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Jurisprudence : E-commerce

lundi 22 juillet 2013
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Cour de cassation Chambre civile 1 Arrêt du 3 juillet 2013

Ricard / Anpaa

alcool - caractère publicitaire - message - partage - publicité - réseaux sociaux

DISCUSSION

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2012), qu’en juin 2011, la société Ricard a lancé une campagne de publicité intitulée Un Ricard, des rencontres, constituée d’affiches ou visuels, diffusés sur internet, sur la voie publique et dans la presse, comportant, à droite une bouteille de Ricard, en bas au centre, et en gros caractères la mention, en lettres capitales, « Un Ricard des rencontres », et précisant, en haut à gauche, selon le cas : Rencontre # 1 Ricard/ eau, Rencontre # 3 Ricard/ glace, Rencontre # 34 Ricard/ grenadine, Rencontre # 56 Ricard/ menthe, que ces mentions figuraient, respectivement sur des affiches à fond jaune, gris, rouge et vert, ces couleurs ne se présentant pas de manière uniforme mais faisant penser à des nuages, qu’un film, diffusé notamment sur internet présentait, sur fond de musique d’ambiance, des nuages de toutes les couleurs, en mouvement, rappelant les quatre affiches et la formule Un Ricard des rencontres, qu’une application mobile gratuite, dite Ricard Mix code, nécessitant un compte Facebook, permettait de visionner le film de la campagne publicitaire, de collecter des codes donnant accès à des cocktails à base de Ricard que l’utilisateur pouvait partager sur son mur Facebook, et enfin qu’une application dite Ricard 3D, téléchargeable ou visible sur Itunes permettait de visionner une bouteille de Ricard en trois dimensions ; que l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (l’ANPAA) a assigné la société Ricard devant la juridiction des référés afin d’obtenir le retrait des mentions “ un Ricard, des rencontres “ sur tout support, du film et des applications litigieuses ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches

Attendu que la société Ricard fait grief à l’arrêt d’ordonner le retrait de la mention des rencontres associée au nom de un Ricard, ainsi que des nuages de couleur grise, jaune, rouge, verte, du signe # suivi d’un numéro, sur tout support, quel qu’il soit, alors, selon le moyen :

1°/ que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques peut comporter l’indication du mode de consommation du produit ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que les quatre affiches qui comportent une bouteille de Ricard et la mention, en lettres capitales, « Un Ricard des rencontres », précisent, en haut à gauche, selon le cas : « Rencontre # 01 Ricard/ eau », « Rencontre # 03 Ricard/ glace », « Rencontre # 34 Ricard/ grenadine », « Rencontre # 56 Ricard/ menthe », ce dont il s’évince que le terme « rencontre » désigne l’association du Ricard avec une autre substance, comme mode de consommation du produit ; qu’en jugeant néanmoins que ce terme renvoie au rapprochement entre personnes pour en déduire qu’elle est une incitation directe à consommer du Ricard dans le but de vivre des moments de convivialité, sans cependant caractériser la moindre évocation dans ces affiches de personnages quels qu’ils soient, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation de l’article 3323-4 du code de la santé publique ;

2°/ que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques peut comporter l’indication des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que les affiches comportent la déclinaison d’une gamme de couleurs « jouant sur l’évocation des ajouts au Ricard (eau, glace, grenadine, menthe) », ce dont il s’évinçait qu’elles décrivaient objectivement les caractéristiques visuelles du produit et notamment le phénomène de « louchissement » produit par l’ajout de l’eau au Ricard ; qu’en jugeant dès lors que cette gamme de couleurs renvoie à une impression de légèreté, ou d’évasion, et non pas au phénomène de « louchissement », ni plus généralement au mode de consommation, et constitue ainsi des références visuelles étrangères aux seules indications énumérées par l’article L. 3323-4, visant à donner une image valorisante de la boisson et à inciter le consommateur à absorber le produit vanté, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences qui s’évinçaient de ses propres constatations en violation de l’article 3323-4 du code de la santé publique ;

