Jurisprudence : Responsabilité
Cour de cassation Chambre sociale Arrêt du 24 octobre 2012
M. X… / Comap
droit du travail - employeur - harcèlement moral - loyauté - messagerie électronique - salarié - suspension
DISCUSSION
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 21 avril 2011) que M. X… a été engagé par la société Comap le 5 février 1998 en qualité de directeur commercial du marché Europe, fonction à laquelle s’est ajoutée en 2003 celle de directeur “ marketing produits “ ; que le 6 septembre 2008, il a saisi la juridiction prud’homale de demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et au titre d’un harcèlement moral ;
Sur le premier moyen
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en cas de litige relatif à un harcèlement moral, il incombe au salarié « d’établir des faits » permettant d’en présumer l’existence ; que l’employeur doit alors prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs qui y sont étrangers ; qu’il incombait ainsi à M. X…, qui invoquait un empiétement sur ses fonctions de “ marketing commercial “ dans la décision de lancer une ébauche de catalogue en septembre 2008, d’en apporter la preuve, d’autant qu’il a lui-même soutenu, comme la cour l’a constaté, que M. Y… avait annoncé un projet de catalogue propre aux “ gros diamètres et spéciaux “, relevant de sa compétence, pour « pousser ce business », ce qui suggérait l’existence de deux projets distincts ; que pour retenir que la société Comap se serait rendue coupable de harcèlement, par empiétement sur les fonctions de M. X…, la cour a retenu qu’elle n’apportait aucun élément permettant de vérifier que l’initiative d’une ébauche de catalogue en septembre 2008 était cantonnée aux seuls OEM et ne s’étendait pas aux “ gros diamètres et spéciaux “ relevant de la compétence de ce dernier ; qu’en dispensant ainsi M. X… d’apporter la preuve qui lui incombait premièrement du contenu de l’ébauche de catalogue qu’il mettait en cause, pour en imposer la charge à la société Comap, la cour a violé l’article L. 1154-1 du code du travail, ensemble l’article 1315 du code civil ;
2°/ qu’à supposer qu’il y ait eu « empiétement » de la part de la direction dans l’élaboration du catalogue litigieux, la détermination de la forme et du contenu de ce catalogue, destiné à promouvoir les produits de la société, relevait du seul pouvoir de direction de l’employeur ; qu’en jugeant dès lors que cet « empiétement » constituait un fait permettant de présumer l’existence d’un harcèlement, la cour a violé l’article L. 1154-1 du code de procédure civile ;
3°/ que le pouvoir de direction de l’employeur lui confère en particulier la maîtrise de l’organisation de l’entreprise ; qu’en l’espèce, M. X…, pour établir que la société Comap, dont il était salarié, l’aurait moralement harcelé, a invoqué le fait qu’elle lui avait coupé sa ligne téléphonique et son accès à internet pendant son arrêt de travail ; que l’employeur, qui avait la faculté d’établir par tous moyens que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, a soutenu que ces mesures étaient appelées par la nécessité, M. X… étant absent depuis trois mois et demi, d’assurer la continuité du service qu’il n’effectuait plus, ainsi qu’il lui avait été indiqué dans la lettre du 24 décembre 2008 citée par la cour ; que pour écarter l’argumentation de la société Comap, la cour a retenu qu’elle ne prouvait pas que l’usage par M. X… des moyens techniques suspendus aurait mis en péril les intérêts de l’entreprise ; qu’en imposant à la société Comap de ne pouvoir renverser la présomption de harcèlement que par cette preuve, quand il lui suffisait d’établir que les mesures prises, dans le cadre du pouvoir de direction de l’employeur, étaient justifiées par l’intérêt de l’entreprise, la cour, qui a ajouté à la loi des exigences qu’elle ne comporte pas, a violé l’article L. 1154-1 du code du travail, ensemble l’article 1315 du code civil et le principe fondamental de la liberté d’entreprendre ;
4°/ qu’en jugeant que ces mesures prises par l’employeur pouvaient permettre de présumer l’existence d’un harcèlement, quand, commandées par l’absence du salarié et les impératifs de la continuité de l’activité de l’entreprise, elles se rattachaient à l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur, la cour a violé l’article L. 1154-1 du code du travail ;
