Jurisprudence : Diffamation
Cour d’appel de Montpellier 1ère chambre, section D Arrêt du 14 novembre 2012
Le Partenaire Européen / Les Arnaques.com et autres
abscence - bonne foi - consommateur - directeur de la publication - forum de discussion - indivisibilité - messages - parasitisme - prudence - site internet
FAITS ET PROCÉDURE
La société Le Partenaire Européen a pour activité la diffusion d’annonces à caractère immobilier sur divers supports, notamment la mise en relation de particuliers cherchant à vendre leur bien immobilier, avec des acquéreurs potentiels. Elle exploite à ce titre le site http://www.partenaire-europeen.fr.
L’association LesArnaques.com propose quant à elle “d’intervenir dans la médiation de litiges entre les particuliers et les professionnels”, “d’informer les internautes sur leurs droits et recours possibles”, “de sensibiliser les autorités et institutions locales, nationales et internationales afin de favoriser d’avantage la défense des consommateurs”. Cette association exploite un site internet – www.lesarnaques.com – sur lequel elle met à disposition du public un forum permettant l’expression des internautes sur les difficultés et litiges qu’ils rencontrent après avoir commandé un bien ou une prestation, notamment à l’occasion du commerce en ligne.
Dénonçant la présence sur ce dernier site de messages la mettant en cause, la société Le Partenaire Européen en a demandé la suppression à M. G., en sa qualité de président de l’association LesArnaques.com et directeur de la publication, puis les a fait citer en diffamation devant le tribunal correctionnel de Montpellier, suivant exploit du 19 août 2011.
Suite à cette citation devant la juridiction répressive, plusieurs messages diffamatoires sont apparus sur le site de l’association qui par l’intermédiaire de son président et directeur de publication a de nouveau été mise en demeure, par courriers des 1er, 9, 22 et 23 septembre 2011, de procéder à la suppression de ces messages, en vain, ce qui fut constaté par procès-verbal du 11 octobre 2011.
Dans ces conditions, après y avoir été autorisée par ordonnance du 21 octobre 2011, la société Le Partenaire Européen a fait assigner à jour fixe pour l’audience du 17 janvier 2012, par exploit du 27 octobre 2011, régulièrement dénoncé au ministère public le 31 du même mois, M. Joël G. et l’association LesArnaques.com devant le tribunal de grande instance de Montpellier au titre de la diffamation ainsi que des faits de parasitisme.
En raison de nouveaux messages, la société Le Partenaire Européen a fait délivrer dans les mêmes conditions une nouvelle assignation à jour fixe en date du 15 décembre 2011 pour la même date d’audience, également dénoncée au ministère public le 29 de ce mois.
Par jugement contradictoire du 20 mars 2012, après avoir ordonné la jonction des deux procédures, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
– rejeté la demande de sursis à statuer dans l’attente d’une décision du tribunal correctionnel de Montpellier saisi par voie de citation directe par la société Le Partenaire Européen pour des faits de diffamation à l’encontre de M. G. et de l’association LesArnaques.com ;
– débouté la société Le Partenaire Européen de l’ensemble de ses prétentions ;
– débouté les défendeurs de leur demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;
– condamné la société Le Partenaire Européen à payer à M. G. et à l’association LesArnaques.com la somme de 1500 € chacun en remboursement de leurs frais irrépétibles ainsi que les dépens ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Le 13 avril 2012, la société Le Partenaire Européen a relevé appel de ce jugement.
Vu les ultimes écritures déposées :
* le 30 juillet 2012 par la société Le Partenaire Européen ;
* le 26 juillet 2012 par M. G. et l’association LesArnaques.com.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 août 2012.