3°/ que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques peut comporter l’indication des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; que la société Ricard faisait valoir que les chiffres 01, 03, 34 et 56, précédés du sigle #, signifiant numéro, constituaient des indications objectives sur la composition du produit, le chiffre 1 désignant le Ricard classique, le chiffre 3 l’association avec 3 glaçons, le chiffre 34 correspondant au pourcentage de la couleur jaune compris dans la couleur Pantone rouge caractérisant le mélange Ricard/ grenadine, et le numéro 56 au pourcentage de la couleur jaune compris dans la couleur Pantone verte caractérisant le mélange Ricard/ menthe, ce qui n’était pas contesté par l’ANPAA ; qu’en jugeant que ces références étaient illicites aux motifs inopérants qu’elles n’étaient pas appréhendés par le consommateur comme des indications objectives sur la composition du produit, et que le sigle # signifie « dièse » dans l’esprit du consommateur français, pour en déduire que ces mentions n’avaient d’autre objet que d’appeler l’attention du consommateur et plus particulièrement celle d’un consommateur jeune, sensible aux nouvelles technologies, lorsque l’indication objective des caractéristiques du produit conférait à ces références un caractère licite, la cour d’appel a violé l’article L. 3323-4 du code de la santé publique ;
Mais attendu que la cour d’appel a constaté tout d’abord que le slogan « un Ricard des rencontres » qui ne saurait se rattacher au simple mélange formé par l’anis et l’eau, l’anis et la glace, l’anis et la grenadine ou l’anis et la menthe, quand le terme de rencontre est communément employé, et renvoie donc, dans l’esprit du consommateur, non à un mélange d’ingrédients, ou à un cocktail, mais au rapprochement entre personnes, associant la boisson alcoolique avec la possibilité de nouer des relations inattendues et fortuites, constituait une incitation directe à consommer du Ricard dans le but de vivre des moments de convivialité, puis que la déclinaison d’une gamme de couleurs, jouant sur l’évocation des ajouts au Ricard (eau, glace, grenadine, menthe), et les nuages, renvoyait à une impression de légèreté, ou d’évasion, et non pas au phénomène de « louchissement », ni plus généralement au mode de consommation du produit, et enfin, que le sigle # qui signifie « dièse » dans l’esprit du consommateur français, associé à un chiffre dont le sens est incompréhensible, pour ce même consommateur, n’avait d’autre objet que d’appeler son attention, et plus particulièrement celle d’un consommateur jeune, sensible aux nouvelles technologies ; qu’elle a, sans méconnaître les conséquences de ses constatations, d’où il ressortait que les éléments litigieux étaient étrangers aux seules indications énumérées par l’article L. 3323-4 du code de la santé publique, légalement justifié sa décision au regard de ce texte ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches tel que reproduit en annexe

Attendu que la cour d’appel a constaté selon des faits non contestés par la société Ricard, dont certains étaient confirmés par des pièces produites par l’ANPAA et visés dans les motifs de l’arrêt, qu’une fois l’application téléchargée par l’utilisateur, si ce dernier souhaitait « partager avec son réseau d’amis Facebook » une recette, en cliquant sur le bouton « partager sur mon mur », apparaissait sur son profil le message suivant : « J’ai découvert la Rencontre # 20 Atomic Ricard (ou # 92 Ricard Mango ou autre). Vous aussi récupérez les Ricard Mix avec l’application Ricard Mix codes. Disponible sur l’Appstore », d’une manière qu’elle a estimée intempestive, inopinée et systématique ; qu’ayant ainsi caractérisé en quoi le fait que ce message soit relayé par l’intervention d’un internaute à l’intention de son « réseau d’amis » ne lui faisait pas perdre son caractère publicitaire, elle lui a appliqué à juste titre les dispositions des articles L. 3323-2 et suivants du code de la santé publique ; qu’aucun des griefs n’est fondé ;

Et attendu que les deuxième et troisième moyens ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

DÉCISION

Par ces motifs :

. Rejette le pourvoi ;

. Condamne la société Ricard aux dépens ;

. Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux conseils, pour la société Ricard

Premier moyen de cassation

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ordonné le retrait de la mention des rencontres associée au nom de un Ricard, ainsi que des nuages de couleur grise, jaune, rouge, verte, du signe # suivi d’un numéro, sur tout support, quel qu’il soit, et ce sous astreinte de 10 000 € par jour de retard et par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt, et d’avoir dit que les dépens de première instance comprennent les frais du constat d’huissier de la SCP X… du 7 juillet 2011 d’un montant de 905, 22 € TTC, et condamné la société Ricard à payer à l’ANPAA la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux dépens d’appel

Aux motifs propres que « selon l’article 809, alinéa 1, du CPC, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; Considérant que selon l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites sont autorisées exclusivement : 9° Sur les services de communication en ligne à l’exclusion de ceux qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse, ainsi que ceux édités par des associations, sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles au sens du code du sport, sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive ni interstitielle ; Que selon l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, “ on entend par communication au public en ligne toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n’ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur “ ;
que la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, qui a modifié l’article L. 3323-2, a entendu donner le même sens aux “ services de communication en ligne “ ; Considérant que selon l’article L. 3323-4 du même code, la publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d’élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit (…). Cette publicité peut comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit “ ; Qu’il est encore imposé par ce texte d’assortir la publicité d’un message à caractère sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé ; Que la diffusion de publicités en faveur de boissons alcooliques en violation de ces dispositions constitue un trouble manifestement illicite, dont le juge des référés peut ordonner la cessation ; que ce juge n’est pas lié par l’avis de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité ;

