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Jurisprudence : Diffamation

mardi 03 août 1999
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Tribunal d’Instance de paris 11ème arrondissement Jugement contradictoire du 3 août 1999

SA Group Test / SARL Groupe Worldnet, Monsieur Sébastien S., Monsieur Stéphane B-R.

diffamation publique - exception d'incompétence

Par exploit délivré les 9 et 11 décembre 1998, la SOCIETE ANONYME GROUP TESTS a fait citer par devant le Tribunal de céans la société à Responsabilité limitée GROUPE WORLDNET, Monsieur S. S et Monsieur S. B-R aux fins de voir sur le fondement des articles 23, 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 ;

dire et juger que les défendeurs ont commis à son encontre une diffamation publique,

ordonner la cessation de la diffusion des pages réalisées par Monsieur B.R ; le guide de la presse informatique francophone, sur le site Web de la Société GROUPE WORLDNET et ce sous astreinte de 50 000 Francs par jour de diffusion à compter de la signification du jugement à intervenir,

condamner les défendeurs in solidum entre eux dans les conditions suivantes :

* ordonner la publication de la décision à intervenir à titre de dommages-intérêts dans trois journaux et trois magazines spécialisés, de son choix, ainsi qu’au sein du site Web de la Société GROUPE WORLDNET aux frais des défendeurs pour un montant global total H.T de 200 000 Francs, du texte suivant :  » Le Tribunal d’Instance du 11ème arrondissement de Paris a condamné Messieurs B.R et S et la Société Groupe WORLDNET pour diffamation publique commise à l’encontre de la Société GROUPE TESTS par la diffusion de pages HTML dénommées « Press-bits ! le guide de la presse informatique francophone » sur le site Web de la Société GROUPE WORLDNET »

* ordonner aux défendeurs de consigner cette même somme entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris en qualité de séquestre, sous astreinte de 10 000 Francs par jour de retard, trois jours après signification du jugement à intervenir,

* dire que Monsieur le Bâtonnier lui attribuera cette somme sur production de la commande des publications susvisées,

* dire que les défendeurs ont commis à l’encontre du Magazine Micro-Hebdo des actes de dénigrement fautifs au sens de l’article 1382 du Code Civil et les voir condamner in solidum entre eux à lui payer une somme de 1 Franc à titre de dommages-intérêts

* dire que les défendeurs ont commis à son encontre des actes constitutifs de contrefaçon et les condamner in solidum entre eux à lui payer une somme de 1 Franc à titre de dommages-intérêts,

condamner les défendeurs in solidum entre eux à lui payer une somme de 20 000 Francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile outre les dépens et le tout avec le bénéfice de l’exécution provisoire.

Monsieur S.S, es qualité de gérant de la Société GROUPE WORLDNET et la Société GROUPE WORLDNET ont in limine litis conclu :

– à l’incompétence matérielle du Tribunal de céans en matière d’incrimination par voie de presse, fut-elle publiée par voie audiovisuelle et ce au profit du Tribunal de Grande Instance de Paris,

– à l’irrecevabilité de la Société GROUP TESTS, les faits incriminés étant prescrits par application de l’article 65 de la Loi du 29 juillet 1881 car anciens de plus de trois mois à la date de l’assignation,

– à l’incompétence ratione materiae du Tribunal de céans pour statuer sur un problème de responsabilité du fait des choses invoqué à hauteur d’une somme de 200 000 francs et ce au profit du Tribunal de Grande Instance,

– en tout état de cause, à l’entier débouté de la requérante, les actes de diffamation allégués ne concernant pas leur responsabilité légale.

Ils sollicitent en outre de voir juger que la requérante ne démontre ni la commission d’aucun acte de dénigrement au sens des dispositions de l’article 1382 du Code Civil, ni que la reproduction en réduction de la couverture du Magazine Micro-Hebdo constitue une contrefaçon, cette reproduction s’analysant en une courte citation, de voir en conséquence débouter la Société GROUP TESTS de l’intégralité de ses demandes en dommages-intérêts et de publication;

Ils sollicitent reconventionnellement :

– de voir ordonner la publication du jugement à intervenir, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, dans cinq journaux ou magazines spécialisés au choix de Monsieur S. et de la Société GROUPE WORLDNET et aux frais de la Société GROUPE TESTS,

– de voir condamner cette dernière à leur rembourser le coût desdites publications à hauteur de 50 000 Francs H.T et à leur payer une somme de 20 000 Francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile outre les dépens,

et le tout avec le bénéfice de l’exécution provisoire.

