Jurisprudence : Marques
Tribunal de Grande Instance de Paris 3ème chambre, 3ème section Jugement du 18 novembre 2009
Les Echos / Sedo Gmbh, Sedo Llc, Julien B.
compétence territoriale - contrefaçon - éditeur - enregistrement - hébergeur - liens commerciaux - marque notoire - marques - nom de domaine - responsabilité - union européenne
FAITS ET PROCEDURE
La société Les Echos a une activité d’éditeur de presse spécialisé dans le domaine de la diffusion d’informations économiques, financières, sociales et culturelles. Elle édite en particulier le quotidien national d’informations économiques et financières “Les Echos” et une version adaptée à internet “les.echos.fr – le web de l’économie” accessible par la saisie de la combinaison “lesechos”, l’extension pouvant être au choix .fr, .net, .com, .info, .biz.
Outre sa dénomination sociale « Les Echos », le titre de son quotidien éponyme et de son site internet, la société Les Echos est titulaire des marques suivantes :
– “Les Echos Le quotidien de l’économie” n°03/3.245.604, renouvelée pour la dernière fois le 15 septembre 2003, ce qui constitue le renouvellement par anticipation avec modification du signe et extension du libellé de la marque éponyme n°1.087.250 déposée le 21 février 1979 ;
– “Les Echos” enregistrée en date du 3 mars 2000 sous le numéro 00/3.011.883
– “Lesechos.fr – le web de l’économie” enregistrée en date du 29 mai 2000 sous le numéro 00/3.030.967 ;
– “Mes finances” enregistrée en date du 25 octobre 1999 sous le numéro 99 819 513.
La société Sedo GmbH, de droit allemand, (acronyme de “Search Engine for Domain Offers” soit “moteur de recherche pour noms de domaine”) a développé un service dit de “plate-forme” issu de la combinaison d’une base de données et d’un moteur de recherche permettant la vente de nom de domaine entre internautes.
La société Sedo.com LLC, de droit américain, sa filiale, propose également un service de plate-forme et sous le nom “sedoparking.com“ un service d’hébergement de noms de domaines dit de “parking”.
M. Julien B. est spécialisé dans la gestion d’investissement publicitaire de sociétés pour gérer du trafic qualifié via les moteurs de rechercher sur leur site afin d’augmenter leurs ventes ou leurs contacts. Il a enregistré le nom de domaine “les-echos.fr”. Ne l’exploitant pas, il l’a “parqué” sur le site de la société Sedo.
En mars 2007, la société Les Echos a relevé l’enregistrement du nom de domaine “les-echos.fr” par M. B. Ce nom de domaine permettait l’accès à un site internet intitulé “les-echos.fr”, parqué sur le site de Sedo, constitué d’un répertoire de liens hypertextes publicitaires renvoyant à des sites concurrents de ceux qu’elle exploite.
La société Les Echos s’est par la suite aperçue que la société Sedo organisait la vente aux enchères des noms de domaine suivants : “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.de”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echos.com.mx”, “lesechos.be”, “echoes.bis”, “echoes.mobi”, “echoes.cn”, “echoes.com.cn”, “desechoes.es”, “mesfinances.eu” et “mesfinances.biz” et avait placé sur les pages web accessibles suivant les noms de domaine : “les-echos.fr”, “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.de”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echos.com.cn”, “desechos.es” et “mesfinances.eu” des liens hypertextes publicitaires à destination de sites internet proposant une activité et des services identiques ou similaires à ceux couverts par ses marques.
Le 2 mai 2007, la société Les Echos a assigné M. B. devant le Président du tribunal de Grande Instance de Paris, statuant en référé, aux fins d’ordonner le transfert dudit nom de domaine entre ses mains et d’obtenir la réparation provisionnelle de son préjudice. Le juge des référés a condamné M. B. par une ordonnance du 30 mai 2007.
Le 8 août 2007, la société Les Echos a assigné les sociétés Sedo GmbH et Sedo LLC et M. Julien B. à comparaître devant le tribunal de Grande Instance de Paris.
La demanderesse reproche à M. B. la détention du nom de domaine les-echos.fr et l’exploitation de ce nom de domaine par le biais d’un site internet www.les-echos.fr. Elle reproche aux sociétés Sedo d’avoir porté atteinte aux marques françaises “Les Echos le quotidien de l’économie”, “les Echos”, “lesechos.fr – le web de l’économie”, “mes finances”, d’avoir organisé la vente aux enchères des noms de domaines litigieux et/ou apposé des liens hypertextes publicitaires sur les sites internet attachés aux noms de domaine litigieux.
Par une ordonnance rendue le 2 juillet 2008, le juge de la mise en Etat a rejeté l’exception de nullité de l’assignation soulevée par la société Sedo et a déclaré le tribunal de grande instance de Paris compétent pour connaître du litige.
Par dernières conclusions signifiées le 29 juillet 2009, la société Les Echos demande principalement au tribunal : au visa du procès verbal de constat établi par l’Agence pour la Protection des Programmes les 7 et 16 mars 2007, des articles L112-4 2nd, L713-2 a), L713-3 b) et L713-5 du code de la propriété intellectuelle, du considérant n°58 et des articles 12, 13 et 14 de la Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, des dispositions de la loi du 21 juin 2004 dite Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique, des article 1382 et 1383 du code civil, de :
A titre liminaire
– constater que les captures d’écran du site internet www.sedo.fr intégrées par les sociétés Sedo.com LLC et Sedo GmbH dans leurs conclusions récapitulatives et en réplique n°2 signifiées en date du 27 janvier 2009 concernent une présentation du site internet www.sedo.fr postérieure aux faits litigieux,
– les écarter des débats,
– constater la notoriété des marques suivantes de la société Les Echos :
“Les Echos Le quotidien de l’économie” n°03/3.245.604, qui constitue le renouvellement par anticipation avec modification du signe et extension du libellé de la marque éponyme n°1.087.250 déposée le 21 février 1979 ; “Les Echos” enregistrée en date du 3 mars 2000 sous le numéro 00/3.011.883 ; “Lesechos.fr – le web de l’économie” enregistrée en date du 29 mai 2000 sous le numéro 00/3.030.967 ; “Mes finances” enregistrée en date du 25 octobre 1999 sous le numéro 99 819 513 ;
– constater la notoriété du titre du quotidien et du site internet “Les Echos” de la société Les Echos,
– constater la notoriété de la dénomination sociale, du nom commercial, de l’enseigne et des noms de domaine “Les Echos” et “Mes finances.fr” de la société Les Echos,
– constater que c’est en parfaite connaissance de cause que les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC ont organisé la vente aux enchères des noms de domaines “les-echos.fr”, “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.de”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echos.com.uk”, “lesechos.be”, “echoes.biz”, “echoes.mobi”, “echoes.cn”, “echoes.com.cn”, “desechos.es”, “mesfinances.eu”, “mesfinances.biz”, “leséchos.com”, “les-echos.cn”, “lesechos.net.cn”, “les-echos.tel” et “lesechosdujour.info” ;
– constater que c’est en parfaite connaissance de cause que les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC ont apposé sur les sites internet attachés aux noms de domaines “les-echos.fr”, “lesechos.de”, “échos.com”,“echos.co.uk”, “echos.eu”, echoes.biz”, “echoes.mobi”, “desechos.es”, “lesechos.eu”, “echos.fr”, “mesfinances.eu”, “leséchos.com”, “les-echos.cn”, “lesechos.net.cn” et “lesechosdujour.info” des liens hypertextes publicitaires à destination de sites internet exerçant une activité identique ou similaire à celle rendue sous les signes distinctifs de la société Les Echos ;
– constater que c’est en parfaite connaissance de cause que M. Julien B. a enregistré le nom de domaine “les-echos.fr” et organisé sa vente aux enchères ;
– constater que c’est en parfaite connaissance de cause que M. Julien B. a fait placer sur le site internet attaché au nom de domaine “les-echos.fr” des liens hypertextes publicitaires à destination de sites internet exerçant une activité identique ou similaire à celle des signes distinctifs de la société Les Echos ;
A titre principal
– dire et juger que l’enregistrement du nom de domaine “les-echos.fr”, son offre à la vente aux enchères et le placement de liens hypertextes publicitaires par M. Julien B. constituent une atteinte aux marques notoires précitées “Les Echos Le quotidien de l’économie”, “Les Echos” et “lesechos.fr – le web de l’économie” ;
– dire et juger que l’organisation par les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC de la vente aux enchères publiques des noms de domaines “les-echos.fr”, “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.de”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echos.com.mx”, “lesechos.be”, “echoes.biz”, “echoes.mobi”, “echoes.cn”, “echoes.com.cn”, “desechos.es”, “mesfinances.eu”, “mesfinances.biz”, “leséchos.com”, “les-eco.cn”, “lesechos.net.cn”, “les-echos.tel” et “lesechosdujour.info” constitue une atteinte aux marques notoires précitées “Les Echos Le quotidien de l’économie”, “Les Echos”, “lesechos.fr – le web de l’économie” et “Mes finances” ;
– dire et juger que le placement par les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC de liens hypertextes publicitaires sur les noms de domaine “les-echos.fr”, “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echoes.biz”, “echoes.mobi”, “desechos.es”,“lesechos.eu”, “echos.fr” et “mesfinances.eu”, leséchos.com”, “les-echos.cn”, “lesechos.net.cn” et “lesechosdujour.info” constitue une atteinte aux marques notoires précitées “Les Echos Le quotidien de l’économie”, “Les Echos” et “lesechos.fr – le web de l’économie” et “Mes finances” ;
– déclarer la société Sedo.com LLC mal fondée à se prévaloir des dispositions de la directive 2000/31/CE, conformément aux dispositions de son considérant n°58 ;
– déclarer les sociétés Sedo.com LLC et Sedo GmbH mal fondées à se prévaloir des dispositions de la directive 2000/31/CE en ses articles 12 et 14, transposée en droit français par la loi du 21 juin 2004 ;
– débouter les sociétés Sedo.com LLC et Sedo Gmbh de leur demande de question préjudicielle.
