Jurisprudence : Responsabilité
Cour d’appel de Paris Pôle 5, chambre 1 Arrêt du 14 avril 2010
Omar S. et autres / Dailymotion
responsabilité
DISCUSSION
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :
– Omar S. et Fred T. écrivent, pour la scène et pour la télévision, des sketches comiques qu’ils interprètent en duo sous le nom de “Omar et Fred”,
– ils ont donné au Casino de Paris, sur une mise en scène de Brigitte T. un spectacle intitulé “le spectacle d’Omar et Fred” dont ils ont écrit les dialogues avec Bertrand D.
– ce spectacle a fait l’objet d’un enregistrement audiovisuel co-produit par les sociétés Korokoro et Cocojet et réalisé par Serge K.,
– l’enregistrement est commercialisé sous format DVD depuis le 26 octobre 2007 par la société Studiocanal, bénéficiaire d’une autorisation d’exploitation sur vidéogramme et sur internet concédée pour 7 ans par les sociétés productrices,
– la société de droit français Daily Motion, créée en mars 2005, met à la disposition du public à l’adresse www.dailymotion.com un service en ligne de stockage de contenus audiovisuels à titre gratuit, qui connaît un grand succès sur le marché désormais en pleine expansion des sites dits de “partage de vidéos” ou de “vidéos communautaires”,
– le 14 novembre 2007, Omar S. et Fred T. ont fait constater par huissier de justice que la saisie du mot-clé “Omar et Fred » dans le moteur de recherche du site exploité par la société Daily Motion ouvrait l’accès à 4 séquences extraites de l’enregistrement du spectacle, données à voir en “streaming”, c’est-à-dire par lecture en continu à mesure de la diffusion du flux audiovisuel sans acquisition de fichier,
– le 24 janvier 2008, ils ont fait établir par l’Agence pour la protection des programmes (APP), que 5 extraits de l’enregistrement étaient disponibles sur le site en dépit des mises en demeure d’avoir à les retirer précédemment adressées le 14 novembre 2007 et le 16 janvier 2008,
– c’est dans ces circonstances que Omar S., Fred T., Bertrand D., la société Korokoro et la société Cocojet ont, suivant acte d’huissier de justice du 28 janvier 2008, assigné à jour fixe la société Daily Motion devant le tribunal de grande instance de Paris au grief de contrefaçon de leurs droits respectifs sur l’oeuvre audiovisuelle, les sociétés Korokoro et Cocojet invoquant à cet égard la violation des droits exclusifs d’exploitation du producteur, D., S. et T. le mépris de leur droit moral d’auteur, les deux derniers faisant en outre valoir l’atteinte portée à leur droit moral d’artistes-interprètes,
– par des conclusions signifiées le 15 février 2008, Serge K. et Brigitte T., coauteurs de l’oeuvre audiovisuelle, sont intervenus volontairement à l’instance à l’appui des prétentions des demandeurs,
– le tribunal a déclaré Omar S., Fred T., Bertrand D., la société Korokoro et la société Cocojet recevables à agir et Serge K. et Brigitte T. recevables en leur intervention volontaire, a dit, sur le fond, que la société Daily Motion n’avait pas manqué à ses obligations d’hébergeur de contenus telles que définies par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans I‘économie numérique, débouté, par voie de conséquence, les demandeurs de leurs prétentions, enjoint en tant que de besoin la société Daily Motion de cesser toute rediffusion des contenus du DVD “le spectacle d’Omar et Fred” à l’adresse www.dailymotion.com, débouté la société Daily Motion de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive et ordonné l’exécution provisoire,
– c’est le jugement déféré ;
Considérant que les appelants soutiennent que la diffusion sans autorisation de l’enregistrement du “spectacle d‘Omar et Fred” sur le site de www.dailymotion.com caractérise à leur préjudice la contrefaçon de leurs droits d’auteur et droits d’artistes-interprètes dont doit répondre la société Daily Motion, mal fondée à exciper du statut de prestataire technique au sens de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qu’à tout le moins, la société intimée doit voir sa responsabilité engagée au fondement de l’article 1382 du Code civil pour manquement à son obligation de retirer promptement les contenus illicites après que ces derniers lui ont été dûment signalés ;