Sur les affiches

Considérant que dans le cadre de la campagne publicitaire « Un Ricard des rencontres », lancée le 20 juin 2011, la société Ricard a fait diffuser quatre affiches, ou visuels, comportant, à droite, une bouteille de Ricard, en bas au centre, et en gros caractères la mention, en lettres capitales, « Un Ricard des rencontres », et précisant, en haut à gauche, selon le cas : Rencontre # 01 Ricard/ eau, Rencontre # 03 Ricard/ glace, Rencontre # 34 Ricard/ grenadine, Rencontre # 56 Ricard/ menthe ; Que ces mentions figurent, respectivement, sur des affiches à fond (couleur dominante) : jaune, gris, rouge et vert, ces couleurs ne se présentant pas de manière uniforme mais faisant penser à des nuages ; Considérant que c’est à juste titre que le premier juge a estimé que le slogan « Un Ricard des rencontres » ne saurait se rattacher au simple mélange formé par l’anis et l’eau, l’anis et la glace, l’anis et la grenadine ou l’anis et la menthe ; que le terme de rencontre est communément employé, et renvoie donc, dans l’esprit du consommateur, non à un mélange d’ingrédients, ou à un cocktail, mais au rapprochement entre personnes ; qu’il joue, en toute hypothèse, sur l’ambiguïté des termes ;
Qu’ainsi que l’a retenu le premier juge, l’association de la boisson alcoolique avec la possibilité de nouer des relations inattendues et fortuites avec d’autres personnes, est une publicité illicite, en infraction avec les dispositions restrictives de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique, dès lors qu’elle est une incitation directe à consommer du Ricard dans le but de vivre des moments de convivialité ; Considérant, en revanche, que c’est à tort que le premier juge a estimé que les couleurs des affiches et les photographies faisant penser à des nuages, ne pouvaient pas être considérées comme illicites ; Qu’en effet, la déclinaison d’une gamme de couleurs jouant sur l’évocation des ajouts au Ricard (eau, glace, grenadine, menthe), et les nuages, renvoient à une impression de légèreté, ou d’évasion, et non pas au phénomène de “ louchissement “, ni plus généralement au mode de consommation, et constituent ainsi des références visuelles étrangères aux seules indications énumérées par l’article L. 3323-4, visant à donner une image valorisante de la boisson et à inciter le consommateur à absorber le produit vanté, en faisant la propagande des différentes modes de consommation, sans références objectives aux critères limitativement énumérés par la loi ;

Qu’il en est de même des mentions situées en haut à gauche de chacune des affiches ; que les chiffres 01, 03, 34 et 56, précédés du sigle #, ne sont, de toute évidence, pas appréhendés par le consommateur comme des indications sur la composition du produit ; que si la société Ricard soutient que le numéro 1 correspond au Ricard “ classique “ et le numéro 3 à la quantité de glaçons dans un verre de Ricard, l’affiche litigieuse ne met pas en évidence trois glaçons, aucun élément ne permettant par ailleurs de dire que le Ricard ne peut être, objectivement ou idéalement, consommé qu’avec trois glaçons ; que si l’appelante fait encore valoir que le sigle # signifie “ numéro “ pour les anglophones, en particulier les américains, et que le numéro 34 correspond au pourcentage de la couleur jaune compris dans la couleur Pantone rouge caractérisant le mélange Ricard/ grenadine, et le numéro 56 au pourcentage de la couleur jaune compris dans la couleur Pantone verte caractérisant le mélange Ricard/ menthe, il relève là encore de l’évidence que le sigle # qui signifie “ dièse “ dans l’esprit du consommateur français, visé par la publicité, associé à un chiffre dont le sens est incompréhensible, pour ce même consommateur, n’ont d’autre objet que d’appeler son attention, et plus particulièrement celle d’un consommateur jeune, sensible aux nouvelles technologies ; Que pour ces motifs, ces mentions ne peuvent être considérées comme des indications objectives sur les éléments limitativement énumérés par l’article L. 3323-4, et qu’elles ne satisfont pas aux prescriptions de la loi ;

Qu’en conséquence, l’ordonnance sera réformée, en ce qu’elle a considéré que seule était illicite, sur les affiches en cause, la formule « Un Ricard des rencontres » ; que les affiches, dans l’intégralité de leurs composants, à l’exception de la bouteille de Ricard, violent les dispositions de la loi et qu’il convient d’en ordonner le retrait, dans les conditions précisées au dispositif » ;

