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Jurisprudence : Responsabilité

vendredi 26 août 2011
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Tribunal de commerce de Paris 8ème chambre Jugement du 26 juillet 2011

Référencement.com / Zlio

contrat - dénigrement - dysfonctionnement - exécution - internet

FAITS

Référencement est un professionnel du référencement de sites sur internet.
Zlio est une société éditrice de sites internet.
A l’automne 2007, Zlio constatant sa disparition ainsi que celle des sites dont elle a permis la création, des premières pages de Google notamment, se rapproche de Référencement pour retrouver une visibilité sur internet et conclu avec elle, à cet effet, un contrat le 30 janvier 2008.
Il est prévu un montant d’honoraire réglé pour moitié à la signature et moitié à la fin de la prestation.
Le premier acompte est réglé, le second ne l’est pas au motif prétendu de l’inexécution de la prestation.
N’obtenant pas le règlement demandé, Référencement engage cette instance.


PROCEDURE

Par acte signifié le 30 janvier 2009, Référencement assigne Zlio.
Par cet acte et aux audiences des 20 janvier, 14 avril 2010, 9 mai 2011, et dans le dernier état de ses prétentions, Référencement demande au tribunal de :
– Condamner Zlio à lui payer les sommes de :
* 17 660,60 € avec intérêts au taux légal et leur capitalisation à compter du 24 septembre 2008,
* 5000 € au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
* 56 000 € au titre de dommages et intérêts pour préjudice du fait de son comportement,
– Condamner Zlio à prendre toutes les mesures d’ordre technique qui s’imposent, à ses seuls frais, afin que soit retiré définitivement l’ensemble des propos portant atteinte à son image, quels que soient les modes et supports de diffusion utilisés et sous astreinte de 5000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
– Interdire à Zlio directement ou indirectement de porter atteinte à son image quels que soient les modes et supports de diffusions utilisés et sous astreinte de 5000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
– Ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux de son choix, notamment électronique et sur tous supports où sont apparus les dénigrements, aux frais de Zlio sans que le coût de chaque insertion ne dépasse 10 000 €,
– Condamner Zlio à lui payer une somme de 7500 € au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile,
– l’exécution provisoire et les dépens étant requis.

Aux audiences des 10 juin 2009, 3 mars et 10 novembre 2010, et dans le dernier état de ses prétentions, Zlio demande au tribunal de :

A titre principal :
– Débouter la demanderesse de sa demande de paiement du solde de la prestation, cette dernière n’ayant pas été effectuée,
– Prononcer la nullité du contrat pour dol,
– Ordonner la restitution de la somme de 17 760,60 € avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2008,

A titre subsidiaire
– Ordonner la résolution pour inexécution, du contrat du 30 janvier 2008,

A titre reconventionnel
– Condamner Référencement à lui payer la sorte de 40 000 € à titre de dommages et intérêts délictuels,
– Condamner Référencement lui payer la sorte de 20 000 € à titre de dommages et intérêts contractuels pour inexécution de ses engagements,

En tout état de cause
– Déclarer la demanderesse irrecevable en sa demande de réparation d’un préjudice d’image, l’en débouter,
– Requalifier les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés par Référencement en actes de diffamation,
– Débouter la demanderesse de l’ensemble de ses demandes,
– Condamner Référencement à lui payer la somme de 8000 € au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile,
– L’exécution provisoire et les dépens étant requis.

L’ensemble de ces demandes a fait l’objet de dépôts de conclusions, celles-ci ont été échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure.
L’affaire est confiée à l’examen d’un juge rapporteur, qui reçoit les parties le 30 mai 2011.
Après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le juge rapporteur clôt les débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé le 26 juillet 2011 par sa mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450, alinéa 2 du code de procédure

MOYENS ET MOTIVATION

Sur la nullité du contrat pour dol

Zlio fait valoir :
Que Référencement s’est rendue coupable de dol en prétendant qu’elle pouvait l’accompagner dans ses échanges avec les équipes de Google sur une durée de 5 jours, cette prestation étant impossible à réaliser compte tenu du fait que les équipes de Google ne sont pas joignables, qu’en conséquence Référencement lui a intentionnellement fait croire à une prestation exceptionnelle et exclusive, que ce mensonge étant constitutif d’un dol viciant son consentement, elle s’estime fondée à demander que le contrat soit frappé de nullité,

En réplique, Référencement fait valoir :
Que Zlio ne démontre pas le caractère dolosif de ses prétendues manœuvres, que s’agissant d’une relation entre professionnels avertis du secteur de l’internet, le dol est d’autant moins crédible,

Attendu que selon l’article 1116 du code civil, « le dol ne se présume pas et doit être prouvé » ;