A titre subsidiaire
– dire et juger que l’organisation enregistrement du nom de domaine “les-echos.fr”, son offre à la vente aux enchères et le placement de liens hypertextes publicitaires par M. Julien B. constituent des actes de contrefaçon par reproduction et/ou imitation des marques “Les Echos Le quotidien de l’économie”, “Les Echos” et “lesechos.fr – le web de l’économie” ;
– dire et juger que l’organisation par les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC de la vente aux enchères des noms de domaine “les-echos.fr”, “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.de”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echos.com.mx”, “lesechos.be”, “echoes.biz”, “echoes.mobi”, “echoes.cn”, “echoes.com.cn”, “desechos.es”, “mesfinances.eu”, “mesfinances.biz”, “leséchos.com”, “les-eco.cn”, “lesechos.net.cn” constitue des actes de contrefaçon par reproduction et/ou imitation des marques “Les Echos Le quotidien de l’économie”, “Les Echos” et “lesechos.fr – le web de l’économie” et “Mes finances” ;
– dire et juger que le placement par les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC de liens hypertextes publicitaires sur les noms de domaine “les-echos.fr”, “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echoes.biz”, “echoes.mobi”, “desechos.es”, “lesechos.eu”, “echos.fr”, “mesfinances.eu”, “lesechos.com”, “les-echos.cn” et “lesechos.net.cn” constitue des actes de contrefaçon par reproduction et/ou imitation des marques “Les Echos Le quotidien de l’économie”, “Les Echos”, “lesechos.fr – le web de l’économie” et “Mes finances”.
A titre infiniment subsidiaire
– dire et juger que l’enregistrement du nom de domaine “les-echos.fr”, son offre à la vente aux enchères et le placement de liens hypertextes publicitaires par M. Julien B. constituent une faute et/ou un acte de négligence ;
– dire et juger que l’organisation par les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC de la vente aux enchères des noms de domaine “les-echos.fr”, “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.de”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echos.com.mx”, “lesechos.be”, “echoes.biz”, “echoes.mobi”, “echoes.cn”, “echoes.com.cn”, “desechos.es”, “mesfinances.eu”, “mesfinances.biz”, “leséchos.com”, “les-echos.cn”, “lesechos.net.cn”, “les-echos.tel” et “lesechosdujour.info” constitue une faute et/ou un acte de négligence ;
– dire et juger que le placement par les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC de liens hypertextes publicitaires sur les noms de domaine “les-echos.fr”, “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echoes.biz”, “echoes.mobi”, “desechos.es”, “lesechos.eu”, “echos.fr”, “mesfinances.eu”, “lesechos.com”, “les-echos.cn,
“lesechos.net.cn” et “lesechosdujour.info” constitue une faute et/ou un acte de négligence.
En tout état de cause
– dire et juger que l’action entreprise par la société Les Echos ayant provoqué la présente instance n’a aucun caractère dilatoire ou abusif et est parfaitement justifiée ;
– dire et juger la société Les Echos bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– déclarer la société Sedo.com LLC irrecevable et mal fondée en sa demande de question préjudicielle en application du Considérant n°58 de la directive 200/31/CE du 8 juin 2000 ;
– dire et juger n’y avoir lieu à question préjudicielle et par voie de conséquence débouter les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC de leurs demandes à ce titre ;
– dire et juger que l’enregistrement du nom de domaine “les-echos.fr”, son offre à la vente aux enchères et le placement de liens hypertextes publicitaires par M. Julien B. constituent des atteintes au titre du quotidien et du site web “Les Echos” ;
– dire et juger que l’organisation par les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC de la vente aux enchères des noms de domaines “les-echos.fr”, “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.de”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echos.com.mx”, “lesechos.be”, “echoes.biz”, “echoes.mobi”, “echoes.cn”, “echoes.com.cn”, “desechos.es”, “mesfinances.eu”, “mesfinances.biz”, “leséchos.com”, “les-echos.cn”, “lesechos.net.cn”, “les-echos.tel” et “lesechosdujour.info” constitue des atteintes au titre du quotidien et du site web “Les Echos” ;
– dire et juger que le placement par les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC de liens hypertextes publicitaires sur les noms de domaine “les-echos.fr”, “les “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echoes.biz”, “echoes.mobi”, “desechos.es”, “lesechos.eu”, “echos.fr”, “mesfinances.eu”, “leséchos.com”, “lesechos.cn”, et “lesechosdujour.info” constitue des atteintes au titre du quotidien et du site web “Les Echos”.
