Jurisprudence : Droit d'auteur
Cour de cassation Chambre criminelle Arrêt du 11 janvier 2011
Galatée films et autres / Aol France et autres
complicité - contrefaçon - délit - droit d'auteur - p2p - publicité - responsabilité - site internet
Statuant sur les pourvois formés par :
– La société Galatée films,
– La société Pathé production,
– La Fédération nationale des distributeurs de films,
– M. Christophe B.,
– L’Association des producteurs indépendants,
– L’Association des producteurs de cinéma, anciennement dénommée Chambre syndicale des producteurs de films, parties civiles,
contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 13e chambre, en date du 25 mars 2009, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de la société Aol France et de M. Carlo d’A. B., de la société SFR, venant aux droits de la société Neuf Cegetel et de M. Jacques V., de la société Free, venant aux droits de la société Telecom Italia France, et de M. Ricardo D. A., de la société Voyages-Sncf.com et de M. Guillaume P. du chef de complicité de contrefaçons ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
DISCUSSION
Sur le pourvoi de la Fédération nationale des distributeurs de films
Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;
Sur les autres pourvois
Vu le mémoire commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a renvoyé des fins de la poursuite pour complicité de contrefaçon, les sociétés Neuf Telecom, Telecom Italia France, Aol France et Voyages-Sncf.com ainsi que leurs dirigeants respectifs, MM. V., D. A., D’A. B. et P., et a débouté l’ensemble des parties civiles de leurs demandes ;
“aux motifs propres que l’article 121-7 du code pénal sanctionne une complicité intentionnelle ; qu’il convient donc de déterminer si les annonceurs poursuivis ont volontairement diffusé ou non leurs publicités sur des sites ayant trait au « peer to peer » ; que la cour observe que les parties civiles ont entendu poursuivre les annonceurs et non les FAI, ainsi qu’il a été clairement précisé à l’audience de la cour ; que les prévenus contestent avec force les accusations portées à leurs encontre par les parties civiles et toute intention de favoriser des sites « peer to peer » ; que la cour relève à cet égard les points suivants :
– que les prévenus “restant en procédure » ne sont aucunement des professionnels de la publicité sur internet, contrairement aux affirmations des parties civiles, et ont dû, bien au contraire, faire appel à des régies publicitaires qui, elles-mêmes, ont eu recours à des sous-traitants,
– que la société Voyages-Sncf.com a, ainsi, mandaté l’Agence média pour l’achat d’espace sur internet et cette agence a contracté avec des régies publicitaires ; que la société Voyages-Sncf.com affirme, sans pouvoir être contredite, qu’à aucun moment les sites www.bittorent.com et www.isohunt.com ne sont apparus dans les plans médias proposés, et qu’elle n’a pas effectué le moindre règlement à destination desdits sites,
– que la société Aol France avait donné des instructions précises à M. C., son mandataire d’achat d’espaces publicitaires, afin que ces bannières ne figurent jamais sur des sites ayant trait au “peer to peer” ; que Aol France rappelle qu’elle a toujours fait valoir que sa bannière publicitaire avait fait l’objet d’un détournement,
– que la société Neuf Cegetel a contracté avec la régie publicitaire Cydoor qui disposait d’une liberté totale quant aux éventuels achats d’espaces et des bouquets de sites supports et, plus généralement quant aux modalités de diffusion,
– que la société Telecom Italia, en tant qu’annonceur, a confié à la société Mediatop, agence de publicité, la mission d’achats d’espaces publicitaires ; que la société Telecom Italia n’a fourni aucune rémunération aux sites litigieux, qui ne faisaient pas partie de son plan média ; que la cour relève qu’une agence média qui fait appel à une régie multi supports achète “un volume d’espace” sur des dizaines ou des centaines de sites constituant un bouquet mais que l’annonceur n’est jamais informé de la liste des sites sur lesquels ses publicités apparaissent ; qu’au surplus, il ne peut être exclu l’usage d’un logiciel “adware” qui permet l’affichage des messages publicitaires et de manière aléatoire et automatique en fonction du profil de l’internaute connecté, sans intervention ni, a fortiori, volonté humaine et indépendamment du site sur lequel ils apparaissent ; que la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite “loi Sapin”, invoquée par les parties civiles, qui a pour objectif de garantir l’annonceur de la parfaite transparence des transactions, ne permet pas, pour autant d’affirmer qu’une aide ou assistance a été apportée par les prévenus en connaissance de cause ; que cette loi, en effet, ne crée en rien une quelconque présomption de mauvaise foi et ne permet d’ailleurs qu’un contrôle a posteriori ; qu’au demeurant, l’hypothèse d’un “détournement de bannière” ne peut aucunement être exclue ; qu’aucune participation personnelle et active dans la commission du délit reproché n’a été démontrée à l’encontre des dirigeants des sociétés poursuivies ;
