Jurisprudence : Responsabilité
Cour d’appel de Paris Pôle 5, chambre 12 Arrêt du 23 janvier 2012
eBay International / Burberry Ltd et autres
amende - contrefaçon - dommages-intérêts - e-commerce - hébergeur - lcen - marques - pénal - recel - vente
PROCÉDURE
La saisine du tribunal et la prévention
La société eBay International AG a été poursuivie devant le tribunal, sur citation à la requête du procureur de la République, pour avoir à Paris et sur le territoire national, entre le 30 mai 2005 et le 20 juin 2006, sciemment bénéficié en tout ou partie du produit financier des délits de vente de produits présentés sous une marque contrefaite commis par Josiane M. et Christophe S., sous forme de commissions en pourcentage perçues sur chacune des ventes en cause pour un montant de 6349,78 €,
Faits prévus par l’article 321-1 du code pénal et réprimés par les articles 321-1 al.3, 321-3, 321-9 du code pénal.
Le jugement
Le tribunal de grande instance de Fontainebleau – par jugement contradictoire à l’encontre de la société eBay International AG, prévenue, et à l’égard de la société Christian Dior Couture et de la société Louis Vuitton Malletier (LVM), parties civiles, et par jugement contradictoire à signifier à l’égard de la société Burberry Ltd, partie civile, en date du 23 août 2010, a :
Sur l’action publique,
– déclaré la société eBay International AG coupable pour les faits qualifiés de :
* recel de bien provenant d’un délit puni d’une peine n’excédant pas 5 ans d’emprisonnement et, en application des articles susvisés, l’a condamnée à une peine d’amende délictuelle de 200 000 €,
– ordonné aux frais de la société eBay International AG la diffusion du dispositif pénal sur la page d’accueil du site internet eBay pendant 1 mois ainsi que dans les quotidiens Le Monde et Le Parisien-Aujourd’hui en France pendant 7 jours consécutifs, le coût total de ces diffusions ne pouvant excéder 8000 € qui seront avancés par le Trésor Public et recouvrés ultérieurement contre la condamnée.
Sur l’action civile,
– reçu les sociétés Burberry Ltd, Christian Dior Couture et Louis Vuitton Malletier (LVM) en leur constitution de partie civile,
– déclaré M. Josiane, S. Christophe et la société eBay International AG responsables du préjudice subi par les sociétés Burberry Ltd, Christian Dior Couture et Louis Vuitton Malletier (LVM),
– condamné solidairement M. Josiane, S. Christophe et la société eBay International AG à payer à la société Burberry Ltd la somme de 7000 € à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice et la somme de 500 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
– condamné solidairement M. Josiane, S. Christophe et la société eBay International AG à payer à la société Christian Dior Couture la somme de 74 000 € au titre du préjudice économique, 20 000 € au titre du préjudice d’image, 10 000 € au titre du préjudice moral et la somme de 5000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
– condamné solidairement M. Josiane, S. Christophe et la société eBay International AG à payer à la société Louis Vuitton Malletier (LVM) la somme de 13 639 € au titre du préjudice économique, 10 000 € au titre du préjudice d’image, 5000 € au titre du préjudice moral et la somme de 10 000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
– ordonné la confiscation des scellés saisis.
