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Jurisprudence : Droit d'auteur

mardi 29 novembre 2011
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Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 4ème section Jugement du 10 novembre 2011

Victoriaa, Estelle G. / Linkeo.com, Stéphane C.

cession - concurrence déloyale - contrefaçon - création - paternité - site internet

FAITS ET PROCÉDURE

Pour les besoins de son entreprise Elag ouest, Stéphane C. exploitait deux sites internet aux adresses : www.elag-ouest.com et www.elag-ouest.eu.

Selon un bon de commande du 27 janvier 2004, il avait confié à la société Linkeo.com la réalisation de prestations d’hébergement, de gestion de noms de domaine et de référencement concernant le 1er site www.elag-ouest.com.

Selon un bon de commande du 15 novembre 2007, il a confié la création, l’hébergement et la gestion du site www.elag-ouest.eu à la société Victoriaa. Il lui a également confié la réalisation de documents publicitaires destinés notamment à être publiés dans l’annuaire des Pages jaunes.

Fin 2008, Stéphane C. a souhaité que le site www.elag-ouest.eu soit également hébergé par la société Linkeo et celle-ci l’a donc mis en ligne sur ses serveurs.

Pour assurer le financement des diverses prestations de la société Linkeo, Stéphane C. a signé avec elle un contrat de cession de son site internet puis un contrat locatif de site Web tandis qu’elle revendait le site internet à un établissement financier qui en contrepartie percevait des loyers.

La société Victoriaa constatant que le site qu’elle avait créé, se retrouvait reproduit sans son consentement à l’adresse www.elagage-ouest.com, avec la suppression de son nom et le remplacement par le nom Linkeo, a fait établir deux procès-verbaux les 26 novembre 2009 et 4 mai 2010, par l’Agence de protection des programmes (APP).

Le 12 mai 2010, la société Victoriaa ainsi qu’Estelle G. en sa qualité de créatrice des documents publicitaires, ont fait assigner la société Linkeo.com devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de la contrefaçon d’une œuvre protégée par le droit d’auteur et sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire.

La société Victoriaa fait valoir que le site qu’elle a créé pour le compte de Stéphane C., était original par sa charte graphique et sa charte couleur et qu’elle détient les droits patrimoniaux sur cette œuvre qui a été divulguée sous son nom. Elle reproche à la société Linkeo.com de l’avoir reproduit sans son autorisation en supprimant le fonds sonore ainsi que le crédit Victoriaa. Elle réclame à ce titre la somme de 50 000 €, en réparation du préjudice subi.

La société Victoriaa reproche également à la société Linkeo.com d’avoir commis des actes de concurrence déloyale en transformant le site en portail d’entrée d’autres sites internet qu’elle édite et qui offrent des services concurrents à ceux de la société demanderesse. Elle relève que la page d’accueil du site de Stéphane C. est surmontée d’un bandeau publicitaire au profit de la société Linkeo.com. Elle ajoute que la suppression du crédit à son nom et l’apposition en bas de page des mentions « web agency Linkeo.comcréation de site » créent une confusion dans l’esprit de l’internaute qui va penser que le site en cause a été créé par la société Linkeo.com.

La société Victoriaa ajoute que par un meilleur référencement du site sur le moteur de recherche Google et par son référencement sur l’édition électronique des Pages jaunes, la société Linkeo.com génère un trafic vers le site qu’elle s’est indûment approprié pour tirer profit sans bourse déliée du travail réalisé par la demanderesse. Elle ajoute que le site elag-ouest.eu étant référencé en second paraîtra comme une copie du site elag-ouest.com.

Elle réclame donc en réparation du préjudice subi la somme de 50 000 €, outre la suppression des mentions litigieuses. Elle sollicite, enfin, la publication du jugement.

Estelle G. explique quant à elle, qu’elle a participé à la création du site internet elag-ouest.eu et qu’elle a créé seule les encarts publicitaires destinés à l’édition papier des Pages jaunes. Elle précise qu’elle a cédé ses droits patrimoniaux à son employeur la société Victoriaa mais qu’elle reste titulaire des droits moraux. Elle expose que sa création graphique est protégeable par le droit d’auteur car originale et empreinte de sa personnalité. Or elle déclare que la société Linkeo.com se l’est appropriée en apposant son crédit sur les encarts publiés dans les Pages jaunes. Elle ajoute que la société Linkeo.com a porté des modifications à sa création et en a ainsi altéré l’intégrité. Elle réclame la somme de 30 000 € en réparation de son préjudice.

