Jurisprudence : Marques
Tribunal de Grande Instance de Paris 3ème chambre, 3ème section Jugement du 29 octobre 2010
Free / Osmozis
contrefaçon - marque notoire - marques - méta tag - nom de domaine
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La société Free immatriculée le 18 février 1999 est un opérateur qui représente 25% des parts du marché français des communications électroniques et de télécommunications.
Elle est titulaire des droits relatifs à la marque verbale Free déposée le 25 octobre 1989 sous le n° 1 734 391 pour les produits et services suivants service téIématique, services de stockage, de réception et de diffusion de messages de la classe 38 et à la marque semi-figurative Free composée de la dénomination «Free», du dessin d’un bonhomme bondissant et du slogan « la liberté n’a pas de prix » déposée le 8 avril 1999 sous le n° 99 785 839 pour les produits et services suivants services de courriers électroniques et de diffusion d’informations par voie électronique notamment pour les réseaux de communication mondiale de type internet, communication par terminaux d’ordinateurs, communications télématiques et téléphoniques, télécommunications, transmission de messages et d’images assistées par ordinateur, messagerie électronique, information en matière de télécommunication des classes 9 et 38.
Elle est également titulaire du nom de domaine Free.fr.
La société Osmozis, créée le 8 décembre 2005, commercialise des bornes de communication sans fil utilisant une technologie Wifi, elle est titulaire du nom de domaine « Freewifi.fr » depuis le 4 novembre 2005.
Par lettre recommandée en date du 12 juin 2009, la société Free a mis en demeure la société Osmozis de renoncer à l’utilisation du nom de domaine « Freewifi.fr » et par courrier recommandé en date du 3 juillet 2009, la société Osmozis a fait connaître à la société Free son intention de ne pas renoncer à l’utilisation du nom de domaine «Freewifi.fr».
C’est dans ces conditions que la société Free a assigné, par acte du 31 juillet 2009 la société Osmozis devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon par reproduction et par imitation des marques Free pour désigner des services similaires, en responsabilité civile pour usurpation de la dénomination sociale et du nom commercial Free et pour atteinte au nom de domaine « Free.fr ».
Dans ses dernières conclusions récapitulatives du 19 mars 2010, la société Free demande au tribunal de :
– juger les demandes de la société Free recevables et bien fondées ;
– rejeter tous arguments contraires et éventuelles demandes reconventionnelles ;
– juger qu’en utilisant les signes « Free » et « Freewifi », notamment à titre de méta tag et de nom de domaine, la société Osmozis a commis des actes de contrefaçon des marques « Free» au sens des articles L.713-2 et L.713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
– juger que cette utilisation porte également atteinte aux droits antérieurs qu’a la société Free sur sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine au sens des articles 1382, voire 1383, du code civil ;
Subsidiairement,
– juger que cette utilisation constitue un usage préjudiciel et injustifié des marques renommées « Free », par application de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle ;
– ordonner le transfert à la société Free et, subsidiairement la radiation du nom de domaine « Freewifi.fr » le tout sous astreinte de 500 € par jour de retard ;
– interdire à la société Osmozis d’utiliser les signes « Free » et « Freewifi », de quelque manière que ce soit, seuls ou associés à quelque terme ou signe que ce soit, pour des activités identiques ou similaires, voire préjudiciables, aux produits, services et activités désignés et/ou exploités par la société Free sous ses signes antérieurs « Free », sous astreinte de 500 € par infraction constatée, laquelle commencera à courir quinze jours après la signification du jugement ;
– condamner la société Osmozis à payer à la société Free la somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire ;
– autoriser la société Free à publier le dispositif du jugement, en entier ou par extraits, dans trois publications papiers ou électroniques de son choix, aux frais de la société Osmozis, à concurrence d’une somme globale de 20 000 € hors taxes ;
– autoriser la publication du dispositif du jugement, en entier ou par extraits, en haut de la page d’accueil du site « osmozis.com », sous le titre « Publication Judiciaire » et en caractère arial de taille 14 et ce pendant une durée de trois mois, sous une astreinte de 500 € par jour de retard, laquelle commencera à courir quinze jours après la signification du jugement ;
– réserver la liquidation des astreintes à votre tribunal ;
– condamner la société Osmozis à payer à la société Free la somme de 10 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens ;
– assortir l’intégralité de la décision de l’exécution provisoire.
