane Craque”, à savoir, selon procès-verbaux établis par huissier ou par l’AFP :
• du 12 novembre 2007, 15 sketches, ayant donné lieu à une première ordonnance de référé définitive du 9 janvier 2008 ayant déclaré les demandes irrecevables comme n’ayant pas placé la société Youtube en état de connaître avec précision les vidéo contestées,
• du 21 novembre 2008, 7 sketches :
* Se lever sans bruit, Le dentiste, Les grandes surfaces, Benoit, Le gendre, Les organes, L‘adolescent -dont trois, Le dentiste, Les grandes surfaces, Benoît, auraient fait l’objet d’une identification précise préalable par Youtube,
• du 26 décembre 2008, 3 sketches, Le dentiste, Benoît, La revue de presse, qui auraient fait l’objet d’une prise d’empreinte préalable par Youtube,
• du 25 novembre 2009, 8 vidéos contenant les sketches Le dentiste, Le Barbecue, Les organes, les questions, les modes d’emploi, la grande surface, le réveil électronique ;
Que leurs demandes tendent, d’une part, à l’allocation de provisions au titre de dommages et intérêts, d’autre part à des mesures d’interdiction ou d’injonction ; que la qualité pour agir des intimés est préalablement en question ;
Sur la qualité pour agir de Roland Magdane et de la société Matex Productions
Considérant que les dispositions de l’ordonnance qui ont déclaré recevable Roland Magdane pour l’atteinte à ses droits moraux d’auteur et à ses droits moraux et patrimoniaux d’artiste interprète, qui ne sont pas contestées, seront confirmées ;
Qu’alors que Roland Magdane est adhérent à la Sacem, que toutes les oeuvres faisant l’objet des demandes ont été déposées à cette société d’auteurs, laquelle est ainsi devenue cessionnaire des droits patrimoniaux afférents à ces oeuvres, et que l’article 17 des statuts de la Sacem prévoit que celle-ci a alors seule qualité pour agir en justice à ce titre, c’est à juste titre que le premier juge a dit qu’il existait une contestation sérieuse sur la qualité de Roland Magdane et de la société Matex à agir de ce chef en l’absence de la Sacem aux débats ; que cette disposition sera encore confirmée ;
Qu’en revanche, alors que le producteur de vidéogrammes est « la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence d’images sonorisée ou non », la seule circonstance que les jaquettes et les disques des DVD Magdane Show et Magdane Craque comportent la formule « Matex Productions présente » est insuffisante pour établir que cette société a eu l’initiative et la responsabilité de la première fixation de chacun des sketches contenus dans ces deux DVD ; que la production de contrats d’édition entre Roland Magdane et cette société, par laquelle le premier cède à la seconde le droit exclusif d’exploiter ses droits patrimoniaux sur 24 oeuvres énumérées, et dont l’efficacité est sujette à caution dès lors que cette cession a été effectuée préalablement au profit de la Sacem, est inopérante dès lors qu’il n’y est nulle part fait mention des conditions dans lesquelles les séquences d’images les concernant ont fait l’objet d’une première fixation ; que l’ordonnance sera dès lors infirmée en ce qu’elle a déclaré la société Matex recevable à agir on cette qualité ;
Que dès lors seul Roland Magdane est recevable à agir, au titre de l’atteinte à ses droits moraux d’auteur et à ses droits moraux et patrimoniaux d’artiste interprète ;
Sur les demandes tendant à l’allocation de provisions au titre de dommages-intérêts
Considérant qu’après avoir recherché en première instance la responsabilité de la société Youtube en qualité d’hébergeur au sens de l’article 6 de la LCEN du 21Juin 2004, Roland Magdane la fonde en cause d’appel sur le droit commun de la propriété intellectuelle dès lors que cette société, qui exploiterait commercialement les contenus contrefaisants en raison de la présence de panneaux publicitaires, ne pouvait invoquer le bénéfice de ce texte ; qu’il en résulterait que la responsabilité de Youtube se trouverait engagée dès la première mise en ligne de chacune des vidéos contrefaisantes ;
Que cet intimé fait valoir qu’en tout état de cause cette responsabilité est aggravée par une négligence coupable dès lors que Youtube, qui aurait été avisée dès le 5 décembre 2008 de la présence sur son site de vidéos contrefaisantes, n’aurait pas mis en oeuvre les moyens nécessaires pour prévenir une nouvelle mise en ligne, qui aurait dès lors été réitérée le 26 décembre 2008 avec « Benoît et Les modes d’emploi », puis le 29 novembre 2009 avec « Le Dentiste, Le Barbecue, Les organes, Les questions, Les Modes d‘emploi, La Grande Surface et Le réveil électronique » ;
Considérant que l’appelante, qui critique avec vigueur le changement de fondement juridique opéré par l’intimé entre la première instance et l’appel, conteste en tout état de cause avoir jamais associé aux vidéos litigieuses la moindre publicité, laquelle, au demeurant, n’exclurait pas sa qualité d’hébergeur ; qu’elle dénie toute responsabilité sur le fondement de l’article 6 de la LCEN, arguant, d’une part, avoir retiré avec diligence les vidéos contrefaisantes dès que celles-ci lui ont été signalées, d’autre part n’avoir consommé aucune “récidive” dès lors que les vidéos incriminées comme telles les 26 décembre 2008 et 29 novembre 2009 seraient en réalité différentes de celles précédemment signalées, par leurs durées, les utilisateurs à l’origine de leur mise en ligne, leurs titres, leur bandes-son, la qualité et le cadrage des images, outre des variantes dans l’interprétation des sketches ;
Que l’intimé maintient lui-même formellement que des publicités seraient associées aux vidéos contestées, et que celles remises en ligne seraient identiques aux précédentes ;