Enfin, les demanderesses sollicitent une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 26 octobre 2010, la société Linkeo.com a fait assigner Stéphane C. en intervention forcée devant le tribunal de grande instance de Paris et elle demande qu’il soit condamné à la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre. Elle lui réclame également une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 29 juillet 2011 , la société Linkeo.com explique que son client Stéphane C. lui a demandé d’héberger son site elag-ouest.eu sans lui indiquer que des tiers possédaient des droits sur les éléments communiqués et qu’elle a procédé à des vérifications sans trouver de mention de crédit ou copyright. Elle a donc considéré que Stéphane C. était titulaire des droits sur ce site et elle lui a fait signer un contrat de licence d’exploitation stipulant qu’il assumait l’entière responsabilité de la mise en ligne notamment au regard des droits des tiers.

La société Linkeo.com fait valoir qu’elle bénéficie du régime de responsabilité des hébergeurs tel qu’il résulte de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 dite LCEN. Elle déclare en effet qu’elle est uniquement hébergeur du site elag-ouest.com et qu’elle n’exerce aucune fonction d’éditeur ainsi qu’il ressort du contrat signé avec Stéphane C.

Elle en conclut qu’elle n’est pas tenue à une obligation de surveillance des contenus et que sa responsabilité ne peut être recherchée en l’absence de notification préalable des droits de la société Victoriaa sur le site en cause. Elle ajoute que les conditions générales envisagent différents types de prestations mais que celles-ci ne sont pas reprises en leur intégralité dans chaque contrat et que Stéphane C. confirme qu’il ne lui a confié qu’une mission d’hébergeur.

En revanche, elle conteste les affirmations de ce dernier selon lesquelles elle aurait supprimé le crédit de la société Victoriaa et elle déclare avoir ignoré les droits de cette dernière, alors que, par ailleurs, son client lui avait confirmé être titulaire des droits sur le site.

S’agissant du bandeau publicitaire, elle précise qu’elle a conclu avec son client un contrat d’espace publicitaire qui l’autorisait à afficher sur toutes les pages du site une bannière publicitaire dotée d’un lien hypertexte pointant vers un site choisi par Linkeo.com.

La société Linkeo.com reprend, par ailleurs, les déclarations de Stéphane C. affirmant être le titulaire des droits d’auteur sur son site internet et elle conclut au rejet des demandes fondées à son encontre au titre de la contrefaçon.

La société Linkeo.com fait par ailleurs valoir que la reproduction servile ne constitue pas un acte distinct de concurrence déloyale et elle conteste que les mentions du site présentent un caractère trompeur sur la paternité des éléments graphiques. Elle soutient que les mentions au bas de la page d’accueil ne suggèrent pas qu’elle serait la créatrice du site mais visent uniquement à faire la promotion de ses services et ne créent aucun risque de confusion sur le concepteur du site. Elle soutient qu’il en est de même du bandeau publicitaire qui ne comporte aucune mention équivoque sur la titularité des droits.

La société Linkeo.com s’oppose également à la demande d’Estelle G. en invoquant sa qualité d’hébergeur du site internet et l’absence de crédit au profit de la demanderesse sur ce dernier. Elle conteste au surplus toute altération.

S’agissant des encarts publicitaires, la société Linkeo.com en conteste l’originalité et elle déclare ne pas être à l’origine de l’altération de son travail.

Enfin, la société Linkeo.com conteste l’existence et l’étendue des préjudices allégués et elle invoque notamment le faible trafic généré par le site en cause.

La société Linkeo.com sollicite, en toutes hypothèses, la garantie de Stéphane C. en se fondant sur l’existence d’une faute contractuelle et l’article 1134 du code civil. Elle fait valoir que celui-ci devait s’assurer que le site internet était libre de droits et pouvait être utilisé sans difficulté par la société Linkeo.com et qu’en s’abstenant de ces vérifications, il a commis une faute à l’égard de cette dernière.