Les appels
[…]
DISCUSSION
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Considérant que les appels de la société « eBay International AG ”, prévenue, et du ministère public, sont intervenus dans les formes et délais de la loi ;
Au fond
Considérant que référence faite aux énonciations du jugement déféré, pour plus ample rappel des faits, il convient de relever, qu’à la suite de la plainte, fin mars 2006, de Mademoiselle M. qui avait dénoncé à la Direction départementale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) et également à la société “eBay France”, avoir été trompée par son vendeur lors de l‘achat d’un portefeuille neuf de marque Chanel au prix de 150 €, sur le site eBay, qui s’était révélé contrefait, une enquête de police était diligentée à la demande du procureur de la République, qui établissait que Christophe S. et Josiane M. avaient revendu, à raison en moyenne d’une trentaine chacun par mois, entre 2004 et 2006, via le site “eBay”, sous différents pseudonymes, des articles de contrefaçon, notamment des articles sous les marques Dior (1640 articles), Vuitton (177 articles) Dolce Cabana, Burberry (46 articles saisis à leur domicile), et Chanel, qu’ils acquéraient en Chine, via le site eBay, le dit trafic leur rapportant selon leurs dires environ 1500 à 2500 € mensuels chacun ; lors de la perquisition au domicile des deux prévenus, étaient retrouvés 501 récépissés de “Colissimo” ;
A – Considérant que la défense de la société « eBay International AG” fait valoir :
d’une part :
que la société “eBay international AG” doit bénéficier de la qualité d’hébergeur au sens de l’article 6-2 de la loi du 21 juin 2004 (LCEN), son rôle se limitant à la mise à disposition de moyens techniques qui ont permis le rapprochement de Madame M. et Monsieur S. et des acquéreurs sans que “eBay” ait à intervenir sur le contenu des offres, les négociations entre les cocontractants et l’exécution des contrats ;
que sa responsabilité pénale ne peut être retenue, les conditions posées par l’article 6-3 de cette même loi n’étant pas réunies, les notifications faites par les titulaires des droits n’ayant pas été effectuées dans les formes légales impératives fixées par la “LCEN”, pas plus que dans les formes édictées dans le cadre de leur programme “VeRO” qui impose l’utilisation d’un formulaire édité par “eBay” ; qu’ainsi dans les notifications Louis Vuitton Malletier y était omise la fourniture de renseignements indispensables à une localisation rapide de l’annonce par “eBay”, qui néanmoins à fait preuve des plus grandes diligences en supprimant les annonces ;
d’autre part :
que la responsabilité pénale de droit commun d’ “eBay” en qualité de receleur, portant sur les commissions en pourcentage à l’occasion des ventes réalisées entre le 30 mai 2005, date la première alerte de la société “Louis Vuitton”, et le 20 juin 2006, date de la mise en garde à vue des deux prévenus, n’est pas établie tant sur plan matériel qu’intentionnel à raison de :
* sur l’élément matériel : la prévention porte sur une somme globale de 6349,78 € correspondant au montant des commissions perçues de 2004 à 2006, or, la responsabilité d’”eBay” ne peut être engagée que pour les seules ventes pour lesquelles elle aurait été mise à même de savoir qu’elles portaient sur des objets contrefaits, et pour lesquels elle aurait, néanmoins, sciemment accepté de percevoir des commissions ;
* sur l’élément intentionnel : il ne peut être reproché à “eBay” d’avoir attendu l’issue de l’enquête pour procéder à la fermeture des comptes de Madame M. et Monsieur S., ayant l’obligation d’avoir une certitude sur le comportement de ces derniers avant d’agir ; la fermeture d’un compte étant de nature à engager, le cas échéant, sa responsabilité ; qu’or la plainte de Melle O. ne lui donnait aucune certitude, d’autant plus que cette dernière avait informé “eBay” que son litige avec Josiane M. était clos ; que cette certitude n’a été acquise qu’à l’issue de l’enquête qui a duré près de trois mois et mis en œuvre les moyens dont “eBay” ne disposait pas (garde à vue, perquisition) ;