Que la société intimée persiste à contester la qualité à agir des sociétés Korokoro et Cocojet, concluant sur le fond au rejet de toutes les prétentions des appelants, elle fait valoir qu’elle relève, en ce qu’elle développe un service de stockage de contenus audiovisuels fournis par les destinataires de ce service, du régime de responsabilité attaché au statut de prestataire technique tel qu’institué par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, ci-après Lcen, qu’à ce titre, sa responsabilité ne saurait être encourue dés lors qu’il n’est pas justifié qu’elle ait manqué aux obligations lui incombant à savoir la mise en place de dispositifs d’information et d’alerte quant aux contenus illicites, le retrait des contenus litigieux dès lors qu’elle a eu connaissance de leur caractère attentatoire à des droits de propriété intellectuelle, la conservation des données de nature à permettre d’identifier l’auteur de la mise en ligne en cause ;
Qu’il est en revanche acquis au débat que la captation audiovisuelle du spectacle d’Omar et Fred donné au Casino de Paris, objet du litige, est au sens des dispositions de l’article L 113-7 du Code de la propriété intellectuelle, une oeuvre audiovisuelle réalisée en collaboration, que bénéficient sur cette oeuvre des prérogatives de l’auteur, Omar S. et Fred T. auteurs du texte parlé, Brigitte T. auteur du scénario et Serge K. réalisateur de l’enregistrement, que sont satisfaites en l’espèce les prescriptions de l’article L113- 3 du Code précité aux termes desquelles les coauteurs de I‘oeuvre de collaboration doivent exercer leurs droits d’un commun accord, étant précisé que Brigitte T. et Serge K., appelants du jugement, ne forment pas davantage devant la cour de demande pour leur compte personnel ;
Sur la qualité à agir des sociétés Korokoro et Cocojet
Considérant que les sociétés Korokoro et Cocojet revendiquent pour avoir coproduit l’oeuvre audiovisuelle, des droits patrimoniaux d’auteur au fondement de l’article L 132- 24 du Code de la propriété intellectuelle aux tenues duquel le contrat qui lie le producteur aux auteurs d’une oeuvre audiovisuelle comporte, sauf cause contraire, cession au profit du producteur des droits exclusifs d’exploitation de l’oeuvre audiovisuelle ;
Que la société Daily Motion, sans nier que les sociétés Korokoro et Cocojet ont assuré la production de l’enregistrement ainsi qu’en font foi les mentions portées au générique du support DVD, conteste leur qualité à agir au titre des droits patrimoniaux d’auteur ;
Qu’elle fait à cet égard valoir que les sociétés productrices ont cédé à la société Studiocanal, suivant contrat du 5 juillet 2007, les droits d’exploitation vidéographiques et internet sur l’oeuvre audiovisuelle ;
Qu’il est cependant établi que les parties au contrat invoqué ont conclu en date du 14 février 2008 un accord de défense judiciaire commune aux termes duquel la société Studiocanal a rétrocédé aux sociétés Korokoro et Cocojet, pour les besoins de la procédure et pour toute la durée de celle-ci (article 4 de l’accord), l’ensemble des droits internet sur l’oeuvre audiovisuelle ;
Qu’elle prétend encore qu’en conséquence de l’apport à la Sacem, par les auteurs, de leurs droits patrimoniaux de reproduction mécanique et de représentation publique, les sociétés Korokoro et Cocojet ne pourraient être cessionnaires des droits patrimoniaux revendiqués ;
Qu’il lui est justement répliqué que l’adhésion à la Sacem n’est pas un acte de disposition susceptible de priver de ses droits celui qui y consent mais un acte d’administration par lequel la société de gestion collective se voit conférer la perception et la répartition des droits produits par l’exploitation de l’oeuvre ;
Que c’est à bon droit que les premiers juges ont écarté les fins de non recevoir opposées par la société Daily Motion aux sociétés Korokoro et Cocojet ;
Sur le fond
Sur la nature du service offert par la société Daily Motion
Considérant que la société Daily Motion expose en substance que le service qu’elle met à disposition permet à quiconque préalablement inscrit, (l’Utilisateur),
– de créer un espace personnel au sein duquel il a la faculté de mettre en ligne et de stocker ses vidéogrammes personnels,