Considérant, à ce stade du débat contradictoire, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens de défense soulevés par la société Youtube, que la Cour ne peut que constater l’existence, au sens de l’article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile, de contestations sérieuses qui, dépassant les pouvoirs de la juridiction des référés, ne lui permettent pas de faire droit aux demandes de provisions sollicitées ;
Que l’ordonnance sera dès lors infirmée en ce qu’elle y a fait partiellement droit ;
Sur l’interdiction faite à la société Youtube de diffuser les œuvres originales figurant dans les DVD « Magdane Show » et « Magdane craque » à l’adresse Url http:www.youtube.com sous astreinte de 150 € par infraction constatée passé le délai de 15 jours de la signification de l’arrêt à intervenir
Considérant, alors qu’il n’est pas discuté que la publication sur le site de Youtube des oeuvres figurant dans les DVD “Magdane Show” et “Magdane craque” consomme, de la part de ceux qui y procèdent, le délit de contrefaçon, la juridiction des référés peut prescrire toutes les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, notamment pour prévenir le renouvellement de ce trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 alinéa 1 du Code de procédure civile ;
Qu’en outre l’article 7 de la LCEN du 21 juin 2004 permet à l’autorité judiciaire de proscrire toute activité de surveillance ciblée et temporaire ;
Qu’alors que la société Youtube, qui a pu prendre les “empreintes” de ces oeuvres à l’occasion de la première instance, est en mesure techniquement d’en prévenir la remise en ligne, il convient de confirmer l’interdiction prononcée par le premier juge, sauf à la limiter pour une durée de deux ans tenant compte du caractère provisoire et conservatoire de cette mesure ordonnée en référé ;
Sur la communication à Roland Magdane des données fournies par les éditeurs des deux vidéos identifiées dans le constat APP du 26 décembre 2008 et des 8 vidéos présentes dans le constat du 25 novembre 2009 telles que listées en piève 17 notamment leur adresse IP et e-mail
Considérant qu’à l’évidence Roland Magdane a un intérêt légitime, au sens de l’article 145 du Code de procédure civile, à obtenir les données permettant d’identifier les contrefacteurs d’origine ;
Qu’en ce qui concerne les deux vidéos identifiées dans le constat APP du 26 décembre 2008, il n’est pas contesté que Youtube en a communiqué les données nécessaires ; qu’alors que ce chef de demande est devenu sans objet, que l’injonction donnée par le premier juge n’était pas assortie d’une astreinte et que Roland Magdane ne justifie pas d’un quelconque préjudice, celui-ci sera débouté de sa demande tendant à se faire verser une somme de 15 000 € pour le retard qu’aurait mis Youtube à communiquer ces données ;
Qu’il sera fait droit à Ia demande de communication des données correspondant aux 8 vidéos présentes dans le constat du 25 novembre 2009, ce à quoi Youtube consent expressément ;
Qu’alors que le présent litige a été rendu nécessaire par la présence de contrefaçons sur le site de Youtube, cette société supportera les entiers dépens de première instance et d’appel ;
DECISION
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Sur la qualité pour agir de Roland Magdane et de la société Matex Productions
. Confirme l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a déclaré recevable la société Matex Productions pour l’atteinte à ses droits patrimoniaux de producteur ;
. Réformant de ce seul chef, statuant à nouveau, déclare irrecevable la société Matex Productions pour l’atteinte à ses droits patrimoniaux de producteur ;
Sur les demandes de provision à titre de dommages-intérêts
. Infirme l’ordonnance entreprise, statuant à nouveau,
. Dit n’y avoir lieu à référé ;
Sur les interdictions et injonctions
. Interdit à la société Youtube de diffuser les oeuvres originales figurant dans les DVD “Magdane Show” et “Magdane craque”, communiqués dans le cadre de la procédure de première instance, à l’adresse URL http:www.youtube.com, sous astreinte de 150 € par infraction constatée passé le délai de quinze jours de la signification du présent arrêt et, ce, pendant une durée de deux ans ;
. Dit que l’injonction faite à la société Youtube de communiquer à Monsieur Roland Magdane les données fournies par les éditeurs des deux vidéos litigieuses “Benoît” et “Le dentiste” identifiés dans le constat APP du 26 décembre 2008, et notamment leurs adresses IP et e-mail, dans le délai de huit jours suivant la signification de l’ordonnance est devenue sans objet ;
. Déboute Roland Magdane de sa demande de versement d’une somme de 15 000 € au titre du non respect de cette injonction ;
. Fait injonction à la société Youtube de communiquer à Monsieur Roland Magdane les données fournies par les éditeurs des 8 vidéos présentes dans le constat du 25 novembre 2009 telles que listées en page 17, notamment leur adresse IP et e-mail, dans le délai de huit jours suivant la signification du présent arrêt ;
Sur les frais et dépens et l’application de l’article 700 du ncpc
. Confirme I‘ordonnance de ces chefs ;
. Condamne la société Youtube aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de la SCP Dubosq et Pellerin, et à payer à Roland Magdane une somme de 3000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour ses frais irrépétibles en appel.
La cour : M. Jacques Laylavoix (président), M. David Peyron et Mme Catherine Bouscant (conseillers)
Avocats : Me Alexandra Neri, Me Alain de la Rochère
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.