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Jurisprudence : Vie privée

vendredi 07 mai 2010
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Cour de cassation Chambre sociale Arrêt du 14 avril 2010

Philippe X… / Heppner

vie privée

DISCUSSION

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 13 mai 2008) que M. X…, salarié de la société Heppner qui l’employait depuis le 6 octobre 1995, a été licencié pour faute grave par lettre du 8 avril 2004 ;

Attendu que la société fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la commission d’un fait fautif isolé peut justifier un licenciement pour faute grave ; qu’en écartant toute faute grave du salarié au motif inopérant que l’utilisation reprochée de l’ordinateur mis à sa disposition, i.e. le stockage d’images à caractère pornographique, n’aurait pas présenté un caractère habituel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1235-3 du code du travail ;

Mais attendu que l’arrêt relève que rien ne permettait de contredire les affirmations du salarié selon lesquelles il n’avait jamais fait que recevoir des « mails » accompagnés des images litigieuses, leur présence sur l’ordinateur ne démontrant pas qu’il les ait enregistrées alors qu’au contraire plusieurs de ses collègues attestaient sans être contredits qu’ils avaient aussi été destinataires d’images pornographiques, et ajoute qu’aucun des autres griefs invoqués par l’employeur n’est établi ; que la cour d’appel qui a ainsi légalement justifié sa décision n’encourt pas les griefs du moyen ;

DECISION

Par ces motifs :

. Rejette le pourvoi ;

. Condamne la société Heppner aux dépens ;

. Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Heppner à payer à M. X… la somme de 2500 € ;

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Heppner.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Heppner à payer à monsieur Philippe X… les sommes de 19 768,92 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de 1976,89 € au titre des congés payés afférents et de 24 736,80 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Heppner de la convocation devant le Conseil de Prud’hommes.