En conséquence
– interdire aux sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC de proposer à la vente aux enchères des noms de domaine portant atteinte aux signes distinctifs et au titre de la société Les Echos, et ce sous astreinte in solidum de 50 000 € par infraction constatée ;
– interdire aux sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC de placer des liens hypertextes publicitaires sur les sites internet attachés à des noms de domaine portant atteinte aux signes distinctifs et au titre de la société Les Echos, et ce sous astreinte in solidum de 50 000 € par infraction constatée ;
– condamner in solidum les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC à verser à la société Les Echos la somme, à parfaire, de 500 000 € à titre de dommages et intérêts ;
– condamner in solidum M. Julien B., la société Sedo GmbH et la société Sedo.com LLC dans 5 journaux, au choix de la société Les Echos, sans que le coût de ces publications ne puisse être supérieur à la somme de 30 000 € HT pour chacun des défendeurs ;
– ordonner aux sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC de consigner, chacune, la somme de 30.00 € HT entre les mains de M. le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris en qualité de séquestre, sous astreinte in solidum de 5000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– dire que M. le Bâtonnier attribuera cette somme à la société Les Echos sur présentation des bulletins de commande d’insertion des publications du jugement à intervenir ;
– ordonner en outre, à titre complémentaire, aux sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC, aux frais de ces dernières, de publier en police Arial 16 minimum sur le haut de la première page de leur site internet accessible aux adresses www.sedo.fr et www.sedo.com le jugement à intervenir dans son intégralité, et ce sous astreinte ion solidum de 5000 € par jour de retard, passé le délai de 48 heures suivant la signification du jugement à intervenir ;
– dire que la durée de cette publication sera de 6 mois ;
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toute voie de recours, et ce sans constitution de garanties ;
– se réserver la liquidation des astreintes ;
– condamner in solidum les sociétés Sedo Gmbh et Sedo.com LLC et M. Julien B. au paiement des frais de constat de l’Agence pour la protection des programmes engagés par la société Les Echos ;
– condamner in solidum les sociétés Sedo Gmbh et Sedo.com LLC au paiement des frais du constat de Maître Benjamin Chaplais engagés par la société Les Echos ;
– condamner in solidum les sociétés Sedo Gmbh et Sedo.com LLC et M. Julien B. en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Cyril Fabre ;
– condamner in solidum les sociétés Sedo Gmbh et Sedo.com LLC et M. Julien B. à verser à la société Les Echos la somme de 60 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
A titre principal, la société Les Echos rappelle qu’elle est titulaire des marques “Les Echos Le quotidien de l’économie”, “Les Echos”, lesechos.fr – le web de l’économie” et “mes finances” ; que ses signes distinctifs jouissent d’une notoriété incontestée ; que son quotidien Les Echos est accessible par la saisie des noms de domaines “lesechos.fr”, lesechos.net”, “lesechos.com”, “lesechos.info” et “lesechos.biz” ; qu’en outre le groupe Les Echos, par le truchement des différentes sociétés qui le constituent est titulaire des noms de domaine plateforme-lesechosconférences.com”, “lesechosmail.com”, enjeuxlesechos.com”, “concours-lesechos.com” et “lesechospresse.fr” ; que la dénomination Les Echos constitue l’élément essentiel du titre du quotidien et du site web qu’elle édite et jouit de ce fait de la protection spécifique de l’article L.112-4 du Code de la propriété intellectuelle ; que son journal est diffusé à l’international ;
Elle soutient que M. B., en enregistrant le nom de domaine « les-echos.fr”, a porté atteinte à ses droits de propriété intellectuelle ; qu’il n’a eu d’autre but que de faire la promotion de sites internet de sociétés concurrentes ; qu’il a été rémunéré par les sociétés Sedo à chaque clic effectué par des internautes sur lesdits liens ;
Elle affirme que les sociétés Sedo vendent des noms de domaines contrefaisants ; qu’elles ont continué à vendre des noms contrefaisant ses marques pendant la présente instance ; que leurs pratiques ont été sanctionnées à plusieurs reprises par les tribunaux français et par les juridictions allemandes ; que les captures d’écran produites par les défenderesses tendant à faire croire qu’elles ont modifié leur modèle économique sont inopérantes dès lors que les défenderesses persistent dans leurs agissements ;
Elle soutient que :
– les termes issus du langage courant sont protégeables à titre de marques ; qu’en toute hypothèse la distinctivité des marques “Les Echos”, en raison de leur notoriété, est renforcée ;
– les noms de domaine exploités par M. Julien B. et/ou les sociétés Sedo sont identiques ou similaires à ses signes distinctifs ;
– la défense des sociétés Sedo selon laquelle certains noms de domaines qui ont été mis en vente sur leur site ne seraient pas enregistrés et seraient donc disponibles et que d’autres renverraient vers des sites internet en langue chinoise ou espagnole et ne sauraient porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle de la société Les Echos n’est pas sérieuse ;
– l’enregistrement des noms de domaine litigieux, leur offre à la vente sur internet et le placement de liens hypertextes publicitaires constituent une exploitation préjudiciable et injustifiée de ses marques; que M. B. et les sociétés Sedo se sont livrés à des actes d’exploitation commerciale préjudiciable et injustifiée de ses marques pour désigner au surplus une activité identique ou similaire ; que leurs agissements constituent des atteintes à ses marques notoires et qu’ils ont eu pour effet de créer un risque d’association manifeste dans l’esprit du public, si ce n’est un risque de confusion ;
– la défense de M. B. selon laquelle la société Les Echos n’avait pas réservé le nom de domaine litigieux est fantaisiste dès lors que nul ne saurait être contraint de se constituer préventivement une bibliothèque de noms de domaine destinée à se prémunir contre d’éventuels actes de cybersquatting et que l’absence d’enregistrement ne peut justifier la commission d’actes de contrefaçon des marques invoquées dans le cadre du présent litige ;
– les sociétés Sedo présentent de manière trompeuse leur activité ; qu’elles exploitent concurremment et exactement la même activité, à savoir un service de vente aux enchères de noms de domaine et un service de placement de liens hypertextes publicitaires ; qu’elles ont concouru aux agissements qui leur sont reprochés; que la qualité d’intermédiaire technique au sens de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 et de la loi sur la confiance en l’économie numérique du 21 juin 2004 ne leur est pas applicable ; que la demande de questions préjudicielles avancées par les sociétés Sedo est inutile et ne constitue qu’un moyen dilatoire aux fins d’alourdir le débat ; que les sociétés Sedo ont une obligation de contrôle des noms de domaine dont elles assurent la vente aux enchères et sont soumises à un principe de responsabilité de plein droit ;
A titre subsidiaire, la société Les Echos soutient que l’enregistrement des noms de domaine litigieux, leur offre à la vente sur internet et le placement de liens hypertextes publicitaires constituent des actes de contrefaçon de ses marques ;
A titre infiniment subsidiaire, la société Les Echos soutient que les sociétés Sedo et M. B. ont commis une faute ou une négligence.
En tout état de cause, la société Les Echos soutient que l’enregistrement des noms de domaine litigieux, leur offre à la vente sur internet et le placement de liens hypertextes publicitaires portent atteinte aux droits de la société Les Echos sur le titre de son quotidien « Les Echos » et sur celui de sa publication « Mes finances » ; que l’enregistrement des noms de domaine litigieux, leur offre à la vente sur internet et le placement de liens hypertextes publicitaires des noms de domaine litigieux portent atteinte à sa dénomination sociale et à son enseigne « Les Echos » ainsi qu’à ses noms commerciaux « Les Echos » et « Mesfinances.fr » ; que l’enregistrement des noms de domaine litigieux, leur offre à la vente sur internet et le placement de liens hypertextes publicitaires des noms de domaine litigieux constituent un acte d’usurpation de ses noms de domaine ; qu’enfin la demande reconventionnelle des sociétés Sedo tendant à la voir condamner au titre du caractère prétendument abusif de son action n’est pas fondée.
Par dernières conclusions signifiées le 7 juillet 2009, les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC demandent principalement au tribunal de :
– dire la société Sedo GmbH et Sedo.com LLC recevable et bien fondée en leurs conclusions.
