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Jurisprudence : E-commerce

lundi 10 juin 2013
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Tribunal de commerce de Paris 15ème chambre Jugement du 24 mai 2013

Christophe D / SFVP

concurrent - distinctif - monopole - nom de domaine - risque de confusion

FAITS

La société Le Passage, dont Monsieur D. Christophe est le gérant, a une activité de pompes funèbres en ligne au niveau national à travers son site internet « e-obsèques.fr » qu’elle exploite depuis avril 2011.

La société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris qui a la même activité sur Paris exploite depuis le début de l’année 2012 un site internet à l’adresse « i-obsèques-paris.fr ».

Considérant que le choix du nom de domaine « i-obsèques-paris » par la société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris créait une confusion avec son propre site et était déloyal, la société Le Passage a envoyé à la société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris une lettre de mise en demeure de modifier son nom de domaine.

Suite au refus de la société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris, la société Le Passage a introduit la présente instance.

PROCÉDURE

Dans son assignation en date du 29 août 2012 complétée par des conclusions en date du 23 novembre 2012 et du 1er mars 2013 et dans le dernier état de ses écritures, société Le Passage et Monsieur D. Christophe demandent au tribunal de :
– Dire et juger que l’attitude de la société SAEM « Services Funéraires – ville de Paris » est caractéristique d’un acte de concurrence déloyale provoquant un trouble commercial du fait du détournement de clientèle en raison de la confusion créée par le nom de domaine « i-obsèques-paris.fr » ;
– Condamner la société SAEM « Services Funéraires – Ville de Paris » sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant le prononcé du jugement, et avec exécution provisoire, à exercer son activité de commerce électronique sous un nom de domaine diffèrent de celui de ou qui, au minimum, présentera un taux d’identité inférieur à 50% avec le nom de ; Le tribunal se réservera la liquidation de l’astreinte ;
– Condamner la société SAEM « Services Funéraires – Ville de Paris » à verser à la société Le Passage la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts, avec exécution provisoire ;
– Condamner la société SAEM « Services Funéraires – Ville de Paris » à verser à la société Le Passage la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, avec exécution provisoire ;
– Condamner la société SAEM « Services Funéraires – Ville de Paris » à verser la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société SAEM « Services Funéraires – Ville de Paris » à supporter les entiers dépens de l’instance ;
– Assortir le jugement à venir de l’exécution provisoire.

La société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris a déposé des conclusions le 26 octobre 2012 et le 1er février 2013 ; dans le dernier état de ses écritures la société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris demande au tribunal de ;
– Dire et juger que le nom de domaine e-obsèques.fr est générique et descriptif d’une activité, privant la société Le Passage de toute exclusivité ;
– Constater la nullité du procès-verbal de constat d’huissier du 23 mai 2012 ;
– Constater que les activités exercées par les sociétés SFVP et Le Passage ne sont pas identiques ;
– Dire et juger que la société SFVP n’a commis aucune faute ;
– Dire et juger que l’action en concurrence déloyale engagée par Monsieur D. et la société Le Passage n’est pas fondée ;

En conséquence,
– Prononcer la nullité du procès-verbal de constat d’huissier du 23 mai 2012 ;
– Déclarer non fondée et irrecevable la demande de Monsieur D. et la société Le Passage visant à imposer à la société SFVP d’exercer son activité sous un nom de domaine différent de celui de i-obsèques-paris.fr ou présentant un taux d’identité inférieur à 50% avec le nom de domaine e-obsèques.fr ;
– Débouter Monsieur D. et la société Le Passage de toutes leurs demandes et prétentions ;
– Condamner solidairement Monsieur D. Christophe et la société Le Passage à des dommages et intérêts d’un montant 10 000 € à la société SFVP pour procédure abusive ;
– Condamner solidairement Monsieur D. et la société Le Passage à verser une somme de 5000 € au titre de l’article 700 CPC ;
– Les condamner aux entiers dépens.

L’ensemble des conclusions ont été échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure ou régularisées à l’audience du juge chargé d’instruire l’affaire, en présence des parties.

A l’audience en date du 19 avril 2013, après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le juge chargé d’instruire l’affaire, clôt les débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé par la mise à disposition au greffe le 24 mai 2013.