Et aux motifs adoptes que « la société Ricard a lancé en juin 2011 une campagne publicitaire intitulée Un Ricard, des rencontres constituée d’un film et d’affiches diffusées notamment sur internet, sur la voie publique, dans la presse ou à la radio et d’applications mobiles gratuites ; que le litige porte exclusivement sur cette campagne ; Attendu que l’ANPAA a fait dresser un constat d’huissier qui décrit quatre affiches intitulées Un Ricard, des rencontres ; que ces affiches présentent une bouteille de Ricard, indiquent en leur milieu la mention Un Ricard. Des rencontres en lettres d’imprimerie, sont toutes de couleurs différentes, jaunes, bleues, vertes ou rouges, et précisent en haut à gauche de chacune d’elles une des mentions suivantes :

Rencontre # 01 Ricard. Eau, Rencontre # 03 Ricard, glace, Rencontre # 04 Ricard grenadine, Rencontres # 56 Ricard, menthe ; Attendu que le caractère esthétique des affiches qui ne présentent pas une couleur uniforme, mais font penser à des nuages est évident ;

Attendu que cette publicité fait également l’objet d’un film et d’applications sur les mobiles ;

Attendu que la lettre de l’ARPP estimant que ces publicités sont acceptables est un simple avis qui ne lie pas le juge ; Attendu que, contrairement à ce que prétend la société Ricard, le slogan Un Ricard, des rencontres ne saurait se rattacher au simple mélange formé par l’anis et l’eau, l’anis et la grenadine ou l’anis et la menthe ; que le terme de rencontre, inscrit en lettres capitales, renvoie directement au consommateur qu’il vise en lui suggérant que la consommation de Ricard favorise les rapprochements et est une occasion d’entrer en relation avec d’autres personnes ;

Attendu que l’association de la boisson avec cette possibilité de nouer des relations inattendues et fortuites avec d’autres personnes est une publicité illicite, en infraction avec les dispositions restrictives de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique, dès lors qu’elle est une incitation directe à consommer du Ricard dans le but de vivre des moments de convivialité ; Attendu que cette incitation constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser ; Attendu qu’il convient en conséquence d’enjoindre à la société Ricard de retirer de ses affiches et de tout support la formule Un Ricard, des rencontres, sous astreinte de 1000 € dans les conditions précisées au dispositif de la présente décision » ;

1/ Alors que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques peut comporter l’indication du mode de consommation du produit ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que les quatre affiches qui comportent une bouteille de Ricard et la mention, en lettres capitales, « Un Ricard des rencontres », précisent, en haut à gauche, selon le cas : « Rencontre # 01 Ricard/ eau », « Rencontre # 03 Ricard/ glace », « Rencontre # 34 Ricard/ grenadine », « Rencontre # 56 Ricard/ menthe », ce dont il s’évince que le terme « rencontre » désigne l’association du Ricard avec une autre substance, comme mode de consommation du produit ; qu’en jugeant néanmoins que ce terme renvoie au rapprochement entre personnes pour en déduire qu’elle est une incitation directe à consommer du Ricard dans le but de vivre des moments de convivialité, sans cependant caractériser la moindre évocation dans ces affiches de personnages quels qu’ils soient, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation de l’article 3323-4 du code de la Santé Publique ;

2/ Alors que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques peut comporter l’indication des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que les affiches comportent la déclinaison d’une gamme de couleurs « jouant sur l’évocation des ajouts au Ricard (eau, glace, grenadine, menthe) », ce dont il s’évinçait qu’elles décrivaient objectivement les caractéristiques visuelles du produit et notamment le phénomène de « louchissement » produit par l’ajout de l’eau au Ricard ; qu’en jugeant dès lors que cette gamme de couleurs renvoie à une impression de légèreté, ou d’évasion, et non pas au phénomène de “ louchissement “, ni plus généralement au mode de consommation, et constitue ainsi des références visuelles étrangères aux seules indications énumérées par l’article L. 3323-4, visant à donner une image valorisante de la boisson et à inciter le consommateur à absorber le produit vanté, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences qui s’évinçaient de ses propres constatations en violation de l’article 3323-4 du code de la Santé Publique ;