La société Linkeo.com invoque également la garantie d’éviction de l’article 1626 du code civil puisque Stéphane C. lui a cédé le site. Elle ajoute qu’elle est restée dans l’ignorance des droits de la société Victoriaa et qu’elle était de bonne foi en pensant que son client était titulaire des droits sur son site. Elle précise que ses moyens financiers ne lui permettent pas de vérifier la chaîne des droits portant sur l’ensemble des éléments fournis par ses clients.

Elle sollicite la condamnation des demanderesses à lui verser la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 6 septembre 2011, Stéphane C. déclare que la société Linkeo.com a elle-même supprimé le crédit de la société Victoriaa de telle sorte qu’elle ne peut prétendre bénéficier du régime de responsabilité de l’hébergeur. Il ajoute que s’il a autorisé la société Linkeo.com à ajouter une bannière publicitaire, il ignorait qu’elle contenait un lien hypertexte vers le site Linkeo.com et qu’elle était susceptible de créer une confusion sur le créateur du site. Il conclut que la société Linkeo.com a manifestement dépassé son rôle d’hébergeur pour s’approprier la réalisation du site et la création de son contenu.

Stéphane C. s’oppose à l’appel en garantie de la société Linkeo.com. Il relève tout d’abord que certains faits telles les pratiques commerciales déloyales et trompeuses et l’atteinte au droit moral d’Estelle G. sont propres à la société Linkeo.com et qu’elle ne peut donc en demander la garantie.

Stéphane C. fait ensuite valoir qu’il n’a pas cédé ses droits sur le site internet et que les conditions générales du contrat ne peuvent lui être opposées car la garantie est liée à des prestations de création du site internet. Il déclare également que la société Linkeo.com a commis une faute en s’abstenant de vérifier les droits sur le site internet.

Enfin Stéphane C. revendique les droits d’auteur sur son site car il a fourni des directives précises pour son contenu et son architecture, a rédigé des textes et a fourni des photographies. Il soutient que la société Victoriaa lui a seulement fourni des prestations techniques de mise en forme informatique des données qu’il fournies. Il déclare donc qu’il est l’auteur du site ou qu’à tout le moins celui-ci constitue une œuvre de collaboration.

Stéphane C. conclut donc au rejet tant des demandes de la société Victoriaa que de la société Linkeo.com et réclame le paiement d’une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 16 mars 2011 la société Victoriaa relève que la société Linkeo.com ne peut se retrancher derrière la qualité d’hébergeur alors qu’elle est un professionnel de la création des sites web et qu’elle ne pouvait ignorer que le site elag-ouest.eu, compte tenu de ses qualités, n’avait pas été créé par Stéphane C. Elle relève que ce dernier ne confirme pas avoir remis un CD Rom à la société Linkeo.com mais déclare seulement lui avoir demandé d’héberger le site se trouvant chez la société Victoriaa dont Linkeo.com ne pouvait donc ignorer l’existence.

La société Victoriaa relève également que la société Linkeo.com a fait signer à Stéphane C. un contrat de licence aux termes duquel elle se reconnaît titulaire des droits de propriété sur le site qu’elle lui concède en licence.

La société Victoriaa conteste par ailleurs que Stéphane C. puisse avoir la qualité d’auteur du site internet et elle demande sa condamnation in solidum avec la société Linkeo.com au titre de la contrefaçon.

La société Victoriaa maintient ses demandes sur le fondement de la concurrence déloyale et elle soutient que les mentions figurant en bas de page sont perçues par les internautes comme des mentions de crédit.

Pour caractériser son préjudice résultant de la contrefaçon, la société Victoriaa invoque la perte d’un client, le manque à gagner qui en résulte, l’enrichissement indu de la société Linkeo.com et le trouble commercial subi. Elle invoque également le trouble commercial et le préjudice moral résultant de la concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses.

Elle demande également, outre la suppression de la mention en bas de page, le rajout de son propre crédit.

Enfin, Estelle G. maintient également sa demande fondée sur la violation de son droit moral d’auteur en réaffirmant le caractère original et protégeable de son travail. Elle ajoute que si elle avait renoncé à faire figurer son nom cela n’autorisait pas la société Linkeo.com à s’accaparer sa création en y apposant son propre crédit.