Qu’en l’espèce, l’analyse des pièces produites ne permet pas de démontrer le caractère dolosif de l’attitude de Référencement à l’égard de Zlio, que Zlio n’en apporte donc pas la preuve, ce qui lui incombe ;

Qu’au contraire, les échanges intervenus entre les parties et notamment les courriels du 17 et 24 janvier 2008, soit avant la signature du contrat, démontrent d’une part la qualité avertie des protagonistes et d’autre part, que Référencement n’a pas intentionnellement cherché à tromper Zlio en lui vendant une prestation exceptionnelle ;

Qu’en conséquence, le tribunal considérera le contrat signé le 30 janvier 2008 comme valide et déboutera Zlio de sa demande de nullité ;


Sur l’exécution de la prestation

Référencement fait valoir :
Que la prestation objet du contrat du 30 janvier 2008 consistait en un audit des raisons du déréférencement de Zlio sur les moteurs de recherche et de préconisations pour retrouver la visibilité perdue, que cette prestation a bien été réalisée, constats d’huissiers à l’appui, que sa créance sur Zlio est bien certaine, liquide et exigible, qu’en conséquence elle est bien fondée en sa demande de paiement du solde de sa facture,

En réplique, Zlio fait valoir :
Que le solde de la facture devait être payé aux résultats, qu’en l’espèce les résultats auraient dû être, non pas sa seule ré-indexation sur Google mais sa réapparition dans les toutes premières pages, seule gage de fonctionnement efficace, qu’au contraire le trafic en direction des sites Zlio a diminué après l’intervention de Référencement, qu’en l’absence de résultat, la demanderesse ne peut en réclamer le paiement ;

Attendu que selon l’article 1134 du code civil, le contrat est la loi des parties et doit être exécuté de bonne foi ;

Qu’en l’espèce, l’analyse des termes de la proposition commerciale valant contrat et des termes du bon de commande signé par Zlio en date du 30 janvier 2008, permet d’identifier précisément les contours de la prestation comme étant une analyse des dysfonctionnements, des préconisations d’actions correctives et un accompagnement dans leur mise en œuvre, que cette proposition ne comporte aucun engagement de positionnement précis auprès des moteurs de recherche ;

Attendu qu’à compter du mois de février 2008, conformément aux engagements pris, Référencement a livré à Zlio un rapport complet en six parties, que les échanges de courriels démontrent la réalité de l’accompagnement des équipes de Zlio par celles de Référencement, qu’elle a donc bien exécuté ses obligations contractuelles d’analyse, de préconisations et d’accompagnement, qu’au surplus, un constat d’huissier effectué le 12 août 2008 démontre le positionnement effectif de Zlio sur les premières pages de Google, qu’en conséquence, la créance de Référencement sur Zlio étant certaine, liquide et exigible, le tribunal condamnera Zlio au paiement à Référencement de la somme de 17 760,60 € avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2009, date de l’assignation, en l’absence d’accusé de réception de la lettre de mise en demeure du 24 septembre 2008, avec capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du code civil à compter de la même date et déboutera pour le surplus,

Sur la résistance abusive

Référencement fait valoir :
Que la créance étant certaine, le non-paiement est abusif et doit être compensé par l’octroi de dommages et intérêts ;

En réplique, Zlio fait valoir :
Que la prestation n’ayant pas été réalisée, la créance n’est pas établie, que le non-paiement d’une créance incertaine ne peut être caractérisé d’abusif ;

Attendu que les circonstances de la cause sont de nature à avoir permis à Zlio de douter de la réalité de sa dette, que la preuve de sa mauvaise foi n’a pas été apportée, qu’il ne peut être reproché dans ce cas de ne pas payer ce que l’on croit ne pas devoir, qu’en conséquence, le tribunal déboutera Référencement de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;


Sur le dénigrement et le préjudice d’image

Référencement fait Zlio, a proféré des menaces et s’est livré à une campagne de dénigrement à son encontre, en utilisant sa notoriété de professionnel de l’internet pour en augmenter la portée, que cette attitude lui a causé un préjudice lié à l’atteinte de son image, qu’elle doit en être indemnisée,

En réplique, Zlio fait valoir :
Que les propos incriminés ont été tenus par M.B. à titre personnel, sur son « Twitter » et non comme dirigeant de Zlio, qu’en conséquence, elle ne peut solliciter de réparation d’une personne qui n’est pas dans la cause, que le tribunal doit donc dire son action irrecevable ;

Qu’en outre lesdits propos ne dénigrent pas mais ne font qu’exprimer un mécontentement, qu’au surplus, ni l’existence, ni le quantum du préjudice prétendument subi ne sont démontrés, que le tribunal doit donc débouter Référencement de sa demande à ce titre ;