5°/ que pour retenir que M. X… avait été victime d’un harcèlement moral, la cour a retenu qu’il avait été l’objet d’un courriel de reproches dont le ton était « violent » ; qu’en se déterminant ainsi, après avoir constaté que le contenu de ce courriel, unique, ne portait pas atteinte à la dignité du salarié et que les reproches adressés étaient conditionnels, en l’attente d’éclaircissements et de justifications que le salarié n’a jamais apportés, ce dont il résultait que la présomption légale ne pouvait trouver de fondement dans les faits allégués, la cour, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article L. 1154-1 du code du travail ;
6°/ que l’existence d’un harcèlement moral, au sens de la loi, ne peut résulter du seul échec de l’employeur à prouver qu’un grief adressé à un salarié était fondé ; qu’elle résulte de la preuve, par le salarié, d’un comportement habituellement nuisible de l’employeur à son égard, entraînant les effets définis par la loi, que l’employeur ne parvient pas à expliquer par des raisons objectives ; qu’en l’espèce, pour retenir enfin l’existence d’un harcèlement moral, la cour, qui a relevé que les dénigrements adressés par M. Z… à M. X… dans le courriel du 24 juillet 2008 étaient de soi intolérables, a retenu que ces griefs étaient insuffisamment justifiés, ne reposant que sur l’attestation de M. Y… ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’existence d’un harcèlement moral, la cour a violé l’article L. 1154-1 du code du travail ;
7°/ que ne suffit pas à constituer un harcèlement moral, au sens de la loi, un acte isolé par lequel l’employeur ne fait qu’exercer son pouvoir disciplinaire ou de direction, lors même que sa décision serait contestable ; qu’en jugeant dès lors que le courriel adressé par M. Z… à M. X… était un fait permettant de présumer un harcèlement moral, quand cet acte, unique, constituait une intervention de l’employeur dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, les griefs adressés fussent-ils insuffisamment établis, la cour a violé l’article L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu qu’ayant relevé, en premier lieu, que l’employeur avait décidé de suspendre la ligne téléphonique et la messagerie électronique du salarié alors qu’il était en arrêt de travail, en second lieu, que la loyauté de celui-ci à l’égard de la direction avait été vivement mise en cause dans un courriel que lui avait adressé le directeur général de l’entreprise, la cour d’appel, qui a pu décider que ces faits pris dans leur ensemble permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral et qui a relevé, d’une part, que la suspension des moyens de communication était intervenue en réaction à la volonté du salarié de défendre ses droits et n’était pas justifiée par l’intérêt de l’entreprise, d’autre part, que la mise en cause de sa loyauté n’était justifiée par aucun élément objectif, en a déduit à bon droit que le harcèlement moral était caractérisé ; qu’abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux premières branches, le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
DÉCISION
Par ces motifs :
. Rejette le pourvoi ;
. Condamne la société Comap aux dépens ;
. Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Comap à payer à M. X… la somme de 2500 € ;
Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux conseils, pour la société Comap
Premier moyen de cassation
Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement rendu le 7 janvier 2010 par le conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il avait dit que la demande de M. Pascal X… en dommages et intérêts pour harcèlement moral était fondée et d’avoir condamné la société Comap à lui payer de ce chef la somme de 30 000 €,
Aux motifs que M. X… soutient qu’à l’occasion de l’initiative prise le 12 septembre 2008 par M. Y… de lancer une première ébauche d’un catalogue “ OEM, Spécial & Gros DN cuivre “, il y aurait eu empiétement sur ses fonctions de marketing opérationnel ; que les parties s’opposent sur le point de savoir si ledit projet n’a concerné que l’activité OEM. échappant au marketing opérationnel ou, au contraire, a concerné l’activité “ gros diamètre “ ; que M. X… a rappelé que, dans son rapport d’activité pour les mois de juillet/août 2008, M. Y… avait fait état, pour les “ gros diamètre et spéciaux “, de la « création à court terme (2 mois prochain) d’une nouvelle brochure commerciale pour pousser ce business » que la SA Comap ne fournissant aucun élément permettant de vérifier que l’initiative ainsi prise aurait été cantonnée à la réalisation d’une ébauche de catalogue cantonné aux seuls OEM la matérialité de l’empiétement ainsi dénoncé est du même coup bien établie ; que M. X… reproche encore à son employeur, alors même qu’il se trouvait toujours en arrêt de travail, de lui avoir coupé à compter du 24 décembre 2008 sa ligne téléphonique de même que son accès à internet, tous faits non contestés dans leur matérialité ;
