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Jurisprudence : Responsabilité

mercredi 04 mai 2011
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Tribunal de grande instance de Béziers Ordonnance de référé 08 avril 2011

Jean-Marc D. / JFG Networks

contenus illicites - diffamation - éditeur - forum de discussion - hébergeur - injure - notification - responsabilité

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par assignation délivrée le 2 mars 2011, Jean-Marc D. qui indique participer régulièrement à des forums de discussion sur le site OverBlog géré par la société JFG Networks expose avoir été victime de la part d’internautes de la divulgation d’informations touchant sa vie privée, de calomnies et de la levée de l’anonymat que lui assurait jusqu’alors son pseudonyme Nemrod 34.

Au prétexte qu’il a vainement tenté d’obtenir de l’hébergeur du blog et du modérateur de ce dernier la suppression des abus de langage dont il s’estime victime, il sollicite au visa des articles 808 et 809 du Code de Procédure civile et 9 et 1382 du Code civil de faire injonction à la société JFG Networks d’effacer purement et simplement tout abus de langage le concernant sur le site overblog.com, de même que toute information à caractère privé le concernant, de dire que cette cancellation interviendra dans les huit jours de la décision à intervenir et de dire que chaque propos attentatoire à sa vie privée donnera lieu à versement d’une somme de 900 € à son profit, de condamner enfin la même à lui payer la somme de 9000 € à titre de réparation du préjudice moral enduré et de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile.

Par conclusions développées à l’audience, il souligne que cette société qui peut agir sur le contenu n’a jamais cancellé les informations personnelles le concernant malgré ses demandes et a commis en conséquence une faute par violation des dispositions de l’article 9 du Code civil.

Il invoque ensuite celles de la loi du 6 janvier 1978 modifiée le 6 août 2004 et soutient que son adversaire poursuit le traitement des données agglomérées au fil du temps en permettant leur stockage, en les organisant et en s’octroyant le droit de supprimer toutes contributions litigieuses via le système de modération ; il fait référence à titre subsidiaire aux dispositions de la loi du 21 juin 2004 et notamment à son article 6.1.2 qui établit un régime de responsabilité limité, même s’il estime que ce corps de règles n’est pas applicable aux forums dès lors que dépassant le simple rôle d’intermédiaire technique, l’hébergeur peut vérifier par l’intermédiaire de son modérateur le contenu des informations et des données et répond à la définition d’éditeur. Il porte à 10 000 € le montant de la condamnation provisionnelle qu’il sollicite.

La société JFG Networks soutient qu’elle a la qualité d’hébergeur au sens de l’article 6-1-2 de la loi du 21 juin 2004 dès lors qu’elle se borne à mettre à disposition des internautes l’espace permettant d’héberger leurs contenus sans droit de regard ou de contrôle sur celui-ci.

Elle oppose à la demande la prescription tirée de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1889 en sorte que les demandes portant sur la période antérieure au 2 décembre 2010 sont irrecevables.

Elle conteste le caractère probant des éléments apportés par son adversaire, estime n’avoir commis aucune faute précisant ne pas avoir à se substituer ni au juge pour apprécier le caractère illicite des faits dénoncés ni à l’éditeur du blog qu’un conflit intense oppose à Jean-Marc D.

Concluant donc au rejet des demandes adverses, elle sollicite la condamnation de ce dernier à lui payer les sommes de 5000 € à titre de dommages et intérêts et de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile.


DISCUSSION

Attendu tout d’abord que chacun a droit au respect de sa vie privée et peut en conséquence s’opposer à la divulgation d’informations la concernant ; et qu’aux termes de l’article 1382 du Code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ;

Attendu qu’il découle en l’occurrence des pièces régulièrement produites et des explications contradictoirement fournies que la société JFG Networks héberge des blogs qui répondent à la définition d’une page internet exploitée par un particulier qui y publie des informations de son choix accessible à des internautes qui peuvent eux-mêmes y publier des billets ; que le blog en question est dénommé unpetitcoucou.over-blog.com et qu’il a été visité à de nombreuses reprises par Jean-Marc D. depuis le mois de juin 2010 ;

