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Jurisprudence : Vie privée

lundi 19 mars 2012
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Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé 15 février 2012

Diana Z. / Google

code civil - droit à l'oubli - indexation - moteur de recherche - nom - retrait

FAITS ET PROCÉDURE

Vu l’assignation en référé d’heure à heure délivrée le janvier 2012 par Madame Diana Z. à la société de droit américain Google Inc. -après autorisation donnée selon ordonnance du 8 janvier 2012 par le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris- aux fins, au visa des articles 809 alinéa 1er et 145 du code de procédure civile et sous divers constats, de :
– relever l’existence de liens à caractère ou tendance pornographique mis en relation avec le nom patronymique et le prénom de Madame Diana Z. lors d’une requête avec les identifiants « diana z. » dans les moteurs de recherche Google accessibles aux adresses www.google.com et www.google.fr ;
– dire que ce référencement est constitutif d’un trouble manifestement illicite en ce qu’il porte atteinte au respect de la vie privée de Madame Diana Z. ainsi qu’à son droit d’opposition au traitement de ses données à caractère personnel aux termes de l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 ;
– dire qu’à tout moment, Madame Z. peut subir les répercussions d’un tel référencement dans son milieu professionnel et qu’il convient de prévenir un tel dommage ;
– dire qu’elle a déjà subi un grave préjudice du fait de ce référencement ;

En conséquence,
– ordonner la désindexation du nom patronymique et du prénom de Madame Diana Z. en lien avec tous sites à caractère ou tendance pornographique sur les moteurs de recherche Google accessibles aux adresses www.google.com et www.google.fr, c’est-à-dire, de supprimer de ces moteurs de recherche tous résultats (titre descriptif, adresse URL) apparaissant à la suite des requêtes effectuées avec les termes «diana z.» et «diana z. et l.» sur lesdits moteurs de recherche renvoyant directement ou indirectement à des sites à caractère ou tendance pornographique, et dont notamment les adresses URL visées dans l’acte introductif d’instance ;
– ordonner que ce déférencement ait lieu sous astreinte de 1500 € par jours de retard à compter de la décision à intervenir ;

Sur la mesure de provision :
– constater que la société Google Inc. a la qualité de prestataire de stockage au service, au sens de l’article 14 de la directive CE n° 2000/31 du 8 juin 2000 et de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 ;
– constater que la société Google Inc. avait eu connaissance des contenus litigieux dès le 22 juillet 2011 en application de l’article 6-1 5° de la loi du 21 juin 2004 ;
– dire qu’il lui incombait une obligation non sérieusement contestable de supprimer le contenu illicite en application de l’article 6-1 2°de fa loi du 21 juin 2004 ;

En conséquence,
– ordonner le versement d’une provision d’un montant de 10 000 € au titre de dommages et intérêts à Madame Diana Z. ;

Sur la mesure d’instruction :
– constater que l’adresse de Monsieur P., détenteur de l’adresse électronique magicfilou@gmail.com, reste à ce jour inconnue et qu’aucune instance n’a été introduite à ce jour ;
– dire que cette information est essentielle à la solution du litige opposant Madame Diana Z. à l’éditeur du site www.sexe…com ;

En conséquence.
– ordonner à la société Google Inc. de communiquer à Madame Diana Z. l’ensemble des informations à sa disposition concernant le compte magicfilou@gmail.com permettant d’identifier sa domiciliation, soit plus particulièrement son adresse ou ses IP de connexion, et ce sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

En tout état de cause,
– se déclarer compétent pour liquider, en tant que besoin, les astreintes qui pourront être prononcées conformément à l’article 35 de la loi n° 91-651 du 9 juillet 1991 ;
– condamner la société Google Inc. à payer à Madame Diana Z., outre les frais exposés pour la réalisation du rapport d’expert Celog en date du 13 juillet 2011, la somme de 3500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Google Inc. aux dépens ;

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 18 janvier 2012 par lesquelles la société de droit américain Google Inc. nous demande de :
– lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à la décision à venir quant à l’opportunité de désindexer, des résultats du moteur de recherche accessible par Google.fr les adresses URL énumérées au dispositif de l’assignation qui lui a été délivrée.
– débouter Madame Diana Z. de toutes ses demandes ;
– la condamner, outre aux dépens, au payement de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DISCUSSION