– d’autoriser l’accessibilité à cet espace personnel, soit par l’ensemble de la communauté des internautes, soit par un cercle plus ou moins large en fonction de critères qu’il aura déterminés, ou au contraire de l’interdire pour se le réserver à titre exclusif,
– d’attribuer à chacun de ses contenus un élément d’identification notamment au regard d’un classement par rubrique (Animaux – Extrême – Amusant – News – etc.) et de créer les mots-clés permettant de le référencer au sein du moteur de recherche du service,
– d’accéder, dans les limites de l’autorisation qu’ils auront accordée, aux espaces personnels des autres Utilisateurs et de visionner leurs contenus,
– de poster des commentaires,
– de modifier à tout moment les modalités de l’accessibilité à son espace personnel,
– de retirer à tout moment l’un quelconque de ses contenus voire tous ses contenus ;
Qu’elle précise que les espaces personnels sont rendus accessibles aux autres Utilisateurs au moyen d’une interface de visualisation dénommée “player” mais en aucun cas par téléchargement sur le disque dur de ces Utilisateurs en sorte que doit être regardé comme un détournement de la finalité du service un téléchargement qui serait effectué au moyen des fonctionnalités d’un site tiers ;
Qu’elle entend souligner ainsi que le partage réalisé par l’intermédiaire de sa plate-forme s’inscrit dans les limites d’une visualisation des contenus de telle manière que toute décision de retrait visant un contenu donné emporte son inaccessibilité totale dès lors que la constitution d’une copie n’est pas rendue possible eu égard aux fonctionnalités d’interfaçage mises en oeuvres ;
Qu’elle fait observer que dans un tel contexte opérationnel, l’Utilisateur conserve la maîtrise complète de ses choix et qu’elle ne dispose pour sa part d’aucun pouvoir de contrôle ni d’intervention sur les espaces personnels qui relèvent de la liberté éditoriale de leur titulaire ;
Qu’elle soutient répondre en conséquence à la définition du fournisseur d’hébergement au sens de l’article 6-1-2 de la Lcen qui regarde comme tel les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d‘écrits, d‘images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services et conteste en tout état de cause, dès lors qu’elle n’a pas le pouvoir du déterminer les contenus devant être mis à la disposition du public, relever du statut de l’éditeur que les appelants entendent lui attribuer pour la voir supporter la responsabilité qui en résulte ;
Considérant que sans opposer de démenti au mode opérationnel du service tel que ci-dessus décrit, qui sera dès lors tenu pour constant, les appelants font grief à la société Daily Motion de se prévaloir indûment de la qualité de prestataire technique en ce qu’elle déploie une activité qui relève en réalité de l’édition de contenus ;
Qu’ils entendent faire valoir à cet égard :
– qu’elle se livre à une exploitation commerciale des contenus par la vente d’espaces publicitaires dont le produit est directement corrélé à l’audience du site,
– qu’elle fait des choix éditoriaux en confectionnant l’architecture du site, en le structurant et en l’organisant de manière à le rendre attrayant et convivial,
– qu’elle opère, dans le cadre du programme “motionmaker”, une sélection des contenus qui seront mis en ligne mais aussi de ceux qui seront mis en exergue en page d’accueil du site ;
Qu’ils se gardent toutefois de disconvenir (page 10 de leurs écritures) que la Lcen distingue au sein des services de communication au public en ligne entre le service hébergeur, qui répond à la définition précitée de l’article 6-I-2 d’où il résulte que sera tenu comme tel le prestataire technique qui met à la disposition du public le stockage de contenus fournis par des destinataires de ce service et le service éditeur, qui a le pouvoir de déterminer les contenus mis à la disposition du public en sorte que, le critère du partage ainsi opéré réside dans la capacité d’action du service sur les contenus mis en ligne ;
Or considérant qu’au regard du critère précité, l’exploitation du site par la commercialisation d’espaces publicitaires, dés lors qu’elle n’induit pas une capacité d’action du service sur les contenus mis en ligne, n’est pas de nature à justifier de la qualification d’éditeur du service en cause ;