que les moyens qu’elle a mis en œuvre, système “VeRO” par leur importance et le coût considérable qu’ils représentent sont exclusifs de toute volonté de sa part de profiter de la perception de commissions sur la vente de produits de contrefaçon ;
qu’elle a mis en place des “instruments pro-actifs”, en l’espèce des filtres pour que les annonces suspectes soit acheminées vers l’importante équipe de lutte anti-fraude qu’elle a créée ;
qu’en l’espèce elle a procédé dès 2004, puis en 2005 et 2006 aux retraits des 11 annonces signalées par les marques, Hermès, Burberry, Louis Vuitton, relatives au compte “Webandeo » ouvert par Monsieur S., bien que ces notifications n’étaient pas régulières et que seulement six d’entre elles portaient la mention “usage illicite de marque”, qu’il en a été de même des quatre annonces passées par Josiane M., les 1er juin et 16 juin 2006 sous le pseudo « misslolo”, et de l’annonce passée le 15 juillet 2004 sous le pseudo “Josy-star”, comptes pour lesquels la société “eBay” avait procédé à trois retraits pro-actifs les 12 mai 2004, 12 avril et 2 mai 2005 pour le compte « josy-star” et un retrait pro-actif le 7 octobre 2005 pour le compte “misslolo”; que par ailleurs lors du retrait des annonces ont été remboursés les frais à l’annonceur ;
qu’en revanche aucune demande n’avait été effectuée de la part des titulaires des droits au sujet des comptes “millafaire” et « fashion attitude” (Melle M.), mais “eBay” avait, cependant, procédé sur chacun de ces comptes à deux retraits pro-actifs les 20 janvier 2005 et 1er juin 2006 (notamment sur un sac Chanel) ;
qu’il ne saurait être reproché à “eBay”, un manque de réactivité ou d’attention, à la suite des requêtes qui lui avaient été adressées, les sociétés parties civiles étant seules à pouvoir invoquer les contrefaçons qui leur portent préjudice, l’absence de toute initiative de leur part rendant ainsi inopérante l‘accusation de laxisme portée contre “eBay” ; qu’il en va d’autant plus que seule la saisine du parquet est de nature à mettre un terme définitif aux faits délictueux en cause ; que si, certes “eBay” dispose de la possibilité dans certains cas de suspendre des comptes cette efficacité est réduite ;
qu’enfin elle fait valoir avoir coopéré avec la “DDCCRF” à laquelle elle a communiqué, à sa demande, tous les renseignements relatifs au pseudo « misslolo » le 13 avril 2006 et tous ceux relatifs aux comptes “Millaffaire”, “la fashion attitude”, “Josystar” et “princesse charmante” le 21 avril 2006 ce qui démontre sa bonne foi ;
B – Considérant que les partes civiles font valoir, que la société “eBay” international AG” ne peut revendiquer la qualité d’hébergeur dans la mesure où celle-ci ne concerne que les prestataires dont l’activité se limite au stockage d’informations, alors qu’elle se livre à une activité de courtage dont l’hébergement est l’accessoire ; qu’elle relève dès lors du droit commun ; que la philosophie d’eBay ne se limite pas à mettre en relation acheteurs et vendeurs mais à promouvoir énergiquement les ventes en ligne, en offrant aux vendeurs toute une série de services, naturellement facturés par elle, tels que : gestionnaires de ventes, boutique, assistants vendeurs ;
que la société “eBay International AG” avait connaissance dès 2004 du caractère illicite des ventes de Josiane M. et Christophe S., notamment pendant la période de prévention du 30 mai 2005 au 20 juin 2006, pour avoir reçu 15 notifications des titulaires des droits visant des annonces sur les sites “webandeo” et “Misslolo” et pour avoir elle-même dès l’ouverture de ces deux comptes procédé à 13 retraits pro-actifs d’annonces qu’elle avait jugé illicites ; qu’il appartenait ainsi à la société “eBay international AG” de fermer les comptes de ces deux utilisateurs, dès lors qu’elle avait connaissance de leur activité frauduleuse et avait les moyens de les identifier ;
Sur la qualité d’hébergeur
Considérant que l’activité d’hébergement est visée par les articles 14 et 15 de la directive 2000/31 et 6.1.2 à 6.1.7 de la loi de transposition du 21 juin 2004 dite loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) ;
