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Jurisprudence : Vie privée

mercredi 01 février 2012
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Cour de cassation Chambre sociale Arrêt du 10 janvier 2012

M. X. / TFN

contrôle - employeur - obligation de loyauté - preuve - requête - salariés - videosurveillance

DISCUSSION

Sur le moyen unique

Vu les articles L. 1222-4 du code du travail et 1134 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… et divers autres salariés de la société de nettoyage Technique française du nettoyage (TFN), affectés sur le site de la société cliente Guillet, ayant saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir le paiement notamment de primes d’habillage, leur employeur a demandé et obtenu le 3 septembre 2008 une ordonnance sur requête désignant un huissier aux fins de visionner les enregistrements des caméras de vidéo-surveillance placées à l’entrée de la société cliente pour la période d’avril à août 2008 et d’établir un relevé des heures d’arrivée et de départ de ses salariés à comparer avec les relevés d’activité établis par le chef d’équipe ; que le procès-verbal, dressé le 18 septembre 2008, a été produit par l’employeur dans la procédure prud’homale ; que les salariés et le syndicat des services CFDT de Maine-et-Loire ont sollicité en référé la rétractation de l’ordonnance sur requête et la nullité des actes subséquents ;

Attendu que pour les débouter de leur demande, l’arrêt confirmatif retient par motifs propres et adoptés que le renforcement de la vidéo-surveillance par la société cliente n’ayant pas pour but de contrôler le travail des salariés prestataires mais uniquement de surveiller les portes d’accès de ses locaux pour renforcer la sécurité et l’employeur ayant dès le 20 mai 2008 avisé ses salariés de ce dispositif, remplissant en cela son obligation de loyauté par une information à laquelle il n’était pas tenu au regard de l’article L. 1222-4 du code du travail, le procédé ayant été installé par le client de l’entreprise, les enregistrements litigieux constituent un moyen de preuve licite ;

Attendu cependant que si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéo-surveillance installé sur le site d’une société cliente permettant le contrôle de leur activité dont les intéressés n’ont pas été préalablement informés de l’existence ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors que la lettre du 20 mai 2008, qu’elle a dénaturée, n’informait pas les salariés de l’existence d’un dispositif de vidéo surveillance qui permettait de contrôler leurs heures d’arrivée et de départ sur le lieu du travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

DECISION

Par ces motifs :

. Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 juin 2010, entre les parties, par la cour d’appel d’Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rennes ;

. Condamne la société Technique française du nettoyage aux dépens ;

. Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X… et les huit autres demandeurs

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance de référé rendue par le Tribunal de instance de Saumur qui a rejeté la demande des exposants tendant à la rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 3 septembre 2008 par le Président de cette même juridiction et à l’annulation des actes subséquents.

Aux motifs propres que c’est par de justes motifs, qu’il serait vain de paraphraser, que le premier juge, après avoir estimé qu’aucun des textes invoqués par les appelants n’avait été violé en l’espèce, les a déboutés de leur demande de rétractation de son ordonnance du 3 septembre 2008, étant au besoin ajouté, non seulement que les appelants n’apportent pas le moindre commencement de preuve à peu près sérieux d’une prétendue «collusion», «entente frauduleuse»… entre les sociétés TFN et Guillet, mais encore qu’il est au contraire établi, notamment par les propres pièces des appelants : – d’une part que c’est (au plus tard) le 28 avril 2006 que le comité d’entreprise de la seconde de ces sociétés avait été avisé de la pose de caméras «à chaque entrée», «ces caméras (ayant) été installées à chaque entrée du personnel dans l’entreprise uniquement pour contrôler les intrusions (et ne pouvant servir) à contrôler un retard (contrôlable par d’autres moyens)» ; – et, de l’autre, que c’est dès le 20 mai 2008 que la société TFN avait averti l’ensemble de ses salariés travaillant sur «le site Guillet», et ce par courriers recommandés, du nouveau système de supervision ainsi mis en place par la société éponyme ; qu’il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions, sans qu’il soit besoin de poser à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) une question préjudicielle qui, dans ces conditions, n’est pas pertinente.