La société Le Partenaire Européen conclut à l’infirmation du jugement entrepris et statuant à nouveau :
* sur la diffamation :
– à ce que soient jugés de caractère diffamatoire divers messages datés entre le 7 août 2011 et le 14 novembre 2011, tels qu’énumérés au dispositif des conclusions ;
– à ce que soit jugé qu’en refusant de supprimer promptement ces messages du site “lesarnarques.com”, M. G. engage, en sa qualité de directeur de publication, sa responsabilité sur le fondement de la diffamation, à l’encontre de la société appelante ;
– à ce que soit jugé qu’elle subit de ces faits un préjudice ;
– à la condamnation de M. G. à supprimer, sous astreinte de 1500 € par jour de retard, les messages susvisés accessibles aux adresses Url telles qu’énumérées au dispositif des conclusions ;
– à la condamnation in solidum de M. G. et de l’association LesArnaques.com à lui payer la somme de 15 000 € en réparation du préjudice subi ;
* sur le parasitisme :
– à la constatation qu’en utilisant le nom “Le Partenaire Européen”, dans les pages et dans le code source du site “lesarnaques.com” afin d’en tirer profit et ce, au détriment de la société appelante, l’association LesArnaques.com a commis des actes de parasitisme ;
– à la condamnation en conséquence de l’association LesArnaques.com à supprimer, sous astreinte de 1000 € par jour de retard, tous les messages la concernant sur le forum internet “lesarnarques.com”, et de cesser d’abuser de la répétition de son nom, notamment aux adresses Url, telles qu’énumérées au dispositif des conclusions ;
– à la condamnation de l’association LesArnaques.com à lui payer la somme de 15 000 € en réparation du préjudice subi ;
– au débouté des intimés en leur demande reconventionnelle; à la condamnation in solidum de M. G. et de l’association LesArnaques.com à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens avec droit de recouvrement direct par application de l’article 699 du même code.
M. G. et l’association LesArnaques.com demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il les a déboutés de leur demande reconventionnelle, de débouter la société Le Partenaire Européen de l’intégralité de ses prétentions et statuant à nouveau, de condamner reconventionnellement cette société à leur payer, chacun, outre les dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de constats d’huissiers, les sommes suivantes :
– 10 000 € à titre de dommages-intérêts ;
– 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le ministère public n’a pas déposé de conclusions.
DISCUSSION
Sur la diffamation
En application des dispositions combinées des articles 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, modifié par la loi n°2004-575 du 21 juin 2004, 29 alinéa 1er et 32 dans sa version alors en vigueur, “toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation“, laquelle demeure punissable dès lors qu’elle est commise “envers un particulier” sous forme de “publication directe ou par voie de reproduction, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des (…) écrits (… )“, et par l’un des moyens tels que “tout moyen de communication au public par voie électronique “.
Selon l’article 93-3 de la loi n°82-652 sur la communication audiovisuelle, modifié par la loi n°2009-669 du 12 juin 2009 : “Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication (…) sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public” tandis que “lorsque l’infraction résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur (…) ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s‘il est établi qu’il n‘avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message”.
L’action civile résultant d’un délit de diffamation peut être poursuivie séparément de l’action publique, par application de l’article 46 de la loi sur la liberté de la presse.
Il n’est pas sérieusement discuté ni que le forum “LesArnaques.com”, mis à disposition du public par l’association du même nom sur le site internet www.lesarnaques.com, répond à la définition d’un “espace de contributions personnelles identifié comme tel“, ni que M. G., pris en sa qualité de directeur de publication d’un tel espace, doit répondre comme auteur principal des faits de diffamation qui lui sont reprochés par la société appelante, au sens des textes précités, et non pas l’association LesArnaques.com prise en sa simple qualité d’hébergeur de sujets et de propos de tiers, comme le laissent entendre les écritures des intimés.
Précisément, la société Le Partenaire Européen se prévaut de vingt messages dont certaines allégations ou imputations sont jugées diffamatoires, soit par publication directe ou par voie de reproduction, voire par insinuation.
Tous ces messages sont accessibles à des adresses Url http://forum.lesarnaques.com/, dont le titre est complété par les index du forum (achat-neuf-ancien ou vente-domicile), puis par les occurrences “partenaire-europeen“, “partenaire-europeen-demande-information-juridique” ou “confli-contre-partenaire-europeen “, suivi du numéro du message “html”.
