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Jurisprudence : E-commerce

mardi 19 mars 2013
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Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 4ème section Jugement du 22 novembre 2012

Makram H / Protagoras, YL Communication

annonceur - concurrence déloyale - condamnation - contrefaçon - liens commerciaux - marques - moteur de recherche - mots clés - risque de confusion

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS

Makram H., exploitant de l’établissement de formation “Ascur” exerce depuis 1993 la profession de formateur en matière de sécurité routière, en qualité de travailleur indépendant, sous l’enseigne “Ascur », acronyme de l’expression “Améliorer la sécurité et le comportement des usagers de la route”.

Le centre de formation Ascur de Makram H. a été agréé comme établissement d’enseignement et d’animation de stages de sensibilisation à la sécurité routière par plus de 50 préfectures de départements en France.

La société Protagoras exploite sous l’enseigne Permisapoints depuis le 14 avril 2005 une activité de vente de stages de récupération de points du permis de conduire. Ainsi, elle édite et exploite un site internet accessible à l’adresse www.permisapoints.fr qu’elle a mis en ligne dès le lancement de son activité soit dès le début de l’année 2005. Ce site internet permet ainsi aux internautes à la recherche d’un stage de récupération de points dans leur région, de trouver ledit stage et de s’y inscrire par l’intermédiaire de la société Protagoras.

La société YL Communication a comme activité la création de sites internet individualisés et sur mesure. Elle réalise également le positionnement de ses sites internet ainsi que ses campagnes publicitaires sur les moteurs de recherche afin de générer une visibilité et un trafic de qualité. La société YL Communication et la société Protagoras ont convenu d’un partenariat afin de proposer une offre de réservation de stages de récupération de points sur le site www.stage-permis-conduire.fr, dont est propriétaire et éditrice la société YL Communication. La société Protagoras fournit un flux d’annonces de stages de récupération de points de son site internet vers le site internet de la société YL Communication, qui propose ainsi des stages de récupérations de points également.

Le 19 novembre 2009, Makram H. a déposé la marque française semi-figurative enregistrée sous le n°09/0.362.369 pour désigner les services relevant des classes 35, 41 et 44 suivants :
– éducation, enseignement, formation et sensibilisation à la sécurité routière dans le cadre du système permis à points,
– organisation de stages, séminaires, colloques (sécurité routière),
– organisation et conduite d’ateliers de formation (sécurité routière),
– enseignement de la conduite des véhicules à moteur, du code de la route et d’une façon générale tous enseignements donnés dans les auto-écoles ; formation de moniteurs.

Découvrant l’utilisation du nom “Ascur » à titre de mot-clé dans le cadre du référencement promotionnel du site internet “Permis à Points” de la société Protagoras sur les moteurs de recherche internet, elle a fait procéder à des procès-verbaux de constat d’huissier ainsi qu’à 2 saisies contrefaçon les 18 novembre 2010 au siège de la société Protagoras et le 13 décembre 2010 au sein de la société Holosfind.

C’est dans ces conditions que Makram H. a assigné devant le tribunal de grande instance la société Protagoras sur le fondement de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, par acte du 17 décembre 2010.

La société Protagoras a assigné en intervention forcée la société YL Communication par acte du 25 février 2011.

La jonction de ces instances était ordonnée le 07 avril 2011.

Par dernières conclusions signifiées le 22 mai 2012, auxquelles le tribunal se réfère expressément par visa pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, Makram H. a conclu au rejet des moyens et demandes formées par les défenderesses et a sollicité sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

* l’interdiction aux sociétés Protagoras et YL Communication de poursuivre leurs actes de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale et parasitaire, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
* avant dire droit, la production sous astreinte par les défenderesses de tous les documents relatifs au référencement des sites internet www.permisapoints.fr et www.stage-permis-conduire.fr à partir du mot-clé Ascur en 2009 et 2010, et notamment les factures correspondantes des exploitants des moteurs de recherche internet Yahoo!, Altavista, Google et Lycos et/ou de tout intermédiaire auxquels elles auraient confié le soin de traiter avec ces moteurs de recherche,
* avant dire droit, la production par la société Yahoo! France Holdings SAS, de tous contrats, bons de commande, factures, correspondances et messages, et d’une manière générale tous documents en sa possession contenant :
– les dates des réservations du mot-clé Ascur par les sociétés Protagoras et/ou YL Communication, que ces réservations aient été réalisées sous la dénomination sociale ou sous le nom commercial de ces dernières,
– les dates et montants des factures adressées aux sociétés Protagoras et/ou YL Communication au titre du référencement du site internet www.permisapoints.fr à partir du mot-clé Ascur,
– le nombre de “clics” enregistrés en 2009 et 2010 sur le lien promotionnel « Stages Permis à Points” renvoyant vers le site www.permisapoints.fr, après l’insertion du terme de recherche “Ascur” sur le moteur de recherche qu’elle exploite,

