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Jurisprudence : Responsabilité

lundi 24 janvier 2011
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Cour d’appel de Bordeaux 5ème chambre civile Arrêt du 19 janvier 2011

Belles demeures / Des milles Etangs, Thibault T.

autorisation - défaut - éditeur - hébergeur - notification - photo - responsabilité

FAITS ET PROCEDURE

M. T. qui déclare publier les photos dont il est l’auteur sous le pseudonyme Pintail 17, expose ses réalisations sur le site internet Natuxo.com où elles disposent selon les conditions générales du contrat qu’il a signé d’une protection : « en déposant ces photographies vous certifiez à Natuxo en être l‘auteur… Natuxo s‘engage à reproduire les photographies avec la mention du nom de son auteur ».

Au mois de novembre 2008, M. T. indique avoir découvert que les sites Belles demeures.com et Agence des mille étangs, tous deux professionnels de l’immobilier utilisaient sans son autorisation la reproduction de ses œuvres.

Il dit avoir mis en demeure l’exploitant de ce site Belles demeures.com par courriel du 7 novembre 2008 de cesser d’utiliser ses photos à des fins commerciales. En l’absence de toute réponse il a fait dresser le 17 novembre 2008 par huissier un procès verbal de constat.

Par acte du 10 avril 2009, M. T. a fait assigner devant le Juge des référé du Tribunal de grande instance de Bordeaux la société Des mille étangs et la société Belles demeures pour qu’elles soient condamnées in solidum à supprimer les photos en cause des sites et ce sous astreinte et pour obtenir le paiement de la somme de 8000 € à titre de provision.

Les défenderesses se sont opposées à ces demandes.

Par une ordonnance en date du 29 juin 2009, le Président du Tribunal de grande instance de Bordeaux après avoir constaté que les photos avaient été retirées des sites depuis le 30 avril 2009 a condamné in solidum l’Agence des mille étangs et la société Belles demeures à payer à M. T. la somme de 1500 € à valoir sur son préjudice moral.

Le 13 juillet 2009, la société Belles demeures a relevé appel de cette décision.

Elle a conclu pour la dernière fois le 9 novembre 2010. Elle soutient qu’elle est hébergeur au sens de la loi du 21 juin 2004 et non éditeur. De ce fait, il convient d’appliquer l’article 6 de cette loi au mail que lui a adressé M. T., mail qui ne répond pas aux exigences de ce texte et qui a sans doute était traité par ces systèmes comme un simple spam. Au fond elle conteste l’existence des droits de M. T. sur ces photos, celui-ci ne démontrant pas qu’il est “pintail 17″. Elle soutient l’absence d’originalité de ces photographies ainsi que toute urgence. Elle ajoute que pour une photo émanant d’un simple amateur la somme de 1500 € allouée à titre de provision est beaucoup trop importante. Elle demande d’être relevée indemne par la société Mille étangs. Elle sollicite 6000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et indique qu’en tout état de cause ce n’est qu’une somme de 75 € par photos qui pourrait être accordée à M. T.

La société Des mille étangs a conclu et formé un appel incident le 15 avril 2010. Elle conteste la qualité d’auteur des photos de M. T. Elle ajoute qu’en cas d’utilisation d’un pseudonyme, l’auteur doit être représenté en justice par le publicateur originaire ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Elle soutient que les photos en cause sont dépourvues de toute originalité et conteste le montant de la provision allouée. Elle indique n’avoir reçu aucune mise en garde. Elle offre à titre subsidiaire 75 € par photos mais demande à titre principal que l’ordonnance déférée soit réformée. Elle désire 3000 € pour ses frais irrépétibles.

La société Des mille étangs a de nouveau conclu « récapitulativement » le 22 novembre 2010.

M. T. a conclu le 29 octobre 2010. Il soutient qu’il a bien la qualité d’auteur des photos objet du litige et que celles-ci font preuve d’originalité. Il avance que les sociétés appelantes ont la qualité d’éditeur et non celle d’hébergeur et que la mise en demeure qu’il a adressée à la société Belles demeures était valable. Il soutient que son action en référé est fondée et que c’est à bon droit que le premier juge lui a accordé à titre de provision la somme de 1500 €. A titre subsidiaire, il sollicite que seule la société Mille étangs soit tenue de lui verser cette somme. Il désire 3000 € pour ses frais irrépétibles.

Comme les parties en avaient été informées le 3 juin 2010, l’ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2010.

La société Des Mille étang a sollicité ce même jour que l’ordonnance de clôture soit reportée au jour des plaidoiries.

Le 18 novembre 2010, la société Belles demeures ne s’est pas opposée à ce report.

Le 22 novembre 2010, M. T. s’est opposé à tout report. En l’absence de cause grave survenue après l’ordonnance de clôture, la Cour n’a pas révoqué cette dernière.

Il convient d’écarter des débats les conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture

DISCUSSION

Les deux sociétés au litige ayant la qualité revendiquée d’agence immobilière et la société Des mille étangs ayant passé à la première un ordre pour que soit inséré sur son site Belles demeures une page à son nom contenant diverses annonces assorties de photos et de commentaires, il en résulte que la société Belles demeures a la qualité d’hébergeur et non celle d’éditeur.

Comme M. T. l’a fait en utilisant son pseudonyme, il convenait donc que soit adressée à cet hébergeur une mise en demeure qui corresponde aux obligations posées par l’article 6-5 de la loi du 21 juin 2004 : date de la notification, nom, prénom, profession domicile, nationalité, date et lieu de naissance si le notifiant est une personne physique, dénomination et siège social du destinataire si il s’agit d’une personne morale, description des faits litigieux et localisation précise, motif pour lequel le contenu doit être retiré avec la mention des dispositions légales et justifications des faits, copie de la correspondance adressée à l’auteur des informations litigieuses demandant leur retrait ou justificatif que ce que l’auteur n’a pu être contacté.

Le mail que M. T. indique avoir envoyé le 7 novembre 2008 ne correspond quasiment à aucune de ces obligations. Les seules obligations auxquelles il semble répondre se trouvent au milieu du texte mélangé à ce qui semble être du langage machine.

A supposer que ce mail ait pu franchir les différentes sécurités du site destinataire, il ne peut être retenu que la personne ayant eu ce document entre ces mains ait constaté qu’il puisse s’agir d’une demande de retrait.

Le seul moment où les appelantes ont eu connaissance de cette demande de retrait est lors de la délivrance de l’assignation introductive d’instance et il n’est pas contesté qu’après cette date les photos en cause ont disparu du site de l’hébergeur.

De même il n’est pas démontré ni même soutenu qu’avant d’adresser son mail, M. T. ait tenté de joindre la société Mille étangs pour lui demander le retrait de ses photos de son site.

Ainsi en l’absence de toute démonstration d’une quelconque information apportée à l’hébergeur du site ou à l’auteur de celui-ci avant que l’assignation devant le juge des référés ne soit délivrée, il convient de constater que les textes n’ont pas été respectés et en conséquence la décision déférée doit être réformée dans toutes ses dispositions et M. T. doit être déboutée de ses demandes.

Il est équitable au regard des circonstances de fait de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

DECISION

La cour :

. Ecarte des débats les conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture,

. Réforme la décision déférée dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau

. Déboute M. T. de l’ensemble de ses demandes,

. Dit qu’il n’y a lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

. Dit que M. T. supportera les dépens de première instance et d’appel application étant faite des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La cour : M. Robert Miori (président), M. Bernard Ors et Mme Béatrice Sallaberry (conseillers)

Avocats : Me Alexandre Diehl, Me Jean Guy Ruffray, Me Xavier Delavallade

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.