Aux motifs adoptés que les dispositions des articles L 1222-4 et L 2323-32 du code du travail relatives à l’interdiction d’effectuer des enregistrements vidéo à l’insu du salarié et à l’information du comité d’entreprise de la mise en place d’un tel système sont applicables dans les relations d’un employeur vis à vis de ses salariés ; qu’il est de droit (cass soc 19/4/2005) que l’employeur n’est pas tenu de divulguer l’existence des procédés installés par les clients de l’entreprise où interviennent ses salariés et notamment comme en l’espèce, lorsque la mise en place des caméras décidée par la société Guillet avait pour but de contrôler les portes d’accès de ses locaux pour renforcer la sécurité en raison d’intrusions et de vols constatés ; qu’en l’espèce n’est pas démontrée par les demandeurs la connivence qu’ils sous entendent entre les deux sociétés pour surveiller les salariés de la société TFN, cette connivence n’est pas davantage évidente dans la mesure où la société Guillet n’avait aucun pouvoir de subordination sur les salariés de la société TFN et n’aurait pas investi personnellement pour surveiller les agents de son prestataire de services et également parce qu’il est démontré au dossier que dès le mois de mai 2008 les salariés de la société TFN avaient été informés du renforcement du dispositif de vidéo-surveillance de la société cliente, la société TFN remplissant en cela son obligation de loyauté vis-à-vis de ses salariés par cette information préalable à laquelle elle n’était pas tenue ; qu’il sera remarqué subsidiairement qu’il ressort des pièces versées aux débats par les demandeurs que la société Guillet a rempli vis à vis de ses salariés les obligations requises par les textes sus visés avant de renforcer son système de vidéo-surveillance ; que le renforcement de sa vidéo-surveillance par la société Guillet n’ayant pas pour but de contrôler le travail des salariés de la société TFN mais uniquement de surveiller les portes d’accès de ses locaux, il convient de dire que ces enregistrements vidéo constituaient un moyen de preuve licite qu’elle pouvait obtenir par application des dispositions des articles 11 alinéa 2, 145 et 249 du code de procédure civile ; que les demandeurs seront donc déboutés de leur demande de rétractation de l’ordonnance prise le trois septembre 2008.

Alors qu’en application du principe de loyauté et de l’article L1222-4 du Code du travail, l’employeur ne peut utiliser un système de vidéo-surveillance permettant de contrôler et surveiller l’activité des salariés sans avoir préalablement informé ces derniers ; qu’un tel principe est applicable quel que soit le lieu de travail et le responsable du dispositif de vidéo-surveillance ; qu’en retenant que constituait un mode de preuve licite un enregistrement vidéo effectué par un dispositif installé par la société cliente dès lors que celui-ci n’avait pas pour but de contrôler le travail des salariés de la société prestataire de service mais uniquement de surveiller les portes d’accès de ses locaux, alors que la surveillance desdites portes d’accès permet un contrôle des heures d’entrée et de sortie de travail et, par conséquent, de l’activité des salariés, la Cour d’appel a violé le texte susvisé.

Et alors encore qu’en retenant que l’employeur avait averti l’ensemble de ses salariés travaillant sur le site, par courriers recommandés, du nouveau système de supervision ainsi mis en place par la société cliente, et en en déduisant que les salariés de la société prestataire de service avaient été informés du renforcement du dispositif de vidéo-surveillance de la société cliente, alors que ledit courrier n’a trait qu’à la «mise en place d’un système de supervision (…) concernant l’ouverture des portes de secours» et enjoignait en conséquence les salariés de «impérativement entrer et sortir par l’issue principale», la Cour d’appel a, par motifs propres et adoptés, dénaturé ledit courrier et, partant, violé l’article 1134 du Code civil.

La Cour : M. Lacabarats (président)

Avocats : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Masse-Dessen et Thouvenin,

Notre présentation de la décision

 
 

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