que l’article 6-1-2 dispose notamment “Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services, ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n‘avaient pas eu connaissance de l’activité ou de l’information illicite ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agit promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible” ;
que l’article 6-l-3 instaure une présomption de mauvaise foi à l’égard de l’hébergeur si lui ont été notifiés dans les formes prescrites par le dit article les faits litigieux (date de la notification identité complète du notifiant, du destinataire, description et localisation des faits litigieux, les motifs du contenu qui doit être retiré avec la mention des dispositions légales, la copie de la lettre adressée à l’éditeur ou l’auteur des informations litigieuses) ;
Considérant que la société «eBay international AG» est une société de droit suisse ; qu’il n’est pas contesté par cette dernière que c’est elle qui exploite la plate-forme de commerce électronique accessible à l’adresse www.eBay.fr et qui héberge au préalable les annonces passées par les internautes ;
que ce site internet a ainsi développé un système de ventes aux enchères par voie électronique qui permet à tout vendeur ou acquéreur, meilleur enchérisseur, de réaliser leurs négociations sur les sites mis à leur disposition ; qu’en contrepartie de cette mise en relation la société “eBay” perçoit une commission assise d‘une part, sur la mise en ligne de l’annonce et, d’autre part sur le prix de vente de chaque transaction réalisée, qu’elle a donc un intérêt direct à la conclusion de ces ventes ;
Considérant ainsi que l’a relevé la Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision du 12 juillet 2011, pour que le prestataire de service puisse relever du champ d’application de l’article 14 de la directive 2000/31 il est essentiel qu’il soit “un prestataire technique” ; qu’il n’en va pas ainsi lorsque le prestataire du service, au lieu de se limiter à une fourniture neutre de celui-ci au moyen d’un traitement purement technique et automatique des données fournies par ses clients, joue un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle de ces données ;
Considérant qu’il est établi par les pièces de la procédure que le site “eBay” n’occupe pas une position neutre entre le client vendeur et les acheteurs potentiels, mais joue un rôle actif, en leur proposant de profiter d’un “gestionnaire de ventes”, “d’assistants vendeurs” ou de créer une “boutique” en ligne ou même de devenir “powerSellers”, (meilleurs vendeurs opérant sur la plate-forme qui vendent régulièrement un volume important d’objets et doivent conserver un pourcentage d’évaluations positives de 98 %) ce qui leur permet de bénéficier d’une série d’avantages spéciaux (offres promotionnelles, marchandises promotionnelles eBay, des formations avancées sur la vente…) ; qu’à ce titre, Madame R., “VeRO Européan manager” au sein de la société eBay, devant les enquêteurs de police a qualifié les « PowerSellers” de “piliers de notre communauté et que l’intérêt de ce titre était l’icône “powerSellers”, ces derniers étant vus comme des vendeurs actifs et reconnus de la communauté “eBay” ;
Considérant que l’intervention active de la société “eBay” dans l’assistance, le suivi et la promotion des ventes se traduit encore par l’envoi de messages spontanés à l’attention de l’acheteur qui n’a pu remporter une enchère pour l’inciter à acquérir un produit similaire, et à se reporter sur d’autres objets sélectionnés par elle en stock dans le journal des ventes, ce qui démontre à l’évidence le rôle actif d’eBay ;
Considérant qu’il est patent, que l’hébergement des annonces n’est que le support de l’activité principale d’ “eBay”, à savoir l’intermédiation entre vendeurs et acheteurs pour laquelle elle a mis en place des outils destinés à promouvoir les ventes et à les orienter pour optimiser les chances qu’elles aboutissent à des transactions effectives sur le montant desquelles elle percevra une commission ;