* le sursis à statuer sur le montant des dommages-intérêts définitifs jusqu’à la production par les sociétés Protagoras et YL Communication des documents et informations visés ci-dessus, ou jusqu’à constatation de leur carence éventuelle à les produire,
* la condamnation in solidum des sociétés Protagoras et YL Communication à lui payer la provision de 450 000 € à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues,
* la publication du jugement à intervenir, in extenso ou par extraits, dans cinq journaux ou magazines de son choix et aux frais in solidum des sociétés Protagoras et YL Communication, dans la limite de 5000 € ht par insertion,
* la publication par les sociétés Protagoras et YL Communication du jugement à intervenir, in extenso, en pages d’accueil des sites internet www.permisapoints.fr et www.stage-permis-conduire.fr, et ce pendant une durée d’un mois, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard à compter de a signification du jugement à intervenir,
* la condamnation in solidum des sociétés Protagoras et YL Communication à lui payer la somme de 20 000 €.

Makram H. a fondé ses demandes sur les articles L.713-1, L.713-3 b), L.716-1, L.716-15 du code de la propriété intellectuelle, 1382 du code civil, et 8 et 10 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, L.121-1 du code de la consommation.

II a soutenu que :
– en utilisant le terme “Ascur” à titre de mot-clé pour le référencement de sites internet commercialisant des stages de sensibilisation à la sécurité routière permettant la récupération de points de permis de conduire, les sociétés Protagoras et YL Communication avaient commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative “Ascur” n°09/03 62369 lui appartenant,
– les sociétés Protagoras et YL Communication avaient par ailleurs porté atteinte au nom commercial “Ascur” et se livraient à des pratiques commerciales trompeuses, constituant des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice.
Il a expliqué que le nom Ascur constituait pour le public un gage de qualité, de sérieux, et de modération tarifaire, unanimement reconnu, y compris par les pouvoirs publics et la presse spécialisée. Il a indiqué que l’un des principaux moyens par lesquels il offrait au public les stages de formation Ascur était constitué par son site internet “Ascur”, accessible par les noms de domaine ascur.fr, ascur.com, ascur.org, ascur.net qui avaient été réservés par lui en 2004. Il a ainsi soutenu que le terme Ascur en tant que nom commercial identifiait depuis près de 20 ans son établissement et que ses activités de formation bénéficiaient de la protection prévue par les articles 8 et 10 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle.
Il a soutenu qu’il était recevable à former des demandes contre la société Protagoras au titre des actes de promotion du site internet www.stage-permis-conduire.fr édité par la société YL Communication, en ce que ce site n’était qu’une vitrine du site internet www.permisapoints.fr.
Il a relevé que les saisies contrefaçon étaient valables, l’ordonnance ayant été signifiée à 15h40 à la société Protagoras et l’huissier ayant commencé ses opérations de saisie contrefaçon à 15h50, délai suffisant pour la personne saisie pour prendre connaissance de la requête et de l’ordonnance.
Il a aussi souligné que la société Protagoras avait volontairement donné de fausses informations, en impliquant la société Holosfind qui n’était en réalité pas concernée.
Il a expliqué que les défenderesses ne pouvaient soulever la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon en invoquant que le saisi n’avait pas eu de délai suffisant pour avoir connaissance de la requête et de l’ordonnance, seul le saisi pouvant invoquer ce moyen.
Par ailleurs, il a soutenu que l’huissier de justice devait vérifier les propos du gérant de la société Holosfind en poursuivant sa mission et en faisant procéder à l’extraction et à l’impression de la liste des mots-clés.
Il a fait valoir que la preuve de l’usage du terme “Ascur” comme mot clé était établie en ce que l’insertion dans le moteur de recherche Google du mot-clé « Ascur” déclenchait l’apparition en tête de liste sur la page de résultats du lien promotionnel “Stages Permis à Points » renvoyant vers le site internet www.permisapoints.fr, sous la mention “Liens commerciaux”.
Par ailleurs, il a ajouté l’annonce litigieuse apparaissait alors que dans le même temps le signe “Ascur” restait affiché dans la fenêtre affectée à la recherche, et que cette annonce offrait aux conducteurs, à titre onéreux, des stages de formation et de sensibilisation à la sécurité routière permettant la récupération de points de permis de conduire.
Il a indiqué que les faits avaient été constatés sur les moteurs de recherche Lycos, Yahoo, Altavista.