Attendu qu’il ressort des pièces versées aux débats et des écritures des parties que Madame Diana Z. a tourné par le passé des scènes pornographiques sous le pseudonyme « L. » ; qu’elle a découvert son nom et son prénom sur le moteur de recherche Google en lien avec un site internet www.sexe….com ; que les démarches qu’elle a entreprises auprès du producteur du film et de l’hébergeur du site, la société Elassar Intermédia, ainsi que de l’éditeur du site, Monsieur P. ont été vaines ; qu’en effet, le 13 juillet 2011, un rapport Celog a mis en évidence le fait que, contrairement à ce qui lui avait été promis aucune mesure de suppression des liens litigieux n’avait été prise ; que l’éditeur du site dont les coordonnées ont été obtenues en exécution d’une ordonnance sur requête du 21 juillet 2011 n’a lui même fait aucune diligence renvoyant Madame Z. à saisir Google de la difficulté ; que le 22 juillet, celle-ci a demandé à la société de droit américain Google Inc. de déférencer l’ensemble des liens litigieux du site internet www.sexe…..com sur son moteur de recherche ; que depuis, elle a constaté la multiplication des sites à caractère pornographique référencés en liens avec ses nom et prénom ;

Que face à l’inertie qui lui a été opposée et notamment au refus de la société Google Inc. de procéder à toute désindexation, Madame Z. a saisi le juge des référés aux fins de mettre un terme au trouble manifestement illicite qu’elle subit et d’obtenir une provision sur dommages et intérêts ainsi que communication sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile des données relatives à l’adresse électronique de l’éditeur du site, magicfilou@gmail.com ;

Sur la demande de « désindexation » des pages litigieuses sous astreinte

Attendu qu’aux termes de l’article 809 alinéa 1er du code de procédure civile le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu que Madame Z. fait valoir que devenue assistante (…), l’association de son nom patronymique et de son prénom à des sites pornographiques lui fait grief ainsi que la diffusion de la vidéo pornographique « A. et L. se font défoncer » qui la met en scène sous son vrai nom lui porte préjudice dès lors qu’il suffit de taper dans le moteur de recherche Google son prénom et son nom associés à d’autres mots comme L. pour qu’apparaissent de nombreux résultats renvoyant à des sites et/ou directement ou indirectement à la vidéo pornographique litigieuse ; qu’elle considère que la possibilité pour son entourage personnel et professionnel d’accéder à ces résultats constitue un trouble manifestement illicite constitué par une atteinte au respect de sa vie privée et que la société Google Inc. en ne désindexant pas son nom patronymique et son prénom engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 6 I 2° de la loi du 21 juin 2004 et lui cause un préjudice considérable ;

Attendu que la société Google Inc. réplique qu’en tant que moteur de recherche, elle ne gère pas le contenu des sites et que sa responsabilité ne peut être engagée ;

Attendu que les rapports d’expert Celog des 13 juillet 2011 et 10 octobre 2011 mettent en évidence le fait que le nom patronymique et le prénom de Madame Diana Z. apparaissent en lien avec le pseudonyme L. sous lequel elle tournait des scènes pornographiques ;

Qu’il ressort par ailleurs de ces deux rapports dont la validité n’est pas contestée par la société défenderesse que les internautes peuvent accéder indirectement à la vidéo « A. et L. se font défoncer » à laquelle la demanderesse a participé en tant qu’actrice mais qui la met en scène sous son vrai nom (page 24 du rapport d’expertise Celog du 13 juillet 2011- diana z. l. sexe……com) ; que si Madame Z. lorsqu’elle a tourné ce film, a accepté nécessairement une certaine distribution même si ensuite elle n’a pas a priori consenti à sa numérisation et à sa diffusion sur internet et si cette vidéo ne révèle pas en elle-même des scènes de sa vie privée, il n’en demeure pas mois que ce film témoigne à une époque donnée de la vie de la jeune femme laquelle entend bénéficier du droit à l’oubli ;

Qu’au vu de ce qui précède, l’atteinte au respect du droit à la vie privée de Madame Diana Z. est manifeste ;

Attendu qu’aux termes de l’article 6-I 2 de la loi du 21 juin 2004, « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à litre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible » ;

Que l’alinéa 5 du même article énonce que « la connaissance des faits litigieux est présumée acquise après notification notamment de la date, la description des faits litigieux et leur localisation précise, les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ainsi que la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté. » ;