Attendu toutefois que la question de savoir si la société JFG Networks, seule actuellement en cause, doit être considérée comme un éditeur au seul motif que le site est doté d’un modérateur et qu’elle peut modifier le contenu stocké, impose d’examiner le régime juridique applicable à cette société et relève, en l’état de contestations que le juge des référés ne peut écarter parce que sérieuses, de la seule appréciation du juge du fond ;

Qu’il s’ensuit le rejet de la demande en ce qu’elle est fondée sur les dispositions de l’article 9 du Code civil, et encore de l’article 1382 du même code, qui ne sauraient être autrement invoquées qu’à l’occasion d’un fait dommageable propre à l’auteur de l’atteinte que le demandeur n’a pas cru utile à la défense de ses intérêts de mettre en cause ;

Attendu ensuite que le constat et les captures d’écran produites qui se bornent à reprendre un ensemble d’articles de manière décousue et dépourvue de toute cohérence chronologique ou thématique ne décrit pas l’architecture du site et sont en conséquence insuffisantes à démontrer l’existence d’un traitement allégué des données à caractère personnel qu’il soit automatisé ou qu’il conduise à l’insertion de ces données dans un fichier entraînant, dans le cadre juridique actuel, l’application revendiquée des dispositions de l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 ;

Attendu en revanche qu’en sa qualité admise d’hébergeur, c’est-à dire de personne morale assurant même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services, la société JFG Networks peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement des articles 6.I.2 et 5 de la loi du 20 juin 2004, invoqués à titre subsidiaire par Jean-Marc D. ;

Qu’en vertu de ces dispositions, un hébergeur ne peut toutefois voir sa responsabilité civile engagée du fait du contenu des sites qu’il héberge que s’il s effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où il a eu cette connaissance, il a agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ;

Et que la connaissance des faits litigieux est présumée acquise lorsqu’il a reçu une notification datée contenant les éléments d’identification du notifiant et du destinataire, la description des faits litigieux et leur localisation précise, les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits et à laquelle doit être jointe la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté ;

Attendu que si en l’occurrence Jean-Marc D. justifie avoir le 17 mars 2011 adressé un courrier et une télécopie exposant les atteintes à la vie privée dont il est l’objet en reprenant chacun des liens permettant d’identifier les faits dénoncés, puis démontre au moyen du constat établi le 18 mars 2011 que ces éléments sont toujours en ligne à cette date, il n’établit pas avoir préalablement transmis copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses, formalité essentielle dont le refus de procéder à leur suppression déclenche alors le mécanisme susceptible d’engager la responsabilité de l’hébergeur ;

Et attendu en tout état de cause qu’en application de la décision n°2004-496 rendue le 10 juin 2004 par le Conseil constitutionnel le contenu doit présenter un caractère manifestement illicite tel l’apologie des crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, la pornographie enfantine, l’incitation à la violence ou les atteintes à la dignité humaine ;

Or attendu qu’alors que l’hébergeur n’est astreint à aucune obligation de surveillance et de contrôle et qu’il ne lui appartient pas de se substituer au juge pour apprécier le caractère illicite des faits dénoncés si ceux-ci ne ressortent pas à l’évidence, tel est le cas de ceux actuellement soumis à l’appréciation du juge des référés au regard des critères rappelés ci-dessus, étant d’ailleurs observé que le demandeur ne fait état que “d’abus de langage”, sauf à considérer que certains propos pourraient caractériser dans les textes litigieux des diffamations ou des injures mais qu’il appartiendrait alors au demandeur d’en poursuivre l’auteur selon les voies qui lui sont offertes par la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu au total que la demande formée ne pouvant prospérer sur aucun des fondements ne peut qu’être rejetée ;

Attendu que la demande reconventionnelle ne peut davantage être admise qui ne caractérise pas la faute reprochée laquelle ne peut découler du simple exercice de l’actuelle action en justice ;

Attendu que succombant Jean-Marc D. doit les dépens, ainsi qu’une indemnité de 400 € à son adversaire sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

DECISION

Le Juge des Référés, statuant par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe et en premier ressort,

. Rejette les demandes,

. Condamne Jean-Marc D. aux dépens ainsi qu’à payer à la société JFG Networks la somme de 400 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Le tribunal : M. Christian Combes (président)

Avocats : Me Philippe Desruelles, M. Nicolas Poirier, juriste de la société JFG Networks, muni d’un pouvoir comparant en personne

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.