Il a ainsi relevé que la société Protagoras était responsable de ce choix de mot clé, tout comme la société YL Communication pour son site.
Il a expliqué que les actes commis par la société Protagoras pour le référencement de son site internet www.permisapoints.fr sur les moteurs de recherche Google, Lycos, Yahoo!, et Altavista, et par les sociétés Protagoras et YL Communication pour le référencement de leur site internet www.stage-permis-conduire.fr sur le moteur de recherche Google, constituaient la reprise à l’identique de l’élément verbal distinctif de la marque semi-figurative “Ascur” n° 09/0362369.
Il a également indiqué que cette reprise causait un risque de confusion dans l’esprit du public.
Il a en outre fait valoir que :
* ces actes constituaient une atteinte à son nom de domaine et à son enseigne depuis près de 20 ans,
* la société Protagoras trompait le consommateur en lui faisant croire que ces sites permettaient de réserver un stage dans “les centres agréés par les préfectures, et ce sur toute la France”, alors encore une fois qu’elle ne faisait que sous-traiter les stages de formation à certains centres agréés.

En défense, suivant dernières conclusions signifiées le 03 juillet 2012, auxquelles le tribunal se réfère expressément par visa pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Protagoras a conclu à la nullité des procès verbaux de saisie contrefaçon dressés les 18 novembre 2010 à son siège et 13 décembre 2010 au siège de la société Holosfind ainsi qu’à l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre par Makram H. pour défaut d’intérêt à agir. A titre subsidiaire et reconventionnel, elle a demandé, avant dire droit, la production par Makram H. sous astreinte de 1500 € par jour de retard passé le délai d’un mois, à compter de la signification du jugement à intervenir :
– l’ensemble des documents comptables remis au Cabinet Henri Melnik pour l’établissement de l’attestation émise par ce dernier en date du 13 juillet 2011,
– les pièces jointes à ladite attestation,
– la justification de la quote-part de chiffre d’affaires réalisée par la commercialisation de teste psychotechniques.
– les comptes de résultats et bilans complets remis au Trésor Public pour les exercices 2008, 2009 et 2010 pour l’établissement du chiffre d’affaires exactement enregistrés par Makram H., les déclarations et relevés de TVA pour les exercices 2008, 2009 et 2010.

Elle a demandé le rejet de la demande de communication d’informations avant-dire droit de Makram H. En tout état de cause, elle a sollicité le rejet de l’ensemble des demandes formées à son encontre et subsidiairement, la condamnation de la société YL Communication à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre du fait des campagnes publicitaires organisées sur les moteurs de recherche pour la promotion du site internet www.stage-permis-conduire.fr dont l’assignation de Makram H. lui faisait grief.
Elle a demandé la condamnation de Makram H. à lui verser la somme de 25 000 € au titre des frais irrépétibles.

