Jurisprudence : E-commerce
Tribunal administratif de Toulouse Ordonnance de référé 09 mars 2011
MC²I / Centre national de la recherche scientifique
appel d'offres - e-commerce - fichier - signature électronique
FAITS ET PROCEDURE
Vu la requête, enregistrée le 21 février 2011, présentée pour la société MC²I, par Me Véret, la société MC²I demande au juge des référés, sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative :
– d’enjoindre le Centre national de la recherche scientifique de différer la signature du marché n°10.14.53 « Assistance à gestion de projet » jusqu’au terme de la présente instance ;
– d’ordonner la suspension de la passation dudit contrat et de toutes les décisions y afférant ;
– d’ordonner au Centre national de la recherche scientifique de produire à l’audience le procès-verbal de la commission d’appel d’offres ;
– d’enjoindre le Centre national de la recherche scientifique de reprendre la procédure au stade de la publicité préalable ;
– d’annuler toutes les décisions consécutives aux irrégularités entachant la procédure de publicité et de mise en concurrence, et notamment les décisions d’attribution du contrat et de rejet des offres éventuellement notifiées aux candidats ;
– de condamner le Centre national de la recherche scientifique à lui verser la somme de 5000 € sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
– que le Centre national de la recherche scientifique a rejeté son offre au motif que les documents n’étaient pas signés électroniquement ; qu’il ressort de l’article 1316-4 du code civil que la signature électronique revêt la même valeur que la signature manuscrite, que par suite, la signature manuscrite de son directeur général adjoint sur les documents de candidature bénéficie de la même valeur qu’une signature électronique, que la signature manuscrite du cahier des clauses particulières applicables au marché doit être considérée comme régulière ;
– que la signature d’un fichier zip atteste de l’intégrité de l’ensemble des documents qu’il contient ; qu’il ressort de l’article 11 du code des marchés publics que c’est la signature de l’acte d’engagement qui est la plus importante ; que celle-ci scelle l’accord de volonté du candidat ; qu’au cas d’espèce, l’acte d’engagement a été signé par son représentant ; que la plate-forme accepte les dossiers zip et que le règlement de consultation permet expressément une telle possibilité ; que ces circonstances sont de nature à opérer, chez un candidat, une confusion entre la signature électronique de chaque document et la signature électronique du fichier zippé ; qu’aucune disposition ne prévoit que la signature électronique d’un dossier en format zip n’équivaut pas à la signature électronique de chacun des documents que ce fichier contient ;
– que dès lors que le Centre national de la recherche scientifique considère que sa candidature ne comportait pas une signature électronique séparée sur chaque document, il devait conclure que la communication était incomplète au sens de l’article 52 du code des marchés publics ; qu’en application du même article, il aurait pu lui demander de régulariser son dossier ; que d’ailleurs, au cas d’absence de signature électronique des documents de la consultation, le guide pratique « dématérialisation des marchés publics » préconise qu’une telle demande de régularisation soit faite ; que le fait pour le Centre national de la recherche scientifique de ne pas lui avoir demandé de compléter son dossier dénote sa volonté de l’écarter de la consultation ; que le recours à l’envoi des candidatures et des offres par voie électronique n’a pas encore été rendu obligatoire ; que le pouvoir adjudicataire doit donc systématiquement utiliser la faculté prévue à l’article précité ;
Vu, enregistré le 3 mars 2011, le mémoire en défense présenté par le Centre national de la recherche scientifique qui conclut d’une part au rejet de la requête et, d’autre part, à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 5000 € en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il fait valoir :
– que les conclusions de la requérante tendant à ce le tribunal lui enjoigne de différer la signature du marché litigieux et suspende la procédure de passation dudit marché sont irrecevables ; qu’il résulte en effet des dispositions de l’article L.551-4 du code de justice administrative que la procédure de passation d’un marché public, ainsi que sa signature, sont suspendues de façon automatique dès lors qu’un recours en référé précontractuel a été introduit à l’encontre de ladite procédure ; qu’il n’appartient donc plus au juge du référé précontractuel d’ordonner cette suspension avant de statuer au fond ;
