Jurisprudence : E-commerce
Tribunal de commerce de Paris Ordonnance de référé 15 février 2012
L’Epic l'Opéra National / Viagogo Ltd
compétence d'attribution - compétence territoriale - vente en ligne - ventes illicites
FAITS ET PROCÉDURE
Pour les motifs énoncés en son assignation introductive d’instance en date du 22 novembre 2012 délivrée selon les dispositions du règlement (CE) 1348 du 29 mai 2000, à laquelle il conviendra de se reporter quant à l’exposé des faits, l’Epic l’Opéra National de nous demande de :
Vu les articles 145 et 873 du code de procédure civile,
Vu l’article L.721-3 du code de commerce,
Vu l’article 1er de la loi du 27 juin 1919 portant répression du trafic des billets de théâtre,
Vu l’article 1382 du code civil,
Vu le Décret n°94-1 11 du 5 février 1994,
– Ordonner à la société Viagogo Ltd de retirer, sous astreinte de 1000 € par jour à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, toutes annonces passées, présentes et à venir de vente et d’achat de billets pour tous les spectacles organisés par l’Opéra National de Paris et représentés au Palais Garnier (Paris), à l’Opéra Bastille (Paris), ou en toute autre salle ou tout autre lieu.
– Condamner la société Viagogo Ltd au versement de 10 000 € à titre de provision en réparation de son préjudice moral,
– Ordonner à la société Viagogo Ltd de produire l’ensemble des éléments de nature à permettre l’évaluation exacte du préjudice causé à l’Opéra National de Paris à savoir, depuis la création du site, la date de chaque transaction relative à des billets de l’Opéra National de Paris, avec le nombre de places concernées, le prix d’acquisition et le prix de revient de chacune d’elles ainsi que le chiffre d’affaires brut réalisé par Viagogo Ltd au titre de chaque transaction, et ce sous astreinte de 1000 € par jour de retard après expiration d’un délai d’un mois après la signification de l’ordonnance à intervenir et jusqu’à fourniture de l’intégralité des éléments requis,
– Condamner la société Viagogo Ltd à verser à l’Opéra National de Paris une somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
A la requête de la société Viagogo Ltd nous avons renvoyé l’affaire à l’audience du 31 janvier 2012.
La société Viagogo Ltd se fait représenter et, après avoir développé le moyen de ses écritures, par conclusions motivées son conseil nous demande :
A titre principal,
– Nous déclarer territorialement incompétent au profit des juridictions compétences du Royaume-Uni,
A titre subsidiaire,
– Nous déclarer matériellement incompétent au profit des juridictions de l’ordre administratif et renvoyer le demandeur à mieux se pourvoir,
A titre plus subsidiaire,
– Déclarer l’action engagée irrecevable et en toute hypothèse,
– Dire n’y avoir lieu à référé,
En conséquence,
– Débouter la société l’Opéra National de Paris de toutes ses demandes fins et prétentions,
– Condamner la société l’Opéra National de Paris au paiement de la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Le Conseil de la Epic l’Opéra National de Paris dépose des conclusions récapitulatives nous demandant de :
Vu les articles 145 et 873 du code de procédure civile,
Vu l’article L.721-3 du code de commerce,
Vu l’article 1er de la loi du 27 juin 1919 portant répression du trafic des billets de théâtre,
Vu l’article 1382 du code civil,
Vu le Décret n°94-1 11 du 5 février 1994,
– Ordonner à la société Viagogo Ltd de retirer, sous astreinte de 1000 € par jour à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, toutes annonces passées, présentes et à venir de vente et d’achat de billets pour tous les spectacles organisés par l’Opéra National de Paris et représentés au Palais Garnier (Paris), à l’Opéra Bastille (Paris), ou en toute autre salle ou tout autre lieu, quel que soit leur prix de vente, ainsi que toute citation desdits spectacles,
– Condamner la société Viagogo Ltd au versement de 10 000 € à titre de provision en réparation de son préjudice moral,
– Ordonner à la société Viagogo Ltd de produire l’ensemble des éléments de nature à permettre l’évaluation exacte du préjudice causé à l’Opéra National de Paris à savoir, depuis la création du site, la date de chaque transaction relative à des billets de l’Opéra National de Paris, avec le nombre de places concernées, le prix d’acquisition et le prix de revient de chacune d’elles ainsi que le chiffre d’affaires brut réalisé par Viagogo Ltd au titre de chaque transaction, et ce sous astreinte de 1000 € par jour de retard après expiration d’un délai d’un mois après la signification de l’ordonnance à intervenir et jusqu’à fourniture de l’intégralité des éléments requis,
– Condamner la société Viagogo Ltd à verser à l’Opéra National de Paris une somme de 6000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Après avoir entendu les parties nous clôturons les débats et disons que notre ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe le 15 février 2012 à partir de 15h00.