DISCUSSION

Sur les demandes de la société Victoriaa fondées sur la contrefaçon

– Sur la titularité des droits d’auteur sur le site internet

Il convient de constater que l’originalité du site internet www.elagage-ouest.eu tel qu’il se trouve notamment reproduit dans le procès-verbal de l’APP du 26 novembre 2009 n’est pas contestée.

Il y a donc lieu de déterminer qui en est l’auteur puisque la société Victoriaa et Stéphane C. en revendiquent l’un et l’autre la création.

Pour établir sa qualité d’auteur Stéphane C. verse aux débats des photographies qu’il a remises en vue de leur intégration au site internet et la demanderesse produit une télécopie (pièce 5 bis) comportant des commentaires et instructions de son client pour la réalisation de son site internet.

Les instructions données par Stéphane C. portent sur des points de détail tels la suppression d’un personnage ou la modification d’une phrase et s’accompagnent d’éléments nécessaires à la présentation de l’entreprise : photographies, références pour la revue de presse.

Néanmoins, il ne ressort pas de ces pièces que Stéphane C. ait donné des indications précises sur la présentation des différentes pages et l’agencement des éléments qui les composent, sur le graphisme, l’animation ou l’arborescence favorisant la consultation du site.

Aussi il y a lieu d’admettre que la société Victoriaa qui possède les compétences requises en matière de création de sites, est l’auteur de celui commandé par Stéphane C. Il apparaît au surplus qu’elle dispose des codes sources et que le site a été divulgué sous son nom.

– Sur les responsabilités encourues du fait de la reproduction de ce site

Le site a été reproduit sous l’adresse http://élagage-abattage.elagage-ouest.com sans l’autorisation de la société Victoriaa.

Cette reproduction a eu lieu à la demande de Stéphane C. qui a demandé à la société Linkeo.com d’héberger le site sur son propre serveur.

Stéphane C. ne pouvait ignorer la qualité d’auteur de la société Victoriaa à qui il avait confié la réalisation de son site. En toutes hypothèses il convient de rappeler que la bonne foi est inopérante devant les tribunaux civils en matière de contrefaçon et que celle-ci est réalisée même si Stéphane C. a pu se méprendre sur l’étendue de ses droits. Il y a donc lieu d’admettre qu’en faisant reproduire l’œuvre de la société Victoriaa sans son accord afin de pouvoir l’exploiter sous un autre nom de domaine, Stéphane C. a commis à l’encontre de la société Victoriaa un acte de contrefaçon.

La société Linkeo.com fait valoir qu’elle ignorait les droits de la société Victoriaa car Stéphane C. lui aurait remis un Cdrom ne faisant apparaître aucun crédit.

Néanmoins, les deux défendeurs sont contraires en fait sur ce sujet et le tribunal ne dispose pas d’élément permettant d’imputer à l’un plutôt qu’à l’autre la disparition du crédit au nom de la société Victoriaa. Il ne peut donc être admis de façon certaine que la société Linkeo.com connaissait la qualité d’auteur de la société Victoriaa, au moment de la mise en ligne du site.

La société Linkeo.com a assuré une prestation d’hébergement et à ce titre, elle peut se prévaloir du régime de responsabilité aménagée de la LCN pour les prestataires techniques. En cette qualité, elle n’a pas à se livrer à des vérifications préalables sur la licéité des contenus qu’elle stocke ni sur les droits que les tiers peuvent éventuellement détenir.

La société Victoriaa fait valoir que selon une attestation rédigée par l’un des salariés de Linkeo.com (pièce 11), celui-ci avait été informé par Stéphane C. qu’il disposait d’un 2eme site internet hébergé par la société Victoriaa. Cependant, il ne ressort pas de cette attestation que la société Victoriaa était titulaire des droits d’auteur sur le site en cause.

Or, chargée de prestations d’hébergement, la société Linkeo.com n’avait pas à vérifier la chaîne des droits dont Stéphane C. pouvait se prévaloir.

Par ailleurs pour des raisons purement financières la société Linkeo.com a acquis le site internet de Stéphane C. pour ensuite lui donner en location tandis que le site est revendu à un établissement financier qui perçoit les loyers. Néanmoins, ce montage juridique et financier n’a pas d’incidence dans les relations entre la société Linkeo.com et Victoriaa qui ne sont pas liées par ces contrats et seul l’établissement financier pourrait se plaindre auprès de la société Linkeo.com des vices affectant la chose vendue.