Selon la société Le Partenaire Européen, sont de caractère diffamatoire les termes et propos mentionnés dans les messages suivants, dont le contenu est intégralement énoncé dans ses conclusions et n’est pas contredit par les intimés, à savoir :
1. sous l’adresse Url http://forum.lesarnaques.com/achat-neuf-ancien/partenaire-europeen-demande-information-juridique-t95 564.html, soit huit messages :
– le message posté le 7 août 2011 par l’internaute “Decauxchrist” qui, en réponse à d’autres internautes se renseignant sur les personnes en litige avec “Le Partenaire Européen”, ou sur l’existence d’un collectif de plaintes contre cette même société, indique :
« Si vous pouviez m’indiquer vos coordonnées je suis très intéressé par la mise en place d’un collectif car je me suis brillament fait arnaqué, plus moyen de joindre la personne rencontré initialement. (… ) je compte mettre en route mon assistance juridique pour obtenir le blocage des versements d’un crédit facilitant le paiement de ce qu’il fait bien appeler des honoraires perçus indument (sic) » ;
– celui posté le même jour par “aristote2”, reproduisant le message précédent de “Decauxchrist” dans son intégralité ;
– celui posté le 1er septembre 2011 par “Guyl” indiquant au sujet d’un contrat avec “PE” (Partenaire Européen) :
« Le 1er prélèvement doit avoir lieu en septembre (alors que l’agent ns avait dit que ce serait seulement en octobre…) ; bien sûr je n’arrive pas à joindre ce monsieur (sic) » ;
– celui posté le 1er septembre 2011 par “Salto75” qui à la suite de recherches sur internet concernant le “sérieux” de l’entreprise, précise :
« Je suis bien entendu tombé sur ce forum qui contient un grand nombre de plaintes liées à la vente forcée. »
Et qui poursuit, après avoir pris contact avec la société Le Partenaire Européen et avoir senti “le coup venir” quant au prix de la prestation :
« A quand un dossier dans “Que Choisir” ou dans “60 millions de consommateur” sur le business des vente en pap et la multitude de coquilles vides existante ? Je vais les contacter pour voir si un papier peut être fait sur le sujet (sic). » ;
– celui posté le 1er septembre 2011 par “Guyl”, reproduisant celui de “DANIELLE52” en ces termes :
DANIELLE52 a écrit : bonjour, je te conseille de faire l’opposition rapidement auprès de ta banque. Est-ce par Rib pour prélèvement ou par CB ?
par CB il te suffit d’expliquer à ta banque que tu as subi une arnaque et que tu désires faire opposition (..).
– celui posté le 2 septembre 2011 par “Guyl”, qui écrit, en réponse à “DANIELLE52” et “à tous”, après que “PE” se soit manifesté auprès de lui et s’être vu répondre que le contrat avait été passé avec Sofinco :
« Nous avons campé sur nos position, sur conseils d’un avocat. Dans la mesure où il ne s’agit pas d’un prêt… que PE arnaque les clients dans la procédure… Nous attendons. »
– celui posté le 24 septembre 2011 par “mani34” qui concernant le coût de la prestation de la société appelante, indique :
« Mais il faut se rendre à l’évidence : on a payé pour rien. (…) Si on résume
Choix 1 : Partenaire Européen : on paye plus de 1000 € pour absolument aucun résultat (malgré les “monts et merveilles” annoncés).
(… ) Bref : on commence à être de plus en plus motivés pour les poursuivre en justice pour publicité mensongère (sic). »
– celui posté le 7 novembre 2011 par “catmick” qui, après avoir signé un contrat avec la société appelante, indique :
« Je voudrais arrêter cette arnaque mais coment je doi faire? (sic). »
2. sous l’adresse Url http://forum.lesarnaques.com/vente-domicile/confli-contre-partenaire-europeen-t95921.html, soit 7 messages :
– celui posté le 19 septembre 2011 par “martine78” qui indique “être dans le même cas” et insinue que la société Le Partenaire Européen a profité de sa séparation et de sa déprime, en ajoutant que :
« (…) sofinco est complice de cette arnaque ; (… ) on doit gagner et devons être les plus forts contre ces (supprimé)s! c’est un abus de faiblesse! (sic). »
– celui posté le 20 septembre 2011 par “martine78” qui reproduit le message suivant :
“DANIELLE52 a écrit :
Bonjour Martine 78,
envoyez moi en réponse privée vos coordonnées afin que je puis définir si
vous n’êtes pas une taupe de ces (censuré). Ensuite je pourrai vous envoyez mon témoignage. Cordialement.