La société Protagoras a fondé sa défense sur les articles L. 713-3 et L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle, L.121-1 du code de la consommation, 1382 du code civil, 9, 122, 142, 482, 699 et 700 du code de procédure civile.
Elle a fait valoir que :
* elle était ni l’éditeur, ni le propriétaire des sites internet www.stage-permis-conduire.fr, www.excite.eu.
* elle n’avait pas pu disposer d’un temps suffisant pour examiner les termes de la requête et de l’ordonnance de saisie-contrefaçon,
* les actes de signification des ordonnances sur requête des 12 novembre 2010 et 10 décembre 2010 n’étaient pas produits au débat,
* l’huissier instrumentaire de la saisie-contrefaçon menée en date du 13 décembre 2010 au siège de la société Holosfind avait outrepassé la mission qui lui était dévolue par l’ordonnance sur requête du 10 décembre 2010 lui causant grief,
* Makram H. n’était pas titulaire et propriétaire du nom de domaine « ascur.com »,
* Makram H. avait enregistré les noms de domaine « ascur.org » et « ascur.net » le 31 janvier 2011, soit postérieurement à l’introduction de l’instance,
* Makram H. ne rapportait pas la preuve de la réservation du mot-clé « ascur » par elle et l’usage corrélatif de la marque Ascur n°09/0.362.369,
* les demandes formées par Makram H. au titre de la concurrence déloyale n’étaient pas distinctes de celles au titre de la contrefaçon de marque,
* Makram H. était irrecevable en ses demandes à son encontre au titre de la promotion du site internet édité et exploité par la société YL Communication,
* elle n’avait commis aucun acte de contrefaçon de la marque Ascur n°09/0.362.369, au sens des dispositions de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, ni aucun acte de concurrence déloyale au préjudice de Makram H.,
* elle n’avait commis aucune pratique commerciale trompeuse, au sens des dispositions de l’article L. 121-1 du code de la consommation,
* Makram H. n’avait subi aucun préjudice de son fait,
* subsidiairement, en l’état des pièces produites par Makram H., le tribunal était dans l’incapacité d’apprécier opportunément et justement la prétendue « diminution brutale et considérable » de chiffre d’affaires allégué par Makram H. et le lien de causalité de ladite perte avec les agissements reprochés à son encontre,
* la demande de communication d’informations complémentaires était mal fondée tant en fait qu’en droit, en ce qu’elle ne présentait aucun intérêt sur le plan probatoire au regard de l’issue du présent litige et qu’au contraire, elle présentait un caractère disproportionné.

Enfin, par dernières conclusions signifiées le 28 juin 2012, auxquelles le tribunal se réfère expressément par visa pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société YL Communication a conclu à la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon en date des 12 novembre et 10 décembre 2010.
Elle a demandé à ce que les pièces 12, 25, 26, 29 et 35 versées aux débats par Makram H. soient écartées en ce qu’elles étaient illisibles et portaient ainsi atteinte au principe du contradictoire.
Elle a sollicité le rejet de l’ensemble des demandes formées à son encontre.
A titre subsidiaire, elle a demandé à ce que le montant des condamnations, en garantie du fait des campagnes publicitaires organisées sur les moteurs de recherche pour la promotion de son site internet www.stage-permis-conduire.fr, soit ramené à de plus justes proportions.
En tout état de cause, elle a sollicité la condamnation de Makram H. à lui verser la somme de 15 000 € au titre des frais irrépétibles.

La société YL Communication a fondé sa défense sur les articles L.713-3 et L.716-7 du code de la propriété intellectuelle, et 1382 du code civil.
Elle a soutenu que :
– les deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon étaient entachés de nullité, en ce que ni l’un ni l’autre ne comportaient les actes de signification des ordonnances et des requêtes correspondantes qui étaient une formalité préalable obligatoire,
– la saisie-contrefaçon effectuée le 13 décembre 2010 au siège de la société Holosfind avait été réalisée en violation des tenues de l’ordonnance présidentielle rendue le 10 décembre 2010,
– elle n’avait commis aucun acte de contrefaçon, la preuve n’en étant pas rapportée, aucun achat du mot-clé A.S.C.U.R. n’étant prouvé,
– le lien commercial dirigeant vers le site litigieux n’apparaissait, sur aucun des moteurs de recherche et l’utilisation du mot-clé Ascur ne faisait pas apparaître le lien commercial litigieux sur les moteurs de recherche Lycos, Yahoo et sur Altavista, et l’utilisation du mot-clé Ascur ne faisait pas apparaître, à chaque interrogation, le lien commercial litigieux sur le moteur de recherche Google,
– en tout état de cause, l’achat supposé du mot-clé Ascur par elle n’était pas constitutif d’un acte de contrefaçon, l’utilisation du terme Ascur à titre de mot-clé, non avérée, ne constituait pas la contrefaçon par imitation de la marque,
– la rédaction de l’annonce en cause ne créait pas de risque de confusion dans l’esprit du consommateur.
Elle a contesté devoir garantir la société Protagoras de toute condamnation à son encontre.

La clôture était ordonnée le 20 septembre 2012. L’affaire était plaidée le 10 octobre 2012 et mise en délibéré au 22 novembre 2012.

DISCUSSION

A titre préliminaire, la société YL Communication expose que les pièces n°12, 25, 26, 29 et 35 du demandeur sont illisibles et que le principe du contradictoire et violé.

Or, il apparaît que ces pièces sont parfaitement lisibles et exploitables ; elles ne sont donc pas contraires au principe du contradictoire. En conséquence, elles sont recevables.