Qu’il importe d’observer en effet que la Lcen prévoit expressément que le service hébergent puisse être assuré même à titre gratuit, auquel cas il est nécessairement financé par des recettes publicitaires et qu’elle n’édicte, en tout état de cause, aucune interdiction de principe à l’exploitation commerciale d’un service hébergeur au moyen de la publicité ;
Qu’il doit être par ailleurs relevé que n’est pas démontrée en l’espèce une relation entre le mode de rémunération par la publicité et la détermination des contenus mis en ligne étant précisé que sont ouverts aux annonceurs les pages d’accueil et les cadres standard d’affichage du site à l’exclusion des espaces personnels des utilisateurs de sorte que le service n’est pas en mesure d’opérer sur les contenus mis en ligne un quelconque ciblage publicitaire de manière à tirer un profit d’un contenu donné et à procéder par là même à une sélection de ces contenus qui serait commandée par des impératifs commerciaux ;
Qu’en vertu de ce même critère, sont pareillement dénuées de pertinence les objections des appelants selon lesquelles la société intimée ferait oeuvre d’éditeur en dotant le site d’une architecture au moyen de laquelle elle dispose des contenus mis en ligne par des opérations de réencodage et de formatage ;
Qu’il doit être à cet égard observé que le réencodage de nature à assurer la compatibilité de la vidéo à l’interface de visualisation, de même que le formatage destiné à optimiser la capacité d’intégration du serveur en imposant une limite à la taille des fichiers postés sont des opérations techniques qui participent de l’essence du prestataire d’hébergement et qui n’induisent en rien une sélection par ce dernier des contenus mis en ligne, que par ailleurs, la mise en place de cadres de présentation et la mise à disposition d’outils de classification des contenus sont justifiées par la seule nécessité, encore en cohérence avec la fonction de prestataire technique, de rationaliser l’organisation du service et d’en faciliter l’accès à l’utilisateur sans pour autant lui commander un quelconque choix quant au contenu qu’il entend mettre en ligne ;
Considérant enfin que les appelants visent manifestement à introduire la confusion en évoquant le programme “motionmaker”, à l’évidence étranger au service objet du présent litige, force étant de relever que ce programme est issu d’un partenariat contracté par la société Daily Motion avec des utilisateurs non professionnels dans le but de promouvoir les créations originales de ces derniers et que dans un tel cadre la société Daily Motion bénéficie de droits de cession ou de licence sur les contenus concernés et admet expressément agir en qualité d’éditeur et non plus d’hébergeur dès lors que lui revient effectivement l’initiative de la mise en ligne de ces contenus ;
Considérant que force est de conclure au terme de ces développements que c’est à raison que la société Daily Motion entend bénéficier en la cause du statut d’intermédiaire technique au sens de l’article 6-l-2 de la Lcen ;
Que le jugement entrepris mérite confirmation en ce qu’il a accédé à cette prétention ;
Sur les responsabilités encourues par la société Daily Motion
Considérant que les appelants reprochent à la société Daily Motion d’avoir manqué en toute hypothèse aux obligations attachées à ce statut faute d’avoir retiré promptement les contenus illicites portés à sa connaissance, qu’ils abandonnent toutefois, aux termes de leurs dernières écritures, le grief tiré du défaut de conservation des données personnelles de nature à permettre d’identifier les auteurs des mises en ligne illicites ;
Considérant qu’aux termes de l’article 6-l-2 de la Lcen « Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n‘avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le manient où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre I‘accès impossible » ;
Et qu’au sens de l’article 6-l-5, « La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu‘il leur est notifié les éléments suivants ;
– la date de la notification ;
– si le notifiant est une personne physique ; ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance si le requérant est une personne morale sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