Danielle,
bsr nonje ne suis pas une taupe! (…) (sic)”.
– celui posté le 22 septembre 2011 par “martine78” qui remercie les internautes de leurs réponses et indique :
« j’ai envoyé un dossier à mr g.! (sic). »
– celui posté le 30 septembre 2011 par “Joêl G.” qui reproduit ce dernier message, en précisant cependant n’avoir rien reçu.
– celui posté le 21 octobre 2011 par “GI”, qui précise, comme beaucoup de personne, être en conflit avec le “P.E.” et ajoute :
« (… ) et nous avons fait la bêtise de signer leur contrat. Depuis la signature du contrat de diffusion le 23.05.2011, nous n’avons reçu aucun appel ou aucun mail d’une personne intéressée par notre bien. Par contre, tous les mois, une somme de 250 euros est prélevée et le sera pendant 18 mois. (…). »
– celui posté le 31 octobre 2011 par “Miss-Kitty” qui évoque la situation de ses parents ayant contracté avec la société Le Partenaire Européen et qui précise :
« J’ai tenté de les contacter et la réponse faite à mon argument “c’est facile d’abuser des personnes de 61 ans qui ne comprennent rien à vos modes de diffusions” a été : “A 61 ans ont est pas sénile, Madame !“
– celui posté le 14 novembre 2011 par “Benedoce” souligne dans un premier temps :
« Je me permets de vous rejoindre dans vos discussions au sujet du Partenaire Européen. Au vu de vos commentaires, je crains être au début d’une “relative” arnaque… «
Et dans un second temps, après avoir évoqué la vente de sa maison, les contacts avec “PE”, les difficultés rencontrées émaillées de lettres de rappel, de coups de téléphone plus ou moins “poussés”, enfin d’une lettre de mise en demeure de payer, ajoute :
« D’après vos commentaires, je sens que je me suis fait tout simplement “berné” par ce système pas très clair.
PE est là pour vous passer la pommade, promettre monts et merveilles mais aussi prendre l’argent bien entendu.
Ils ne se soucient guère de vendre ou pas votre bien. »
3. sous l’adresse Url http://forum.lesarnaques.com/achat-neuf-ancien/partenaire-europeen-t106149.html, soit un message :
– celui posté le 27 août 2011 par “aristote2” qui est rédigé en ces termes
« Alors celle-là, elle est bonne et les gens du Partenaire Européen sont des “Bons”, dans leur genre. J’ai reçu la lettre du Partenaire Européen et dans cette lettre, il y a un lien qui renvoie sur les Arnaques.com. J’avoue que je n’ai pas bien compris l’astuce, quand on connait leurs méthode et qu’on a été arnaqué comme moi (sic). »
4. sous l’adresse Url http://forum.lesarnaques.com/achat-neuf-ancien/partenaire-europeen-t107594.html, soit deux messages :
– celui posté le 16 septembre 2011 par “nestor34” qui indique, en exprimant son désir de faire partie d’un collectif de défense :
« Comme beaucoup d’internautes, j‘ai l’impression de m’être fait arnaquer par le partenaire Européen.
le démarcheur m’a fait signer un document de crédit sofinco avec des mensualités sans intérêt (étrange) et a encaissé la modique somme de 2650 euros. »
– celui posté le 16 septembre 2011 par “Salto75” s’étonne de ce “type de démarchage”, tel qu’évoqué dans le message précédent et ajoute :
« Je sais que ma réponse ne vous aide pas mais je suis estomaqué par ce que je lis sur cette société. »
D’évidence, ces 18 messages (et non pas seulement quatre, comme le laissent entendre les intimés), postés sous quatre adresses Url différentes mais faisant toutes référence à la société Le Partenaire Européen, contiennent des propos portant atteinte à l’honneur et à la considération de cette société :
– en accusant directement ou par voie de reproduction cette société d’arnaquer ses clients, d’employer des méthodes douteuses, telles que la vente forcée ou l’offre de services inexistants ;
– en insinuant dans ce contexte que cette société délaisse ses clients, pratique de la publicité trompeuse et se fait rémunérer pour des services ne débouchant sur aucun résultat ;
– en laissant entendre l’existence d’une arnaque par cette société en abusant notamment de la faiblesse de certains clients
– en insinuant l’infiltration par cette société de forum de discussions, tel que celui dirigé par l’intimé, par des “taupes”.
