Jurisprudence : Responsabilité
Tribunal d’instance de St Germain en Laye Jugement du 20 novembre 2008
Bruno C. / Florian B., France Télécom
responsabilité
FAITS ET PROCEDURE
Par actes des 14 et 15 mai 2008, Monsieur Bruno C. a assigné Monsieur Florian B. et la société France Télécom aux fins suivantes :
– dire et juger le message ”Bruno C., le meilleur candidat pour Houilles!!! » émis en période de campagne électorale pour les municipales cité et articulé dans le corps de l’assignation comme étant globalement diffamatoire à son encontre.
Ultra important : consulter ce lien où l’on parle de notre candidat.
http://pagesperso-orange.fr/joyeux-bio/index.htm
je suis affolé de lire ce genre de choses sur internet. Si M. C. est cette personne, il faut qu’il soit honnête avec les Ovillois. Je ne suis pas convaincu que F.Bayrou soit au courant que le nouveau parti démocrate comporte des membres au passé douteux. Il es encore temps de changer de candidat. J’espère que vous prendrez les bonnes décisions afin de montrer une image de changement aux ovillois qui soit digne du Modem.
Bien à vous signé : AJH
– dire et juger que ce message a été émis le 11 février 2008 à 20 h34 par Monsieur Florian B., colistier adverse inscrit sur la liste du Parti Socialiste et conseiller municipal à Houilles, sur son lieu de travail à Paris au sein de l’antenne « jeunesse” de la Mairie de Paris du 9ème arrondissement avec l’aide des moyens informatiques et internet fournis par son employeur et la Ligue de l’Enseignement.
– dire et juger le site anonyme http://pagesperso-orange.fr/joyeux-bio/ lié à ce message et hébergé par France Télécom comme étant diffamatoire, injurieux et calomnieux à son encontre et en ordonner la suppression immédiate à compter du prononcé du jugement à intervenir pour diffamation survenue par voie de presse électronique, fait prévu et sanctionné par les dispositions des articles 29 et suivants, notamment 32 et 35 de la loi du 29 juillet 1881.
– condamner in solidum Monsieur Florian B. et la société France Télécom à payer à Monsieur Bruno C. une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et familial subi, outre 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris les dépens de l’ordonnance présidentielle du 26 février 2008,
le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire.
Monsieur Bruno C. explique qu’il est polytechnicien, ingénieur et chercheur et que le 19 décembre 2007, il a reçu l’investiture du mouvement démocrate pour conduire une liste à l’occasion des élections municipales à Houilles. Le 11 février 2008 au soir, alors que la liste était sur le point d’être déposée en préfecture, un message électronique a été reçu sur la boîte aux lettres officielle modem.ovillois@free.fr, et sur celles des différents colistiers et sympathisants libellé comme dessus. Ce message émane de Monsieur Florian B. et le site internet anonyme auquel il renvoie est gravement diffamatoire et calomnieux à l’encontre de plusieurs personnes dont Monsieur Bruno C. Le message a été envoyé en copie cachée à un grand nombre de candidats colistiers de la liste qui était en train de se constituer. Le site ”http://pagesperso-orange.fr/joyeux-bio » est hébergé par France Télécom.
Par acte du 20 septembre 2008, Monsieur Bruno C. a fait connaître à Monsieur Florian B. la date de renvoi devant le tribunal.
Monsieur Florian B. conclut comme suit :
– nullité de l’assignation car il n’y a pas eu de la part du demandeur élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et car il n’est pas non plus justifié de la notification au ministère public,
– subsidiairement prescription car le message litigieux étant en date du 11 février 2008, la prescription était acquise au 11 mai 2008 et l’assignation est du 14 mai 2008,
– très subsidiairement:
* débouté en l’absence d’imputation d’un fait précis ou d’expression outrageante ou d’invective,
– encore plus subsidiairement constater qu’il y avait une campagne électorale à l’époque du message litigieux, que Monsieur Florian B. est de bonne foi et prudent dans l’expression en sorte que le message électronique ne revêt pas un caractère diffamatoire.
– reconventionnellement condamnation de Monsieur Bruno C. au paiement de la somme de 2000 € dommages-intérêts sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile outre 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
De son côté la société France Télécom conclut comme suit :
in limine litis
– incompétence du Tribunal d’instance pour juger une diffamation survenue par voie de presse électronique et dire que le tribunal de grande instance de Versailles est compétent. Le Tribunal d’instance n’est en effet compétent que pour juger des diffamations autrement que par voie de presse,
– constater que Monsieur C. n’a pas élu domicile à St Germain-en-Laye ainsi que l’exige les dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 et prononcer la nullité de l’exploit introductif d’instance,
– constater que le contenu du site accessible à l’adresse « http://pagesperso-orange.fr/joyeux-bio » a disposition public depuis au plus tôt le 11 février 2008, constater que l’assignation est du 15 mai 2008 et en conséquence dire que l’action est prescrite en application de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881.
– sur le fond
* débouté car France Télécom n’est pas l’éditeur du site litigieux que Monsieur Bruno C. n’a jamais notifié les faits litigieux à France Télécom et qu’il y a prise à application de la loi du 21 juin 2004 à cet égard
* reconventionnellement condamner Monsieur Bruno C. au paiement de la somme de 5000 € pour procédure abusive et celle de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, Monsieur Bruno C. reprend ses demandes initiales en ajoutant le point suivant :
– dire et juger par substitution de motifs à l’encontre de la société France Télécom que le site anonyme litigieux sus-indiqué lié au message et hébergé par cette société est insultant dénigrant injurieux et calomnieux à son encontre et caractérisé par l’intention de nuire,
– en ordonner la suppression immédiate à compter du prononcé du jugement à intervenir sur le fondement de l’article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
Monsieur Bruno C. rétorque essentiellement sur les exceptions de procédure, que le tribunal d’instance est bien compétent car l’activité de presse est spécialement déterminée par la loi ; que l’ordonnance du président du tribunal en date du 26 février 2008 est à l’évidence un acte d’instruction interruptif de prescription ; que sur le fondement de l’article 114 du code de procédure civile les défendeurs sont dans l’incapacité de prouver le grief ; sur le fond il vient dire que France Télécom a été à de très nombreuses reprises mise en demeure de ne pas héberger le site.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le Tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience ainsi qu’aux prétentions orales telles qu’elles sont rappelées ci-dessus.
DISCUSSION
Sur l’incompétence
Le Code de l’Organisation Judiciaire dans son article R221-15 créé par le décret n°2008-522 du 2 juin 2008 édicte que le Tribunal d’Instance connaît des actions civiles pour diffamation ou pour injures publiques ou non publiques, verbales ou écrites, autrement que par voie de la presse et des actions civiles pour violences légères.
Le Tribunal de céans est saisi d’un litige portant sur l’émission d’un message électronique renvoyant à la consultation d’un site internet.
L’émission de message sur un site internet constitue une communication audiovisuelle au sens de l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifié par la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 dite “pour la confiance dans l’économie numérique”.
Par suite le fait incriminé n’entre pas dans les prévisions de l’article précité du code de l’organisation judiciaire. Le Tribunal de céans est incompétent pour connaître de l’affaire qui relève du Tribunal de Grande Instance de Versailles.
DECISION
Statuant publiquement contradictoirement et sous réserve de contredit,
– Se déclare incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de Versailles à qui l’entier dossier sera transmis à l’expiration du délai pour former contredit, par les soins du greffe,
– Réserve les dépens.
Le tribunal : Mme Esarte (présidente)
Avocats : Me André Roulleaux Dugage, Me Salim Boureboune, Me Alexandre Limbour
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.