– les nom et domicile du destinataire ou, s’il s‘agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
– la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
– les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des disparitions légales et des justifications de faits ;
– la copie de la correspondance adressée à I‘auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l‘auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté » ;
Qu’enfin, en vertu de l’article 6-l-7, « Les personnes virées aux 1 et 2 c’est-à-dire tant les fournisseurs d’accès que les fournisseurs d’hébergement ne sont pas soumis à une obligation générale de surveiller les informations qu‘elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites » ;
Considérant que par ces dispositions, la Lcen a entendu, sous réserve de mesures particulières édictées en considération de l’intérêt général attaché à la répression de l’apologie des crimes contre l’humanité, de l’incitation à la haine raciale, de la pornographie enfantine, de l’incitation à la violence et des atteintes à la dignité humaine, conférer à I’hébergeur un régime spécial de responsabilité qui repose sur le principe selon lequel il ne saurait être réputé avoir a priori connaissance du caractère illicite des contenus fournis par les utilisateurs ni soumis à une obligation générale de contrôle préalable de ces contenus en sorte que sa responsabilité ne sera engagée que dans l’hypothèse ou, ayant eu effectivement connaissance de la présence d’un contenu illicite sur la plate-forme d’hébergement, il n’aurait pas agi promptement aux fins de le retirer ou d’en interdire l’accès ;
Or considérant qu’il convient d‘observer en l’espèce que le courrier recommandé adressé le 14 novembre 2007 à la société Daily Motion par Omar S., Fred T. et Bertrand D., de même que le projet d’assignation en référé communiqué par télécopie le 16 janvier 2008 au conseil de la société Daily Motion, ne renseignent aucunement, ainsi que l’a exactement retenu le tribunal, ni sur les oeuvres, précisément individualisées, revendiquées au titre des droits d’auteur ni sur les contenus, clairement identifiés, querellés pour atteinte à ces droits et ne sauraient, par voie de conséquence, être tenus pour conformes aux prescriptions de l’article 6-I-5 de la Lcen qui requièrent du notifiant une description et une localisation précise des faits litigieux de manière à permettre au service d’hébergement de reconnaître, dans la masse des documents stockés, les contenus contestés ;
Qu’il y a lieu de relever à cet égard que les appelants se sont gardés de joindre aux envois précédemment évoqués le constat d’huissier de justice du 14 novembre 2007 qui aurait permis à I‘opérateur de disposer des éléments nécessaires à l‘identification des contenus incriminés, qu’ils n’ont enfin, à aucun moment, jugé utile de faire usage, ainsi qu’ils y étaient invités par courrier en réponse du 15 novembre 2007, de la procédure rapide de signalement des contenus illicites proposée par l’opérateur qui passe par la mise en oeuvre du lien « cette vidéo peut offenser » localisé sur chaque page Player ;
Que c’est dès lors à raison que le tribunal a retenu que la société Daily Motion n’a eu connaissance effective des contenus litigieux qu’avec l’assignation à jour fixe du 28 janvier 2008 et les pièces y annexées en particulier les constats respectivement établis le 14 novembre 2007 et le 24 janvier 2008 et lui a ordonné en tant que de besoin de cesser dans les 48 heures suivant la signification du jugement (intervenue le 30 avril 2002), toute diffusion de contenus tirés du DVD “le spectacle d’Omar et Fred” communiqué en cours de procédure ;
Mais considérant que les appelants sont recevables à produire en cause d’appel, pour justifier de leur prétention telle que soutenue, vainement, devant le tribunal à voir engager la responsabilité de la société Daily Motion pour manquement à son obligation de retirer promptement du site les contenus illicites ou de leur en interdire l’accès, les constats établis par huissier de justice les 13 mai 2008, 19 août 2008 et 19 janvier 2009 ;