Attendu qu’il résulte des pièce produites aux débats que les 22 juillet, 5 et 30 août 2011, Madame Diana Z. a, en application de l’article 6 1 2 susvisé, une demande à la société Google Inc. et ce dans les termes de l’alinéa 5 du dit texte de procéder au retrait de tous les résultats pouvant apparaître sur ses moteurs de recherche mettant en lien le nom patronymique et le prénom de Madame Z. avec des sites pornographiques ; que la société Google Inc. a répondu qu’elle ne gère pas le contenu des pages qui sont publiées et l’a invitée à s’adresser directement à l’administrateur du site ; qu’en ne procédant pas à la mesure de déférencement sollicitée, la société Google participe au trouble manifestement illicite causé à la demanderesse qu’il convient de faire cesser ; que par suite, il y a lieu d’ordonner la désindexation du nom patronymique et du prénom de Madame Diana Z. en lien avec les sites à caractère ou tendance pornographique sur les moteurs de recherche Google accessibles aux adresses www.google.com et www.google.fr, c’est-à-dire, de supprimer de ces moteurs de recherche tous résultats (titre descriptif, adresse URL) apparaissant à la suite des requêtes effectuées avec les termes «diana z.» et «diana z. et l.» sur lesdits moteurs de recherche renvoyant directement ou indirectement aux sites à caractère ou tendance pornographique identifiés aux adresses URL énumérées dans l’acte introductif d’instance et reprises dans le dispositif de la présente ordonnance et ce sous astreinte ;

Sur la demande formée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile

Attendu que l’article 145 dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ;

Attendu qu’il est acquis aux débats que le premier site à avoir référencé le nom patronymique et le prénom de Madame Diana Z. est le site www.sexe……com dont la domiciliation est inconnue ;

Que toutefois, l’éditeur de ce site. Monsieur P., à l’encontre duquel aucune instance n’a été encore engagée, dispose d’un compte « gmail », service de messagerie en ligne géré par la société Google ;

Que Madame Z. justifie donc d’un motif légitime d’obtenir tous éléments d’identification et de domiciliation de l’éditeur dans la perspective d’une action en responsabilité contre lui, et ce, au sens de l’article 145 susvisé ; qu’il y a lieu d’ordonner à la société Google Inc. de communiquer à Madame Diana Z. l’ensemble des informations à sa disposition concernant le compte magicfilou@gmaiI.com permettant d’identifier sa domiciliation, soit plus particulièrement son adresse ou ses IP de connexion dans les huit jours de la signification de la présente ordonnance et, passé ce délai, sous astreinte de 1000 € par jour de retard ;


Sur la demande de provision

Attendu que l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ;

Attendu que Madame Diana Z. invoque l’existence d’un préjudice moral et sollicite à titre de provision la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que la société Google Inc., en ne procédant pas à la désindexation sollicitée par Madame Z., a participé à la réalisation du dommage moral qu’elle subit du fait que son nom patronymique et son prénom soient associés à des sites pornographiques ; que par suite, l’obligation de la société Google Inc. d’indemniser la demanderesse n’est pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 2000 € ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Attendu que l’équité commande d’allouer à Madame Diana Z. une indemnité de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que la société Google Inc. qui succombe en ses prétentions doit supporter les dépens de l’instance ;

DÉCISION

Statuant publiquement, en premier ressort, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

. Ordonnons la désindexation du nom patronymique et du prénom de Madame Diana Z. en lien avec les sites à caractère ou tendance pornographique sur les moteurs de recherche Google accessibles aux adresses www.google.com et www.google.fr, c’est- à-dire, de supprimer de ces moteurs de recherche tous résultats (titre descriptif, adresse URL) apparaissant à la suite des requêtes effectuées avec les termes «diana z.» et «diana z. et l. sur lesdits moteurs de recherche renvoyant directement ou indirectement aux sites à caractère ou tendance pornographique identifiés aux adresses URL suivantes :

Sur le moteur de recherche Google accessible à l’adresse www.google.fr :

En page n° 1 :

[…]

En page n° 2 :

[…]

En page n° 3 :

[…]

En page n° 4 :

[…]

En page n° 5 :

[…]

Sur le moteur de recherche Google accessible à l’adresse www.google.com :

En page n°1 :
[…]

En page n° 2 :

[…]

En page n° 7 :

[…]

En page n° 9 :

[…]

et ce, dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance et passé ce délai sous astreinte de 1000 € ;

. Ordonnons à la société Google Inc. de communiquer à Madame Diana Z. l’ensemble des informations à sa disposition concernant le compte magicfilou@gmail.com permettant d’identifier sa domiciliation (adresse ou ses IP de connexion) dans les 8 jours de la signification de la présente ordonnance et passé ce délai sous astreinte de 1000 € par jour de retard ;

. Condamnons la société Google Inc. à payer à Madame Diana Z. la somme de 2000 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice subi ;

. Condamnons la société Google Inc. à payer à Madame Diana Z. la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Condamnons la société Google Inc. aux dépens en ce compris le rapport d’expertise Celog du 13 juillet 2011.

Le tribunal : Mme Martine Provost-Lopin (1ère vice présidente)

Avocats : Me Gérard Haas, Me Sébastien Proust

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.