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Jurisprudence : Vie privée

mercredi 18 janvier 2012
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Cour de cassation Chambre criminelle Arrêt du 14 décembre 2011

VFLI / Autorité de la concurrence

avocat - correspondance privée - données - fichiers - messagerie électronique - pratiques anticoncurrentielles - preuve - saisie

DISCUSSION

Statuant sur le pourvoi formé par la société voies ferrées locales et industrielles, contre l’ordonnance n° 149 du premier président de la cour d’appel de Paris, en date du 1er avril 2010, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visite et saisie effectuées par l’administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, L. 450-4 du code de commerce, 56, 57, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

 » en ce que l’ordonnance attaquée a refusé d’annuler la saisie des fichiers informatiques et d’ordonner en conséquence la restitution des DVD-R placés sous les scellés n° 1, 2, 3, 4 et 5 ;

 » aux motifs que : Sur le grief de saisie massive et indifférenciée de documents insaisissables ; que le procès-verbal de visite et saisie du 20 novembre 2008 mentionne :  » Nous avons examiné les données accessibles depuis l’ordinateur … présent dans le bureau de … Nous avons constaté la présence de documents entrant dans le champ de l’ordonnance de visite et de saisie donnée par le juge des libertés et de la détention … Nous avons demandé à M. Nicolas X…, représentant de l’occupant des lieux, de nous donner l’accès au serveur de données sur le lecteur partagé U comprenant les zones partagées et personnelles de travail des utilisateurs de la société VFLI. Ce dernier a donné instruction à M. … Y…, technicien supérieur en informatique de la société VFLI, de nous copier les messageries sur le disque dur. Nous avons examiné le contenu de ce disque dur et avons constaté la présence de documents entrant dans le champ de l’ordonnance de visite et de saisie donnée par le juge de la liberté et de la détention …  » ; qu’il s’ensuit que l’enquêteur a procédé à la saisie des messageries électroniques après examen de leur contenu, sans possibilité pour l’administration de procéder à un tri préalable permettant d’isoler les seuls messages entrant spécifiquement dans le champ de l’ordonnance ; que, par ailleurs, les enquêteurs qui n’ont pas relevé de difficultés lorsqu’ils ont dressé l’inventaire n’étaient pas tenus de recourir aux dispositions de l’article 56, alinéa 4, du code de procédure pénale relatives à la constitution de scellés provisoires ; Sur la violation des principes fondamentaux communautaires : que l’autorité de la concurrence a donné son accord pour la restitution du message décrit au point 21 puisqu’il porte sur un message émanant du conseil de la Société VFLI ; que, pour le surplus, il n’est pas établi que des documents saisis auraient porté atteinte au secret professionnel liant l’avocat à son client ;

1°)  » alors que toute personne a droit au respect de sa vie privée, de son domicile et de sa correspondance ; que toute ingérence dans ce droit doit être proportionnée au but poursuivi ; que le juge saisi d’un recours concernant des opérations de visite et de saisie doit en vérifier la régularité ; qu’en validant en l’espèce la saisie générale et indifférenciée de documents informatiques et de messageries électroniques incluant des documents de nature personnelle, confidentielle ou protégés par le secret professionnel ainsi que des documents ne présentant pas de lien avec l’enquête, au motif que les enquêteurs auraient procédé à la saisie de messageries électroniques après examen de leur contenu, sans possibilité pour l’administration de procéder à un tri préalable permettant d’isoler les seuls messages entrant spécifiquement dans le champ de l’ordonnance, sans indiquer les raisons pour lesquelles l’administration se serait trouvée dans une telle impossibilité, quand l’exposante indiquait différents moyens permettant d’effectuer un premier ciblage des fichiers contenus dans les messageries, le juge a statué par voie de motifs généraux, en violation des textes susvisés ;