Par conséquent :
– débouter la société Les Echos de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– débouter M. B. de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, notamment de sa demande de garantie de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ainsi que de sa demande de condamnation solidaire des sociétés Sedo de lui verser 50 000 € au titre du préjudice subi ;
En tout état de cause :
– dire que la société Sedo GMBH est un prestataire technique qui exploite un service de plate-forme ;
– dire que la société Sedo.com LLC est un prestataire technique qui offre un service de “parking de domaine” ;
– dire que les sociétés Sedo bénéficient du régime favorable aménageant la responsabilité des prestataires prévu par la loi du 21 juin 2004, à défaut poser les questions préjudicielles suivantes :
Première question :
“Est-ce qu’une entreprise qui offre un service de “parking de domaine” et qui a vis-à-vis de son utilisateur le double rôle d’hébergeur de page web (avec, accessoirement, la mise à disposition des outils pour créer cette page internet) et de fournisseur de liens publicitaires du second degré (Sedo transmettant à l’intéressé – en provenance de Google – le feed, c’est-à-dire le flux d’informations avec des liens publicitaires correspondant au mot-clé déterminé par l’intéressé), doit être considérée, dans ces deux qualités comme un prestataire au sens de la directive 2000/31/CE, telle que transposée en droit français par la loi du 21 juin 2004, de sorte que lui soit applicable le régime favorable, aménageant la responsabilité des prestataires, prévu aux articles 14 et 12 de la directive 2000/31/CE”
Deuxième question :
“Est-ce qu’une entreprise qui offre un service de plate-forme qui a vis-à-vis de son utilisateur une double activité de mise à disposition d’un service de base de données en ligne, alimentée par les destinataires du service et, d’un moteur de recherche en ligne doit être considérée, dans ces deux qualités comme un prestataire au sens de la directive 2000/31/CE, telle que transposée en droit français par la loi du 21 juin 2004, de sorte que lui soit applicable le régime favorable, aménageant la responsabilité des prestataires, prévu à l’article 14 de la directive 2000/31/CE.”
– dire que les sociétés Sedo ne portent pas atteinte aux signes distinctifs de la société Les Echos ;
– constater l’absence de notoriété des marques françaises de la société Les Echos et partant appliquer strictement le principe de la territorialité ;
– débouter Les Echos de ses demandes de 500 000 et 50 000 € à titre de dommages et intérêts ;
– débouter M. Julien B. de sa demande de condamnation solidaire de la société Les Echos et des sociétés Sedo à 50 000 € au titre du préjudice subi ;
– débouter la société Les Echos de sa demande de publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ainsi que sur le site sedo.fr, a fortiori dans des caractères Arial 16 en haut de page d’accueil et ce pendant six mois ;
– débouter la société Les Echos de sa demande de consignation de 30 000 € entre les mains du Bâtonnier, a fortiori sous astreinte de 5000 € par jour de retard ;
– débouter la société Les Echos de ses demandes de condamnation au paiement des frais de constats d’huissier et de l’Agence pour la Protection des Programmes engagés pour les besoins de la présente procédure ;
– débouter la société Les Echos de sa demande d’exécution provisoire et, dans l’hypothèse où elle serait accordée, ordonner la constitution d’une garantie au profit des sociétés Sedo à hauteur de la condamnation à intervenir ;
– condamner la société Les Echos à verser aux sociétés Sedo une indemnité de 30 000 € à titre de dommages et intérêts ;
– condamner la société Les Echos à verser aux sociétés Sedo une indemnité de 30 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC soutiennent que le journal Les Echos n’est disponible qu’en langue française, que son public est dès lors nécessairement francophone, et que sa notoriété est locale, incomparable avec le Wall Street journal ou le Financial Times ; que le terme « Echo » est un terme générique, et ne saurait faire l’objet d’une appropriation générale ; qu’il existe des marques nationales et communautaires enregistrées qui comprennent le terme « Echo » ; que la société Les Echos perçoit la simple existence d’autres sites web dont les adresses comprennent le terme Echo comme une atteinte à ses droits ; qu’elles n’ont pas exploité de manière injustifiée ni reproduit des marques de la société Les Echos ; que l’exploitation, au sens large du terme, des noms de domaine litigieux n’engage pas la responsabilité des sociétés Sedo qui doivent être considérées, en tant qu’hébergeurs, comme des prestataires techniques, sur le fondement de la loi pour la confiance en l’économie numérique du 21 juin 2004 qui transpose la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique du 8 juin 2000 ; qu’en tant qu’hébergeurs, elles bénéficient de l’exonération de responsabilité telle que prévue par ladite loi ; que si le tribunal ne reconnaît pas le bénéfice de l’exonération de responsabilité de Sedo, elles suggèrent au Tribunal d’adresser, sur le fondement de l’article 234 du Traité deux questions préjudicielles à la CJCE .
Les sociétés Sedo soutiennent que le principe de territorialité conduit à ce que la marque française ne soit protégée que sur le territoire français ; que les atteintes relatives à un droit de marque français qui ont eu lieu hors du territoire français, ne sont pas couvertes par le régime des marques français ; que l’absence de notoriété des Echos à l’international est patente ;
Elles soutiennent que la société Les Echos et M. B. ne caractérisent pas précisément leur préjudice ; qu’à supposer qu’il existe un tel préjudice pour la société Les Echos, ce n’est pas aux sociétés Sedo qu’elle doit réclamer réparation mais aux titulaires des noms de domaine litigieux, tous hors cause sauf M. B. ; que l’enregistrement des noms de domaine et leur mise en vente et/ou parking chez le prestataire Sedo relèvent de la seule initiative des titulaires desdits noms de domaines ; qu’en tant que prestataire technique, Sedo n’est responsable d’aucune usurpation de la dénomination sociale de la société Les Echos ; qu’il n’y a pas atteinte à la marque renommée de la société Les Echos ; qu’en tout état de cause, elles bénéficient du régime de responsabilité particulier aménagé pour les intermédiaires, hors de cause ; qu’elle n’a pas commis de faute au sens de l’article 1382 du Code civil ;
Elle soutient enfin que l’agissement fautif de M. B. est à l’origine de la présente procédure qui aurait dû rester cantonnée aux seuls cybersquatteurs et LesEchos, par défaut de surveillance ;
Par dernières conclusions signifiées le 7 mai 2009, M. Julien B. demande principalement au tribunal de :
– le déclarer recevable et bien-fondé en toutes ses demandes moyens et prétentions ;
Y faire droit
– constater la redirection sur le site officiel de la société Les Echos dès le 7 mai ;
– constater, (vu le procès-verbal de Maître Saragoussi et de l’APP) que les pages web et les liens publicitaires résultent de la société Sedo seule, la mention Sedo figurant sur la dite page ;
– lui donner acte de ce qu’il a cédé son nom de domaine à la société Les Echos ;
– constater que la page web et les liens publicitaires ne sont pas le fait de M. Julien B. ;
– constater en conséquence que M. Julien B. n’a aucun site internet et en conséquence ne procède à aucune exploitation ;
– constater (vu le courrier de Maître Saragoussi) que la mise en vente est automatique lorsque l’on veut parquer un nom de domaine,
En conséquence
– dire et juger qu’il n’a procédé à aucune édition, exploitation d’un quelconque site ;
– dire que la page web et les liens publicitaires ne sont pas le fait de M. Julien B. ;
– dire et juger qu’il n’a procédé à aucune mise en vente de son nom de domaine ;
– dire et juger que l’ensemble de ces faits est imputable aux sociétés Sedo seules ;
– en tout état de cause dire et juger que les termes “Les Echos” sont génériques ;
En conséquence
– débouter la société Les Echos de sa demande d’indemnisation à l’encontre de M. B. ;
– condamner les sociétés Sedo à garantir M. B. de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
– condamner solidairement les sociétés Sedo à verser à M. B. une somme de 50 000 € au titre du préjudice subi ;
– dire et juger irrecevable et non-fondée la condamnation aux dépens et au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner la société Les Echos aux dépens notamment les frais de constats à hauteur de 1067,17 € TTC ;
– condamner la société Les Echos en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Jarlaud-Lang ;
– condamner la société Les Echos et les sociétés Sedo respectivement à verser à M. B. une somme de 5000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, M. B. s’étant trouvé dans l’obligation de prendre un conseil, situation qui aurait pu être évitée par une simple mise en demeure.
M. Julien B. soutient que lorsqu’il a réservé le nom de domaine “les-echos.fr”, son seul objectif était de créer un blog, que ce blog existe à ce jour sous le nom “deblog.fr” ; que si effectivement il a réservé le nom de domaine le 9 mai 2006, il n’édite et n’exploite aucun site dénommé “les-echos.fr”. Il soutient que ce nom de domaine n’a été parqué sur Sedo qu’en août 2006.