Sur les actes de contrefaçon de la marque « Ascur » n°09/0362369 déposée par Makram H.

* la validité des opérations de saisie contrefaçon

Les défenderesses contestent d’abord la validité des opérations de saisie contrefaçon exécutées au sein du siège de la société Protagoras au motif que l’acte de signification de la requête et de l’ordonnance n’était pas produit et que le délai pour prendre connaissance de ces actes était en tout état de cause insuffisant.

Cependant, il ressort du procès-verbal de signification de la requête et de l’ordonnance que celle-ci est intervenue le 18 novembre 2010 à 15 heures 40 et du procès-verbal de saisie contrefaçon que les opérations ont débuté à 15 heures 50. Dès lors, au regard du contenu de la requête et de l’ordonnance, le gérant de la société Protagoras a bénéficié de suffisamment de temps, à savoir 10 minutes, pour prendre connaissance de ces pièces. La production tardive dans le cadre de la présente instance de ces actes de signification est sans incidence sur la validité des opérations de saisie contrefaçon.

En conséquence, il y a lieu de rejeter le moyen de nullité des opérations de saisie contrefaçon du 18 novembre 2010 soulevé par les défenderesses.

Ensuite, les défenderesses reprochent à l’huissier de justice de ne pas avoir respecté un délai nécessaire entre la signification de la requête et de l’ordonnance.

D’abord, ce moyen ne peut être soulevé par les défenderesses, celles-ci ne revêtant pas la qualité de tiers saisi dans le cadre de cette saisie contrefaçon.

II est aussi fait grief à l’huissier de justice d’avoir outre passé ses pouvoirs.

L’article 7 de l’ordonnance autorisant les opérations de saisie contrefaçon, dispose que l’huissier de justice était autorisé « à procéder ou à faire procéder à une édition sur papier, et/ou à une copie sur tout support approprié, de toute information pouvant établir la preuve, l’origine, la consistance et/ou l’étendue de la contrefaçon, et qui serait conservée sur un support autre que le papier, notamment sur internet, microfilm ou sur tout support informatique, y compris les disques durs d’ordinateurs et autres appareils de stockage de données ».

Dès lors, il apparaît que l’huissier de justice était autorisé à saisir des documents.

En outre, l’huissier de justice indique « sous le contrôle de l’expert il est procédé à l’extraction de tous les mots clés utilisés par ce client, une impression est réalisée, elle sera annexée au présent ».

Ainsi, il apparaît que les recherches, effectuées par l’huissier de justice, en vertu des dispositions de l’article 4 de l’ordonnance, à savoir « interroger le système informatique », avec un technicien informatique, sa présence ayant été autorisée également, sont conformes à ladite ordonnance.

En conséquence, l’huissier de justice n’a pas outrepassé ses pouvoirs, la mention sus reprise dans le procès-verbal de saisie contrefaçon suffisant également à déterminer comment les opérations se sont réellement déroulées.

Il y a donc lieu de rejeter les moyens de nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 13 décembre 2010 soulevés par les défendeurs.

* les demandes au titre du site www.permisapoint.fr

Lorsque l’usage par un tiers d’un signe identique à la marque est fait pour des produits identiques ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, le titulaire de la marque est habilité à en interdire l’usage si celui-ci est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque et notamment sa fonction d’identification.

La question de savoir s’il y a une atteinte à la fonction d’identification de la marque dépend de la façon dont est présentée l’annonce suscitée par le mot-clé identique à cette marque. Ainsi, il y a atteinte à la fonction d’identification de la marque lorsque l’annonce ne permet pas ou permet difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif, de savoir si les produits ou services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou au contraire d’un tiers.

A titre préliminaire, il est constant que les services de la marque Ascur et ceux proposés sur le site www.Permisapoint.fr sont identiques.

En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat du 08 octobre 2010 que lorsque l’internaute effectue une requête à partir de la marque Ascur sur un moteur de recherche, les annonces suivantes apparaissent dans la rubrique des liens commerciaux ou des liens sponsorisés ou encore des résultats sponsorisés :
– sur Google « Stage Permis Point www.Permisapoint.fr Stages De Récupération De Points Partout en France Inscrivez vous! » ou « Stage Permis Point : www.Permisapoint.fr Liste complète des lieux et dates de stage Récupérez 4 points » ;
– sur Lycos, Yahoo et Altavista « Stage Permis à Points Trouvez Un Stage De Récupération De Points Dans Votre Ville www.Permisapoint.fr ».