– qu’il est un établissement public national placé sous la tutelle du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche ; qu’il n’est donc pas soumis à l’obligation de constituer une commission d’appel d’offres pour la passation de ses marchés, seules les collectivités territoriales et les établissements publics locaux y étant désormais tenus en application de l’article 22 du code des marchés publics ;
– qu’en admettant que la requérante ait entendu solliciter en réalité la communication du procès verbal d’ouverture des plis ou du procès verbal d’examen des offres, cette demande serait vouée au rejet dans la mesure où il ne s’agit pas de documents communicables à ce stade de la procédure de passation du marché ;
– qu’il a pu légalement considérer l’offre de la société requérante comme irrégulière, conformément au code des marchés publics et à la doctrine administrative rendue en la matière ;
– qu’il ressort des dispositions de l’article 5 de l’arrêté du 28 août 2006 pris pour l’application de l’article 48-1 du code des marchés publics que les candidatures et les actes d’engagement transmis par voie électronique doivent être signés par l’opérateur économique au moyen d’un certificat de signature électronique qui garantit notamment l’identification du candidat, que la signature électronique joue le même rôle qu’une signature papier mais est adaptée au mode de transmission auquel elle a vocation à s’appliquer ; que la signature papier et la signature électronique ont la même valeur juridique mais ne peuvent néanmoins se remplacer mutuellement, qu’il résulte de ce qui précède que les documents adressés par la voie dématérialisée doivent être revêtus d’une signature électronique, que les candidats doivent signer individuellement et électroniquement chacun des documents qui les engagent ; que la seule signature d’un fichier « ZIP » contenant l’ensemble de ces documents n’apparaît pas suffisante et ne peut être assimilée à la signature électronique de chacun de ces documents ;
– qu’il ressort des dispositions combinées des articles 11 et 48-1 du code des marchés publics que lorsqu’une offre est transmise par voie électronique, l’acte d’engagement doit être signé électroniquement ; que, dès lors, un acte d’engagement adressé par un candidat par voie électronique sans avoir été préalablement signé électroniquement n’est pas valable ;
– que le règlement de la consultation du marché insistait à plusieurs reprises sur l’obligation qui était impartie aux candidats de signer électroniquement chacune des pièces de leur candidature et de leur offre ;
– que l’article 56-II 2° du code des marchés publics impose aux pouvoirs adjudicateurs de recourir à la procédure dématérialisée pour les achats de fournitures de matériels informatiques et de services informatiques d’un montant supérieur à 90 000 € HT ; que tel était le cas en l’espèce ;
– que l’article 52 du code des marchés publics permet au pouvoir adjudicateur sans toutefois imposer de demander aux candidats dont la candidature serait incomplète de compléter leur dossier de candidature, que ces dispositions ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de demander aux candidats de compléter leurs offres que lorsque ledit pouvoir adjudicateur constate qu’une offre est irrégulière, il est tenu de l’éliminer, en application des dispositions de l’article 58-III du code précité ;
Vu enregistré le 7 mars 2011, le mémoire en réplique présenté pour la société MC²I qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre :
– que c’est à tort que le Centre national de la recherche scientifique se prévaut de l’article 53-III du code des marchés publics qui vise le rejet des offres ; qu’en l’espèce, le rejet est intervenu avant l’analyse des offres ;
– que les fichiers comportaient bien la signature électronique de son représentant ; que ladite signature a été apposée grâce à un procédé de signature électronique présumé fiable ;
– que la possibilité de signer les documents de la consultation de manière manuscrite est induite par le Centre national de la recherche scientifique qui prévoit à l’article 27.1 du cahier des clauses particulières la signature de l’entreprise, laissant même un espace suffisant à cet effet ;
– que le Centre national de la recherche scientifique s’appuie uniquement sur le guide de dématérialisation publié par le ministère de l’économie et des finances lequel ne contient que des recommandations, que ce guide n’a ni valeur légale, ni valeur règlementaire, ni valeur jurisprudentielle ;
– qu’il appartenait au Centre national de la recherche scientifique, face à la présomption de fiabilité du procédé de transmission, de démontrer que les documents qu’il avait reçus n’étaient pas identiques à ceux qu’elle avait envoyés ;
