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Jurisprudence : Responsabilité

mardi 16 avril 2013
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Tribunal d’instance d’Antibes Juridiction de proximité Jugement du 7 mars 2013

Jacques B. / Free Mobile

acte - assignation - contentieux - prestataire - procédure - procès - signature électronique - téléphonie - tiers - validité

FAITS ET PROCÉDURE

Le 22 avril 2012, Monsieur Jacques B. prenait contact avec la société Free Mobile pour l’achat d’un forfait. Le 24 avril 2012, après avoir réceptionné et activé la carte SIM, il passait commande d’un Iphone 4S et réglait la somme de 572 €.

Depuis cette date, prétendant n’avoir jamais reçu sa commande et dans l’impossibilité d’utiliser son forfait, il saisissait la Juridiction par déclaration au greffe du 10 septembre 2012 aux fins de voir condamner la société Free Mobile à lui rembourser la somme de 719 € correspondant au prix de l’Iphone, celle de 47,97 € au titre de 3 prélèvements mensuels ainsi qu’à divers frais déplacements, de courrier et de téléphone.

Il sollicitait également la somme de 11000 € à titre de dommages et intérêts.

Les parties étaient convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception pour une audience initialement fixée au 25 octobre 2012 renvoyée à plusieurs reprises pour se tenir finalement le 13 décembre 2012 au cours de laquelle, Monsieur Jacques B. comparaissait en personne alors que le défendeur était représenté par son conseil ; dans ces conditions, le jugement est contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.

La mise en délibéré du jugement a été fixée au 7 mars 2013.

A la barre, le requérant confirme ses dires ajoutant que la société Free Mobile lui a remboursé la somme de 572 € le 28 septembre 2012 ; il modifie en conséquence ses prétentions et réclame la condamnation de son adversaire à lui payer d’une part, la somme globale de 249,47 € correspondant aux 3 mensualités de 15,99 € chacune pour les mois d’avril à juin 2012 ainsi qu’à divers frais et d’autre part, celle de 500 € à titre de dommages et intérêts.

En défense, la société Free Mobile soulève in limine litis la nullité de l’acte introductif d’instance motif pris de ce que la signature figurant dans la déclaration au greffe du 10 septembre 2012 n’est pas celle du requérant à l’examen de sa pièce d’identité mais celle d’un tiers.

Elle soutient en effet que si le requérant a mandaté la société « demanderjustice.com » pour réaliser et déposer son dossier à sa place, la déclaration au greffe a cependant été rédigée, déposée et signée par un tiers non habilité dans les conditions de l’article 828 du code de procédure civile, cette signature équivalent à une absence de signature.

Qu’en conséquence, le signataire de l’acte introductif d’instance n’est pas le titulaire de l’action et n’est titulaire d’aucun droit de représentation et que dès lors, l’acte est entaché d’une irrégularité de fond faisant obstacle à l’examen des demandes.

A cet égard, Monsieur Jacques B. confirme ne pas être le signataire de la déclaration au greffe mais qu’il a fait appel aux services payants du site internet de la société « demanderjustice.com ».

Dans ces conditions, elle requiert la nullité de la déclaration au greffe du 10 septembre 2012 et la condamnation de Monsieur Jacques B., outre les entiers dépens de l’instance, à lui verser la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à titre subsidiaire de lui donner acte du remboursement de la somme de 572 € effectué par ordre de virement du 26 septembre 2012.

DISCUSSION

Sur l’exception de nullité de fond

Attendu qu’il ressort des dispositions de l’article 58 du code procédure civile, que la déclaration contient à peine de nullité, notamment pour les personnes physiques, l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur, l’objet de la demande et qu’elle doit être datée et signée.

Que selon les termes de l’article 828 du même code relatif à la représentation ad litem, devant le juge d’instance ou la juridiction de proximité, les parties peuvent se faire assister ou représenter particulièrement par un avocat, le conjoint, le concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité, leurs parents ou alliés en ligne directe … et que si le représentant n’est pas avocat, il doit justifier d’un pouvoir spécial.

Qu’il résulte de ce texte et de celui de l’article 414 du même code suivant lequel, une partie n’est admise à se faire représenter que par une seule des personnes, physiques ou morales, habilitées par la loi, que cette énumération légale des personnes habilitées à représenter un plaideur devant les juridictions d’exception a un caractère limitatif et que dès lors, aucune autre personne ne peut se présenter devant une juridiction en tant que mandataire si elle ne figure pas sur cette liste prévue par le législateur.

Attendu en outre, qu’aux termes des dispositions des articles 117 et 119 du même code, d’une part, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte, le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice et d’autre part, les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse.

Qu’ainsi, l’article 117 alinéa 3 vise expressément le défaut de capacité d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.

Que cependant en l’espèce, s’il résulte des débats que la société « demanderjustice.com » a mis en état la déclaration au greffe par l’intermédiaire de son site internet et l’a adressée par la voie postale au greffe de la juridiction, il apparaît également que Monsieur Jacques B. l’a rédigée directement en ligne moyennant le paiement d’un prix au titre du service proposé et rendu et qu’une signature électronique y a été apposée.

