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Jurisprudence : Responsabilité

mercredi 04 juillet 2012
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Tribunal de commerce de Paris 15ème chambre Jugement du 22 juin 2012

Alban B. / Michaël M.

adresse IP - conditions générales d'utilisation - constats - copie illicite - parasitisme - preuve - reproduction - site internet

PROCÉDURE

Par acte d’huissier en date du seize février 2011 pour tentative et du 22 février 2011 pour remise à Melle Sophie M., qui accepte de recevoir l’acte, M. Alban B. assigne M. Michaël M.

Par cet acte et par conclusions déposées à l’audience en date 9 décembre 2011, M. Alban B. demande au tribunal, compte tenu de ses dernières modifications, de :
– Dire et juger que M. Michaël M. a commis des actes de concurrence déloyale en recopiant les conditions générales de vente de M. Alban B. sur ses sites internet www.bipbipbillets.fr et www.gobillets.fr ;
– Dire et juger que M. Michaël M. a commis des actes de parasitisme en s’appropriant, sans bourse délier, les conditions générales de vente de M. Alban B. et en se plaçant dans son sillage pour bénéficier du succès et de la confiance obtenus auprès du public ;
– Condamner M. Michaël M. à payer M. Alban B. la somme de 15 000 € à titre de dommages intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale et/ou de parasitisme commis à son préjudice ;
– Se réserver la liquidation des astreintes ;
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
– Condamner M. Michaël M. à lui payer la somme de 5000 € en application de l’article 700 du CPC ;
– Condamner M. Michaël M. aux entiers dépens.

Aux audiences en date du 9 septembre 2011 et 3 février 2012, M. Michaël M. demande au tribunal, compte tenu de ses dernières modifications, de :
– Constater que les constats d’huissier établis par Me Antoine Genna le 23 novembre 2010 et par Me Jacky Denis les 12 et 13 janvier 2011, sont dépourvus de force probante ;
– Constater que M. Michaël M. n’a commis aucun acte de concurrence déloyale ;
– Constater que M. Michaël M. n’a commis aucun agissement parasitaire ;
– Constater que M. Alban B. ne démontre aucun préjudice moral ou matériel ;
– En conséquence, débouter M. Alban B. de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner M. Alban B. à lui payer la somme de 5000 € en application de l’article 700 du CPC ;
– Condamner M. Alban B. aux entiers dépens.

L’ensemble de ces demandes a fait l’objet du dépôt de conclusions qui ont été échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure.

A l’audience en date du 4 mai 2012, après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le juge rapporteur clôt les débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 juin 2012.

MOYENS

Après avoir pris connaissance de tous les moyens et arguments développés par les parties, tant dans leurs plaidoiries que dans leurs écritures, appliquant les dispositions de l’article 455 du CPC, le tribunal les résumera succinctement de la façon suivante :

A l’appui de ses demandes, M. Alban B. soutient que M. Michaël M. a commis des actes de concurrence déloyale en reproduisant à l’identique ses conditions générales de ventes.
Il relève que M. Michaël M. a omis de modifier les mentions inexactes au regard de son propre statut d’auto-entrepreneur.
M. Alban B. indique que ses conditions générales de ventes ont été déposées à l’Inpi afin de se prémunir de tout acte de concurrence déloyale.

Il justifie sa demande de préjudice sur les économies réalisées par M. Michaël M. en s’abstenant de l’effort de réaliser ses propres conditions générales de ventes originales.

Pour s’opposer aux demandes de M. Alban B., M. Michaël M. conteste la valeur probante des constats d’huissiers produits aux débats.
Il indique que le rapport de Me Genna mentionne une adresse IP manifestement erronée.
Il conteste la validité du constat de Me Denis qui ne mentionne pas l’usage d’un antivirus et ne justifie avoir procédé au « scan” de la base de données de l’ordinateur utilisé.
Il précise qu’il est établi qu’un hacker peut modifier l’apparence d’un site internet dans un rayon circonscrit, y compris un cabinet d’huissier.

Subsidiairement, M. Michaël M. affirme, au nom du principe de la liberté du commerce et de l’industrie institué par l’article 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791, qu’un produit qui ne fait pas l’objet de propriété intellectuelle peut être librement reproduit dès lors qu’il n’existe pas de risque de confusion.
M. Michaël M. indique qu’en tout état de cause l’action qui lui est reprochée ne peut être qualifiée de fautive et que le demandeur ne justifie pas de son préjudice.