Il prétend qu’il n’est à l’origine d’aucun élément, ni de la page, ni de liens publicitaires ; qu’en fait, c’est la société Sedo qui édite et exploite un site internet à partir d’un nom de domaine que M. B. a parqué sur le site de cette société en attendant d’éventuellement l’exploiter et que les liens hypertextes publicitaires qui apparaissent sont le fait de la société Sedo seule ; que le site internet est automatiquement généré par la société Sedo dès lors qu’un nom de domaine est parqué sur le site de cette société.
Il soutient ne pas avoir procédé à une vente aux enchères de ce nom de domaine ; que c’est le système de Sedo qui contraint lorsqu’un nom de domaine est parqué, à cliquer sur la case “je mets en vente” ; qu’à défaut de cliquer cette case, aucun parking d’un nom de domaine n’est possible ; qu’ainsi c’est bien la société Sedo qui édite la page web et non M. Julien B. ;
Il soutient que la société Les Echos aurait simplement dû le mettre en demeure ; qu’il aurait pris les mesures nécessaire pour faire cesser le trouble ; qu’il n’a jamais eu l’intention de créer un site concurrent ; que le domaine de l’économie n’est pas son métier ; qu’il avait pour objectif d’utiliser le nom de domaine sans rapport avec les marques, produits et services de la demanderesse ; qu’il n’a tiré aucun profit d’avoir parqué son nom de domaine ; qu’aucun emploi à titre commercial n’a été effectué; que c’est la société Sedo qui procède elle-même à la création de cette page web et à la mise en place de liens publicitaires ; qu’il n’a commis aucun agissement qui ont pu nuire à l’image de marque de la société Les Echos ;
Il soutient que le terme Les Echos constitue une acceptation commune de terme générique et qu’il ne peut faire l’objet d’une appropriation pour tous les domaines et plus précisément les produits et services ; que le risque manifeste de confusion résulte de la société Sedo ;
Il soutient qu’il a acheté le nom de domaine “les-echos.fr” considérant ce mot clé comme générique ; que “Les Echos” constitue seulement un substantif ordinaire dont le caractère éponyme n’existe qu’en ce qui concerne le journal Les Echos ; que n’ayant procédé à aucune exploitation dans un domaine identique ou similaire à celui du journal Les Echos, il ne peut exister une confusion dans l’esprit du public ;
Il soutient enfin que le fait de procéder au parking d’un nom de domaine ne démontre nullement la volonté d’utilisation de son nom de domaine dans le même secteur que celui de la société Les Echos ; qu’il ne peut être affirmé qu’il aurait fait du cybersquatting.
DISCUSSION
La société Les Echos se plaint d’une part, s’agissant du nom de domaine “les-echos.fr” d’atteinte à ses marques de renommée, à son titre, à sa dénomination sociale et à ses noms de domaines par M. Julien B. et les sociétés Sedo GhmH et Sedo.com, d’autre part s’agissant des noms de domaines “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.de”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echos.com.uk”, “lesechos.be”, “echoes.biz”, “echoes.mobi”, “echoes.cn”, “echoes.com.cn”, “desechos.es”, “mesfinances.eu”, “mesfinances.biz”, “leséchos.com”, “les-echos.cn”, “lesechos.net.cn”, “les-echos.tel” et “lesechosdujour.info” d’atteinte à ses marques de renommée par les sociétés Sedo GhmH et Sedo.com, et subsidiairement de contrefaçon de ses marques.
Sur les droits de la société Les Echos
La société Les Echos édite un quotidien consacré à l’information économique dont le titre est “Les Echos Le journal de l’économie”.
Par ailleurs elle est titulaire des marques suivantes :
– Les Echos Le quotidien de l’économie” n° 03 3 245 604 enregistrée en classe 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 42 déposée le 21 février 1979 et renouvelée pour la dernière fois le 15 septembre 2003,
– Les Echos enregistrée le 3 mars 2000 sous le numéro 00 3 011 883 en classes 9, 14, 16, 18, 20, 25, 34, 35, 36, 38, 39, 41 et 42,
– “lesechos.fr-le web de l’économie” enregistrée le 29 mai 2000 sous le numéro 00 3 P030 967 en classes 9, 16, 35, 36, 38 et 41,
– “Mes Finances” enregistrée le 25 octobre 1999 sous le numéro 00 819 513 en classes 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 42.
Le quotidien Les Echos est également publié sur internet à travers le site web “les echos.fr – Le web de l’économie”. Ce dernier est accessible par la saisie des noms de domaine “lesechoos.fr”, “lesechos.fr”, “lesechos.net”, “lesechos.com”, “lesechos.info” et “les echos.biz” dont la société Les Echos est titulaire.
Sur le caractère notoire des marques opposées
Aux termes de l’article L713-5 du code de la propriété intellectuelle « l’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. Les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables à l’emploi d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 de la convention de Paris pour la protection de la propriété intellectuelle précitée. »
Le législateur par cet article a voulu instituer un régime de protection des marques réputées et largement connues des consommateurs contre l’exploitation d’un signe identique pour désigner des produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux figurant à l’enregistrement.
Cette disposition s’applique également aux produits ou services similaires.
Il est constant par ailleurs qu’au regard des dispositions de l’article 5-2 de la directive européenne d’harmonisation NE89/104 du 21 décembre 1998 en application de laquelle a été pris l’article L713-5 du code de la propriété intellectuelle que la marque de renommée est celle connue par une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle, que pour apprécier cela, le juge doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir : l’intensité, l’étendue géographique et la durée de cet usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir.
En l’espèce, il est établi que la société Les Echos exploite depuis de nombreuses années la marque “Les Echos” dans le domaine de la presse économique, le journal ayant été fondé en 1908 sous le titre “les échos de l’exportation” et étant devenu quotidien en 1928. Le titre du journal a été modifié en 1954 et est devenu “Les échos Le quotidien de l’économie “ .Ce journal est depuis 1995 en forte croissance puisqu’il était diffusé en 1995 à 125 000 exemplaires et à 150 000 exemplaires en 2000 et que sa pagination est passée de 35 en 1988 à 65 pages, en moyenne, en 2000.
Un sondage réalisé en 2004 note que le quotidien “Les Echos” est le titre le plus lu par les cadres (plus de 60% d’entre eux le lisent quotidiennement) et plus de 60% des décideurs financiers lisent ce journal. Ces données ont été confirmées par un sondage Ipsos effectué en 2008.
Le quotidien “Les Echos” est diffusé en langue française au niveau mondial depuis une dizaine d’années. Il n’est pas contesté qu’il n’est pas diffusé en langue anglaise.
Cette société exploite depuis 1996 un site « www.lesechos.fr”, dont elle est titulaire, premier quotidien français en ligne. Selon le “journal du net “ du 17 août (?), ce site est selon un audit de Mediametrie, le site le plus visité des médias français avec plus de vingt cinq millions de pages vues et plus de deux millions cinq cents mille visites par mois, le plaçant ainsi en tête des médias français pour l’audience en ligne.
Par ailleurs, au niveau mondial un classement établi par la société Alexa a noté que le site internet du quotidien “Les Echos” est le 6344ème site le plus visité parmi dix huit millions de sites dont cette société étudie l’audience.
Il est établi que la marque “Les Echos” est abondamment exploitée et qu’elle fait l’objet de nombreuses campagnes publicitaires, que dès lors elle a bien le caractère de marque de renommée au sens des dispositions de l’article L713-5 du code de la propriété intellectuelle, sa connaissance par une large fraction du public concerné, c’est à dire les cadres et décideurs financiers français, résultant de l’ampleur de ses ventes et des campagnes publicitaires réalisées.
Par ailleurs, le signe “Les Echos” étant l’élément dominant des marques “Les Echos Le quotidien de l’économie” et “lesechos.fr-le web de l’économie”, le caractère de marque de renommée de ces derniers signes est, par conséquent, également démontré.