Les défenderesses contestent d’abord avoir acheté les mots clés, invoquant le recours à la requête large dans le système adwords. Cependant, le tribunal ne peut que relever préalablement que les annonces en questions apparaissent dans les résultats sponsorisés, ou liens commerciaux ou liens sponsorisés. L’économie même du système adwords dépend uniquement de l’achat par les éditeurs de sites de mots clés afin que leurs liens, apparaissent dans la rubrique sponsorisée lorsque l’internaute tape ledit mot clé sur le moteur de recherche. Par ailleurs, le recours à la requête large dans le système adwords (pièce Protagoras n°12) doit, contrairement à ce qu’affirment les défenderesses s’entendre plus restrictivement que ce qu’elles prétendent. En effet, la requête large dans adwords permet seulement « de diffuser automatiquement des annonces pour des variantes pertinentes » des mots clés choisis, « les variantes englobant les synonymes, les formes au pluriel et au singulier, les variantes pertinentes des mots clés et les expressions contenant ces derniers ». Le système adwords propose donc des variantes qui ne sont pas jusqu’à proposer les marques des concurrents ; il ne s’agit que de synonymes ou d’expression. Les défenderesses ne peuvent donc soutenir qu’elles n’ont pas choisi comme mot clé la marque d’un concurrent.
Dès lors, le seul fait que les annonces du site www.Permisapoint.fr apparaissent dans les liens commerciaux suffit à démontrer que la société Protagoras, propriétaire et éditrice du site www.Permisapoint.fr a acheté le mot clé Ascur.

Par ailleurs, ii apparaît que le site internet www.Permisapoint.fr indique comme annonce d’accueil en haut de la première page « Tous les Stages de Récupérations de Points », avec une carte de France et la « liste des centres de stages agréés par les préfectures », le drapeau français étant reproduit avec le profil en blanc de la Marianne à côté de cette phrase.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que :
1) l’annonce sur la page de résultat ne permet pas à l’internaute de savoir qui peut être l’éditeur du site, la société Protagoras n’ayant recours qu’à des termes génériques et descriptifs des services proposés : même le nom du site ne permet pas d’identifier l’origine des services proposés ;

2) sur la page d’accueil du site www.Permisapoint.fr, à aucun moment l’internaute ne peut identifier facilement qu’il s’agit d’une société commerciale qui propose certains stages, mais pas les stages Ascur. Au contraire, comme le site annonce immédiatement à l’accueil « Tous les Stages de Récupérations de Points », l’internaute percevra que les stages Ascur sont également proposés sur ce site.

En conséquence, ces éléments caractérisent une atteinte à la fonction d’identification de la marque, le risque de confusion de l’internaute étant ainsi démontré tant par le flou de l’annonce du lien commercial sur la page de résultat du moteur de recherche que par la généralité des textes sur le site qu’encore sa présentation qui laisse croire à l’existence d’un site centralisateur de tous les stages de récupération de points.

Ainsi, l’internaute normalement informé, qui a tapé le mot Ascur pour rechercher un stage de récupération de points, percevra que les stages Ascur sont économiquement liés à ceux proposés sur le site www.Permisapoint.fr, celui-ci ne s’identifiant pas et se présentant comme le site centralisateur de tous les stages de récupération de points.

Dès lors, la société Protagoras a commis des actes de contrefaçon de la marque Ascur en achetant le mot clé Ascur et en proposant les liens reproduits ci-dessus conduisant à son site www.Permisapoint.fr qui entretiennent l’internaute normalement informé dans la confusion quant à l’origine réelle de l’offre proposée de service,

* sur les demandes au titre du site www.stage-permis-conduire.fr

– sur la recevabilité des demandes à l’encontre de la société Protagoras

La société Protagoras conteste la recevabilité des demandes formées à son encontre au titre des actes relatifs au site www.stage-permis-conduire.fr.

Il apparaît dans le procès-verbal de constat que lorsque l’internaute clique sur les conditions générales de vente, celles du site www.Permisapoint.fr de la société Protagoras apparaissent. Néanmoins, celle-ci ne peut être concernée par les actes qui sont reprochés, sur le site stage-permis-conduire.fr étant ni l’éditrice ni la propriétaire du site ; seuls les actes d’achat du mot clé étant reprochés à cet égard par le demandeur, la société YL Communication est seule responsable des liens commerciaux qu’elle choisit d’acheter, et de la présentation de son site qui diffère de celui de la société Protagoras.