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que ses deux marques « Free » sont distinctives pour les services et produits visés à l’enregistrement dans la mesure où « Free » ne signifie pas « sans fil » dans le langage courant anglo-saxon, mais « libre» ou « sans » lorsqu’il est associé à un autre terme, sont massivement exploitées et bénéficient d’une très grande notoriété dont elle justifie par différents sondages et plusieurs décisions françaises ainsi que de I’Ohmi.
Elle considère que l’utilisation du signe « Free » à titre de méta tag dans le code source du site « osmozis.com » constitue la contrefaçon par reproduction et par imitation des marques Free et que le dépôt et l’utilisation du nom de domaine « « Freewifi.fr », reprend en toutes lettres la dénomination Free sans que l’adjonction du terme ce « Wifi » n’écarte la similarité des signes en cause.
Elle fait valoir que ses marques Free sont des marques de renommée et que leur imitation et reproduction, tant à titre de métal tag que de nom de domaine, sont préjudiciables à la société demanderesse car elles affaiblissent le pouvoir distinctif de ses marques, les banalisent, portent atteinte à leur valeur économique et entravent les possibilités de diversification de ses activités tout en risquant de tromper le public sur l’origine des services et sur l’existence d’un partenariat.
Ces actes d’imitation et de reproduction constituent une exploitation injustifiée de la marque « Free » au sens de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle.
Enfin, l’adoption et l’utilisation des signes « Free » et « Freewifi » constituent l’usurpation de la dénomination sociale et du nom commercial Free et portent atteinte au nom de domaine « Free.fr ».
Elle soutient qu’elle subit un préjudice lié à la dévalorisation des signes distinctifs utilisés par la société Free, à l’atteinte à la réputation et à la crédibilité commerciale de l’entreprise Free et lié à l’affaiblissement de l’efficacité des investissements publicitaires
Dans ses dernières conclusions récapitulatives du 18 juin 2010, la société Osmozis demande au tribunal de :
vu les articles L.711-2, L.713-1, L.713-3 et L.313-5 du code de la propriété intellectuelle,
vu les articles 1382 et 1383 du code civil,
vu la jurisprudence,
vu les pièces,
– dire que la marque Free n’est pas distinctive pour désigner des produits ou services liés à la technologie « Wifi » et que la marque, la dénomination sociale, et le nom commercial « Free » ne peuvent par conséquent être opposés à la société Osmozis,
– dire qu’il n’y a aucune identité, similarité ou concurrence entre les produits et les services fournis par la société Free, et ceux fournis par la société Osmozis,
– dire que la société Osmozis ne porte pas atteinte au principe de spécialité du signe « Free»,
– dire qu’il n’y a aucun risque de confusion dans l’esprit du public entre le signe Free et les termes « Free » et « Freewifi » tels qu’utilisés par la société Osmozis
– dire que la société Free n’apporte pas la preuve de la notoriété ou de la renommée du signe «Free»,
– dire que la société Free ne subit aucun préjudice,
– débouter par voie de conséquence la société Free de l’intégralité de ses demandes.
– condamner la société Free à verser à la société Osmozis la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et ce y compris les dépens.
La défenderesse prétend que le signe Free ne serait pas distinctif mais descriptif au sens de l’article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle car il signifierait « sans fil » dans le domaine des télécommunications. Dans le langage courant, le signe Free, anglicisme répandu utilisé pour désigner la qualité des appareils de communication non reliés, signifie « sans fil ».