En revanche, il n’est pas démontré par la société demanderesse que la marque opposée “Mes finances” possède le caractère de marque de renommée. Dans ces conditions, il conviendra d’examiner le caractère contrefaisant des actes reprochés aux défendeurs s’agissant de ce signe.
Sur l’atteinte portée à la marque de renommée “Les Echos”
Il convient de rappeler que la protection de la marque de renommée n’est pas subordonnée à la constatation d’un degré de similitude tel entre la marque de renommée et le signe qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre ceux ci. Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque, lien qui ressort de l’identité phonétique et intellectuelle des deux signes en cause.
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner s’il y un risque de confusion entre le signe premier et le signe second, dès lors que celui-ci est la reprise phonétique et intellectuelle du signe premier.
Aussi, l’usage du signe “Les Echos” pour désigner un nom de domaine est illicite en application de l’article L713-5 du code de la propriété intellectuelle précité.
Sur la contrefaçon par reproduction de la marque “Mes finances”
Il est établi par la société demanderesse que sur le site “sedo.fr” était proposé à la vente les noms de domaine “mesfinances.eu” et “mes finances.biz”. Sur ces sites figuraient des liens hypertextes à destination de sites français ou francophones dans le domaine de la bourse, des revenus complémentaires et de la finance.
Il est constant que les suffixes ”.eu” “.biz” n’ayant qu’une fonction purement technique d’extension de nom de domaine ne doivent pas entrer dans l’appréciation de la similarité d’une marque par rapport à un nom de domaine.
C’est au regard de l’article L 713-2 a) du Code de la Propriété Intellectuelle qui dispose que : “Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : “formule, façon, système, imitation, genre, méthode”, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement”, que doit être appréciée la contrefaçon.
En l’espèce, il y a reprise à l’identique du signe “mes finances”. Les produits sont identiques ou similaires à ceux visés à l’enregistrement de la marque arguée de contrefaçon, à savoir “publicité, prévision économique…”.
La contrefaçon par reproduction est ainsi caractérisée.
Sur l’atteinte au titre
Le titre n’est protégé par les dispositions sur le droit d’auteur que s’il présentait au moment de sa création un caractère original.
En l’espèce, tant en 1908 qu’en 1954 le titre “les échos de l’exportation“ et “les échos” avec pour sous titre “le quotidien de l’économie”, présente un caractère d’originalité certain s’agissant d’un titre d’un quotidien économique.
Dès lors, c’est à juste titre que la société demanderesse se plaint de l’atteinte à ses droits d’auteur sur le titre “les échos”.
Sur l’atteinte à la dénomination sociale, au nom commercial, à l’enseigne et au nom de domaine “lesechos.fr”
La société demanderesse établit que l’appellation “Les Echos” constitue sa dénomination sociale, son nom commercial et son enseigne et qu’elle est titulaire du nom de domaine “lesechos.fr”, qu’elle exploite.
Dès lors, c’est à juste titre que la société demanderesse se plaint de l’atteinte à ses droits.
Sur les faits reprochés à M. Julien B.
Il est constant que M. Julien B. a enregistré le nom de domaine “les-echos.fr”.
N’exploitant pas ce nom de domaine, il a utilisé la possibilité offerte par les sociétés Sedo de procéder au parking de ce nom de domaine.
La société Les Echos a découvert l’existence d’un site internet intitulé “les-echos.fr” sur lequel figurait les liens hypertextes suivants : “La Tribune.fr ; finance et bourses toutes les informations en ligne (…) Placements en bourse ; votre placement financier tout comparer ; activ trades courtage en ligne actions, options ; “bourse-LCI.fr CAC40 dow Jones, indices à valeurs”. Il est constant que ces liens hypertextes renvoient l’internaute à des sites directement concurrents de ceux exploités par la société demanderesse : “la Tribune” renvoyant au quotidien économique français, directement concurrent du journal Les Echos, et les autres liens hypertextes renvoyant à des sites relatifs à des activités boursières, en lien avec les sujets traités par le quotidien “Les Echos Le quotidien de l’économie”.
M. Julien B. soutient qu’il n’a pas vendu aux enchères le nom de domaine “les-echos.fr” et que si celui-ci a été mis aux enchères, c’est en raison du dispositif mis en place par la société Sedo qui subordonne le placement d’un nom de domaine inexploité sur le “parking” qu’elles mettent à disposition, à la vente aux enchères dudit nom.
M. B. établit par procès verbal d’huissier que l’utilisateur du dispositif mis en place par la société Sedo est contraint de procéder à la mise en vente du site.
Dès lors, le tribunal considère qu’en acceptant d’adhérer audit dispositif, M. B. a accepté que le nom de domaine dont il était titulaire soit offert à la vente. Il importe peu que la vente ne soit finalement pas intervenue.
La société Les Echos reproche en outre à M. B. d’avoir “en parfaite connaissance de cause placé sur le site internet attaché au nom de domaine “les-echos.fr” des liens hypertextes publicitaires à destination de sites internet exerçant une activité identique ou similaire à celle des signes distinctifs de la demanderesse.
La société Sedo soutient, au sujet de son modèle commercial “sedoparking” n’avoir aucune influence sur le choix des mots-clés publicitaires et, par conséquent, des annonces publicitaires apparaissant à l’écran, ceux-ci étant exclusivement sélectionnés par le propriétaire du nom de domaine.
M. B. a fait établir un constat d’huissier sur internet afin de démontrer le fonctionnement du site “sedo-parking”. Il en résulte que le site propose une option “optimisation proposition (de mots clés)” par laquelle la société Sedo propose à l’internaute désirant parquer un nom de domaine inexploité, des mots clés sensés “optimiser” le rendement du site parqué en générant des liens hypertextes pertinents, dans la mesure où ils sont en relation avec le nom du domaine parqué et susceptibles de procurer une rémunération à chaque connexion établie grâce auxdits liens pertinents. Les liens publicitaires apparaissent sur le site correspondant au nom de domaine parqué, dès lors que les mots clés sont associés audit nom de domaine.
Dans ces conditions, M. Julien B. en acceptant les mots clés proposés par la société Sedo qui ont généré les liens hypertextes publicitaires litigieux, a eu un rôle actif et a concouru à la réalisation du dommage subi par la société Les Echos.
Sur la responsabilité des sociétés Sedo
Aux termes de l’article 6-I-2 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique “les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits ou circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agit promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.”
La loi distingue entre les services hébergeurs, qui répondent à la définition précisée ci-dessus d’où il résulte que sera tenu comme tel, le prestataire technique qui assure le stockage de données, en vue de les mettre à la disposition du public, et le service éditeur, qui détermine les contenus mis à la disposition du public. Le critère de départage ainsi opéré réside dans la capacité d’action du service sur les contenus mis en ligne.
Sur la responsabilité de la société Sedo.com LLC
La société Sedo.com LLC indique qu’elle a un double rôle d’hébergeur de page web et de fournisseur de liens publicitaires de second degré et qu’elle doit être considérée dans ces deux qualités comme un prestataire au sens de la directive européenne commerce électronique.
Il résulte du constat de l’Agence pour la Protection des Programmes en date du 16 mars 2007, que la société Sedo LLC est titulaire des sites “sedo.com” “sedoparking.com”.
C’est à juste titre que la société Les Echos fait valoir que c’est à tort que la société Sedo.com de droit américain et dont le siège social est aux Etats Unis se prévaut de la qualité d’hébergeur tel que défini par la Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 . En effet, le considérant 58 de cette directive est rédigé de la manière suivante : “la présente directive ne doit pas s’appliquer aux services fournis par des prestataires établis dans un pays tiers.”