2°)  » alors qu’en application de l’article 56, alinéa 4, du code de procédure pénale : Tous objets et documents saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés. Cependant, si leur inventaire sur place présente des difficultés, ils font l’objet de scellés fermés provisoires jusqu’au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs et ce, en présence des personnes qui ont assisté à la perquisition, suivant les modalités prévues à l’article 57 ; qu’en retenant en l’espèce que les enquêteurs n’étaient pas tenus de recourir aux dispositions de l’article 56, alinéa 4, du code de procédure pénale, relatives à la constitution de scellés provisoires, parce qu’ils n’auraient pas relevé de difficultés lorsqu’ils ont dressé l’inventaire, tout en constatant que l’administration avait été dans l’impossibilité de procéder à un tri préalable permettant d’isoler les seuls messages entrant spécifiquement dans le champ de l’ordonnance, ce qui impliquait qu’elle n’avait pas pu immédiatement inventorier chacun des documents et données informatiques saisis, ce dont l’exposante lui faisait précisément grief, le juge n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des textes susvisés ;

3°)  » alors qu’en retenant ainsi que les enquêteurs n’étaient pas tenus de recourir aux dispositions de l’article 56, alinéa 4, du code de procédure pénale relatives à la constitution de scellés provisoires parce qu’ils n’auraient pas relevé de difficultés lorsqu’ils ont dressé l’inventaire, sans répondre aux conclusions de l’exposante faisant valoir que ni la désignation des fichiers dans le procès-verbal, ni leur inventaire électronique ne permettaient à l’occupant des lieux ou à son mandataire de connaître avec un minimum de précision la nature des documents saisis, le juge n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

4°)  » alors que quelle qu’en soit la forme, les correspondances échangées entre l’avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel, ce qui interdit à l’administration de les saisir et d’en prendre connaissance ; que préalablement à toute saisie de documents intervenant en application de l’article L. 450-4 du code de commerce, toutes mesures utiles doivent être prises, conformément à l’article 56, alinéa 3, du code de procédure pénale, pour que leur inventaire et mise sous scellés assurent le respect du secret professionnel et des droits de la défense ; que le juge saisi d’un recours concernant des opérations de visites et de saisies doit en vérifier la régularité ; qu’en validant en l’espèce la saisie générale et indifférenciée de documents informatiques et messageries électroniques incluant des correspondances échangées avec un cabinet d’avocat et protégées par le secret professionnel, sans vérifier que l’administration avait, préalablement à cette saisie, pris toutes mesures utiles pour assurer le respect du secret professionnel et des droits de la défense, le juge a violé les textes susvisés ;

5°)  » alors que, quelle qu’en soit la forme, les correspondances échangées entre l’avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel, ce qui interdit à l’administration de les saisir et d’en prendre connaissance ; que la saisie par l’administration de pièces couvertes par le secret professionnel permettant à celle-ci d’en prendre connaissance porte une atteinte irrémédiable aux droits de la défense qui n’est pas réparée par la restitution desdites pièces après leur identification par le saisi, et ce d’autant moins que les recours contre les opérations de saisie n’ont pas d’effet suspensif ; qu’en se bornant à donné acte à l’autorité de la concurrence de son accord pour restituer, sous son contrôle, les documents dont il serait démontré qu’ils relèveraient exclusivement de la vie privée ou du secret professionnel des avocats dont la liste serait fournie par la requérante, le juge a violé les textes susvisés  » ;

Attendu que, pour dire régulières les opérations réalisées dans les locaux de la société demanderesse, l’ordonnance attaquée, après avoir annulé la saisie des documents appréhendés en dehors du champ de l’enquête, prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, dépourvues d’insuffisance comme de contradiction, le juge, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi, a justifié sa décision ;

Que, d’une part, il a souverainement apprécié que les supports et données saisis, qui ont été sélectionnés selon des critères que l’administration n’est pas tenue de communiquer, n’étaient ni divisibles ni étrangers au but de l’autorisation accordée ;

Que, d’autre part, les fichiers saisis ont été identifiés et inventoriés, la société demanderesse, à laquelle une copie du CD-R contenant cet inventaire a été remise, étant en mesure de connaître la nature des données appréhendées ;

Qu’enfin, la demanderesse n’établit la présence, parmi les documents maintenus sous saisie, d’aucune correspondance émanant de ses avocats ou qu’elle leur aurait adressée, en lien avec l’exercice des droits de sa défense ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’ordonnance est régulière en la forme ;

DECISION

. Rejette le pourvoi ;


La Cour
: M. Louvel (président),

Avocats : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Hémery et Thomas-Raquin

 
 

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