Elle prétend qu’il n’y a aucune identité ou similarité entre les produits ou services de la société Free et ceux de la société Osmozis, la société Osmozis, contrairement à la société Free, ne fournit aucun accès à internet, mais elle paramètre et installe des antennes communicantes à destination des secteurs privés comme publics afin que ceux-ci puissent proposer un accès à internet.
Elle prétend que le principe de spécialité impose que la marque n’est protégée que pour les produits et services désignés lors de son enregistrement, or la société Osmozis n’utilise pas le terme « Free » pour désigner des produits ou services identiques ou similaires à ceux de la société Free, le méta tag « Free» n’est en effet nullement l’appellation d’un produit ou d’un service proposé par la société Osmozis, il est utilisé dans son sons technique et sert uniquement d’indication catégorielle pour les moteurs de recherche.
Elle soutient qu’elle n’utilise le nom de domaine « Freewifi.fr » que dans sa fonction distinctive pour désigner un site internet le signe « Free » n’est mentionné sur aucune page du site internet de la défenderesse.
Elle ajoute qu’il n’y a aucun risque de confusion dans l’esprit du public entre le signe « Free » et les termes « free » et « freewifi » tels qu’utilisés par la société Osmozis, le seul élément commun aux signes « Free » et « Freewifi » est le signe « Free » qui n’est pas distinctif mais purement descriptif.
Enfin, la défenderesse prétend que les activités commerciales exercées par les parties sont « antinomiques », alors qu’elle utilise les signes « Free » et « Freewifi » dans le cadre de la commercialisation et de la présentation de ses offres de télécommunications et de communications électroniques, sa clientèle est constituée de personnes qui ne peuvent pas se connecter à internet car elles n’ont pas accès aux fournisseurs d’accès à internet, tels que la société Free.
Elle conteste la notoriété de la marque « Free » et prétend que le signe « Free» n’étant pas distinctif, il ne saurait être dévalorisé lorsqu’il désigne des caractéristiques de produits servant à des communications sans fil. En outre la société Osmozis n’utilise pas les signes « Free » et « Freewifi » pour désigner ses produits et services mais uniquement pour désigner les caractères techniques de ces derniers.
Elle fait valoir que la demande de transfert ou de radiation du nom de domaine employé par la défenderesse depuis 4 ans, ainsi que le caractère exorbitant des dommages intérêts dont elle sollicite le versement traduisent sa volonté de lui nuire tandis qu’elle s’apprête, comme elle l’indiquait sur son site peu avant l’envoi de sa mise en demeure, à se lancer sur le marché où exerce la demanderesse, qui constitue aujourd’hui pour la société Free un concurrent gênant.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2010.
DISCUSSION
Sur la distinctivité des marques Free
La défenderesse prétend que le signe Free ne serait pas distinctif mais descriptif au sens de l’article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle au motif que c’est un anglicisme répandu dans le langage courant signifiant « sans fil » et utilisé pour désigner la qualité des appareils de communication non reliés.
La demanderesse réplique en soutenant que Free ne signifie pas « sans fil » dans le langage courant anglo-saxon, mais « libre » ou « sans » lorsqu’il est associé à un autre terme et le public français, quant à lui, identifie clairement l’opérateur mobile Free.
Il est constant que la validité de la marque s’apprécie au jour de son dépôt.
En l’espèce, les deux marques Free opposées par la demanderesse dans le cadre du litige sont l’une verbale composée du seul mot Free déposée en 1989 et l’autre semi-figurative composée de la dénomination « Free », du dessin d’un bonhomme bondissant et du slogan « la liberté n’a pas de prix » déposée en 1999.
Pour apprécier la validité de la marque déposée en 1989, il convient de se référer à la loi du 31 décembre 1964 en vigueur au jour du dépôt. En vertu de l’article 3 de ladite loi. “(..) ne peuvent (…) être considérées comme marques : celles qui sont constituées exclusivement de la “désignation nécessaire ou générique” du produit ou du service (…); celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou la composition du produit.”
