Jurisprudence : Logiciel
Cour de cassation 1ère chambre civile Arrêt du15 novembre 2010
Laurent G. / Darty
logiciel
Statuant sur le pourvoi formé par M. Laurent G., domicilié à Paris, contre le jugement rendu le 25 septembre 2008 par la juridiction de proximité de Paris 1er, dans le litige l’opposant à la société Etablissements Darty et fils, dont le siège est à Bondy, défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
DISCUSSION
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que M. G. a acheté le 6 juin 2006 auprès de la société Etablissements Darty et fils, pour un prix de 799 €, un ordinateur portable équipé de logiciels préinstallés ; que faisant valoir que le vendeur, à qui il avait signalé qu’il ne souhaitait pas utiliser ces logiciels, avait refusé de les retirer et de déduire leur prix de celui du produit complet, puis que, lors de la mise en service de l’ordinateur, il avait refusé de souscrire au contrat de licence des logiciels, M. G. a fait assigner la société Darty en paiement de la somme de 359 € au titre du remboursement de leur prix ;
Attendu que pour rejeter cette demande, la juridiction de proximité a retenu que M. G. reconnaissait dans ses écritures que lors de son achat il ne souhaitait pas acquérir et payer les logiciels préinstallés “Microsoft Windows XP” et “Microsoft Works 8″ vendus avec ce portable au motif qu’il n’en avait pas l’utilité ni l’intention de les utiliser, que le vendeur a indiqué qu’il était impossible de vendre l’ordinateur sans ces logiciels et de réduire le prix en conséquence, que dès lors M. G. reconnaissait avoir été parfaitement informé lors de son achat, qu’il a eu le choix d’acheter ou non et qu’aucune condition de l’article 1235 du code civil n’est remplie ;
Attendu qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. G. qui soutenait qu’ayant proposé à la vente un produit composé d’un ordinateur et de logiciels préinstallés, sans offrir au consommateur la possibilité de n’acheter que le seul ordinateur, la société Darty avait procédé, avant l’expiration du délai de transposition de la Directive n° 2005/29 CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, à une vente liée prohibée par l’article L. 122-1 du code de la consommation, justifiant la résolution partielle du contrat et le remboursement du prix des logiciels qui ne lui étaient d’aucune utilité, la juridiction de proximité n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
DECISION
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
. Casse et annule, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 septembre 2008, entre les parties, par la juridiction de proximité de Paris 1er ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Paris 2e ;
. Condamne la société Etablissements Darty et fils aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Etablissements Darty et fils ; la condamne à payer à M. G. la somme de 3000 € ;
. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour M. G.
Il est fait grief au jugement attaqué,
D’avoir débouté Monsieur G. de sa demande en paiement de la valeur des logiciels vendus avec un ordinateur portable pour un prix global de 799 € par la société Darty ;
Aux motifs que «Monsieur G. Laurent reconnaît dans ses écritures que, lors de son achat, le 6 juin 2006, auprès du magasin Darty situé Forum des Halles à Paris, d’un portable Toshiba Satellite A-241 pour 799 €, il ne souhaitait pas acquérir et payer les logiciels Microsoft Windows XP et Microsoft Works 8 vendus avec ce portable au motif qu’il n’en avait ni l’utilité ni l’intention de les utiliser ;
Que le vendeur lui a indiqué qu’il était impossible de vendre l’ordinateur sans ces logiciels et de réduire le prix en conséquence ;
Que dès lors Monsieur G. reconnaît avoir été parfaitement informé lors de son achat ;
Qu’il a eu le choix d’acheter ou non ;
Qu’au regard de l’article 1235 du Code civil, aucune condition de la répétition de l’indu n’est réunie ;
Qu’en conséquence, Monsieur G. Laurent sera débouté de « ses demandes, faute de fondement juridique » (jugement p. 2 in fine et p. 3) ;
Alors, d’une part, que les juges du fond sont tenus de répondre aux moyens qui leur sont régulièrement soumis ; que Monsieur G. avait fait valoir dans ses conclusions (page 5, 1er §, à page 7, dernier §), régulièrement déposées et soutenues oralement à l’audience, que, lui ayant proposé à la vente un produit composé d’un ordinateur et de différents logiciels, dont la sélection s’est faite non des l’intérêt du consommateur mais en conséquence d’accords commerciaux entre fabricants, éditeurs de logiciels et distributeurs, sans offrir au consommateur une possibilité de remboursement du prix de ces logiciels en cas de refus de souscription, sollicitée au premier démarrage de l’ordinateur, au contrat de licence de l’utilisateur final, la société Darty avait procédé à une vente liée prohibée par l’article L.122-1 du Code de la consommation justifiant la résolution partielle du contrat et le remboursement du prix des logiciels qui ne lui étaient d’aucune utilité ; qu’en se contentant de relever, pour débouter Monsieur G. de ses demandes, qu’aucune des conditions de la répétition de l’indu n’étaient réunies, le juge de proximité a omis de répondre à ce moyen pourtant déterminant et violé l’article 455 du Code de procédure civile ;
Alors, d’autre part, que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ; que le distributeur, qui perçoit, dans le cadre d’une vente liée, le prix d’un logiciel uniquement exploitable après adhésion à un contrat de licence de l’utilisateur final dont il sait que le consommateur n’acceptera pas les termes, doit être tenu de le restituer une fois établi le refus de souscription ; qu’il est constant que la société Darty savait que Monsieur G. n’avait pas l’utilité ni donc l’intention de souscrire au contrat de licence de l’utilisateur final et qu’il a effectivement refusé d’y adhérer ; qu’en se contentant toutefois d’affirmer que les conditions de la restitution de l’indu n’étaient pas réunies car l’acquéreur avait acheté le matériel en connaissance de cause, sans rechercher si le refus ultérieur de souscription au contrat de licence de l’utilisateur final n’avait pas rendu indu le prix des logiciels litigieux, le juge de proximité a privé sa décision de toute base légale au regard es articles 1235 et 1376 du Code civil ;
Alors enfin que pour satisfaire à son obligation d’information sur les prix, tout vendeur de produits par lots doit mentionner le prix et la composition du lot ainsi que le prix de chaque produit composant le lot ; qu’en cas de vente liée d’un ordinateur «nu» et de différents logiciels qui y sont incorporés, qui sont des produits distincts, l’exigence d’une correcte information du consommateur permettant de s’assurer la plénitude de son consentement commande donc que soient affichés distinctement les prix de ces différents éléments ; que Monsieur G. avait ainsi fait valoir (conclusions régulièrement déposées et soutenues oralement à l’audience, page 4) que la société Darty n’avait pas satisfait à cette obligation et qu’il n’avait donc pas été mis en mesure de connaître, au jour de la vente, le coût des logiciels qu’il avait été contraint d’acquérir ; qu’en déboutant toutefois Monsieur G. de ses demandes, au seul motif que celui-ci savait la société Darty refusait de vendre l’ordinateur sans les logiciels, le juge de proximité, qui n’a pas répondu à ce moyen pourtant déterminant, a violé l’article 455 du Code de procédure civile.
La Cour : M. Charruault (président), M. Creto (conseiller référendaire rapporteur), M. Bargue, Mme Crédeville, M. Gallet, Mme Marais, M. Garban, Mmes Kamara, Dreifuss-Netter, conseillers, Mme Gelbard-Le Dauphin, M. Lafargue, Mme Richard, M. Jessel, Mme Bodard-Hermant (conseillers référendaires)
Avocats : Me Copper-Royer, SCP Defrenois et Levis.
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