II y a donc lieu de déclarer les demandes formées par Makram H. au titre des liens commerciaux du site www.stage-permis-conduire.fr irrecevables à l’encontre de la société Protagoras.

– sur les actes de contrefaçon

A titre préliminaire, il est constant que les services de la marque Ascur et ceux proposés sur le site www.stage-permis-conduire.fr sont identiques.

Il ressort du procès-verbal de constat du 08 octobre 2010 que lorsqu’une requête est effectuée à partir de la marque Ascur sur un moteur de recherche, l’annonce suivante apparaît dans la rubrique des liens commerciaux : « Stage récupération point www.stage-permis-conduire.fr Stage récupération de points Récupérez 4 points sur votre permis ».

Pour les mêmes motifs que ceux développés ci-dessus, le seul fait que les annonces du site www.stage-permis-conduire.fr apparaissent dans les liens commerciaux suffit à démontrer que la société YL Communication, propriétaire et éditrice du site www.stage-permis-conduire.fr a acheté le mot clé Ascur.

Par ailleurs, en page d’accueil rien ne permet d’identifier qui propose les services de stages de récupération de point du permis de conduire. En outre, sur la deuxième page du site www.stage-permis-conduire.fr le premier paragraphe de présentation du site et de son activité indique « le site des stages de sensibilisation. Notre site est un portail de réservations des stages de sensibilisation à la sécurité routière. Nous regroupons sur un même site l’ensemble des stages de sensibilisation, tous centre agréés confondus et ce sur toute la France. Notre but est de faciliter la recherche d’un stage proche de chez vous et à la période qui vous conviendra le mieux ».

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que :
1) l’annonce sur la page de résultat ne permet pas à l’internaute de savoir qui peut être l’éditeur du site, la société YL Communication n’ayant recours qu’à des termes génériques et descriptifs des services proposés : même le nom du site ne permet pas d’identifier l’origine des services proposés ;
2) sur la page d’accueil du site www.stage-permis-conduire.fr, à aucun moment l’internaute ne peut identifier facilement qu’il s’agit d’une société commerciale qui propose certains stages, et non pas les stages Ascur. Au contraire, comme le site annonce qu’il regroupe tous les stages de sensibilisation, l’internaute percevra que les stages Ascur sont également proposés sur ce site.

Dès lors, pour les mêmes motifs que ceux développés ci-dessus, la société YL Communication a commis des actes de contrefaçon de la marque Ascur en achetant le mot clé Ascur et en proposant les liens reproduits ci-dessus conduisant à son site www.stage-permis-conduire.fr qui entretiennent l‘internaute normalement informé dans la confusion quant à l’origine réelle de l’offre proposée de service.

Sur les demandes au titre de la concurrence déloyale

Il est admis que l’atteinte au nom commercial et au nom de domaine constitue des faits distincts d’actes de contrefaçon de marque, engageant la responsabilité de celui qui commet de tels actes. Par ailleurs, le fait de tromper le consommateur est constitutif également d’une faute quasi-délictuelle engageant la responsabilité de son auteur.

En l’espèce, il est démontré par le procès-verbal de constat du 30 septembre 2010 que Makram H. est titulaire des noms de domaine qui présentent les services Ascur : ascur.org, ascur.com, ascur.net depuis le 23 octobre 2004. En effet, l’huissier de justice justifie avoir exécuté les diligences nécessaires pour garantir l’intégrité des informations recueillies ; cette pièce est donc probante au contraire des extraits de pages internet produites par les défenderesses, dont l’origine n’est pas connue, qui dans ces conditions ne peuvent avoir une quelconque valeur probante.

Il n’est pas contesté que Makram H. exploite le nom de domaine ascur.fr depuis le 13 janvier 2004 et le nom commercial Ascur depuis près de 20 ans pour désigner son activité.

Ainsi, l’achat du mot clé Ascur pour des liens commerciaux est également constitutif d’une atteinte au nom commercial et aux noms de domaine ascur.org, ascur.com, ascur.net et ascur.fr, causant un risque de confusion dans l’esprit du consommateur avec l’activité de Makram H. sous l’enseigne Ascur et ses noms de domaines.