Pour la marque déposée en 1999, aux termes de l’article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle, « le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produis ou services désignés.
Sont dépourvus du caractère distinctif :
a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;
b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service ; (…) »
En vertu de l’article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n‘est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L.711-4.
S’agissant de la marque semi-figurative, dans la mesure où elle est composée d’éléments verbaux : “Free” et le slogan ”la liberté n’a pas de prix” associés à un dessin qui en font un signe complexe, elle est nécessairement distinctive pour les produits et services visés, quelque soit le sens de Free.
Concernant la marque verbale Free, il apparaît à la lecture des pièces que le mot Free est un anglicisme perçu par le public français comme signifiant “libre” ou “sans” lorsqu’il est associé à un autre terme, mais qu’il n’a jamais été utilisé dans la langue française pour désigner un bien ou une qualité, particulièrement au moment du dépôt de la marque verbale en 1989.
Ainsi, la défenderesse ne produit aucune pièce de nature à établir qu’au moment du dépôt de cette marque, le signe Free soit dans le langage courant ou professionnel, exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle des produits ou services suivants : service télématique, services de stockage, de réception et de diffusion de messages soit pouvait servir à désigner une caractéristique de ces produits ou services, et notamment leur qualité.
En conséquence, elle sera déboutée de sa demande de nullité des marques de la demanderesse.
Sur la contrefaçon alléguée des marques « Free » au sens des articles L.713-2 et L.713-3 du code de la propriété intellectuelle par l’utilisation de « Free » à titre de méta tag et «Freewifi» à titre de nom de domaine
L’article 713-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose :
“Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s‘il peut en résulter un risque de confusion dans l‘esprit du public :
b) l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l‘enregistrement”.
La contrefaçon d’une marque au sens des articles L.713-2 et L.713-3 du code de la propriété intellectuelle suppose la reproduction ou l’imitation du signe protégé par un autre signe utilisé à titre de marque dont la fonction essentielle est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine des produits ou services marqués en lui permettant de distinguer ces produits ou services de ceux qui ont une autre provenance.
En l’espèce, la demanderesse reproche à la défenderesse une reproduction ou à tout le moins une imitation du signe Free à titre de méta tag dans les codes sources du site osmozis.com.
Or, les méta tags sont des informations situées au sein d’un document et utilisées par les moteurs de recherche lors du référencement de la page web, ce sont donc des balises non affichées donc non visibles par les internautes, qui permettent d’avoir des informations, à aucun moment, elles ne peuvent remplir la fonction de marque qui doit être perceptible par le public à qui elle s’adresse pour garantir l’origine d’un produit, en conséquence, l’usage à titre de méta tag d’un signe ne peut constituer une contrefaçon de marque au sens des articles L.713-2 et L.713-3 code de la propriété intellectuelle.
La demanderesse reproche également à la défenderesse des actes de contrefaçon de marque constitués par son nom de domaine Freewifi.fr.
Cependant, là encore, la simple utilisation d’un signe dans un nom de domaine ne peut en soi constituer une contrefaçon de marque dès lors que la fonction même de marque n’est pas remplie, or, il apparaît qu’en l’espèce, le nom de domaine litigieux est utilisé en tant que chemin d’accès technique au site de la société Osmozis et n’est jamais repris sur le site lui-même, qu’il ne peut dans ces conditions remplir la fonction de marque.
La demanderesse sera donc déboutée de ses demandes de condamnation pour contrefaçon de ses marques Free.
Sur l’atteinte à la marque de renommée par application de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle
La demanderesse soutient, à titre subsidiaire que l’utilisation de Free à titre de méta tags et Freewifi en tant que nom de domaine par la défenderesse porte atteinte à ses marques de renommée Free.
Sur la renommée de (ou des) marque(s) Free
L’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que :
L’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.