que dans un courrier du 15 décembre 2008 adressé à M. Z…, M. X…, qui est salarié et mandataire social, a dénoncé le fait que, bien que disposant de tout le matériel informatique, il n’avait été destinataire d’aucun courriel de sa part, d’aucun compte rendu de réunion du Comex, et précisé à cette occasion être « atterré par la mauvaise foi de son interlocuteur et les efforts déployés par lui pour le déstabiliser » ; que le 17 décembre 2008, M. Z… lui a de son côté fait connaître que « depuis (son) absence (celui-ci) av (ait) fait preuve d’un déni total de (ses) responsabilités de cadre supérieur en s’abstenant de tout suivi ou de tout contact avec un membre quelconque du Comex et de l’entreprise (bien qu’encore) doté de tous les outils, bureautiques mis à sa disposition par l’entreprise pour communiquer à distance » ; qu’avisé par courrier du 24 décembre 2008 de ce qu’à raison de son absence prolongée et pour assurer la continuité du service, il avait été procédé à « l’installation sur sa messagerie professionnelle d’une réponse automatique d’absence invitant les correspondants à rediriger leurs messages vers d’autres boîtes courriels, que parallèlement, afin que cette messagerie ne soit pas utilisée sous son nom en son absence, celle-ci sera désactivée en émission, que pour les mêmes raisons et afin que les appels téléphoniques ne soient pas perdus, le numéro professionnel de portable à lui attribué est provisoirement suspendu », M. X… a répondu, le 15 janvier 2009, que pour lui il s’agissait d’une nouvelle tentative pour l’évincer de l’organisation de l’entreprise et le mettre à l’écart ;
qu’alors même que la société Comap ne justifie pas de ce qu’à raison de la carence qui lui est prêtée, M. X… aurait, du fait de l’utilisation des outils bureautiques mis à sa disposition, mis en péril ses intérêts, il y a lieu de constater l’existence d’une corrélation entre la volonté exprimée par le salarié de défendre ses droits et l’initiative de l’employeur conduisant à considérer les faits litigieux comme laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral ; que mis en cause par M. Z… dans le cadre d’un courriel du 24 juillet 2008 libellé comme suit : « Au travers de Mark, je comprends qu’un meeting a eu lieu il y a quelques semaines entre toi et Wim A…dans lequel tu as donné ton accord pour payer 175 000 € aux Allemands, ceci étant consigné dans un mémo que je n’ai jamais vu. Si c’est le cas, (je considère incroyable que tu aies de tels meetings avec de telles conclusions avec Wim, sans tenir ni moi ni Mark au courant) comment peux-tu me demander maintenant de signer de telles factures alors que tu en es à l’origine ? ? ? Merci de tes clarifications » pour avoir donné son autorisation à l’engagement d’une somme de 175 000 € sans avoir tenu informé ni l’auteur du courriel ni M. B…(Mark), M. X… estime avoir fait l’objet à cette occasion de l’imputation d’une faute professionnelle de nature à caractériser l’un des agissements reprochés ;
qu’alors même que la société Comap ne peut utilement s’en tenir au seul fait que M. X… n’aurait jamais prétendu ne pas avoir engagé la société Comap au bénéfice de la société Seppelfricke pour en déduire, en l’absence de production de toute autre pièce justificative et eu égard à l’absence de tout aveu, que l’implication de son salarié serait établie dans l’engagement litigieux et que dès lors il ne serait fait état dans la correspondance électronique que de faits constants non susceptibles de porter atteinte à la dignité du salarié, il y a lieu de constater que dans ledit courriel, même si son rédacteur n’a pas exclu le fait que le salarié ait pu rester étranger aux faits litigieux comme il ressort du recours à la formule « Si c’est le cas », il est usé d’un ton suffisamment violent (je considère incroyable que tu aies de tels meetings avec de telles conclusions avec Wim, sans tenir ni Mark (lire M. B…) ni moi au courant. Comment peux-tu me demander maintenant de signer de telles factures alors que tu en es à l’origine ? ? ?) pour que son destinataire ait considéré à juste titre que le minimum de prudence devant présider à dénonciation de faits aussi lourds de conséquence n’avait pas été respecté ; que dans le même courriel, il est énoncé que : « Plusieurs personnes sont venues me voir pour me dire que tu critiquais ouvertement le service marketing, tel qu’il se mettait en place, en déclarant que leur chef était complètement incompétent, ce qui indirectement me classe dans la même catégorie, et pire en suggérant à certains que le mieux serait pour eux de quitter la société car ils n’y trouveront rien d’intéressant (…) j’ai avalé beaucoup de couleuvres de ce type de ta part et j’ai été d’une patience infinie, car je souhaite te donner le temps de t’adapter à la nouvelle organisation qui se mettait en place. Maintenant, c’est terminé. Tu fais partie du Comex et tu dois faire corps avec les décisions collégiales qui y sont prises et qui d’ailleurs dans l’immense majorité sont appréciées par les cadres et le personnel. Dorénavant, je n’accepterai plus le moindre fait de cette espèce que je considérerai comme une faute professionnelle, car décrédibilisant tes collègues et l’ensemble de l’organisation. J’attends de ta part des explications et des justifications à ton comportement, Comap doit faire une révolution pour relever les défis de demain. Le Comex doit être un exemple de droiture (…) » ;
que M. X… soutient que s’il a bien fait état de son désaccord quant à la mise en place de la nouvelle organisation et à la modification de ses fonctions dans le seul but de récupérer l’ensemble de ses attributions contractuelles, il ne s’est en revanche jamais hasardé sur le terrain du dénigrement ce pourquoi il demande de constater que les accusations portées contre lui ne procèdent en réalité que d’une volonté de le déstabiliser, l’intimée exposant à l’inverse qu’après avoir tout fait pour que l’intimé conserve sa place de “ numéro 2 “, il a bien fallu à la fin du mois de juillet 2008, vu son comportement parfaitement déloyal, le rappeler à l’ordre ; qu’alors même que l’imputation tirée de ce que, pour avoir critiqué ouvertement le service marketing, l’intimé aurait dénigré son employeur au travers de l’organisation mise en place par lui a été effectivement de nature, à raison de la mise en cause de son devoir de loyauté, à avoir un effet déstabilisateur et par voie de conséquence à impacter les conditions de travail, le seul élément un tant soit peu circonstancié produit par la société Comap repose sur l’attestation de M. Y… laquelle, à défaut de tout autre élément produit dans le même sens, ne peut être considérée à elle seule, eu égard à la rivalité ayant opposé les deux salariés, comme constitutive de la preuve du dénigrement reproché, M. X… étant en conséquence bien fondé à exciper d’une mise en cause injustifiée de son devoir de loyauté ; que l’existence d’agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel étant en conséquence établie, le jugement attaqué mérite confirmation en ce qu’il a accueilli en son principe la demande de M. X… tendant au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
1° Alors qu’en cas de litige relatif à un harcèlement moral, il incombe au salarié « d’établir des faits » permettant d’en présumer l’existence ; que l’employeur doit alors prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs qui y sont étrangers ; qu’il incombait ainsi à M. X…, qui invoquait un empiétement sur ses fonctions de “ marketing commercial “ dans la décision de lancer une ébauche de catalogue en septembre 2008, d’en apporter la preuve, d’autant qu’il a lui-même soutenu, comme la cour l’a constaté, que M. Y… avait annoncé un projet de catalogue propre aux “ gros diamètres et spéciaux “, relevant de sa compétence, pour « pousser ce business », ce qui suggérait l’existence de deux projets distincts ; que pour retenir que la société Comap se serait rendue coupable de harcèlement, par empiétement sur les fonctions de M. X…, la cour a retenu qu’elle n’apportait aucun élément permettant de vérifier que l’initiative d’une ébauche de catalogue en septembre 2008 était cantonnée aux seuls OEM et ne s’étendait pas aux “ gros diamètres et spéciaux “ relevant de la compétence de ce dernier ; qu’en dispensant ainsi M. X… d’apporter la preuve qui lui incombait premièrement du contenu de l’ébauche de catalogue qu’il mettait en cause, pour en imposer la charge à la société Comap, la cour a violé l’article L. 1154-1 du code du travail, ensemble l’article 1315 du code civil ;