Aux motifs que monsieur X… employé par la société Heppner depuis le 2 novembre 1995 comme directeur des services maritimes et aériens, a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire le 29 mars 2004, puis a été licencié le 8 avril 2004 pour faute grave suite à la découverte dans le disque dur de son ordinateur portable de fichiers pornographiques insérés entre des fichiers professionnels ; que les motifs du licenciement tiennent en substance aux faits suivants : – utilisation du matériel informatique de l’entreprise à des fins strictement personnelles pour la consultation de sites pornographiques, suite à son inscription auprès de ces sites, – comportement anormal dans ses relations avec des personnes de sexe féminin dans le cadre ou à l’occasion de ses activités professionnelles, – risques pour l’entreprise au regard de la loi (consultations de sites pornographiques à partir d’outils appartenant à l’entreprise), – atteinte à l’image de l’entreprise ;
que la présence sur le disque dur de l’ordinateur du salarié à la date du 14 janvier 2004, de 22 images représentant des scènes pornographiques et une zoophilie et de trois vidéos montrant des scènes pornographiques et une zoophile, n’est pas contestée ; que ce fait résulte notamment du procès-verbal de constat d’huissier des 2 et 3 novembre 2004 bien que le dit constat ait été établi postérieurement au licenciement et hors la présence de monsieur X… ;
que toutefois, comme l’a relevé le conseil et comme le soutient l’appelant, aucune des pièces communiquées ne prouve son inscription sur des sites pornographiques, ni d’ailleurs des connexions sur de tels sites ; que plusieurs salariés du groupe Heppner attestent sans être contredits, qu’ils étaient destinataires comme monsieur X…, d’images pornographiques transmises par des collègues ou des clients se trouvant en Asie, sans que ces images aient été sollicitées ; que les documents versés aux débats par l’employeur ne permettent nullement d’infirmer les affirmations de l’appelant selon lesquelles il n’a fait que recevoir des « mails » accompagnées des images litigieuses et que leur présence sur le disque dur de son ordinateur ne démontre pas qu’ils les aient enregistrées ;
qu’au surplus les documents incriminés sont en nombre limité, ce qui exclut une utilisation habituelle du matériel informatique à un usage autre que l’accomplissement des tâches qui lui étaient confiées ; que le premier grief doit être écarté ; que par ailleurs le grief tenant au comportement anormal du demandeur envers les personnes de sexe féminin ne repose que sur une lettre datée du 8 mars 2004 émanant de madame Y… ancienne salariée du groupe, selon laquelle l’intéressé aurait eu une attitude déplacée à son égard lors d’un trajet en automobile dans Paris ; que ce témoignage qui est formellement contesté par l’appelant et qui rapporte des faits remontant au mois d’octobre 2001 jamais signalés auparavant, ne peut être considéré comme probant du comportement général allégué ; qu’en outre, l’un des anciens collègues de travail de monsieur X… atteste avoir déjà été l’objet d’accusations mensongères identiques de la part de madame Y… ;
que plusieurs autres témoins salariés ou non du groupe Heppner attestent au contraire du comportement normal et courtois de monsieur X… avec le personnel féminin de la société ; qu’enfin l’employeur ne démontre pas que les faits dénoncés aient nui à la bonne marche de l’entreprise ou à sa réputation ou lui aient causé un préjudice même minime ; qu’en l’état de ces constatations, le licenciement de monsieur X… se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce qui conduit à infirmer le jugement sur ce point ; que sur l’indemnité de préavis et de licenciement, le salarié percevait un salaire brut mensuel de 6589,64 € prime d’ancienneté comprise ;
qu’il n’y a pas lieu d’y inclure les sommes versées à titre d’indemnités kilométriques et de repas, s’agissant de frais professionnels remboursés sur justificatifs (cf. contrat de travail) ; qu’il lui revient donc la somme de 19 768,92 € et non celle de 2687,32 € comme fixée par le conseil, outre 1976,89 € au titre des congés payés afférents ; que l’indemnité conventionnelle de licenciement s’élève pour 8 ans 8 mois d’ancienneté à la somme de 24 736,40 € ; que le jugement sera modifié en ce sens ; que sur le rappel de salaire pour la période de mise à pied, que la somme accordée à ce titre est conforme au montant retenu sur le bulletin de paie ; que le jugement mérite confirmation sur ce point ;
que, sur les dommages et intérêts, il y a lieu à application de l’article L 122-14-4 du Code du travail, qu’eu égard à l’ancienneté du demandeur dans l’entreprise, aux conditions particulièrement brusques et vexatoires dans lesquelles est survenu le licenciement, aux motifs invoqués dans la lettre de rupture et au préjudice moral qui en est résulté pour le demandeur ainsi qu’aux justificatifs produits, la réparation du préjudice subi, toutes causes confondues peut être fixé à la somme de € ; que l’intimée qui succombe supportera les dépens et indemnisera monsieur X… des frais exposés en appel à concurrence de la somme de 2000 €.

1°) Alors que le stockage, par un salarié, d’images à caractère pornographique sur l’ordinateur portable mis à sa disposition par l’employeur pour l’accomplissement de ses tâches professionnelles constitue une faute grave qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; qu’en l’espèce, il ressortait clairement des captures d’écran de l’ordinateur portable mis à la disposition du salarié, versées aux débats par l’employeur (pièce 5 du bordereau annexé aux conclusions d’appel) et réalisées par le service informatique de l’entreprise auquel le salarié s’était adressé pour obtenir le transfert de son répertoire professionnel, qu’avaient nécessairement été enregistrés dans ce répertoire, que le salarié avait libellé à son nom, des fichiers à caractère hautement pornographique (images et vidéos de scènes pornographiques et de zoophilie) ;
qu’en affirmant péremptoirement que les documents versés aux débats n’établissaient pas que les images incriminées, présentes sur le disque dur de l’ordinateur, avaient été enregistrées, sans à aucun moment expliquer en quoi un tel enregistrement ne résultait pas des captures d’écran réalisées, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L 1235-3 du Code du travail.

2°) Alors que la commission d’un fait fautif isolé peut justifier un licenciement pour faute grave ; qu’en écartant toute faute grave du salarié au motif inopérant que l’utilisation reprochée de l’ordinateur mis à sa disposition, i.e. le stockage d’images à caractère pornographique, n’aurait pas présenté un caractère habituel, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1 et L 1235-3 du Code du travail.

La Cour : Mme Collomp (président),

Avocats : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano.

 
 

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