Cet article est la transposition de l’article 5-2 de la directive du 21 décembre 1988 qui prévoit que : tout état membre peur également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’état membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de leur renommée de la marque ou leur porte préjudice.
Une marque de renommée doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par cette marque.
La demanderesse fait valoir qu’elle a 3 778 000 de foyers abonnés à ses offres haut débit ce qui représente un nombre total d’utilisateurs supérieur du fait de la présence de plusieurs personnes par foyer. Elle justifie également de 4 920 602 comptes de messagerie ouverts chez elle qui ont nécessairement une adresse de contact internet intégrant le signe Free et de plus de 15 millions de personnes qui consultent le portail Free.fr par mois selon les mesures effectuées par la société Mediametrie-Netrating.
Elle justifie également d’importants investissements publicitaires et de nombreux articles de presse la concernant.
Enfin, elle produit des sondages desquels il ressort que la marque Free est notoirement connue par le public concerné.
L’ensemble de ces pièces établit la renommée de la marque verbale Free.
S’agissant de la marque semi-figurative, aucune pièce produite n’établit qu’elle soit notoirement connue.
Sur l’atteinte à la marque de renommée
Pour apprécier l’atteinte à la marque de renommée, il convient de rechercher si le public peut établir un lien entre les signes en présence, ce lien devant être apprécié globalement, pour cela il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce : degré de similitude des signes, des produits et services visés, intensité de la renommée, degré de caractère distinctif et risque de confusion dans l’esprit du public.
En l’espèce, de même qu’il ne constitue pas une contrefaçon de marque ou un acte de concurrence déloyale, l’usage de Free à titre de méta tags ne peut constituer une atteinte à la marque de renommée, puisqu’il ne s’agit pas d’un signe perceptible par le public, n’est pas attaché à des produits ou services et qu’aucun risque de confusion n’est possible, ainsi, il n’est pas de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque, en outre en l’espèce, l’emploi du terme Free constitue une exploitation justifiée par des considérations techniques.
Au contraire, le nom de domaine Freewifi.fr ne peut constituer une exploitation justifiée par des considérations techniques.
Il reproduit le signe Free qui est l’élément dominant, le terme wifi n’étant pas distinctif dans le domaine de la technologie sans fil, domaine commun aux deux parties, les produits et services visés : services télématiques, services de stockage, de réception et de diffusion de messages sont identiques puisque la société Osmozis a une activité d’opérateur en télécommunications et télécommunications électroniques. Le risque de confusion dans l’esprit du public est certain, compte tenu du fort degré de distinctivité et de renommée de la marque Free, pour l’ensemble de ces éléments, le public ne peut qu’établir un lien entre les signes en présence.
En conséquence, le choix de Freewifi pour nom de domaine par la défenderesse porte nécessairement atteinte à la marque de renommée qu’est la marque Free.
Sur l’atteinte aux droits antérieurs qu’a la société Free sur sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine au sens des articles 1382 et 1383 du code civil
La demanderesse soutient également que le fait d’utiliser Free comme méta tags et « freewifi.fr” pour nom de domaine porte atteinte à sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine tous constitués par le terme Free.
La défenderesse soutient qu’aucun risque de confusion n’est possible au motif que les services proposés sont distincts et que les clientèles sont elles aussi différentes. Elle fait valoir que, contrairement à la société Free, elle ne fournit aucun accès à internet, mais paramètre et installe des antennes communicantes à destination des acteurs privés comme publics afin que ceux-ci puissent proposer un accès à internet et que sa clientèle, contrairement à celle de Free est constituée de personnes qui ne peuvent pas se connecter à internet car elles n’ont pas accès aux fournisseurs d’accès à internet, tels que la société Free.