Précisément, le caractère diffamatoire doit s’apprécier à l’aune de l’indivisibilité de ces messages postés dans le cadre d’un forum de discussion, qui plus est dénommé “lesarnaques.com”, ayant pour objet premier de créer sur un même sujet, en l’occurrence les pratiques de la société Le Partenaire Européen, une interactivité entre les internautes. Chacun de ces messages doit ainsi être lu, interprété et compris à la lumière des autres auxquels il répond ou il sera répondu.
En revanche, il en sera autrement des deux autres messages dont la société Le Partenaire Européen se prévaut, faute pour la cour de pouvoir en tirer un quelconque caractère diffamatoire, à savoir :
– celui posté, sous la seconde adresse Url, le 23 octobre 2011 par “GI” qui reprend le message d’un certain “ledard29”, lequel, selon la société appelante, affirmerait avoir été abusé par cette dernière. Toutefois, la reproduction de ce message se trouve avoir été supprimée de sorte qu’il ne peut être déduit, sur les seules affirmations de cette société, qu’il caractérise une diffamation ;
– celui posté le 28 septembre 2011 par “Jorettapo” ne permettant pas d’affirmer l’existence de propos diffamatoires sur les seuls propos qui, en réponse à la question sur “le partenaire Européen, c’est qui, c’est quoi ?“, demande “d’éviter les commentaires désobligeants” et invite “à respecter les règlements”.
Dès lors, s’agissant des faits diffamatoires, seule la bonne foi du directeur de la publication, et non pas celle accordée aux auteurs de ces messages, comme invoquée par les premiers juges, est susceptible de l’exonérer de toute responsabilité fautive, à la condition que soient rapportés, selon la jurisprudence établie, les éléments relatifs à la prudence dans l’expression, au respect du devoir d’enquête préalable, à l’absence d’animosité personnelle et à l’intention de poursuivre un but légitime.
M. G., en sa qualité de directeur de la publication, a la charge de la preuve de la bonne foi qu’il invoque à l’appui d’attestations produites aux débats.
Tout en reconnaissant que les termes ainsi employés étaient justement incriminés pour leur manque de modération par le directeur de la publication, les premiers juges n’ont cependant pas tiré les conséquences de leurs propres constatations.
En effet, un tel manque traduit une absence de prudence dans l’expression des propos postés dans le cadre d’un espace de contributions personnelles et demeure à ce titre, exclusif de la bonne foi.
En, outre, il convient précisément de relever que :
– d’une part, le directeur de la publication avait eu une nécessaire connaissance de certains des messages incriminés, ayant lui-même répondu dans le cadre de ce forum à un message posté sous une même adresse Url comprenant des messages jugés diffamatoires ;
– d’autre part, ce directeur de publication n’a pas agi promptement, au sens de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, pour retirer les messages incriminés ou à tout le moins, pour les modérer ou supprimer les propos diffamatoires, s’abstenant de toute intervention à ce titre en dépit des courriers que le conseil de l’appelante lui avait adressés à plusieurs reprises, excepté quelques modérations effectuées sur certains d’entre eux mais toujours avec grand retard et de manière très partielle ;
– enfin, alors que l’association qu’il dirige a pour principal objet de favoriser la médiation, et avait d’ailleurs répondu favorablement aux demandes de la société Le Partenaire Européen, tendant à la mise en place d’une adresse mail dédiée à la réception des réclamations éventuelles des clients de l’appelante en dirigeant l’expéditeur vers l’adresse rnediation@p-e.fr (cf. courriel adressé le 20 janvier 2011 – pièce n°29 de l’appelante), ce directeur de publication a cependant continué de maintenir sur le forum en question des messages à caractère diffamatoire, sans remplir son office relatif à ladite médiation.
