Jurisprudence : Responsabilité
Cour de cassation Chambre sociale Arrêt du 28 mars 2012
Mme X… / Ethypharm
courrier électronique - dénigrement - email - liberté d'expression - licenciement - salarié
DISCUSSION
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X…, engagée par la société Ethypharm industries à compter du 2 septembre 2002 en qualité de responsable planning, puis devenue responsable planification, a été licenciée par lettre du 14 novembre 2005 ;
Sur le premier moyen
Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que ne caractérise pas une injure excédant les limites d’une liberté normale d’expression le fait, pour une salariée n’ayant fait l’objet d’aucun reproche et ayant toujours observé, hormis un moment d’humeur passager, un comportement courtois dans l’exercice de ses fonctions, d’avoir, à une seule occasion, dans une correspondance qui n’était pas adressée à son supérieur hiérarchique et par laquelle elle expliquait en quoi le comportement de celui-ci, à la suite d’un précédent mail qu’elle avait adressé à sa direction pour souligner que celle-ci n’avait pas suffisamment mis en lumière, dans une occasion bien précise, le travail important effectué par son service, n’était pas justifié, employé des termes peu courtois à l’égard de ce dernier ; que la cour d’appel qui, pour dire que le grief tiré d’actes d’insubordination de la salariée à l’égard de son directeur était établi, s’est bornée à énoncer que les propos tenus par celle-ci dans deux mails des 7 et 20 octobre 2005 étaient dénigrants et vexatoires et caractérisaient une opposition aux décisions prises, sans par ailleurs rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que cette dernière n’avait jamais fait l’objet de la moindre sanction et avait toujours observé, hormis ce moment d’humeur passager, un comportement courtois dans l’exercice de ses fonctions n’était pas de nature à priver de caractère injurieux les propos utilisés par cette dernière, à une seule occasion, dans une correspondance adressée seulement à ses plus proches collaborateurs au sein de la société et par laquelle elle leur exprimait son ressenti de femme blessée et choquée à propos de l’attitude injustifiée de son supérieur hiérarchique à la suite d’un précédent mail adressé à la direction, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 2281-1 et L. 2281-3 du code du travail, ensemble l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la cour d’appel, ayant relevé que dans un courriel diffusé à l’ensemble des agents de sa direction, la salariée avait dénigré son supérieur hiérarchique et tenu des propos vexatoires à son égard, a pu caractériser un abus dans l’exercice de la liberté d’expression ; qu’en décidant, dans l’exercice des pourvois qu’elle tient de l’article L. 1232-1 du code du travail, que le comportement de la salariée constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de la salariée en paiement d’heures supplémentaires, l’arrêt retient que la salariée, qui ne conteste pas être soumise à une convention de forfait en jours, ne peut prétendre au bénéfice de la réglementation sur les heures supplémentaires ;
Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait que la durée de son travail avait excédé la durée maximale journalière de travail des cadres soumis au forfait-jours, fixée par l’accord collectif relatif à la réduction du temps de travail applicable au sein de l’entreprise, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
DÉCISION
Par ces motifs :
. Casse et annule, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande en paiement d’heures supplémentaires, l’arrêt rendu le 1er décembre 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;
. Condamne la société Ethypharm industries aux dépens ;
. Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ethypharm industries à payer à Mme X… la somme de 2500 euros ;
. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux conseils pour Mme X….