qu’il en résulte que la société eBay, qui tire profit non pas uniquement du stockage des données mais également de la valeur attractive des marchandises mises au enchères, perd son caractère de neutralité par rapport aux données qu’elle ne se contente pas d’héberger mais qu’elle exploite ;
Considérant en conséquence que la société “eBay international AG” ne peut prétendre au statut d’hébergeur tel que défini dans la LCEN et à son statut dérogatoire
Sur le délit de recel de contrefaçon
Considérant que Josiane M. et Christophe S. ont été déclarés à titre définitif coupables des délits d’importation à des fins commerciales de marchandises présentées sous une marque contrefaite, détention de produit revêtus d’une marque contrefaite, mise en vente de produits sous une marque contrefaite ;
qu’il est ainsi établi par Ia procédure que les consorts M.-S. avaient développé sur “eBay”, depuis 2004 un trafic d’importation et de revente de produits de contrefaçon et, pour ce faire, avaient ouvert à eux deux 6 comptes sous 6 pseudonymes différents à savoir :
pour Madame M. : misslolo 77, josystar, millafaire, la fashion attitude pour la vente aux enchères et princesse charmante pour les achats dans les pays asiatiques ; pour Monsieur S. : Webbanco shop ;
qu’il est également établi que l’ensemble de ces comptes étaient reliés à la même adresse “IP” ;
Considérant que la société “eBay” pour lutter contre les contrefaçons sur son site, a mis en place depuis 1998 un programme baptisé “VeRO” permettant aux titulaires des droits de propriété intellectuelle de signaler les annonces contrevenant à ce droit ; qu’ainsi en cas d‘alerte, “eBay” peut : retirer l’annonce, envoyer un avertissement au vendeur, suspendre le compte en cas de violation répétée voire le radier ; que dans ces cas de fraude est prévu que les frais de mise en vente normalement perçus par eBay sont alors remboursés au vendeur ;
Considérant qu’il est établi par les éléments de la procédure et d’ailleurs non contesté par la société “eBay” qu’elle a procédé d’une part :
dès 2004, puis en 2005 et 2006, aux retraits de onze annonces signalées par les marques “Hermès”, “Burberry”, “Louis Vuitton” “Chanel”, pour “copie et contrefaçon” relatifs au compte “Webandeo” ouvert par Monsieur S., puis de quatre annonces signalées également pour “copie et contrefaçon” passées par Josiane M., sous le pseudo “misslolo” entre le 29 mai et le 14 juin 2006, sans compter le signalement adressé par Melle O., le 12 mars 2006 ;
et d’autre part dès le 12 mai 2004 à des retraits « pro-actifs “, de sa propre initiative de :
* trois annonces du vendeur “josystar” les 12 mai 2004, 12 avril et 2 mai 2005 ;
* une annonce du vendeur « misslolo 77” du 7 octobre 2005 ;
* une annonce du vendeur “fashion attitude” du 1er juin 2006 ;
* une annonce du vendeur “millaffaire” le 20 janvier 2005 ;
* sept annonces du vendeur “webandeo shop” les 28 juin, 23 octobre et 8 décembre 2004, 9 janvier, 15 février, 22 juin et 20 décembre 2005,
toutes retirées pour le motif suivant : “infraction au règlement relatif aux copies et contrefaçon » ;
Considérant que l’enquête a révélé également que les deux prévenus avaient créé quinze comptes uniquement destinés à surenchérir frauduleusement lors des ventes sur le site eBay, ce qui avait amené la société “eBay” à réagir en bloquant temporairement (une semaine) les comptes de Josiane M., à savoir « misslolo », “fashion attitude », “millaffaire“ laquelle a expliqué aux enquêteurs avoir pendant cette période utilisé le pseudo “josystar” ; qu’il s’en déduit que la société “eBay” était tout à fait à même d’identifier les comptes reliés à cette même adresse ;
Considérant qu’à la suite de ces retraits d’annonces, conformément à son règlement, “eBay” a procédé aux remboursements multiples et répétés, pendant près de deux ans, des consorts M.-S. en émettant des factures libellées à leur nom ;
Considérant également, que des commentaires négatifs et explicites notamment pour “vente de contrefaçons sur eBay en toute impunité” relatif au pseudo “Josystar” circulaient sur les forums d’eBay ;