Enfin, il doit être relevé que le recours par la société Protagoras à des mentions très vagues, au drapeau français avec une Marianne stylisée, en rapport avec les stages agréés par les préfectures de police, le tout illustré par la phrase d’attaque « Tous les Stages de Récupérations de Points», est destiné à tromper le consommateur sur l’origine réelle des stages proposés, celui-ci pensant dans ces conditions que le site serait lui-même agréé par les préfectures.

De tels reproches peuvent être faits à l’égard de la société YL Communication qui se présente également comme centralisant tous les stages agréés en France par les préfectures.

En conséquence, la société Protagoras et la société YL Communication ont commis des fautes engageant leur responsabilité quasi-délictuelle à l’égard de Makram H.

Sur le préjudice

Les éléments demandés dans le cadre du droit à l’information ne permettent pas de déterminer quel est le préjudice subi par Makram H. En effet, le marché des stages de récupération de point a été fortement confronté à de nouveaux concurrents sur internet en 2009 et 2010, alors que la crise économique au cours de cette même période explique également une part de la réduction de l’activité de Makram H.

Dès lors, la perte d’activité subie par Makram H. n’est pas uniquement due aux actes contrefaisants et fautifs des défenderesses.

Il n’y a donc pas lieu d’ordonner de droit à l’information à l’encontre des défenderesses.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu d’ordonner la production par la société Yahoo! France Holdings SAS des pièces demandées, les actes de contrefaçon étant établis et la période considérée étant connue, le demandeur ne pouvant prétendre obtenir des informations sur la période antérieure au dépôt par lui, de la marque invoquée.

Au regard des éléments du dossier, à savoir, la nature des actes contrefaisants et fautifs, et du nombre de moteurs de recherche concernés, il y a lieu de fixer le préjudice subi par Makram H. du fait des actes de la société Protagoras à la somme de 35 000 € et du fait des actes de la société YL Communication à la somme de 15 000 €.

Par ailleurs, afin d’assurer la cessation des actes litigieux, il y a lieu de faire interdiction à la société Protagoras et à la société YL Communication de poursuivre les actes contrefaisants et fautifs, sous astreinte, dans les conditions fixées au dispositif.

En revanche, il apparaît que l’entier préjudice subi par Makram H. étant réparé, il n’y a pas lieu d’ordonner de mesure de publication judiciaire.

Sur les autres demandes

Compte tenu de la nature de la décision, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

Il y a lieu de condamner in solidum la société Protagoras et la société YL Communication aux entiers dépens de la présente instance.

Il y a lieu de condamner in solidum la société Protagoras et la société YL Communication à verser à Makram H. la somme de 10 000 € au titre des frais irrépétibles, outre le coût des 2 procès-verbaux de saisie contrefaçon.

DÉCISION

Le tribunal, par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition,

. Dit que les pièces n°12, 25, 26, 29 et 35 du demandeur sont recevables,

. Rejette les moyens de nullité soulevés par les défenderesses concernant les procès-verbaux de saisie contrefaçon des 18 novembre et 13 décembre 2010,

. Dit que la société Protagoras a commis des actes de contrefaçon de la marque Ascur par l’achat et l’usage du mot clé Ascur,

. Dit que la société YL Communication a commis des actes de contrefaçon de la marque Ascur par l’achat et l’usage du mot clé Ascur,

. Dit que la société Protagoras et la société YL Communication ont commis des actes de concurrence déloyale en trompant le consommateur et en portant atteinte aux noms de domaine ascur.org, ascur.com, ascur.net et ascur.fr ainsi qu’au nom commercial de Makram H., « Ascur »,

. Fait interdiction à la société Protagoras et à la société YL Communication de poursuive ces actes sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du délai de 2 mois après la signification de la présente décision,

. Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte le cas échéant,

. Condamne la société Protagoras à verser à Makram H. la somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts,

. Condamne la société YL Communication à verser à Makram H. la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts,

. Déboute Makram H. du surplus de ses demandes,

. Ordonne l’exécution provisoire,

. Condamne in solidum la société Protagoras et la société YL Communication aux entiers dépens de la présente instance,

. Condamne in solidum la société Protagoras et la société YL Communication à verser à Makram H. la somme de 10 000 € au titre des frais irrépétibles, outre le coût des 2 procès-verbaux de saisie contrefaçon.

Le tribunal : Mme Marie-Claude Hervé (vice présidente), M. François Thomas (vice président), Mme Laure Comte (juge)

Avocats : Me Julien Freneaux, Me Cyril Fabre, Me Olivier Roux

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