– que l’acte d’engagement a été signé de façon manuscrite puis scanné avant d’être envoyé par voie électronique, que le Centre national de la recherche scientifique aurait dû lui demander de fournir l’original dudit acte ;
[…]
DISCUSSION
Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable à l’espace « Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public. Le juge est saisi avant la conclusion du contrat », qu’aux termes de l’article L 551-2 du même code « Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations » qu’au termes de l’article L 551-3 « Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés » ; qu’aux termes de l’article L 551-4 : « Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu’à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle », qu’en application de ces dispositions, il incombe au juge des référés précontractuels de rechercher si, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auxquels ils se rapportent, les manquements allégués aux obligations de publicité et de mise en concurrence sont susceptibles de léser la société requérante ou risquent, fût-se de manière indirecte, de la léser en favorisant une autre entreprise ;
Sur l’application des dispositions précitées
En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que la signature du contrat soit différée :
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L 551-4 du code justice administrative que la saisine du juge du référé précontractuel impose directement au pouvoir adjudicateur, dès lors qu’il en est informé de surseoir à la signature des contrats dont la procédure est contestée jusqu’à ce que le juge ait statué que par suite les conclusions susmentionnées de la société MC²I sont dès l’origine sans objet et par suite irrecevables ;
En ce qui concerne le surplus des conclusions :
Considérant que par avis de marché envoyé à la publication le 20 octobre 2010, le Centre national de la recherche scientifique a engagé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la conclusion d’un accord-cadre ayant pour objet la réalisation de prestations de service d’assistance et de conseil informatique pour la gestion de projets ; que la société MC²I qui s’est portée candidate et dont l’offre a été rejetée, demande notamment la suspension de la passation du contrat, la reprise de la procédure et l’annulation de toutes les décisions irrégulières entachant cette dernière ;
Considérant que le Centre national de la recherche scientifique a rejeté l’offre de la société MC²I au motif de l’absence de signature électronique des pièces de la candidature et de l’offre pour lesquelles une telle signature était requise ;
Considérant qu’aux termes de l’article 56 du code des marchés publics : « I- Dans toutes les procédures de passation mentionnées au chapitre II du présent titre, les documents écrits mentionnes par le présent code peuvent être remplacés par un échange électronique ou par la production de supports physiques électroniques, selon les dispositions prévues au présent article …
II- 1° A compter du 1er janvier 2010, le pouvoir adjudicateur peut imposer la transmission par voie électronique des documents mentionnés au 1er alinéa du I./2°. A compter de la même date pour les achats de fournitures de matériels informatiques et de services informatiques d’un montant supérieur à 90 000 € HT, les documents requis du candidat sont transmis par voie électronique » , qu’aux termes de l’article 5 de l’arrêté susvisé du 28 août 2006 pris pour l’application de ces dispositions « Les candidatures et les actes d’engagement, transmis par voie électronique ou envoyés sur support physique électronique, sont signés par l’operateur économique au moyen d’un certificat de signature électronique, qui garantit notamment l’identification du candidat » ;
Considérant qu’il est constant que le contrat faisant l’objet du présent litige était au nombre de ceux prévus par les dispositions précitées du 2° du II de l’article 56 du code des marchés publics pour lesquels les documents relatifs aux candidatures et aux offres doivent être désormais transmis par voie électronique, ce qui entraine, en vertu des dispositions de l’arrêté précité l’obligation pour les candidats de signer électroniquement au minimum leur candidature et l’acte d’engagement ; qu’au surplus, le règlement de la consultation de l’appel d’offres mentionnait en son article 3.1 que tous les documents de présentation des candidatures devaient être signés numériquement par une personne habilitée et indiquait en son article 3.2 les documents relatifs à l’offre qui devaient comporter une telle signature, au nombre desquels figurait l’acte d’engagement que l’article 4.2.3 précisait les modalités de mise en œuvre desdites signatures par l’utilisation de certificats électroniques que l’article 1316-4 du code civil dont se prévaut la société MC²I n’interdit pas aux personnes physiques ou morales d’exiger une signature de documents sous forme électronique, que dans ces conditions le Centre national de la recherche scientifique pouvait légalement considérer comme irrégulières les candidatures et les offres ne comportant pas une signature électronique des documents pour lesquels cette dernière était ainsi requise sans ambiguïté par les documents de la consultation ;