Ainsi il y a lieu d’admettre que la responsabilité de la société Linkeo.com n’est pas engagée au titre de la contrefaçon du site internet créé par la société Victoriaa.

– Sur les mesures réparatrices

Il y a lieu de constater que les chefs de préjudice tels qu’énumérés par la société Victoriaa dans ses dernières écritures ne peuvent être mis à la charge de Stéphane C. car ils concernent directement la société Linkeo.com : la perte d’un client, le bénéfice réalisé par la société Linkeo.com ainsi que le trouble commercial subi.

Aussi le préjudice subi par la société Linkeo.com et consistant en la perte de redevance sera fixé à la somme de 3000 € compte tenu notamment, à défaut d’autres éléments d’appréciation, du montant des loyers trimestriels payés par Stéphane C. et de la durée des faits qui lui sont reprochés.

Sur les demandes de la société Victoriaa à l’encontre de la société Linkeo.com pour concurrence déloyale

– Sur le bien-fondé des demandes

La société Victoriaa reproche à la société Linkeo.com de se présenter comme le créateur du site afin de promouvoir ses propres activités. Il apparaît ainsi que la société Linkeo.com a inscrit en bas de la page d’accueil du site créé par la société Victoriaa la mention « web agency Linkeo.com création de site référencement demande de devis ».

Cette mention par son contenu avec une référence expresse à l’activité de création et par son emplacement habituellement réservé à des crédits, va nécessairement conduire l’internaute à penser que le site qu’il consulte, a été créé par la société Linkeo.com alors qu’aucune autre mention ne vient l’informer sur les conditions réelles de sa réalisation. L’internaute qui appréciera la présentation graphique et l’agencement du site, en attribuera ainsi le mérite à la société Linkeo.com et il sera d’autant plus incité à le faire que les liens hypertextes contenus dans la bannière publicitaire figurant en haut de la page d’accueil renvoient sur le site web-agency. Linkeo.com.com qui présente la société et expose ses différents services.

Il apparaît ainsi que la société Linkeo.com utilise le site créé par la société Victoriaa pour promouvoir ses propres activités. Si le fait d’avoir optimisé le référencement du site sur le moteur de recherche Google et de l’avoir référencé sur l’édition numérique des Pages jaunes n’est pas en soit constitutif d’une faute et s’inscrit dans l’exécution du contrat liant la société Linkeo.com à son client Stéphane C., il n’en ressort pas moins qu’en accroissant la visibilité du site, il aggrave le préjudice subi par la société Victoriaa, en augmentant le risque de détournement de clientèle ainsi que le trouble des internautes qui constateront la présence de deux sites distincts par leurs noms de domaine mais identiques dans leur présentation.

Il y a donc lieu d’admettre qu’en s’appropriant les mérites de la création du site crée par la société Victoriaa, la société Linkeo.com a commis des actes de concurrence déloyale et qu’elle doit réparer le préjudice qui en est résulté.

– Sur les mesures réparatrices

Pour apprécier l’étendue du préjudice commercial subi par la société Victoriaa, il convient de tenir compte de la perte de visibilité et de reconnaissance de son talent créatif mais aussi de la fréquentation assez limitée du site en cause.

Il sera donc alloué à la société Victoriaa la somme de 8000 € et il sera par ailleurs fait droit à sa demande de suppression de la mention figurant en bas de sa page d’accueil ainsi que de la bannière publicitaire et des liens hypertextes qu’elle contient car elle est source de confusion dans l’esprit de l’internaute moyennement avisé et attentif.

Il sera également fait droit à la demande de rajout du crédit de la société Victoriaa dont les deux défendeurs se rejettent la responsabilité de la suppression.

Par ailleurs les condamnations déjà prononcées constituent une réparation adéquate du préjudice il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de publication du jugement.

– Sur la demande en garantie de Stéphane C. formée par la société Linkeo.com

Les agissements condamnés ci-dessus étant personnels à la société Linkeo.com et Stéphane C. n’ayant aucune responsabilité dans la mention figurant en bas de la page d’accueil du site consacré à son entreprise, la demande en garantie formée à son encontre sera rejetée.