Monsieur B-R a conclu à l’incompétence du Tribunal de céans et à l’irrecevabilité de la Société GROUP TESTS pour les mêmes causes et sollicité pour le surplus des demandes l’entier débouté de la requérante, cette dernière ne justifiant pas du préjudice allégué ;

Il sollicite en outre de lui voir donner acte de ce qu’il a retiré la page concernant le Magazine Micro-Hebdo de son site Web dès réception de l’acte introductif de la présente instance ;

Il réclame reconventionnellement de faire interdiction de communiquer ou de faire de la publicité sous quelque forme que ce soit, du présent litige, sous astreinte de 10 000 francs par infraction constatée et de voir condamner la Société GROUP TESTS à lui payer une somme de 10 000 Francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

A l’audience du 18 mai 1999 la Société GROUP TESTS a réduit sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1384 du Code Civil à 50 000 Francs.

SUR QUOI LE TRIBUNAL

Vu l’exploit introductif d’instance et les conclusions régulièrement communiquées par les parties,

Attendu que la présente instance concerne la publication par Monsieur B-R de critiques de magazines se consacrant à l’informatique sur le site Web de la Société GROUPE WORLDNET et intitulées « Press-Bits ! guide de la presse informatique francophone » ;

Attendu que la Société GROUP TESTS prétend que le Tribunal de céans est compétent en raison de l’application combinée des articles R 321.8 du Code de l’Organisation Judiciaire qui dispose :

« Le tribunal connaît dans les mêmes limites… des actions civiles pour diffamation ou injures publiques ou non publiques verbales ou écrites, autrement que par voie de presse … » ;

et de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 qui mentionne parmi les vecteurs de presse et moyens de publication « la communication audiovisuelle » ;

Mais attendu que l’article 1 de la loi du 1er avril 1986 portant réforme du régime juridique de la presse précise qu’il faut entendre par publication de presse « tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de catégorie de public et paraissant à intervalles réguliers »

Attendu qu’il n’est pas permis d’ajouter d’autres conditions à cette définition et donc d’exiger que l’infraction de diffamation par voie de presse soit commise par un journaliste dans l’exercice de ses fonctions ;

Attendu dès lors que le fait que Monsieur B-R n’ait pas la qualité de journaliste est donc inopérant ;

Attendu que les seuls critères à retenir en application de l’article 1 susvisé sont la diffusion par écrit, la mise à disposition du public et la périodicité de cette diffusion ;

Attendu que le guide diffusé par Monsieur B-R contient notamment des éditoriaux, des annonces, un répertoire et des fiches consacrées à diverses revues informatiques ; qu’il est en outre établi que ces pages ont fait l’objet de nombreuses mises à jour régulières ;

Attendu que ce guide assimilable à une revue spécialisée, ayant pour ses lecteurs vocation informationnelle et paraissant de façon régulière doit être considérée comme une publication de presse ;

Attendu dès lors que le Tribunal de céans est incompétent pour examiner tant les autres exceptions d’incompétence ou d’irrecevabilité, que la réalité de la diffamation alléguée ; qu’il convient donc de renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, seul compétent pour en connaître

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;

Reçoit Monsieur S, la Société GROUPE WORLDNET et Monsieur B-R en leur exception d’incompétence ratione materiae et les y déclarer bien fondés ;

Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de Grande Instance de Paris ;

Dit qu’à défaut de contredit dans le délai légal, le dossier de la présente affaire sera transmis par les soins du Secrétariat-Greffe à la juridiction susdésignée dans les conditions de l’article 97 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Réserve les dépens et l’application éventuelle de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Ainsi jugé les jour, mois et an susdits.

Le tribunal : Mme P. Gabrelle (Président); M. C.J. Becker (Greffier).

Avocats : Me A. Bensoussan / Me O. Itéanu; Me Y. Coursin.

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.