MOYENS

Pour faire valoir ses droits Monsieur D. Christophe et la société Le Passage exposent que :
– Les deux sociétés ont la même activité
– Le nom de domaine « e-obsèques.fr » est bien distinctif
– La règle est d’accorder une priorité au premier demandeur d’un nom sur internet
– Il y a un risque de confusion à la fois phonétique et graphique
– La requête « e-obsèques.fr » sur un moteur de recherche donne des réponses dirigeant vers « i-obsèques-paris.fr »
– Le préjudice est lié au détournement de clientèle

Pour sa défense la société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris expose que :
– Les activités ne sont pas identiques
– L’adresse « e-obsèques.fr » est descriptive et ne peut donc faire l’objet d’une protection quelconque
– Les réponses des moteurs sont liées au mot « obsèques »
– Le préjudice n’est pas étayé.

DISCUSSION

Attendu que les deux sociétés visent la même clientèle désireuse d’organiser des obsèques à Paris ;

Attendu que le fait que la société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris se positionne, selon elle, à travers son site « i-obsèques-paris.fr », plus « low-cost » n’implique pas que les deux sociétés ne sont pas concurrentes, un positionnement différent étant souvent une des caractéristiques d’une situation de concurrence ;

Attendu que l’adresse internet choisie par la société Le Passage pour exercer son activité est la juxtaposition du mot obsèques et de la lettre « e- » ;

Attendu que dans l’environnement internet, la lettre « e- » évoque le « e-commerce », terme désignant le commerce électronique ;

Attendu que l’adresse « e-obsèques.fr » signifie « commerce électronique d’obsèques », ce qui est l’exacte activité du site internet exploité par la société Le Passage ;

Attendu qu’en choisissant des termes intégralement descriptifs, Monsieur D. Christophe et la société Le Passage s’exposaient à retrouver les mêmes termes dans des sites concurrents sur leur activité et notamment dans les réponses dans les moteurs de recherches qui prennent en compte la requête « obsèques » pour délivrer leurs réponses ;

Attendu que compte tenu de leur choix, qui leur a évité les investissements indispensables pour donner une notoriété propre à une adresse internet non descriptive, Monsieur D. Christophe et la société Le Passage ne peuvent revendiquer une protection qui aboutirait à leur reconnaitre un monopole d’utilisation d’un terme descriptif ;

Attendu par ailleurs que Monsieur D. Christophe et la société Le Passage ne sont pas en mesure d’établir qu’une quelconque confusion soit possible entre le graphisme de leur site et celui de la société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris ;

Attendu que dans ces conditions Monsieur D. Christophe et la société Le Passage ne sont pas en mesure d’établir que la société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris ait commis une faute susceptible de mettre en jeu sa responsabilité ;

Le tribunal déboutera Monsieur D. Christophe et la société Le Passage de l’ensemble de leurs demandes ;

Attendu que la société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris n’est pas en mesure de démontrer la nature et le montant du préjudice qu’elle aurait subi, distinct de celui dont elle réclame réparation au titre de l’article 700 du CPC, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que la demanderesse, qui succombe à l’instance, sera condamnée à supporter les dépens et qu’il paraît équitable de mettre à sa charge, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les frais non compris dans les dépens engagés par la défenderesse pour faire valoir ses droits, que les éléments du dossier permettent de fixer à 3000 €, déboutant pour le surplus ;

DÉCISION

Le tribunal, statuant publiquement en premier ressort par jugement contradictoire,

. Déboute Monsieur D. Christophe et la société Le Passage de l’ensemble de leurs demandes ;

. Déboute la société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris de sa demande au titre de la procédure abusive ;

. Condamne Monsieur D. Christophe et la société Le Passage à payer à la société SAEM Services Funéraires – Ville de Paris la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du CPC ;

. Condamne Monsieur D. Christophe et la société Le Passage aux dépens.

Le tribunal : M. François de Maublanc (président), Dominique Laulan et Mme Geneviève Sadone-Lebeau (juges)

Avocats : Me Frédéric David, Me Bénédicte Deleporte, SCP Brodu Cicurel Meynard Gauthier

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.