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Jurisprudence : Responsabilité

mardi 17 juillet 2012
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Cour de cassation Première chambre civile Arrêt du 12 juillet 2012

Syndicat national de l’édition phonographique / Google France

contrefaçon - droit d'auteur - moteur de recherche - musique - oeuvre de l'esprit - suggestion - telechargement

DISCUSSION

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et cinquième branches

Vu les articles L. 335 4 et L. 336 2 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), qui représente, en France, des sociétés de l’industrie phonographique et regroupe des membres titulaires, sur leurs enregistrements, de droits voisins du droit d’auteur, en qualité de producteurs de phonogrammes et de cessionnaires de droits d’artistes interprètes, a fait constater par huissier de justice, en février et mars 2010, que la fonctionnalité Google Suggestions du moteur de recherche Google, dont le principe est de proposer aux internautes des termes de recherche supplémentaires associés automatiquement à ceux de la requête initiale en fonction du nombre de saisies, suggérait systématiquement d’associer à la saisie de requêtes portant sur des noms d’artistes ou sur des titres de chansons ou d’albums les mots clés “Torrent”, “Megaupload” ou “Rapidshare”, qui sont, respectivement, le premier, un système d’échange de fichiers et, les deux autres, des sites d’hébergement de fichiers, offrant la mise à disposition au public et permettant le téléchargement des enregistrements de certains artistes interprètes ;

Attendu que pour débouter le SNEP de sa demande tendant à voir ordonner aux sociétés Google France et Google Inc la suppression des termes “Torrent”, “Megaupload” et “Rapidshare” des suggestions proposées sur le moteur de recherche à l’adresse www.google.com et, subsidiairement, à leur interdire de proposer sur ledit moteur de recherche des suggestions associant ces termes aux noms d’artistes et/ou aux titres d’albums ou de chansons, l’arrêt retient que la suggestion de ces sites ne constitue pas en elle même une atteinte au droit d’auteur dès lors que, d’une part, les fichiers figurant sur ceux ci ne sont pas tous nécessairement destinés à procéder à des téléchargements illégaux, qu’en effet, l’échange de fichiers contenant des œuvres protégées notamment musicales sans autorisation ne rend pas ces sites en eux-mêmes illicites, que c’est l’utilisation qui en est faite par ceux qui y déposent des fichiers et les utilisent qui peut devenir illicite, que, d’autre part, la suggestion automatique de ces sites ne peut générer une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin que si l’internaute se rend sur le site suggéré et télécharge un phonogramme protégé et figurant en fichier sur ces sites, que les sociétés Google ne peuvent être tenues pour responsables du contenu éventuellement illicite des fichiers échangés figurant sur les sites incriminés ni des actes des internautes recourant au moteur de recherche, que le téléchargement de tels fichiers suppose un acte volontaire de l’internaute dont les sociétés Google ne peuvent être déclarées responsables, que, de plus, la suppression des termes “Torrent”, “Rapidshare” et “Megaupload” rend simplement moins facile la recherche de ces sites pour les internautes qui ne les connaîtraient pas encore et que le filtrage et la suppression de la suggestion ne sont pas de nature à empêcher le téléchargement illégal de phonogrammes ou d’œuvres protégées par le SNEP dès lors qu’un tel téléchargement résulte d’un acte volontaire et réfléchi de l’internaute et que le contenu litigieux reste accessible en dépit de la suppression de la suggestion ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi quand, d’une part, le service de communication au public en ligne des sociétés Google orientait systématiquement les internautes, par l’apparition des mots clés suggérés en fonction du nombre de requêtes, vers des sites comportant des enregistrements mis à la disposition du public sans l’autorisation des artistes interprètes ou des producteurs de phonogrammes, de sorte que ce service offrait les moyens de porter atteinte aux droits des auteurs ou aux droits voisins, et quand, d’autre part, les mesures sollicitées tendaient à prévenir ou à faire cesser cette atteinte par la suppression de l’association automatique des mots clés avec les termes des requêtes, de la part des sociétés Google qui pouvaient ainsi contribuer à y remédier en rendant plus difficile la recherche des sites litigieux, sans, pour autant, qu’il y ait lieu d’en attendre une efficacité totale, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

DÉCISION

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

. Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 3 mai 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles.

La Cour : M. Charruault (président), M. Gallet (conseiller)

Avocats : SCP Piwnica et Molinié ; Me Spinosi

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