Il est constant que la société Sedo propose un service appelé “domain parking”. Ce service permet selon elle à un titulaire de nom de domaine, de créer un code source correspondant à une page internet, d’y placer un “feed” de liens publicitaires, de sauvegarder cette page sur un disque dur accessible par l’internet et de renvoyer ensuite le trafic des internautes vers cette page créée par lui et hébergée auprès de l’hébergeur. Quand elle héberge une telle page la société Sedo transmet en tant que fournisseur de liens publicitaires de second degré, les liens publicitaires qui apparaîtront sur cette page.
Le tribunal relève dans les conditions générales du contrat proposé par la société Sedo et accessible sur le site sedo.fr “que le participant n’est pas autorisé à modifier la page ou le code source sans accord préalable (de la société Sedo).” et que la société Sedo “(…) vers(e) au participant un pourcentage de tous les revenus générés par les domaines parqués ”.
Par ailleurs, il ressort du constat d’huissier établi le 11 mai 2007 à la demande de M. B. qu’il existe une fonction “optimisation” qui génère des mots clés faisant apparaître des liens publicitaires sur le nom du domaine “parqué”.
Dès lors, la société Sedo.com a un rôle actif dans la fourniture des liens hypertextes litigieux et sa responsabilité doit être engagée sur le fondement de l’article 1382 du code civil.
Sur le rôle de la société Sedo GmbH
La société Sedo GmbH soutient qu’elle se limite à offrir au public une simple prestation technique, permettant la vente en ligne de noms de domaine, sans toutefois qu’elle intervienne en qualité de vendeur ou d’intermédiaire technique.
Son rôle serait selon elle purement technique puisqu’elle n’interviendrait que comme plate-forme permettant aux internautes de se rencontrer pour acheter et vendre les noms de domaines.
Il est établi par le constat de l’Agence pour la Protection des Programmes en date du 16 mars 2007, que la société Sedo GmbH est titulaire du site “sedo.fr”. Elle apparaît dans les conditions générales figurant sur le site “sedo.fr” comme étant la société qui fixe les prix.
Il est relevé par la société demanderesse, et non contesté par les défenderesses, que la société Sedo est rémunérée pour chacune des transactions intervenues sur son site
La société Les Echos démontre le rôle actif de la société Sedo GmbH dans la vente aux enchères des noms de domaines : celle-ci s’effectue sur le site “sedo.fr”, sur lequel s’opère l’enregistrement des enchères du nom de domaine, la transmission de celles-ci au titulaire du nom de domaine, la conclusion de l’accord de transfert du nom de domaine ainsi que le paiement du prix du nom de domaine, lequel se fait par l’intermédiaire d’un “compte fiduciaire Sedo”, prix sur lesquels la société Sedo prélève une commission de 10%.
En agissant de la sorte la société Sedo GmbH agit comme un véritable courtier. La société Sedo GmbH propose d’ailleurs sur le site “sedo.fr” un service de courtage de nom de domaine. (Point 5 des conditions générales).
Par ailleurs, elle n’est pas un simple prestataire technique mais bien l’éditeur du site “sedo.fr” sur lequel s’effectue les transactions.
Dès lors, elle est co-responsable des atteintes aux droits commises sur le site dont elle est co-éditeur et pour lequel elle reçoit une rémunération. Il importe peu que le système étant automatisé elle ait eu ou non connaissance de la violation des droits commis grâce à son intervention.
Soumise au droit commun de la responsabilité, il appartient à la société Sedo de prendre toutes les précautions utiles afin d’empêcher qu’il soit porté atteinte aux droits des tiers lors des transactions opérées sur son site, afin d’empêcher les dérives constatées.
En outre, il ressort des conditions générales de vente figurant sur le site “sedo.fr” que “la société Sedo GhmB aide à “parquer” de façon lucrative les noms de domaine inutilisés. Si un internaute clique sur le lien publicitaire d’un nom de domaine “parqué”, ce clic génère un crédit-clic auprès de Sedo.“.
Dès lors, il apparaît que les développements relatifs au rôle de la société Sedo.com quant à l’aide à la fourniture de mots clés est également applicable à la société Sedo GmbH, qui malgré ses allégations, se présente bien vis à vis des tiers comme “co-responsable” avec la société Sedo.com de la gestion du site “sedoparking”.
Sur les questions préjudicielles
Les sociétés Sedo demandent au tribunal de poser deux questions préjudicielles à la Cour de Justice des Communautés Européennes :
Première question :
“Est-ce qu’une entreprise qui offre un service de “parking de domaine” et qui a vis-à-vis de son utilisateur le double rôle d’hébergeur de page web (avec, accessoirement, la mise à disposition des outils pour créer cette page internet) et de fournisseur de liens publicitaires du second degré (Sedo transmettant à l’intéressé – en provenance de Google – le feed, c’est-à-dire le flux d’informations avec des liens publicitaires correspondant au mot-clé déterminé par l’intéressé), doit être considérée, dans ces deux qualités comme un prestataire au sens de la directive 2000/31/CE, telle que transposée en droit français par la loi du 21 juin 2004, de sorte que lui soit applicable le régime favorable, aménageant la responsabilité des prestataires, prévu aux articles 14 et 12 de la directive 2000/31/CE”
Deuxième question :
“Est-ce qu’une entreprise qui offre un service de plate-forme qui a vis-à-vis de son utilisateur une double activité de mise à disposition d’un service de base de données en ligne, alimentée par les destinataires du service et, d’un moteur de recherche en ligne doit être considérée, dans ces deux qualités comme un prestataire au sens de la directive 2000/31/CE, telle que transposée en droit français par la loi du 21 juin 2004, de sorte que lui soit applicable le régime favorable, aménageant la responsabilité des prestataires, prévu à l’article 14 de la directive 2000/31/CE.”
Les questions posées ne concernent pas l’interprétation d’un acte pris par les Institutions de la Communauté mais, en fait ont pour objet d’analyser des éléments de fait qui relèvent des juridictions nationales.
Sans qu’il soit besoin de poser les questions préjudicielles, ci-dessus retranscrites, la réponse aux questions posées relevant d’une analyse de faits et non d’une question de principe, le tribunal relève qu’il résulte des éléments rappelés ci-dessus que la société Sedo GmbH n’est pas un simple prestataire technique au sens de la loi du 21 juin 2004 pour la “confiance dans l’économie numérique” mais bien le co-éditeur avec M. B. du site litigieux.
Dès lors, et pour les mêmes motifs que pour M. B., co-éditeur du site litigieux, le tribunal considère que la société Sedo GmbH a porté atteinte aux marques de renommée de la société Les Echos en application de l’article L713-5 du code de propriété intellectuelle sus rappelé. De la même manière la société Sedo.com, fournisseur des liens hypertextes litigieux a également porté atteinte à la marque de renommée de la société Les Echos. Ces deux sociétés ont pour les mêmes raisons porté atteinte à la dénomination sociale, au nom commercial, au titre du quotidien ainsi qu’aux noms de domaine dont est titulaire la société Les Echos.
Sur les noms de domaine, “lesechos.de”, “échos.com”, “echos.de”, “echos.co.uk”, “echos.eu”, “echos.com.uk”, “lesechos.be”, “echoes.biz”, “echoes.mobi”, “echoes.cn”, “echoes.com.cn”, “desechos.es”, “mesfinances.eu”, “mesfinances.biz”, “leséchos.com”, “les-echos.cn”, “lesechos.net.cn”, “les-echos.tel” et “lesechosdujour.info”
Les sociétés défenderesses soutiennent que les marques françaises ne sont protégées que sur le territoire français, que les atteintes à ces marques ayant lieu hors de France ne sont pas couvertes et que la plupart des noms de domaine énumérés ci-dessus ne visent pas la France ainsi que l’établissent leurs extensions “.co.uk”, “.de”, “com.mx”, “.cn”, “.com.cn”, “.be” et “.es”.
Il convient de noter que la société demanderesse reproche aux sociétés défenderesses d’avoir permis la vente aux enchères de ces noms de domaine sur le site “sedo.fr” rédigé en langue française et donc destiné au public français. Par ailleurs, le contenu de ces noms de domaine est rédigé en langue française.