Considérant enfin que la “DDCCRF” de Seine-et-Marne, à la suite de sa requête du 12 avril 2006, auprès de la société “eBay”, lui signalant l’activité frauduleuse de madame M., avait obtenu communication de la société eBay, le 13 avril, de l’ensemble des achats et ventes faits par Josiane M. sous son pseudonyme “misslolo77” au cours des années 2005 et 2006, ce qui représentait des centaines d’articles et un chiffre d’affaires de 32 944 €, puis à la suite d’une nouvelle réquisition auprès du service “fr investigations d’eBay, en date du 18 avril 2006, concernant les pseudos « la fashion attitude”, “Josystar”, “millaffaire” et “princesse charmante” avait obtenu une seconde réponse d’eBay, le 21 avril, dont il résultait que Josiane M. et Monsieur S. avaient utilisé tous ces pseudos sauf “princesse charmante”, pour procéder à des ventes représentant un chiffre d’affaires de 96 214,30 € pour Melle M. et 72 692 € pour Monsieur S. ;
Considérant qu’eu égard au volume de produits commercialisés par les consorts M./S., qui agissaient en qualité de particulier, et au fait que les produits mis en vente par ces derniers étaient tous de marques prestigieuses, présentés sous plusieurs tailles ou coloris, et proposés comme neuf à des prix de mise en vente dérisoires (1 ou 2 € selon Madame M.), la société “eBay” ne peut valablement prétendre avoir tout ignoré de l’activité illicite de ses deux membres, qu’elle avait clairement identifiés, par elle-même lors des retraits « pro-actifs” et de la suspension des comptes de Madame M. pour surenchère et, à la suite, des alertes successives et répétées des auteurs des droits, de Madame O. et de la “DDCCRF” ;
Considérant, cependant qu’en dépit de l’ensemble de ces éléments qui démontre que “eBay” ne pouvait ignorer l’activité frauduleuse des consorts M.-S., celle-ci n’a pris aucune mesure de nature à faire cesser cette activité par la fermeture de leurs comptes mais l’a laissée se développer sur leur site jusqu’au 22 juin 2006, date d’intervention des services de police ; qu’ainsi un représentant de la société Vuitton avait acquis sur le site eBay un maillot de bain de marque Vuitton auprès du vendeur “misslolo 77” ;
Considérant qu’il est incontestable que devant l’ampleur de la fraude la société “eBay” aurait dû fermer les comptes des deux contrevenants ;
Considérant que Virginie R., “VeRO Européan manager”, au sein de la société “eBay”, basée à Berne, a expliqué qu’en cas de violations répétées ou particulièrement graves le compte peut être suspendu ; que cependant elle ne pouvait communiquer, car s’agissant d’une information confidentielle, le nombre de notifications ou d’alertes nécessaires aboutissant à une telle suspension ; que toutefois elle a précisé “tout ce que je peux dire, c’est qu’à partir de deux ou trois notifications VeRO, le compte utilisateur en infraction est suspendu. En fait je préfère dire que le compte utilisateur peut être suspendu car je ne peux engager ma société sur ce plan” ;
qu’elle a encore expliqué pour justifier l’inactivité de la société vis-à-vis des consorts M., malgré les éléments ci-dessus exposés, “que la fraude avait échappé à leur système et qu‘il y avait eu une faille, car leurs technologies n‘étaient alors pas aussi développées qu‘à ce jour qu’à la lumière de ces éléments eBay aurait dû se montrer plus stricte vis-à-vis de ces utilisateurs” ;
Considérant, dès lors, qu’est inopérant l’argument de la société “eBay” selon lequel elle reçoit chaque jours environ 200 réquisitions par mois pour la France et qu’elle y répond dans de très bref délai, sans pour autant analyser le contenu des éléments qui lui sont demandés et qu’elle doit attendre d’avoir une certitude sur le comportement de ses adhérents avant d’agir, à savoir attendre l’issue de l’enquête pour clôturer les comptes des contrevenants ;