Sur les demandes d’Estelle G. contre la société Linkeo.com

Il convient de constater que Estelle G. a réalisé pour le compte de l’entreprise d’élagage de Stéphane C. un encart publicitaire destinée à être inséré dans les Pages jaunes.

La société Linkeo.com en conteste l’originalité et le caractère protégeable. Néanmoins l’examen des annuaires fait apparaître que l’encart en cause comporte un agencement particulier de textes et d’éléments graphiques multiples qui lui confère un aspect propre révélateur de l’apport créatif de son auteur. Aussi il y a lieu d’admettre qu’il est protégeable au titre du droit d’auteur.

Il convient d’ailleurs de relever que la société Linkeo.com fait preuve d’une certaine contradiction en relevant la banalité du support publicitaire tout en y ajoutant son crédit.

Estelle G. n’avait pas fait figurer son nom sur ce support publicitaire ; néanmoins, elle reste titulaire de son droit à la paternité de l’œuvre et elle peut légitimement se plaindre de l’appropriation à laquelle se livre la société Linkeo.com en se présentant comme auteur.

Par ailleurs, la société Linkeo.com qui a pris l’initiative de faire publier l’encart doit être tenue pour responsable de la mauvaise qualité de sa reproduction à l’égard de l’auteur.

La société Linkeo.com doit donc réparer le préjudice que la violation de son droit moral d’auteur crée à Estelle G. et elle sera condamnée à lui payer la somme de 1500 € à ce titre.

Il y a lieu également de rappeler que l’atteinte aux droits moraux d’Estelle G. ressort de la seule responsabilité de la société Linkeo.com et que l’appel en garantie contre Stéphane C. est mal fondé.

L’exécution provisoire compatible avec la nature de l’affaire sera ordonnée afin de mettre fin rapidement aux préjudices subis par les demanderesses.

II y a lieu de condamner Stéphane C. à payer à la société Victoriaa la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Linkeo.com à payer à la société Victoriaa la somme de 5000 € à laquelle s’ajoutera le coût des procès-verbaux de l’APP des 26 novembre 2009 et 4 mai 2010 et à Estelle G. la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

DECISION

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

. Condamne Stéphane C. à payer à la société Victoriaa la somme de 3000 € en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon du site internet elag-ouest.eu, créé par la société Victoriaa,

. Rejette les demandes fondées contre la société Linkeo.com au titre de la contrefaçon dudit site internet,

. Condamne la société Linkeo.com à payer à la société Victoriaa la somme de 8000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

. Enjoint à la société Linkeo.com de retirer de la page d’accueil du site internet la mention figurant en bas de sa page d’accueil ainsi que toute mention de la société Linkeo.com ou tout renvoi vers son site internet sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de dix jours suivant la signification du jugement,

. Enjoint à la société linkeo.com d’afficher la mention du crédit Victoria sur les pages du site internet accessible à l’adresse http://elagage-abattage.elagage-ouest.corn sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de dix jours suivant la signification du jugement,

. Se réserve la liquidation des astreintes,

. Rejette la demande de publication du jugement,

. Condamne la société Linkeo.com à payer à Estelle G. la somme de 1500 €, en réparation du préjudice résultat de la violation de ses droits moraux d’auteur sur l’encart publicitaire paru dans les Pages jaune de la Vienne 2008/2009 et 2009/2010,

. Rejette la demande de garantie formée par la société Linkeo.com contre Stéphane C.,

. Ordonne l’exécution provisoire du jugement,

. Condamne Stéphane C. à payer à la société Victoriaa la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

. Condamne la société Linkeo.com à payer à la société Victoriaa la somme de 5000 € à laquelle s’ajoutera le coût des procès-verbaux de l’APP des 26 novembre 2009 et 4 mai 2010, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

. Condamne la société Linkeo.com à payer à Estelle G. la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

. Condamne la société Linkeo.com et Stéphane C. aux dépens.

Le tribunal : Mme Marie-Claude Hervé (vice présidente), Mme Laure Comte et M. Rémy Moncorge (juges)

Avocats : Me Gérard Haas, Me François Herpe, Me Olivier Gary

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