“et aux motifs adoptés des premiers juges, que les annonceurs cités devant le tribunal de céans font un usage massif, voire exclusif en ce qui concerne Voyages-Sncf.com, de la publicité sur internet ; que leur expérience et leur importance économique impliquent qu’il serait surprenant qu’ils ignorassent tout de leur présence sur des sites de téléchargement illégal ; qu’il est tout aussi difficilement crédible de considérer que les agences médias reconnues dans leur domaine aient pu outrepasser les termes des contrats les liant à des clients si importants sans obtenir leur accord ; qu’il est enfin plausible que ces annonceurs aient toléré leur présence sur ces sites qui attirent plusieurs millions d’internautes chaque jour et qui constituent des supports publicitaires particulièrement attractifs ; que, cependant, force est de constater que ces déductions ne reposent que sur des vraisemblances et des hypothèses ; qu’il n’existe pas légalement pour ce type d’incrimination d’obligation de vigilance renforcée ou de présomption légale de mauvaise foi ; que l’élément intentionnel doit être prouvé pour que le délit de complicité soit constitué ;
“1) alors qu’en matière de complicité, la preuve de l’élément intentionnel requis, si elle ne saurait être présumée, peut se déduire des circonstances de fait qui ont entouré la commission de l’infraction ; qu’en l’espèce, la cour qui, nonobstant le caractère notoirement connu des actes généralisés et systématiques de contrefaçon perpétués sur des sites d’échange ”peer to peer” dont l’identité est tout aussi notoire, a, tout en reconnaissant qu’il n’était guère crédible, que les sociétés poursuivies parfaitement au fait de la communication via internet, aient pu ignorer ce phénomène et la présence de leurs annonces publicitaires sur ces sites, décidé du contraire sans autrement s’en expliquer, n’a pas en l’état de ces motifs entachés tout autant d’insuffisance et de contradiction, légalement justifié sa décision de relaxe ;
“2) alors que les dispositions de la loi du 29 janvier 1993, dite “loi Sapin” dont l’inobservation est constitutive d’infraction pénale, en ce qu’elles obligent l’intermédiaire à fournir à l’annonceur des informations détaillées sur la prestation fournie et à lui adresser la copie des factures, ont pour conséquence de permettre à l’annonceur d’être très précisément avisé de l’identité des supports à partir desquels sont diffusés ses messages publicitaires et par là même, en l’espèce, à établir la connaissance chez les sociétés poursuivies et leurs dirigeants de la diffusion sur des sites se livrant au téléchargement illégal de leurs messages publicitaires ; qu’en écartant ainsi les conséquences de l’application de ces dispositions légales, dont il n’était pas allégué qu’elles n’aient pas été respectées dans le cadre des relations contractuelles entre les sociétés poursuivies et leurs intermédiaires, au motif inopérant que ladite loi ne créait pas de présomption de mauvaise foi, et ce, sans relever le moindre élément de fait tiré notamment de l’analyse des documents contractuels établissant que les sociétés en cause n’auraient effectivement pas été informées de l’identité des sites diffusant leurs annonces, la cour a là encore entaché sa décision tout autant d’insuffisance que de défaut de réponse” ;
“3) alors que la cour ne pouvait retenir l’absence de connaissance chez les sociétés poursuivies et leurs dirigeants de l’identité des sites, sans répondre à l’argumentation péremptoire des parties civiles exposant que, l’analyse faite par les annonceurs de l’impact de ces campagnes publicitaires via internet, représentant au demeurant une dépense importante, impliquait nécessairement la connaissance de la provenance des différentes connexions sur leur propres sites, notamment à partir des liens hypertextes, et donc celles des sites où figuraient leurs messages publicitaires, circonstance exclusive de l’ignorance alléguée sur ce point par les prévenues ;
“4) alors que des considérations hypothétiques tenant à l’éventualité de l’utilisation d’un logiciel “adware” permettant l’affichage de messages publicitaires de manière aléatoire et automatique en fonction du profil de l’internaute connecté, sans intervention humaine et indépendamment du site sur lequel ils apparaissent, ou encore à ce que ne peut être exclue l’hypothèse d’un détournement de bannière, ne sauraient davantage justifier la décision de la cour retenant la bonne foi des sociétés en cause et de leurs dirigeants” ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n’était pas rapportée à la charge des prévenus, en l’état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant les parties civiles de leurs prétentions ;
D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
DECISION
Par ces motifs,
. Rejette les pourvois ;
La Cour : M. Louvel (président), M. Le Corroller (conseiller rapporteur), M. Palisse (conseiller de la chambre)
Avocats : SCP Roger et Sevaux, SCP Hémery et Thomas-Raquin
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