Considérant qu’il apparaît au vu de l’ensemble de ces motifs, que la société “eBay international AG”, par la passivité de ses services de surveillance et les rares sanctions totalement inefficaces prononcées par ses organes de contrôle (retraits ponctuels des annonces et remboursement aux annonceurs de ses frais d’annonce), a démontré sa volonté de préserver ses intérêts en ne suspendant pas ou en ne fermant pas les comptes des deux contrevenants afin de ne pas interrompre une activité qui lui profitait directement ;
Considérant, en conséquence, que la société eBay, en percevant des commissions sur la vente d’articles dont elle connaissait le caractère contrefaisant a bien commis le délit de recel de vente de produits présentés sous une marque contrefaite commis par Josiane M. et Christophe S. ;
Considérant que la cour estime que les premiers juges ont fait une exacte application de la sanction pénale ;
qu’en conséquence le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions pénales ;
Considérant qu’il conviendra d’ordonner la diffusion du dispositif pénal du présent arrêt sur la page d’accueil du site internet “eBay” pendant un mois, ainsi que sa publication pendant sept jours dans les quotidiens Le Monde et Le Parisien-Aujourd’hui en France, le tout aux frais de la condamnée, sans que le coût total de ces diffusions ne puisse excéder la somme de 10 000 € ;
Sur l’action civile
Considérant que les sociétés “Louis Vuitton malletier”, “Christian Dior couture” et Burberry Limited”, sollicitent la confirmation du jugement déféré en ses dispositions civiles à leur égard ;
qu’elles demandent en outre la condamnation de la société “eBay international AG” à leur payer au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel, la somme de 8500 € s’agissant de la société “Burberry Limited” et de 15 000 € s’agissant des sociétés “Louis Vuitton malletier” et “Christian Dior couture ” ;
Considérant que compte tenu de la déclaration de culpabilité intervenue à l’égard de la société “eBay international AG”, ces constitutions de parties civiles sont recevables et fondées ;
Considérant que la cour estime que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice direct et actuel résultant pour les parties civiles des agissements frauduleux de la prévenue ;
qu’en conséquence le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions civiles à l’égard de la société “eBay international AG” ;
Considérant que la société “eBay international AG” sera condamnée à payer à chacune des trois parties civiles la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel ;
DÉCISION
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de la société “eBay international AG”, prévenue, et des sociétés Louis Vuitton malletier”, “Christian Dior couture” et Burberry Limited”, parties civiles et en second ressort ;
En la forme
. Reçoit les appels de la société “eBay international AG” et du ministère public ;
. Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité, en ce qu’il a déclaré la société “eBay international AG” coupable du délit de recel de vente de produits présentés sous une marque contrefaite ;
. Confirme le prononcé de la peine, à savoir la condamnation à une peine d’amende de 200 000 € ;
. Ordonne, aux frais de la condamnée, la diffusion du présent dispositif pénal sur la page d’accueil du site internet “eBay” pendant un mois, ainsi que sa publication pendant sept jours dans les quotidiens Le Monde et Le Parisien-Aujourd’hui en France, sans que le coût total de ces diffusions ne puisse excéder la somme de 10 000 € ;
. Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions civiles à l’encontre de la société “eBay international AG” ;
. Condamne la société « eBay international AG” à payer à chacune des parties civiles, à savoir les sociétés “Louis Vuitton malletier”, “Christian Dior couture” et “Burberry Ltd”, la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.
La cour : Mme Christiane Beauquis (président), Mme Mireille Filippini (président), Mme Isabelle Schoonwater (conseiller)
Avocats : Me Jean-René Farthouat, Me Michel-Paul Escande, Me Emmanuel Bouttier, Me Eric Deubel
Notre présentation de la décision
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.