Qu’enfin, la seule qualification possible desdits propos est la diffamation, que le tribunal doit donc requalifier les faits reprochés ;

Attendu que c’est à titre professionnel, comme dirigeant de Zlio que M.B. a été en contact avec Référencement, a contracté pour le compte de Zlio, a connu les prestations réalisées, et que cela ne peut être qu’à ce titre qu’il n’a pas été satisfait des prestations de Référencement et s’est livré à des commentaires, qu’en conséquence l’action de Référencement à l’encontre de Zlio est parfaitement recevable et le tribunal déboutera cette dernière de sa demande d’irrecevabilité ;

Attendu que les propos du dirigeant de Zlio, dénigrent indiscutablement la qualité des prestations de Référencement, alors qu’il a été démontré plus haut que la prestation convenue a été réalisée ;

Attendu que la notoriété du dirigeant de Zlio dans le monde internet permet d’être sûr de la portée du dénigrement opéré par la tenue des tels propos, que bien que le quantum du préjudice d’image ne soit pas démontré, le tribunal évalue le préjudice lié au trouble commercial inévitablement engendré par de tels actes de concurrence déloyale à la somme de 10 000 € au paiement de laquelle il condamnera Zlio et déboutera pour le surplus ;

En outre, le tribunal condamnera Zlio à prendre toutes les mesures d’ordre technique qui s’imposent, à ses seuls frais, afin que soit retiré définitivement l’ensemble des propos portant atteinte à l’image de Référencement, sur tous les supports sur lesquels M.B. ou Zlio sont intervenus pour publier lesdits propos et sous astreinte de 2000 € par jour de retard à compter du 16ème jour après la signification du présent jugement et ordonnera la publication du jugement à intervenir dans trois journaux au choix de Référencement, notamment électroniques et sur tous les supports sur lesquels M.B. ou Zlio sont intervenus pour publier les dénigrements, aux frais de Zlio, sans que le coût de chaque insertion de dépasse 3000 € et déboutera pour le surplus ;

Compte tenu de ce qui précède, le tribunal déboutera Zlio de ses demandes reconventionnelles et de requalification des actes de dénigrement en acte de diffamation, les propos incriminés n’affectant pas l’honneur ni la considération de la personne.

Attendu que Zlio succombe et que pour faire valoir ses droits, Référencement a dû engager des frais irrépétibles qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge,

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamnera Zlio au paiement à Référencement d’une somme de 5000 €, déboutera pour le surplus et corrélativement Zlio de sa demande à ce titre ;

Attendu que le tribunal l’estime justifiée et compatible avec la nature de l’affaire, il ordonnera l’exécution provisoire du présent jugement sauf en ce qui concerne les publications ;

Attendu que Zlio succombe, le tribunal la condamnera aux dépens de l’instance.

DECISION

Par ces motifs, le tribunal statuant par un jugement contradictoire en premier ressort,
– Déboute la société Zlio de sa demande de nullité du contrat du 30 janvier 2008,
– Dit que la société Référencement.com a bien exécuté ses obligations contractuelles et condamne la société Zlio au paiement à la société Référencement.com de la somme de 17 760,60 € avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter du 30 janvier 2009, – Dit que la société Zlio, par la voie de son dirigeant Monsieur B., a commis des actes de dénigrement au préjudice de la société Référencement.com et la condamne au paiement à la société Référencement.com de la somme de 10 000 € au titre de dommages et intérêts,
– Condamne la société Zlio à prendre toutes les mesures d’ordre technique qui s’imposent, à ses seuls frais, afin que soit retiré définitivement l’ensemble des propos portant atteinte à l’image de la société Référencement.com, sur tous les supports sur lesquels M. B. ou la société Zlio sont intervenus pour publier lesdits propos et sous astreinte de 2000 € par jour de retard à compter du 16ème jour après la signification du présent jugement,
– Ordonne la publication du dispositif du présent dans trois journaux au choix de la société Référencement.com, notamment électroniques et sur tous les supports sur lesquels Monsieur B. ou la société Zlio sont intervenus pour publier lesdits propos, aux frais de la société Zlio, sans que le coût de chaque insertion ne dépasse 3000 €,
– Condamne la société Zlio au paiement à la société Référencement.com d’une somme de 5000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
– Condamne la société Zlio au paiement des dépens de l’instance,
– Ordonne l’exécution provisoire sauf en ce qui concerne la publication.

Le tribunal : M. Ankri (président), M. Castello (juge rapporteur)

Avocats : Me Sylviane Gauthier, Me Jean-Philippe Hugot

Notre présentation de la décision