Jurisprudence : E-commerce
Cour d’appel de Montpellier 5ème chambre, section A Arrêt du 12 mai 2011
Maryvonne C., Gérard G. / Des étoiles du Comtat
e-commerce
FAITS ET PROCEDURE
La société Des étoiles du Comtat a pour activité la vente en ligne d’articles érotiques et intervient notamment sur un site comparateur de prix dénommé «Price Minister», sous le pseudo «Love Shop».
Faisant valoir qu’elle avait constaté l’intervention répétée de vendeurs professionnels, exerçant sous un statut d’auto entreprise, pratiquant la vente à perte, elle a fait assigner, par acte en date du 4 juin 2010, Gérard G. et Maryvonne C. devant le Tribunal de Commerce de Béziers en sa formation de référé aux fins de voir interdire à ces derniers de poursuivre leurs agissements de concurrence déloyale, sous peine d’une astreinte, de leur interdire, personnellement ou par personne interposée, de commercialiser sur tout site comparateur de prix ou plateforme de mise en relation, et de les condamner à lui verser une somme de 3000 € à titre de provision à valoir sur l‘indemnisation de son préjudice.
Par ordonnance en date du 19 juillet 2010, le juge des référés du Tribunal de Commerce a :
– constaté que Gérard G. et Maryvonne C. ont commis des actes de concurrence déloyale,
– leur a fait interdiction de poursuivre ces agissements, et ce, sous astreinte de 1500 € par infraction constatée à compter de la signification de l’ordonnance, pendant trois mois, leur a fait interdiction, agissant personnellement ou par personne interposée, de commercialiser, distribuer ou vendre directement ou indirectement sur tout site comparateur de prix ou plateforme de mise en relation,
– condamné chacun des défendeurs au paiement d’une provision de 3000 € à valoir sur l’indemnisation du préjudice subi,
– débouté la société Des étoiles du Comtat de sa demande de publication de la décision,
– désigné M. Jean-Louis H. en qualité d’expert afin de recueillir tous éléments aux fins d’évaluation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale et de parasitisme,
– dit que l’expert désigné pourra se faire communiquer par tous détenteurs les livres de commerce, de comptabilité, carnets et bons de commande, bordereaux de livraison, factures d’achat et de vente et, plus généralement, tous documents et pièces comptables et commerciales concernant l’exploitation et les ventes effectuées sur « Price Minister »,
– dit que la société Des étoiles du Comtat devra faire l’avance des frais d’expertise et déposera une consignation de 2000 €,
– condamné in solidum Gérard G. et Maryvonne C. à verser à la société Des étoiles du Comtat une somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par actes reçus au greffe de la présente Cour les 2 août et 4 octobre 2010, Maryvonne C. et Gérard G. ont relevé appel de cette décision.
Les deux procédures ont fait l’objet, le 18 novembre 2010, d’une ordonnance de jonction sous le numéro 10/06502.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 1er février 2011, Maryvonne C. demande à la Cour :
– d’infirmer l’ordonnance entreprise,
– de constater l’existence de contestations sérieuses et de se déclarer incompétent,
– à titre subsidiaire, de rejeter les demandes de la société Des étoiles du Comtat,
– de condamner la société Des étoiles du Comtat à lui verser les sommes de 3000 € pour procédure abusive et de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Elle fait valoir que «Love Shop» est l’un des plus gros revendeurs d’objets érotiques sur le site «Price Minister» où elle opère un quasi monopole et qui empêche les petits revendeurs de poursuivre leur activité.
Elle fait valoir l‘existence de contestations sérieuses et indique qu’elle fournit l’intégralité des factures des produits commandés auprès du fournisseur.
Par conclusions notifiées le 31 janvier, Gérard G. demande à la Cour :
– d’infirmer l’ordonnance entreprise,
– de constater l’existence de contestations sérieuses et de déclarer le juge des référés incompétent,
– à titre subsidiaire, de le mettre hors de cause,
– de condamner la société Des étoiles du Comtat à lui verser les sommes de 3000 € pour procédure abusive et de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
II avance l’absence de caractère contradictoire de la décision rendue en référé à son encontre.