Considérant que si la société MC²I fait valoir qu’elle a signé électroniquement les fichiers « zip » par lesquels elle a transmis les documents relatifs à sa candidature et à son offre, de tels fichiers qui permettent l’archivage et la compression des données ne peuvent être assimilés aux documents en nombre variable qu’ils peuvent contenir, que par suite, cette signature ne peut pallier l’absence de signature électronique des documents figurant dans ces fichiers ; que le refus du Centre national de la recherche scientifique d’admettre ce mode d’authentification des documents n’a pas méconnu les dispositions de l’article 1316-4 du code civil selon lesquelles la signature électronique consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache dès lors que le fichier « zip » doit être considéré comme un acte distinct des documents qu’il contient ;
Considérant par ailleurs que la circonstance que les documents requis, et notamment l’acte d’engagement, aient été signés sur support papier et scannés avant leur transmission électronique est a fortiori sans incidence sur le bien-fondé de la constatation par le pouvoir adjudicateur de leur absence de signature sous forme électronique, telle que requise par les textes et le règlement de la consultation applicables en l‘espèce ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le Centre national de la recherche scientifique n’a pas méconnu ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence en considérant comme irrégulière pour le motif indiqué précédemment l’offre de la société MC²I ;
Considérant enfin qu’aux termes de l’article 52 du code des marchés publics : « I- Avant de procéder à l’examen des candidatures, le pouvoir adjudicateur qui constate que les pièces dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai identique pour tous et qui ne saurait être supérieur à dix jours », que si ces dispositions donnent au pouvoir adjudicateur la possibilité de demander la régularisation des candidatures incomplètes, elles ne lui en font pas obligation que, par ailleurs, ni ces dispositions ni aucune autre ne prévoient la possibilité pour le pouvoir adjudicateur d’inviter un candidat à régulariser son offre ; que par suite alors qu’il n’est pas établi ni allégué que le Centre national de la recherche scientifique aurait demandé à d’autres candidats se trouvant dans le même cas de régulariser leur candidature ou leur offre la société MC²I n’est pas fondée à soutenir que ledit établissement public aurait méconnu ses obligations en matière de mise en concurrence en ne lui demandant pas de signer électroniquement chacun des documents soumis à cette formalité ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède et sans qu’il soit besoin de demander la communication du procès verbal de la commission d’ouverture des plis, qu’il y a lieu de rejeter la présente requête de la société MC²I ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative
Considérant qu’aux termes dudit article « Dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la société MC²I dirigées contre le Centre national de la recherche scientifique qui n’est pas dans la présente instance de référé, la partie perdante qu’il a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le Centre national de la recherche scientifique sur le fondement de ces dispositions et de mettre à la charge de la société MC²I une somme de 1200 € au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens
DECISION
Par ces motifs, ordonne,
Article 1er : La requête de la société MC²I est rejetée.
Article 2 : La société MC²I versera une somme de 1200 € au Centre national de la recherche scientifique au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La prescrite ordonnance sera notifiée à la société MC²I et au Centre national de la recherche scientifique.
Le tribunal : M. Jean-Pierre Arroueau (juge des référés)
Avocats : Me Véret, Me Bintz Remond, Me Cazcarra, Me Guedon
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