Qu’ils font valoir à juste titre, au vu de ces éléments, que la séquence “Merci d’être là”, extraite du DVD litigieux, objet du constat du 24 janvier 2008 dûment notifié le 28 janvier 2008, était encore en ligne le 13 mai 2008, le 19 août 2008 et le 19 janvier 2009, administrant ainsi la preuve d’un manquement à l’obligation précitée dont doit répondre la société intimée ;
Qu’en effet, cette dernière n’est nullement fondée à prétendre s’exonérer de sa responsabilité motif pris d’une prétendue participation des appelants à la réalisation de leur préjudice en s’abstenant délibérément de coopérer à l’identification des contenus illicites, force étant de relever que les mises en ligne qui lui sont ici imputées à faute font suite à une mise en demeure, exempte de toute critique, d’avoir à les retirer, formalisée ainsi qu’il a été dit précédemment par l’assignation à jour fixe du 28 janvier 2008 et les pièces y annexées ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant qu’en conséquence du maintien en ligne, du 28 janvier 2008 au 19 janvier 2009, de la séquence “Merci d’être là” extraite du DVD “le spectacle d’Omar et Fred”. S., T. et D., auteurs de l’oeuvre audiovisuelle outre, s’agissant de S. et T., artistes-interprètes de l’oeuvre en cause, ont subi à raison de l’atteinte à l’intégrité de l’oeuvre outre, concernant D., de l’atteinte à la paternité, un préjudice moral qu’il convient de réparer par l’octroi à chacun d’une indemnité de 10 000 € ;
Que les sociétés Korokoro et Cocojet, productrices de l’oeuvre audiovisuelle, invoquent à juste titre, consécutivement aux mêmes faits, un préjudice patrimonial dont l’évaluation doit prendre en compte les redevances manquées à raison de l’exploitation de l’oeuvre sans autorisation ;
Qu’il n’y a pas lieu par contre de suivre ces sociétés lorsqu’elles se prévalent, pour arguer de l’ampleur de leur préjudice, du téléchargement des contenus illicites ou encore de la baisse de 30% des ventes de DVD entre 2005 et 2006, considérations d’ordre général et en toute hypothèse non vérifiées, et pour justifier de l’importance des bénéfices engrangés par la partie adverse, de la prétendue corrélation entre le volume des recettes publicitaires et la masse des contenus illicites, pas plus établie ;
Que la cour dispose d’éléments d’appréciation suffisants pour leur allouer à chacune la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts ;
Considérant qu’il n’est pas démenti qu’aucune mise en ligne attentatoire aux droits des appelants n’a été constatée sur le site à compter du 19 janvier 2009, la société Daily Motion indiquant avoir mis en oeuvre à cet effet le procédé de signature mimétique entraînant la détection et le rejet automatique du contenu signalé ;
Qu’au regard de cette circonstance, les mesures d’interdiction et de publication sollicitées par les appelants ne sont pas justifiées ;
Sur les autres demandes
Considérant qu’il s’infère du sens de I‘arrêt que la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société intimée est dénuée de fondement ;
Qu’il y a lieu, par contre, en équité, de la condamner à verser aux appelants une somme globale de 15 000 € au titre des frais irrépétibles ;
DECISION
Par ces motifs,
. Réforment, en ses dispositions soumises à la cour, le jugement entrepris sauf en ce qu’il a déclaré recevables à agir les sociétés Korokoro et Cocojet,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
. Dit que la société Daily Motion a engagé sa responsabilité d’hébergeur,
. La condamne à verser à titre de dommages-intérêts :
* au titre du préjudice moral
– 10 000 € à Omar S.,
– 10 000 € à Fred T.,
– 10 000 € à Bertrand D.,
* au titre du préjudice patrimonial
– 10 000 € à la société Korokoro,
– 10 000 € à la société Cocojet,
. Déboute du surplus des demandes,
. Condamne la société Daily Motion aux dépens de l’instance qui seront recouvrés pour ceux afférents à la procédure d’appel par les avoués en la cause conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ainsi qu’à verser aux appelants au fondement des dispositions de l’article 700 du même Code, une indemnité globale de 15 000 €.
La cour : M. Didier Pimoulle (président), Mmes Brigitte Chokron et Anne-Marie Gaber (conseillères)
Avocats : Me Alain de la Rochère, Me Marc Schuler
Notre présentation de la décision
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