D’ailleurs, dans les courriels échangés précisément avec la responsable du service clients & qualité de la société Le Partenaire Européen, M. G. s’exprime en ces termes (cf. courriel du 4 février 2011, deuxième feuillet de la pièce n°29) :
« Il est vrai que les témoignages sont un peu oubliés par nos modérateurs, et donc vous ne recevez pas d’alertes. Néanmoins, sachez que si nous manquons à la médiation, ou que nous ne recevons pas de réponse de la personne qui a posté le message notre souhait est de supprimer le message car nous ne souhaitons pas dénigrer gratuitement une société. (…). »
La diffusion des messages incriminés atteste de l’absence d’intervention en ce sens de la part du directeur de la publication et donc, de la méconnaissance par ce dernier des critères susceptibles de lui voir reconnaître la bonne foi, y compris le critère relatif à la poursuite d’un but légitime, en ayant permis à certains consommateurs d’outrepasser la simple liberté d’expression ou de critique.
En outre, de manière symptomatique, il est noté que dans le règlement du forum de son site internet, l’association LesArnaques.com recommande aux internautes de s’en tenir aux faits et d’éviter le mot “arnaque”, qui pourrait entraîner la fermeture du sujet.
Dans ces conditions, le jugement déféré étant infirmé sur ce chef de demande, il sera fait droit à la demande de suppression des messages incriminés et jugés à caractère diffamatoire, selon les modalités définies au dispositif du présent arrêt.
La cour dispose d’éléments suffisants pour réparer le préjudice subi par la société Le Partenaire Européen à hauteur de 9000 €, somme mise à la charge in solidum de M. G. et de l’association LesArnaques.com.
Sur le parasitisme
La société appelante reproche à l’association LesArnaques.com, sur le fondement du parasitisme dont la définition a été justement rappelée par les premiers juges, de faire une utilisation abusive de sa dénomination sociale – Le Partenaire Européen – dans les pages comme dans le code source de son site internet “lesarnarques.com” et partant, en augmentant l’occurrence du terme dont s’agit, en améliorant le référencement des messages dans les pages des moteurs de recherche.
Pour ce faire, la société appelante se prévaut d’une consultation amiable effectuée par M. Olivier A., qualifié d’expert renommé en référencement, qui conclut, sous la forme d’une attestation, à l’optimisation du code HTML du site “lesarnaques.com” afin de mettre en valeur dans les résultats de ces derniers, les thèmes traités dans chaque discussion du forum et donc les mots “partenaire européen”.
Toutefois, comme le soulignent pertinemment les premiers juges, l’usage du nom commercial de la société appelante dans l’espace de discussion qui lui est consacré sur le site de l’association intimée, participe d’un projet qui n’est pas illégitime.
Mais surtout, la société Le Partenaire Européen qui affirme ne pas vouloir remettre en cause la finalité même de cette association, ne saurait se plaindre d’un usage abusif de son nom par l’association intimée, à le supposer démontré, et contraindre ainsi cette dernière à retirer son nom commercial dans diverses adresses Url énumérées au dispositif de ses écritures.
En effet, cette société a elle-même œuvré pour la mise en place d’une adresse mail dédiée à la réception des réclamations éventuelles de ses clients ainsi exprimées dans des messages postés sur le forum “lesarnaques.com”, convenant de fait qu’elle ne pouvait empêcher les consommateurs de s’exprimer librement sur le forum de l’association intimée en évoquant leurs éventuelles difficultés rencontrées avec la société appelante, à la condition, certes de le faire dans des limites n’outrepassant pas la simple liberté d’expression.
Cette société a également pris acte de l’enregistrement par l’association intimée de son entreprise comme “professionnels répondants” (cf. Courriel précité pièce n°29).
De même, c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l’optimisation par l’association intimée de son site en vue de faciliter l’accès des internautes aux informations, échanges et discussions qu’il contient, ne constituait pas un procédé déloyal visant à tirer profit de la notoriété de la société appelante par un usage abusif de son nom, la fréquence de l’usage de ce nom comme les mécanismes de référencement étant de la seule responsabilité des moteurs de recherche, en l’espèce de google.fr.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé dans ses dispositions relatives au parasitisme.