2° Alors que, à supposer qu’il y ait eu « empiétement » de la part de la direction dans l’élaboration du catalogue litigieux, la détermination de la forme et du contenu de ce catalogue, destiné à promouvoir les produits de la société, relevait du seul pouvoir de direction de l’employeur ; qu’en jugeant dès lors que cet « empiétement » constituait un fait permettant de présumer l’existence d’un harcèlement, la cour a violé l’article L. 1154-1 du code de procédure civile ;
3° Alors que le pouvoir de direction de l’employeur lui confère en particulier la maîtrise de l’organisation de l’entreprise ; qu’en l’espèce, M. X…, pour établir que la société Comap, dont il était salarié, l’aurait moralement harcelé, a invoqué le fait qu’elle lui avait coupé sa ligne téléphonique et son accès à internet pendant son arrêt de travail ; que l’employeur, qui avait la faculté d’établir par tous moyens que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, a soutenu que ces mesures étaient appelées par la nécessité, M. X… étant absent depuis trois mois et demi, d’assurer la continuité du service qu’il n’effectuait plus, ainsi qu’il lui avait été indiqué dans la lettre du 24 décembre 2008 citée par la cour ; que pour écarter l’argumentation de la société Comap, la cour a retenu qu’elle ne prouvait pas que l’usage par M. X… des moyens techniques suspendus aurait mis en péril les intérêts de l’entreprise ; qu’en imposant à la société Comap de ne pouvoir renverser la présomption de harcèlement que par cette preuve, quand il lui suffisait d’établir que les mesures prises, dans le cadre du pouvoir de direction de l’employeur, étaient justifiées par l’intérêt de l’entreprise, la cour, qui a ajouté à la loi des exigences qu’elle ne comporte pas, a violé l’article L. 1154-1 du code du travail, ensemble l’article 1315 du code civil et le principe fondamental de la liberté d’entreprendre ;
4° Alors qu’en jugeant que ces mesures prises par l’employeur pouvaient permettre de présumer l’existence d’un harcèlement, quand, commandées par l’absence du salarié et les impératifs de la continuité de l’activité de l’entreprise, elles se rattachaient à l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur, la cour a violé l’article L. 1154-1 du code du travail ;
5° Alors que pour retenir que M. X… avait été victime d’un harcèlement moral, la cour a retenu qu’il avait été l’objet d’un courriel de reproches dont le ton était « violent » ; qu’en se déterminant ainsi, après avoir constaté que le contenu de ce courriel, unique, ne portait pas atteinte à la dignité du salarié et que les reproches adressés étaient conditionnels, en l’attente d’éclaircissements et de justifications que le salarié n’a jamais apportés, ce dont il résultait que la présomption légale ne pouvait trouver de fondement dans les faits allégués, la cour, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article L. 1154-1 du code du travail ;
6° Alors que l’existence d’un harcèlement moral, au sens de la loi, ne peut résulter du seul échec de l’employeur à prouver qu’un grief adressé à un salarié était fondé ; qu’elle résulte de la preuve, par le salarié, d’un comportement habituellement nuisible de l’employeur à son égard, entraînant les effets définis par la loi, que l’employeur ne parvient pas à expliquer par des raisons objectives ; qu’en l’espèce, pour retenir enfin l’existence d’un harcèlement moral, la cour, qui a relevé que les dénigrements adressés par M. Z… à M. X… dans le courriel du 24 juillet 2008 étaient de soi intolérables, a retenu que ces griefs étaient insuffisamment justifiés, ne reposant que sur l’attestation de M. Y… ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’existence d’un harcèlement moral, la cour a violé l’article L. 1154-1 du code du travail ;
7° Alors que ne suffit pas à constituer un harcèlement moral, au sens de la loi, un acte isolé par lequel l’employeur ne fait qu’exercer son pouvoir disciplinaire ou de direction, lors même que sa décision serait contestable ;
qu’en jugeant dès lors que le courriel adressé par M. Z… à M. X… était un fait permettant de présumer un harcèlement moral, quand cet acte, unique, constituait une intervention de l’employeur dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, les griefs adressés fussent-ils insuffisamment établis, la cour a violé l’article L. 1154-1 du code du travail.