Que ces seules circonstances sont suffisantes à caractériser l’existence d’un acte introductif d’instance établi par le seul Monsieur Jacques B. à l’exclusion de toute recherche d’un mandat de représentation en justice au sens des dispositions de l’article 828 du code procédure civile.

Que dans ces conditions, Monsieur Jacques B. titulaire de l’action a valablement saisi la juridiction de proximité et le fait qu’il se soit appuyé sur les services de la société «demanderjustice.com » n’a pas constitué la représentation ad litem par laquelle une personne, partie à une instance, confie à une autre personne, par un contrat de mandat, le soin d’accomplir en son nom et pour son compte, les divers actes nécessaires au déroulement de la procédure.

Qu’ainsi, la saisine de la juridiction de proximité par la déclaration au greffe du 10 septembre 2012 n’a émané que de Monsieur Jacques B., la société « demanderjustice.com » n’ayant été qu’un intermédiaire dans la constitution du dossier et non un mandataire à l’instance en raison du fait qu’en sa qualité de prestataire de service, elle met à la disposition de son client un outil technique permettant la saisine d’une juridiction et dont les informations sont renseignées par l’utilisateur lui-même.

Qu’au surplus, il n’est pas rapporté aux débats, la preuve de l’existence d’un mandat de représentation en justice ad agendum ayant pour objet l’exercice en l’espèce, d’une action en qualité de demandeur dans l’instance en vertu de laquelle, Monsieur Jacques B. aurait donné mandat à la société « demanderjustice.com » suivant les dispositions des articles 1984 et suivants du code civil d’agir en justice en son nom et pour son compte.

Qu’enfin, si le défendeur reproche que la déclaration au greffe a été signée par un tiers non habilité dans les conditions de l’article 828 du code de procédure civile, cette signature équivalent à une absence de signature, il en résulte que cette absence de signature de l’intéressé constitue un vice de forme au sens de l’article 114 du code procédure civile qui n’a pas été soulevé par la société Free Mobile dans les conditions de l’article 112 du code précité.

Qu’ainsi, il convient de rejeter l’exception de nullité de fond soulevée par le défendeur pour défaut de capacité de la société « demanderjustice.com» à assurer la représentation en justice de Monsieur Jacques B.

Que dès lors, il convient d’examiner l’affaire sur le fond.

Sur la demande en paiement de la somme de 249,47 €

Attendu qu’il est constant que Monsieur Jacques B. a été remboursé de la somme de 572 €.

Qu’il est tout aussi constant que le requérant a été prélevé de la somme de totale de 47,97 € correspondant 3 prélèvements mensuels d’avril à juin 2012.

Qu’à cet égard, la société Free Mobile fait valoir que cette somme est due dans la mesure où il s’agit de 2 contrats distincts et indépendants alors que Monsieur Jacques B. pouvait se procurer n’importe quel téléphone pour utiliser le forfait à 15,99 € alors qu’il ressort des pièces versées aux débats que le numéro d’abonné figurant au courrier du 23 avril 2012 sous la référence XXXXXXXX se rapportant au contrat litigieux est celui repris dans chacune des 3 factures d’avril à juin 2012 ainsi que dans le document produit par le défendeur (pièce n° 4) reprenant d’une part, l’essentiel des opérations relatives à la souscription du contrat forfait Free Illimité du 22 avril 2012 et d’autre part, les éléments de facturation du forfait à 19,99 € incluant la remise de 4 € accordée à l’abonné.

Qu’en conséquence, la somme de 47,97 € correspondant 3 prélèvements mensuels d’avril à juin 2012 est due à Monsieur Jacques B.

Attendu par ailleurs, que le demandeur ne justifie pas des sommes qu’il réclame à titre de remboursement de frais.

Qu’il convient dès lors de condamner la société Free Mobile à régler à Monsieur Jacques B., la somme de 47,97 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2012, date de la déclaration au greffe.

Sur la demande de Monsieur Jacques B. en dommages et intérêts

Attendu qu’en application de l’article 1153 alinéa 4 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peu obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

Attendu que Monsieur Jacques B. ne justifie pas d’un préjudice spécial et distinct du simple retard de paiement déjà réparé par les intérêts moratoires et alors que la mauvaise foi du débiteur n’est pas établie.

Qu’il convient en conséquence de rejeter sa demande en paiement d’une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Attendu qu’il y a lieu de débouter la société Free Mobile de sa prétention au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Attendu qu’en application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

Qu’il convient donc de condamner la société Free Mobile aux entiers dépens de l’instance.

DÉCISION

La juridiction de proximité, statuant après débats en audience publique, par jugement mis à la disposition des parties au greffe, contradictoire et en dernier ressort

. Rejette l’exception de nullité de fond soulevée par la société Free Mobile pour défaut de capacité de la société « demanderjustice.com » à assurer la représentation en justice de Monsieur Jacques B.

. Condamne la société Free Mobile à régler à Monsieur Jacques B., la somme de 47,97 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2012

. Déboute Monsieur Jacques B. de sa demande de dommages et intérêts

. Déboute la société Free Mobile de sa prétention sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

. Condamne la société Free Mobile aux entiers dépens de l’instance.

Le tribunal : M. Didier Iermoli (président)

Avocat : Me Laurent Douchin

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