Sur les autres demandes
Succombant au principal sur les faits de diffamation, M. G. et l’association LesArnaques.com seront déboutés de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts. Le jugement déféré sera confirmé en ce sens.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Le Partenaire Européen à hauteur de 2000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
La demande des intimés sur le même fondement sera en voie de rejet et le jugement déféré infirmé de ce chef.
Les dépens seront mis à la charge des intimés.
DÉCISION
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
. Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté d’une part, la société Le Partenaire Européen de ses demandes au titre des messages postés le 23 octobre 2011 par “GI” et le 28 septembre 2011 par “Jorettapo”, au titre du parasitisme et d’autre part, M. G. et l’association LesArnaques.com de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
. Dit qu’ont un caractère diffamatoire au sens de l’article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les messages suivants, postés :
– le 7 août 2011 par “Decauxchrist”,
– le 7 août 2011 par “aristote2”,
– le 1er septembre 2011 par “Guyl” (deux messages), le 1er septembre 2011 par “Salto7S”,
– le 2 septembre 2011 par “Guyl”,
– le 24 septembre 2011 par “mani34”,
– le 7 novembre 2011 par “catmick”,
Accessibles sous l’adresse Url : http://forum.lesarnaques.com/achat-neuf-ancien/partenaire-europeen-demande-information-juridique-t95 564.html,
– le 19 septembre 2011 par “martine78”,
– le 20 septembre 2011 par “martine78”,
– le 22 septembre 2011 par “martine78”,
– le 30 septembre 2011 par “Joël G.”
– le 21 octobre 2011 par “GI”,
– le 31 octobre 2011 par “Miss-Kitty”,
– le 14 novembre 2011 par “Benedoce”,
Accessibles sous l’adresse Url : http://forum.lesarnaques.com/vente-domicile/confli-contre-partenaire-europeen-t95921.html,
– le 27 août 2011 par “aristote2”,
Accessible sous l’adresse Url : http://forum.lesarnaques.com/achat-neuf-ancien/partenaire-europeen-t106149.html,
– le 16 septembre 2011 par “nestor34”,
– le 16 septembre 2011 par “Salto75”,
Accessibles sous l’adresse Url : http://forum.lesarnaques.com/achat-neuf-ancien/partenaire-europeen-t107594.html,
. Dit que M. G., en sa qualité de directeur de publication, a commis une faute engageant sa responsabilité, en refusant de supprimer ces messages du site “lesarnaques.com”, sur le fondement de la diffamation à l’encontre de la société Le Partenaire Européen,
. Condamne M. G. à supprimer, dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt et passé ce délai, sous astreinte de 500 € par jour de retard, les 18 messages susvisés, accessibles aux adresses Url suivantes :
– http://forum.lesarnaques.com/achat-neuf-ancien/partenaire-europeen-demande-information-juridique-t95564.html,
– http://forum.lesarnaques.com/vente-domicile/confli-contre-partenaire-europeen-t95921.html,
– http://forum.lesarnaques.com/achat-neuf-ancien/partenaire-europeen-t106149.html,
– http://forum.lesarnaques.com/achat-neuf-ancien/partenaire-europeen-t107594.html,
. Condamne in solidum M. G. et l’association LesArnaques.com à payer à la société Le Partenaire Européen les sommes suivantes :
– en réparation du préjudice subi 9000 €
– au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile 2000 €
. Déboute M. G. et l’association LesArnaques.com de leurs demandes sur le même fondement,
. Condamne in solidum M. G. et l’association LesArnaques.com aux dépens de première instance et d’appel, avec le bénéfice à l’avocat de l’appelante des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La cour : Monsieur Jacques Mallet (président,) Mmes Chantal Rodier et Caroline Chiclet (conseillères)
Avocats : Me Arnaud Dimeglio, Me Leygue, Me Karim Ouchikh
Notre présentation de la décision
Voir décision de Cour de cassation
En complément
Maître Arnaud Dimeglio est également intervenu(e) dans les 86 affaires suivante :
En complément
Maître Karim Ouchikh est également intervenu(e) dans les 7 affaires suivante :
En complément
Maître Leygue est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Le magistrat Caroline Chiclet est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Le magistrat Chantal Rodier est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Le magistrat Jacques Mallet est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.