Premier moyen de cassation
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le licenciement de Madame X… reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que la lettre de licenciement dont les termes ont été ci avant rapportés vise des actes prétendus d’insubordination de Madame X…à l’égard de son directeur ; que le licenciement litigieux est donc disciplinaire ; que les termes de la lettre de rupture fixe les limites du litige ; que les courriels évoqués dans la lettre de rupture en date du 20 octobre 2005 et 7 octobre 2005 sont avérés et caractérisent une faute de la salariée à l’égard de son supérieure hiérarchique ; qu’en effet dans le courriel du 20 octobre elle met en cause le directeur de la logistique Jean-Pascal Z… en écrivant : « Je l’informe que je pense que ce qu’il a fait est grave : grave car il a pris les mauvaises options en choisissant de déguiser la vérité, grave car rien de ce qu’il a fait ne peut être justifié par une question de prime, grave car même dans ce cas précédent il s’était trompé…. grave mais cela aurait pu être encore plus grave si je n’avais pas identifié…. Je l’informe que j’ai pris la décision de lui donner une chance… Je lui précise je te donne ma position dans cette affaire, je te dis que j’estime que tu me dois des excuses, je n’exige pas que tu me fasses des excuses, tu as ma position la dessus tu en fais ce que tu veux » ; que de tels propos à l’égard de Jean Pascal Z… qui était son supérieur hiérarchique dans le cadre de la direction industrielle sont à l’évidence dénigrants et vexatoires et caractérisent une opposition aux décisions prises ; que leur diffusion à l’ensemble des agents de la direction était de nature à provoquer un trouble rendant impossible toute collaboration apaisée au sein de l’équipe ; que le courriel du 7 octobre confirme l’insubordination de Madame X… à l’égard de son directeur en le mettant en cause pour une omission : « Compte tenu de l’implication qui a été la nôtre dans ce dossier afin de relever le challenge qui nous était proposé (et je parle en connaissance de cause), je pense qu’il est important de souligner cette omission » ; que dès lors il est établi que Madame X… a fait preuve d’un comportement dénigrant à l’égard de sa hiérarchie qui est constitutif d’une faute justifiant son licenciement compte tenu de l’impossibilité d’une collaboration normale ; qu’il y a donc lieu de confirmer le jugement de ce chef ;
Alors que ne caractérise pas une injure excédant les limites d’une liberté normale d’expression le fait, pour une salariée n’ayant fait l’objet d’aucun reproche et ayant toujours observé, hormis un moment d’humeur passager, un comportement courtois dans l’exercice de ses fonctions, d’avoir, à une seule occasion, dans une correspondance qui n’était pas adressée à son supérieur hiérarchique et par laquelle elle expliquait en quoi le comportement de celui-ci, à la suite d’un précédent mail qu’elle avait adressé à sa direction pour souligner que celle-ci n’avait pas suffisamment mis en lumière, dans une occasion bien précise, le travail important effectué par son service, n’était pas justifié, employé des termes peu courtois à l’égard de ce dernier ; que la Cour d’appel qui, pour dire que le grief tiré d’actes d’insubordination de la salariée à l’égard de son directeur était établi, s’est bornée à énoncer que les propos tenus par celle-ci dans deux mails des 7 et 20 octobre 2005 étaient dénigrants et vexatoires et caractérisaient une opposition aux décisions prises, sans par ailleurs rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que cette dernière n’avait jamais fait l’objet de la moindre sanction et avait toujours observé, hormis ce moment d’humeur passager, un comportement courtois dans l’exercice de ses fonctions n’était pas de nature à priver de caractère injurieux les propos utilisés par cette dernière, à une seule occasion, dans une correspondance adressée seulement à ses plus proches collaborateurs au sein de la société et par laquelle elle leur exprimait son ressenti de femme blessée et choquée à propos de l’attitude injustifiée de son supérieur hiérarchique à la suite d’un précédent mail adressé à la direction, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 2281-1 et L. 2281-3 du Code du travail, ensemble l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Second moyen de cassation
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la demande de Madame X… relative aux heures supplémentaires n’était pas fondée ;
Aux motifs que Madame X… avait signé une convention de forfait-jours dont elle n’a pas contesté la validité ; que les salariés en convention de forfait-jours ne peuvent prétendre à l’application de la législation sur les heures supplémentaires, leur temps de travail étant exclusivement décompté en journée ou demi journée ; que cadre responsable du groupe 6 Madame X… disposait par la nature de ses fonctions et par sa qualification d’une large autonomie dans l’organisation de son temps de travail justifiant ainsi pleinement le recours à cette convention de forfait ; que dès lors Madame X… ne peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires ;
Alors que Madame X… soutenait dans ses conclusions d’appel (p. 8 à 10), qu’elle était en droit de se voir rémunérer pour les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée maximale journalière de travail des cadres soumis au forfait-jours (10 heures), fixée par l’accord collectif relatif à la réduction du temps de travail applicable au sein du groupe Ethypharm ; qu’en énonçant, pour dire que la demande de Madame X… relative aux heures supplémentaires n’était pas fondée, qu’étant soumise à une convention de forfait-jours dont elle n’avait pas contesté la validité, cette dernière ne pouvait prétendre à l’application de la législation sur les heures supplémentaires, la cour d’appel n’a ainsi pas répondu au moyen précité qui était pourtant de nature à établir que le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà du forfait devaient être rémunérées et bénéficier de la majoration, et a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.
La Cour : M. Béraud (président)
Avocats : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.