Second moyen de cassation
II est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement rendu le 7 janvier 2010 par le conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il avait jugé bien fondée la demande de M. Pascal X… en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Comap, en ce qu’il a condamné cette dernière à lui payer une somme de 240 000 € à titre d’indemnité contractuelle de licenciement et de 120 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que l’avenant n° 1 au contrat de travail est libellé en ces termes : « Notre société a décidé de vous octroyer une garantie, destinée à couvrir les cas où, notamment en raison d’un changement de politique survenu au sein de la société, vous devriez faire l’objet d’une mesure de licenciement excepté le cas d’une rupture de votre contrat de travail du fait d’une faute lourde. A ce titre, vous bénéficierez en cas de licenciement d’une indemnité brute d’un montant équivalent à 24 mois de salaire si la notification de votre licenciement, hors rupture de votre contrat de travail du fait d’une faute lourde de votre part, survient dans les 5 ans à compter de la signature de la présente. (…). Au sens des présentes, le salaire brut désigne la moyenne du salaire brut mensuel majoré de la part de la rémunération variable perçus au titre de l’année civile précédant la date de la rupture de votre contrat de travail, y compris les avantages en nature versés en complément de votre rémunération mensuelle. Cette indemnité inclut toutes sommes de quelque nature qu’elles soient qui devront vous être versées au titre des indemnités de licenciement en vertu de la loi, de la convention collective et des accords d’entreprise applicables (…) » ; que la société Comap fait valoir que si ledit avenant a eu pour objectif de garantir les membres du Comex d’un changement de politique, la demande de résiliation ne s’est nullement inscrite dans un tel changement de politique ce à quoi l’intimé s’oppose en soulignant que la réduction de son périmètre de fonctions a été précisément la conséquence d’un tel changement de politique ; que la contestation élevée par l’appelante ne saurait prospérer en ce sens qu’à la suite de la cession de la société Comap au profit de la société Aalberts et de l’arrivée d’un nouveau PDG, il s’en est suivi dès l’année 2007 et de l’aveu même de M. Z… une « profonde mutation en raison de multiples paramètres » ayant débouché sur un « bouleversement considérable » de la Comap à l’origine d’une « redéfinition en profondeur de son plan de route » ;
1° Alors que Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu’en l’espèce, un avenant au contrat de travail a été convenu entre les parties, le 20 juin 2005, après que l’actionnaire de l’entreprise, la société Legris Industries, a manifesté son intention de céder sa participation, afin de protéger les membres du Comex contre les risques liés à une perte d’emploi rendue possible, en particulier à la suite de changements stratégiques, par le rachat prochain de l’entreprise par un tiers ; que cet avenant a ainsi prévu, pour cette hypothèse précise, et dans une période qui ne devait pas excéder cinq ans, une garantie d’indemnité de 24 mois de salaire brut ; que pour décider que l’application contestée de cette clause de “ golden parachute “ à M. X… était due, du fait de la rupture constatée du contrat de travail, la cour a jugé que des changements importants étaient survenus ; qu’en se déterminant ainsi, sans avoir caractérisé en quoi le “ licenciement “ de M. X… serait intervenu par une décision qui serait liée à la cession de l’entreprise, la cour a violé l’article 1134 du code civil ;
2° Alors que si la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement, lorsque les griefs adressés à l’employeur sont reconnus avérés et graves, elle n’est pas un licenciement ; que l’avenant litigieux du 20 juin 2005 conditionnait explicitement la garantie offerte à la décision de l’employeur de licencier le salarié, dans les cinq ans consécutifs à la cession de l’entreprise, en raison notamment des nouvelles orientations stratégiques qui seraient décidées, et qui rendraient incompatibles le maintien des contrats de travail ; qu’en décidant dès lors d’appliquer à M. X… ladite clause, sans que la rupture de son contrat, prise sur son initiative, puisse être analysée elle-même comme une rupture décidée par l’employeur, consécutivement, notamment, à la redéfinition de sa politique à la suite de la cession, la cour, qui a faussement fait application de ces stipulations, a violé l’article 1134 du code civil.
La Cour : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocats : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Odent et Poulet
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