DISCUSSION


Sur le caractère probant des constats d’huissier

Attendu que M. Michaël M. conteste la valeur probante des constats d’huissiers ;

Attendu que la valeur probante des constats d’huissier sur le réseau internet est subordonnée au respect de pré-requis :
– l’huissier doit veiller à ce que l’environnement du constat soit exempt d’éléments de perturbation (virus, logiciel malveillant) ;
– l’huissier doit préciser le matériel et les logiciels utilisés, l’architecture du réseau local (absence de proxy, adresse IP utilisée, description des pare-feu) et des éléments relatifs au fournisseur d’accès à internet ;
– l’huissier doit procéder à des diligences techniques successives (capture du flux réseau, analyse virale, analyse des logiciels espions, suppression de l’historique, synchronisation de la date et l’heure, paramétrages)
– que l’huissier doit décrire, répertorier et enregistrer le contenu de ses constatations ;
– que l’huissier doit procéder, à la fin de son constat, à la capture des informations sur la cible (header du code source, adresse IP, noms de domaine) ;

Attendu que le constat de Me Genna indique une adresse IP qui appartient à l’IANA, organisation publique du réseau internet dont le siège se situe en Californie ; que cette adresse IP ne peut donc manifestement pas correspondre à celle de l’étude de Me Genna qui est située à Paris ;

Le tribunal dira que le constat de Me Genna, qui comporte une erreur manifeste sur l’adresse IP utilisée, ne peut valoir que comme commencement de preuve.

Attendu que Maitre Denis, dont le constat mentionne la succession des opérations qu’il a effectué préalablement à son constat, n’indique cependant pas qu’il a été procédé à un « scan » du disque dur et de la mémoire de son ordinateur ;

Le tribunal dira que le constat de Me Denis, ne peut valoir que comme commencement de preuve, tous les pré-requis techniques n’ayant pas été satisfaits.

Attendu que M. Michaël M. ne produit aucun élément de nature à contredire les commencements de preuves produits par M. Alban B., le tribunal dira que les constats produits par M. Alban B. suffisent à établir que les conditions générales de ventes mises en ligne par M. Michaël M. sont la duplication des conditions générales de ventes mises en ligne par M. Alban B.


Sur les faits de parasitisme

Attendu que la jurisprudence indique que “le parasitisme est caractérisé dès lors qu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements” ;

Attendu que le fait de s’inspirer, et a fortiori, de reproduire servilement les conditions générales de ventes, sans la moindre contrepartie financière a été qualifié d’acte de parasitisme ;

En conséquence de ce qui précède, le tribunal dira que M. Michaël M., en dupliquant servilement les conditions générales de vente mises en ligne par M. Alban B. sur son propre site de vente en ligne, s’est rendu coupable d’acte de parasitisme engageant sa responsabilité.

Sur le montant du préjudice

Attendu que M. Alban B. demande à être indemnisé du préjudice subi à raison du détournement à son profit par M. Michaël M. de son expérience, de son savoir-faire et de ses investissements ;

Attendu que M. Alban B. ne démontre pas en quoi, les conditions générales de ventes qu’il utilise présenteraient un savoir-faire particulier ; qu’il ne justifie pas des investissements qu’il prétend avoir réalisés mais que M. Michaël M. a nécessairement bénéficié d’économies lui créant un avantage concurrentiel indu dans la rédaction de ces CGV ; le tribunal usant de son pouvoir d’appréciation fixera à 1000 € le montant du préjudice subi par M. Alban B. ;

En conséquence de ce qui précède, le tribunal condamnera M. Michaël M. à verser à M. Alban B. la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts, déboutant pour le surplus.

Sur les frais irrépétibles, l’exécution provisoire et les dépens

Attendu qu’il apparaît équitable de condamner M. Michaël M. qui succombe à indemniser M. Alban B. pour les frais irrépétibles qu’il a dû engager pour obtenir réparation du préjudice qu’il a subi ;

Le tribunal condamnera M. Michaël M. à verser à M. Alban B. la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du CPC, déboutant pour le surplus ;

Attendu que vu la nature de l’affaire, l’exécution provisoire qui est sollicitée est compatible avec les dispositions de l’article 515 du code de procédure civile ; qu’elle sera ordonnée ;

Le tribunal condamnera la société M. Michaël M. qui succombe à supporter les dépens de l’instance.

DECISION

Le tribunal statuant par jugement contradictoire en premier ressort :
– déboute M. Michaël M. de l’ensemble de ses demandes ;
– condamne M. Michaël M. à verser à M. Alban B. 1000 € à titre de dommages-intérêts, déboutant pour le surplus ;
– condamne M. Michaël M. à verser à M. Alban B. 1000 € au titre de l’article 700 du CPC, déboutant du surplus ;
– ordonne l’exécution provisoire ;
– condamne M. Michaël M. aux dépens de l’instance.

Le tribunal : Mme Dostert (présidente), M. Guthmann (juge rapporteur)

Avocats : Me Fernstrom, Me Anthony Bem

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