Il résulte des pièces versées aux débats que si la marque Free est parfaitement distinctive en ce sens que le terme Free n’était pas descriptif des services pour lesquels elle est enregistrée au moment du dépôt il n’en reste pas moins que le terme Free du fait de son sens littéral et de l’utilisation de nombreux anglicismes dans le domaine de la technologie sans fil est aujourd’hui utilisé à des fins techniques et dès lors qu’il est utilisé dans son sens littéral, la société Free ne peut revendiquer un monopole sur ce terme et interdire à tout professionnel dans ce domaine d’utiliser ce terme dès lors qu’il ne le fait pas à titre de marque ou dans le but de créer un risque de confusion.
Ainsi, s’agissant de l’utilisation des méta tags Free, il ne s’agit pas d’une exploitation dans le cadre d’une activité commerciale mais d’une utilisation justifiée par des nécessités techniques afin de permettre un référencement catégoriel pour les moteurs de recherche.
En conséquence, il n’y a pas de faute constitutive de concurrence déloyale à utiliser le terme Free dans des méta tags.
S’agissant du nom de domaine “Freewifi.fr”, le choix n’est pas dans ce cas anodin et ne peut être justifié par des considérations techniques, la société Osmozis pouvait parfaitement choisir un autre nom de domaine, le choix de Freewifi entraîne nécessairement un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle qui est amené à associer ce site à l’activité de Free, d’autant plus qu’il est associé à Wifi qui renvoie nécessairement à la technologie sans fil domaine d’activité de la société Free.
Il en résulte que par ce choix, la société Osmozis s’est volontairement placée dans le sillage de la société Free afin de récupérer sa clientèle.
Ces faits portent nécessairement atteinte au nom de domaine, au nom commercial et à la dénomination sociale de la demanderesse, tous constitués du signe Free.
Sur les mesures réparatrices
La demanderesse sollicite la condamnation à lui verser la somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi notamment pour la dévalorisation de ses signes, l’atteinte à sa réputation et à sa crédibilité commerciale et l’affaiblissement de ses investissements publicitaires.
Cependant, elle ne produit pas de pièce comptable permettant de justifier cette somme. Le tribunal, à partir des seuls éléments produits, évaluera le préjudice subi à la somme de 15 000 €.
La société Free est également bien fondée à solliciter le transfert du nom de domaine Freewifi.fr à son profit, sous astreinte dont les modalités sont fixées au dispositif et pour lesquelles le tribunal se réserve la liquidation.
Le préjudice est suffisamment réparé par l’allocation de dommages et intérêts et le transfert du nom de domaine, il ne sera donc pas fait droit à la demande de la société Free de publication du jugement.
Dès lors que le terme Free a un sens littéral utilisé dans le domaine de la technologie sans fil, il ne sera pas fait droit à la demande d’interdiction d’utiliser ce terme Free seul ou associé à un autre terme.
Sur les autres demandes
Il y a lieu de condamner la société Osmozis, partie perdante, aux dépens.
En outre, elle doit être condamnée à verser à la société Free, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 10 000 €.
Les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire.
DECISION
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
– Dit que le nom de domaine Free wifi dont est titulaire la société Osmozis est constitutif de concurrence déloyale et porte atteinte à la marque de renommée Free ainsi qu’au nom de domaine, au nom commercial et à la dénomination sociale Free ;
– Ordonne le transfert du nom de domaine Freewifi.fr à la société Free sous astreinte de 150 € par jour de retard un mois à compter de la signification de la présente décision, l’astreinte cessera de courir à l’expiration d’un délai de 4 mois ;
– Se réserve la liquidation de l’astreinte ;
– Condamne la société Osmozis à verser la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;
– Déboute la société Free de ses autres demandes ;
– Condamne la société Osmozis à payer à la société Free la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– La condamne aux dépens ;
– Ordonne l’exécution provisoire.
Le tribunal : Mme Agnès Thaunat (vice président), Mmes Anne Chaply et Mélanie Bessaud (juges)
Avocats : Me Yves Coursin, Me Arnaud Dimeglio
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