Dès lors, il importe peu que les extensions de ces noms de domaine les rattachent à des pays étrangers dès lors qu’ils sont mis en vente sur un site français et font l’objet d’une exploitation au travers des sites internet dont le contenu est rédigé en langue française.
Les sociétés défenderesses soulignent que le nom de domaine “desechoes.es” constituerait la traduction espagnole du mot “déchet”.
La société Les Echos fait valoir, à juste titre puisqu’elle l’établit par la production de captures d’écran, qu’en fait les 19 juillet 2007 et 15 mai 2008 ce nom de domaine permettait l’accès à un site édité en français par les sociétés Sedo composé de liens hypertextes publicitaires en français notamment dans le domaine de la finance. Il en est de même des noms de domaine “echos.de” et “echos.eu”, “échos.com”, “echos.co.uk”, “echoes.biz” et “echoes.mobi”.
Sur les mesures réparatrices
Il convient de faire droit aux mesures d’interdiction, ainsi qu’il sera précisé au dispositif.
M. Julien B. est condamné à payer à la société Les Echos une somme de 5000 € en réparation du préjudice résultant du dépôt du nom de domaine contrefaisant.
En ce qui concerne les actes d’atteinte à la marque de renommée Les Echos, par la vente aux enchères et l’exploitation avec des liens commerciaux hypertextes du nom de domaine “les-echos.fr” le tribunal possède suffisamment d’éléments pour fixer le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société Les Echos à la somme de 10 000 € étant précisé que les sociétés Sedo Gmbh et Sedo.com et M. Julien B. seront tenues in solidum de cette condamnation.
En ce qui concerne les actes d’atteinte à la marque de renommée Les Echos, par la vente aux enchères et l’exploitation avec des liens commerciaux hypertextes des autres noms de domaine litigieux, ainsi que des actes de contrefaçon par reproduction de la marque “Mes finances”, le tribunal possède suffisamment d’éléments pour fixer le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société Les Echos à la somme de 50 000 € étant précisé que les sociétés Sedo Gmbh et Sedo.com seront tenues in solidum de cette condamnation.
A titre de complément de réparation, il y a lieu d’ordonner la publication du présent jugement selon des modalités précisées au dispositif.
Sur l’application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile
L’équité commande d’allouer à la société Les Echos la somme de 60 000 € au titre des frais irrépétibles qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, étant cependant précisé que compte tenu de l’équité et de la situation économique de M. B. celui-ci ne sera tenu à ladite somme qu’à hauteur de 5000 €.
Sur l’exécution provisoire
Il parait nécessaire en l’espèce et compatible avec la nature de l’affaire d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.
Sur les dépens
Les sociétés Sedo et M. B. qui succombent dans leurs prétentions doivent être condamnées aux entiers dépens.
DECISION
Le tribunal statuant contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition du jugement au greffe,
. Dit que M. Julien B. en réservant le nom de domaine “lesechos.fr” a porté atteinte à la marque notoire Les Echos ainsi qu’au titre éponyme, à la dénomination sociale à l’enseigne et aux noms de domaine dont la société Les Echos est titulaire,
. Dit que M. Julien B. et la société Sedo GmbH en offrant à la vente aux enchères le nom de domaine “les-echos.fr” sur le site “sedo.fr” ont porté atteinte à la marque de renommée Les Echos, ainsi qu’au titre éponyme, à la dénomination sociale à l’enseigne et aux noms de domaine dont la société Les Echos est titulaire ,
. Dit que M. Julien B. et la société Sedo.com la société Sedfo GmbH en exploitant le nom de domaine “les-echos.fr” en y plaçant des liens hypertextes destinés à faire de la publicité pour des sites offrant des prestations dans le domaine économique ont porté atteinte à la marque de renommée Les Echos ainsi qu’au titre éponyme, à la dénomination sociale à l’enseigne et aux noms de domaine dont la société Les Echos est titulaire ,
. Condamne M. Julien B. payer à la société Les Echos la somme de 5000 € en réparation du préjudice subi du fait du dépôt du nom de domaine portant atteinte à la marque de renommée Les Echos, ainsi qu’au titre éponyme, à la dénomination sociale à l’enseigne et aux noms de domaine dont la société Les Echos est titulaire ,
. Condamne in solidum M. Julien B. et les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLT à payer à la société Les Echos la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour l’atteinte à la marque de renommée Les Echos ainsi qu’au titre éponyme, à la dénomination sociale à l’enseigne et aux noms de domaine dont la société Les Echos est titulaire,
. Dit que les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC en proposant à la vente aux enchères et en plaçant des liens hypertextes publicitaires à destination de sites internet exerçant une activité identique ou similaire à celle rendue sous les signes distinctifs de la société Les Echos sur les sites internet attachés aux noms de domaines “les-echos.fr”, “lesechos.de”, “échos.com”,“echos.co.uk”, “echos.eu”, echoes.biz”, “echoes.mobi”, “desechos.es”, “lesechos.eu”, “echos.fr”, “leséchos.com”, “les-echos.cn”, “lesechos.net.cn” et “lesechosdujour.info” ont porté atteinte à sa marque notoire “les echos” ainsi qu’au titre éponyme, à la dénomination sociale à l’enseigne et aux noms de domaine dont la société Les Echos est titulaire ,
. Dit que les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLC en proposant à la ventes aux enchères et en plaçant des liens hypertextes publicitaires à destination de sites internet exerçant une activité identique ou similaire à celle rendue sous les signes distinctifs de la société Les Echos sur les sites internet “mesfiances.eu” et “mesfinances.biz » ont commis une contrefaçon par reproduction de la marque “Mes finances”
. Condamne in solidum les sociétés Sedo GmbH et Sedo.com LLT à payer à la société Les Echos la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour l’atteinte à la marque de renommée Les Echos par les noms de domaine sus-visés ainsi qu’au titre éponyme, à la dénomination sociale à l’enseigne et aux noms de domaine dont la société Les Echos est titulaire, ainsi que pour la contrefaçon par reproduction de la marque “Mes finances”,
. Interdit aux sociétés Sedo.com et Sedo gmbh de directement ou indirectement reproduire et d’utiliser de quelque manière et à quelque titre que ce soit, tous signes pouvant constituer une contrefaçon de la marque “Les Echos” et de la marque “Mes finances” ou créer un risque de confusion sous astreinte de 150 € par jour de retard, passé le délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision,
. Ordonne aux sociétés Sedo.com et Sedo GmbH de publier le dispositif du présent jugement, en français, en anglais et en allemand, en haut de la page d’accueil des sites dont elles sont titulaires, en police arial 16, pendant une durée de deux mois, passé le délai de 15 jours après la signification du présent jugement, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai,
. Autorise la publication du dispositif du présent jugement aux frais in solidum des sociétés Sedo.com et Sedo GmbH dans trois journaux au choix de la société Les Echos à hauteur de la somme de 10 000 € par insertion,
. Dit le tribunal se réserve la liquidation des astreintes,
. Condamne in solidum M. Julien B., d’une part, et les sociétés Sedo.com et Sedo GmbH d’autre part, à payer à la société Les Echos la somme de 60 000 € en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, M. Julien B. n’étant pour sa part tenu qu’à hauteur de 5000 €,
. Rejette les autres demandes,
. Ordonne l’exécution provisoire,
. Condamne in solidum M. B. et les sociétés Sedo aux entiers dépens, en ce compris le coût du constat de l’agence pour la protection des programmes avec distraction au profit de Maître Cyril Fabre, avocat, en application de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le tribunal : Mme Agnès Thaunat (vice président), Mmes Anne Chaply et Mélanie Bessaud (juges)
Avocats : Me Cyril Fabre, Me Angela Bruning, Me Christian Roth, Me Claire Jarlaud-Lang
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