DISCUSSION
Sur l’exception d’incompétence territoriale
Attendu qu’il n’est pas contesté que la défenderesse n’a pas de siège ou d’établissement dans le ressort du tribunal de commerce de Paris,
Attendu cependant qu’il ressort des documents versés aux débats que les faits reprochés se sont produits via un site internet :
– accessible en France, et notamment à Paris (site www.viagogo.fr) ;
– rédigé en français ;
– proposant des places pour des spectacles représentés à Paris ;
Attendu qu’il est de jurisprudence constante qu’en matière d’atteintes aux droits commises au moyen d’un site internet, la compétence des juridictions françaises est retenue lorsque le site en question est accessible sur le territoire français et que les annonces litigieuses sont destinées au public de France ;
Attendu que dans la mesure où le site est accessible dans le ressort du tribunal de céans, il importe peu que des faits dommageables se soient également produits dans le ressort d’autres tribunaux ;
Nous rejetterons l’exception d’incompétence territoriale et nous dirons compétent.
Sur l’exception d’incompétence d’attribution
Attendu qu’il est de jurisprudence constante que la compétence du tribunal de commerce est retenue pour toutes les actions délictuelles ou quasi-délictuelles lorsque les faits litigieux sont en relation avec l’exercice du commerce ;
Attendu que contrairement à ce que soutient le défendeur, l’objet de l’action ne vise pas à défendre un service public d’intérêt général, l’objet de l’Opéra National de Paris est notamment la présentation de spectacles qui est un acte de commerce par nature au sens des dispositions de l’article L 110-1 6° du code de Commerce ;
Attendu que l’Opéra National de Paris est un Epic qui exerce une activité commerciale d’entreprise de spectacle et dispose d’une licence d’entrepreneur de spectacle, conformément aux dispositions de l’article 7122-2 du code du travail, dont le numéro figure sur chacun de ses billets ;
Attendu qu’il ressort d’une jurisprudence récente du tribunal des conflits que les litiges nés des activités d’un Epic relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire « à l’exception de ceux relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortent par leur nature de prérogatives de puissance publique » ;
Attendu que Opéra de Paris ne dispose ni n’exerce aucune prérogative de puissance publique ;
Nous rejetterons l’exception d’incompétence d’attribution et nous dirons compétent.
Sur la demande principale
Attendu que l’intérêt à agir de l’Opéra de Paris, et la justification d’un motif légitime sont mis en cause par Viagogo ;
Attendu que les parties sont en désaccord sur le statut de Viagogo à savoir éditeur ou hébergeur ;
Attendu que les faits allégués sont contestés ;
Attendu que la demande de provision au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral n’est pas justifiée, le demandeur n’apportant pas la preuve du préjudice chiffré prétendument subi ;
Nous retenons que les arguments ainsi débattus et l’examen des pièces du dossier établissent l’existence d’une contestation sérieuse qui relève des pouvoirs du juge du fond.
En conséquence, nous dirons qu’il n’y a lieu à référé.
Sur les autres demandes
Nous laisserons au juge du fond éventuellement saisi le soin de statuer sur l’application de l’article 700 du CPC et laisserons à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
DÉCISION
Statuant par ordonnance contradictoire en premier ressort :
– Nous disons compétent ;
– Disons n’y avoir lieu à référé pour la demande principale ;
– Déboutons les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du CPC ;
– Condamnons chacune des parties à ses propres dépens.
Le tribunal : M. Limon-Duparcmeur (président)
Avocats : Me Michel Magnien, Me Diane Mullenex, Me Stéphane Coulaux
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