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Jurisprudence : Vie privée

mercredi 28 mars 2012
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Tribunal de grande instance de Lyon Jugement correctionnel 28 février 2012

Elisabeth C. / Julien L. et Malorie P.

autorisation - captation - élément intentionnel - élément matériel - enregistrement - infraction - privé - professionnel

DISCUSSION

L. Julien et P. Malorie ont été cités par exploit de Maître Reynaud, huissier de justice à Neuville sur Saône (69), en date du 06 juillet 2011, pour comparaître à l’audience du 06 septembre 2011, à la demande de Mme C. Elisabeth épouse L., partie civile ; que la citation est régulière en la forme ; suivi de renvois contradictoires à l’audience du 12 janvier 2012 ;

L. Julien a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard ;

Il est prévenu :
– d’avoir à Couzon-Aumont d’Or, en tout cas sur le territoire national, depuis le 20 janvier 2011, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, capté, enregistré ou transmis, sans son consentement, des paroles prononcées par Madame Elisabeth C. épouse L. à titre privé ou confidentiel ; faits prévus par art.226-1 al.1 1° C.Pénal et réprimés par art.226-1 al.1 art.226-31 C.Pénal.

P. Malorie a comparu à l’audience assistée de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard ;

Elle est prévenue :
d’avoir à Couzon-Aumont d’Or, en tout cas sur le territoire national, depuis le 20 janvier 2011, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, capté, enregistré ou transmis, sans son consentement, des paroles prononcées par Madame Elisabeth C. épouse L. à titre privé ou confidentiel ; faits prévus par art.226-1 al.1° art.226-31 C.Pénal.

Sur l’action publique

– Éléments de procédure :

Madame Elisabeth C. épouse L. a fait citer le 06 juillet 2011 Monsieur Julien L. et Madame Malorie P. devant le tribunal correctionnel pour avoir commis à son encontre le délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée, prévu et réprimé par l’article 226-1 du code pénal ; elle se constitue partie civile et demande, outre la condamnation au plan pénal des mis en cause, la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, ainsi que la somme de 2000 € en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Madame L. indique qu’ayant été recrutée par contrat en date du 17 septembre 2010 par Monsieur L. et Madame P. en qualité d’assistante maternelle pour garder leur fils Luca né le 13 janvier 2010, elle a fait l’objet d’une plainte de Monsieur L. en date du 02 février 2011 pour privations de soins sur l’enfant. Cette procédure a fait l’objet d’un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée le 28 février 2008. Cependant à l’appui de sa plainte Monsieur L. a remis aux services enquêteurs un enregistrement d’une journée de garde de Luca à son domicile réalisé grâce à un magnétophone miniature dissimulé dans une peluche accroché au gilet de l’enfant. Madame L. précise que ce procédé, utilisé à son insu, a permis de capter des propos ayant trait à sa vie privée et en demande donc réparation.

Le conseil de Monsieur L. et de Madame P. a déposé des conclusions écrites aux fins de relaxe de ses clients considérant que le délit n’était pas constitué tant dans son élément matériel (aucune conversation à caractère strictement privé n’aurait été capté) que dans son élément intentionnel ; en effet les intéressés ayant des soupçons de maltraitance sur leur enfant ne voulaient, par ce procédé, que rassembler des preuves contre Madame L. sans volonté de porter atteinte à l’intimité de sa vie privée ;

Sur la culpabilité

Au terme du mandement de citation il est reproché à Monsieur L. et Madame P. « d’avoir à Couzon au Mont d’Or, en tout cas sur le territoire national, depuis le 20 janvier 2011, en tout cas depuis temps non prescrit, capté, enregistré ou transmis, sans son consentement, des paroles prononcées par Madame Elisabeth C. épouse L. à titre privé ou confidentiel » ;

Ainsi se trouve visée une atteinte à la vie privée par captation ou fixation de paroles. Or il convient de relever à titre liminaire que l’article 226-1 § 1 du code pénal dans son incrimination ne fait pas référence au lieu dans lequel les paroles ont été prononcées mais la nature desdits propos qui doivent avoir été tenus à titre privé ou confidentiel ;

En l’espèce, il est incontestable et d’ailleurs pas contesté que Monsieur L. et Madame P. ont placé un magnétophone numérique miniature dans la peluche accroché au gilet de leur enfant Luca lorsqu’ils ont remis celui-ci à la garde de Madame L. à son domicile ; que ce procédé leur a ainsi permis d’enregistrer, dans le temps de garde de l’enfant, soit pendant plus de huit heures au cours de la journée du 20 janvier 2011, non seulement les allers et venus de la partie civile dans sa maison, mais également les propos qu’elle a tenus aux personnes présentes à son domicile (son mari, les enfants qu’elle gardait) et au cours de conversations téléphoniques qu’elle a entretenue tout au long de cette journée ; qu’ainsi l’ensemble de ces conversations même si elles n’ont pas été retranscrites en totalité par les services enquêteurs dans le cadre de la plainte déposée par le mis en cause, ont été captées et écoutées par les intéressés. Preuve en est les déclarations de Monsieur L. qui a indiqué avoir appris sur l’enregistrement que Madame L. allait se faire « opérer prochainement et qu’elle allait nous planter selon ses propres termes ». Force est donc de constater que de tels propos ne peuvent être considérée comme entrant dans le cadre de l’activité professionnelle de la plaignante mais touche au contraire à sa vie privée en ce qu’elle concerne sa vie physique, son état de santé ; en conséquence l’élément matériel de l’infraction est constitué.

S’agissant de l’élément intentionnel, il résulte des éléments du dossier qu’en usant de ce stratagème Monsieur L. et Madame P. n’avaient d’autre but que celui de vérifier les conditions de garde de leur enfant alors qu’il étaient inquiets du changement de comportement de celui-ci, nourrissant ainsi des soupçons de maltraitance par privation de soins, à l’encontre de Madame L. ; que d’ailleurs la conception de cet enregistrement (dans la peluche de l’enfant accroché à son gilet), sa durée (le temps de la garde de Luca) attestent qu’à aucun moment ils n’ont eu l’intention de porter atteinte à l’intimité de la vie privée de la plaignante même si c’est à son insu qu’ils ont enregistré ces conversations ; dès lors à défaut d’élément intentionnel, les prévenus doivent être renvoyés des fins de la poursuite.

Sur l’action civile

Attendu que Mme C. Elisabeth épouse L. s’est constituée partie civile, par le dépôt d’une citation directe devant le tribunal correctionnel de Lyon, et sollicite à l’audience, par l’intermédiaire de son conseil, les sommes suivantes :
– 2000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
– 2000 € en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Attendu que qu’il y a lieu de déclarer la constitution de partie civile de Mme C. Elisabeth épouse L. recevable en la forme, et de la débouter de ses demandes compte tenu de la décision de relaxe susvisée.

DÉCISION

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire à l’égard de L. Julien et de P. Malorie, prévenus, et à l’égard de C. Elisabeth épouse L., partie civile poursuivante ;

Sur l’action publique :

. Renvoie L. Julien des fins de la poursuite ;

. Renvoie P. Malorie des fins de la poursuite ;

Sur l’action civile :

. Déclare recevable en la forme la constitution de partie civile de Mme C. Elisabeth épouse L. ;

. Déboute Mme C. Elisabeth épouse L. de ses demandes, compte tenu de la décision de relaxe intervenue.

Le tribunal : Mme Dominique Devigne (président), Mmes Françoise Commeignes et Christelle Gomez (assesseurs)

Avocats : Me Xavier Moroz, Me Béatrice Bertrand

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.