Il soutient que le compte internet visé par la société Des étoiles du Comtat avait été ouvert à son insu par Maryvonne C. et qu’il n’a rien à voir avec les activités de cette dernière.
Au terme de ses conclusions notifiées le 3 février 2011, la société Des étoiles du Comtat sollicite la confirmation de l’ordonnance dont appel, sauf à voir porter à la somme de 6000 € le montant de la provision à lui verser par les appelants sur dommages et intérêts.
Elle sollicite en outre l’allocation d’une somme de 3000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir l’absence d’éléments comptables détenus par Maryvonne C., qui ne respecterait aucune de ses obligations légales, que ce soit en terme comptable ou fiscal.
Elle soutient que Gérard G. a pris la suite de Maryvonne C. et qu’il ne peut prétendre qu’il n’est pour rien dans cette activité.
Elle prétend enfin que Maryvonne C. n’a pas cessé son activité et continue de vendre sur ebay ou sous d’autres pseudos.
Elle fait valoir enfin le comportement relevant du parasitisme adopté par les appelants.
DISCUSSION
L’appel, interjeté dans les formes de la loi avant toute signification avérée, est recevable.
Il convient de relever en premier lieu que l’assignation, régulièrement délivrée tant à Gérard G. qu’à Maryvonne C., vise bien des agissements qui leur sont reprochés à tous les deux par la société Des étoiles du Comtat et comporte des demandes qui les visent expressément tous les deux également.
Gérard G. ne peut ainsi valablement prétendre que le principe du contradictoire n’aurait pas été respecté, en ce qui le concerne, en première instance.
Ladite assignation, en date du 4 juin 2010, se fonde sur les dispositions des articles 872 et 873 du code de procédure civile pour solliciter de la juridiction des référés d’une part de constater les agissements de concurrence déloyale commis par Maryvonne C. et à Gérard G., d’autre part de faire interdiction à ces derniers de poursuivre leurs agissements, mais également de procéder à tout commerce sur site comparateur de prix ou plateforme de mise en relation, enfin de les condamner à lui verser, à titre provisionnel, des dommages et intérêts.
En application des dispositions des articles susvisés le juge des référés peut, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ordonner toute mesure ou accorder une provision au créancier. Il peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.
Pour obtenir de la juridiction des référés la constatation de l’existence d’une concurrence déloyale, l’interdiction de vente et une provision sur dommages et intérêts, la société Des étoiles du Comtat se contente de produire au débat des éléments comptables et un courrier du groupe PriceMinister ne présentant aucun caractère probant.
En l’absence d’une constatation effective, pouvant être raisonnablement opérée par le juge des référés, de la pratique de vente à perte par Maryvonne C. et Gérard G., il ne peut valablement être fait une quelconque interdiction de vente à ces derniers, ni être alloué à la société Des étoiles du Comtat une quelconque provision à valoir sur des dommages et intérêts pour son éventuel préjudice.
L’ordonnance entreprise doit par conséquent être infirmée et la société Des étoiles du Comtat sera intégralement déboutée de ses demandes ne relevant pas, en l’état, de la juridiction des référés.
N’étant pas démontré que la société Des étoiles du Comtat a agi dans la présente procédure par volonté de nuire, intention malicieuse ou erreur équivalente au dol et qu’elle a ainsi causé un préjudice à Maryvonne C. et Gérard G., ces derniers seront déboutés de leurs demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La société Des étoiles du Comtat qui succombe supportera la charge des entiers dépens.
L’équité ne commande cependant pas de faire bénéficier Maryvonne C. et Gérard G. des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
DECISION
Par ces motifs, la cour :
. Reçoit les appels de Maryvonne C. et Gérard G. ;
. Infirme l’ordonnance entreprise et,
Statuant à nouveau,
. Dit n’y avoir lieu, en l’état, à référé ;
. Déboute Maryvonne C. et Gérard G. de leurs demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts ;
. Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
. Condamne la société Des étoiles du Comtat aux dépens.
La cour : M. Régis Vouaux-Massel (président), M. Jean-François Bresson et Mme Myriam Gregori (conseillers)
Avocats : Me Philippe Terrier, Me Didier Watrin
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