3/ Alors que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques peut comporter l’indication des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; que la société Ricard faisait valoir que les chiffres 01, 03, 34 et 56, précédés du sigle #, signifiant numéro, constituaient des indications objectives sur la composition du produit, le chiffre 1 désignant le Ricard classique, le chiffre 3 l’association avec 3 glaçons, le chiffre 34 correspondant au pourcentage de la couleur jaune compris dans la couleur Pantone rouge caractérisant le mélange Ricard/ grenadine, et le numéro 56 au pourcentage de la couleur jaune compris dans la couleur Pantone verte caractérisant le mélange Ricard/ menthe (conclusions d’appel p 7), ce qui n’était pas contesté par l’ANPAA ; qu’en jugeant que ces références étaient illicites aux motifs inopérants qu’elles n’étaient pas appréhendés par le consommateur comme des indications objectives sur la composition du produit, et que le sigle # signifie “ dièse “ dans l’esprit du consommateur français, pour en déduire que ces mentions n’avaient d’autre objet que d’appeler l’attention du consommateur et plus particulièrement celle d’un consommateur jeune, sensible aux nouvelles technologies, lorsque l’indication objective des caractéristiques du produit conférait à ces références un caractère licite, la cour d’appel a violé l’article L 3323-4 du code de la Santé Publique.

Deuxième moyen de cassation

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ordonné le retrait du film publicitaire en faveur de la boisson alcoolique Ricard, intitulé Un Ricard des rencontres, quel que soit le support de diffusion de ce film, et notamment sur les sites internet, dont www. Ricard. fr et sur les applications mobiles, et cc sous astreinte de 10 000 € par jour de retard et par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt et d’avoir dit que les dépens de première instance comprennent les frais du constat d’huissier de la SCP X… du 7 juillet 2011 d’un montant de 905,22 € TTC, condamné la société Ricard à payer à l’ANPAA la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux dépens d’appel

Aux motifs que « Sur le film publicitaire : Considérant que la société Ricard admet que “ le film est une déclinaison des visuels “ ; Que ce film présente, sur fond de musique d’ambiance, des nuages de toutes les couleurs, qui bougent, rappelant les quatre affiches, et la formule Un Ricard des rencontres ; Considérant que les motifs précités relatifs à l’illicéité des affiches valent pour le film ; qu’en réalité, la contrariété du film aux dispositions légales est encore plus patente, dès lors que la combinaison des éléments illicites relevés pour les affiches magnifie ces éléments à travers une mise en scène, accentuée par la mobilité de l’image et une musique séductrice, l’ensemble aboutissant à une création esthétique destinée à donner à la boisson Ricard un caractère festif, incitatif à la consommation d’alcool ; Que ce film, dans son ensemble, et non pas seulement en sa formule Un Ricard des rencontres, est manifestement contraire aux exigences de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique ; Qu’en conséquence, et pour ces seuls motifs, il sera ordonné le retrait de l’intégralité de ce film, de tout support, notamment du site internet www. Ricard. fr et des applications mobiles, dans les conditions précisées au dispositif, l’ordonnance devant être réformée en ce que, s’agissant du film publicitaire, elle a limité le retrait à la mention Un Ricard des rencontres »

1/ Alors que la cassation à intervenir de la disposition de l’arrêt ayant ordonné le retrait de la mention des rencontres associée au nom de un Ricard, ainsi que des nuages de couleur grise, jaune, rouge, verte, du signe # suivi d’un numéro, sur tout support, quel qu’il soit, et ce sous astreinte de 10 000 € par jour de retard et par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt entraînera l’annulation de ce chef de dispositif, en application de l’article 624 du nouveau code de procédure civile ;

2/ Alors que la création esthétique par le biais d’une mise en scène, qui est inhérente à la publicité, n’est pas en elle-même illicite dès lors qu’elle se rapporte aux mentions autorisées par l’article L 3323-4 du code de la Santé Publique ; qu’en jugeant que le film publicitaire était illicite en ce qu’il constituait une création esthétique mettant en scène les différents éléments composant les affiches, la cour d’appel a violé l’article L 3323-4 du code de la Santé Publique.

Troisième moyen de cassation

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance entreprise, en ce qu’elle a ordonné le retrait et la suppression des applications intitulées Ricard 3 D et Ricard Mix codes sur tout support, et notamment sur l’Appstore et ITunes, sous astreinte de 1000 € par jour et par infraction, passé le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, et y ajoutant, d’avoir dit que l’astreinte assortissant l’injonction de retrait et suppression de tout support des applications intitulées Ricard 3 D et Ricard Mix codes sera de 10 000 € par jour de retard et par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt, et d’avoir dit que les dépens de première instance comprennent les frais du constat d’huissier de la SCP X… du 7 juillet 2011 d’un montant de 905,22 € TTC, et condamné la société Ricard à payer à l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie-ANPAA-la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux dépens d’appel

Aux motifs propres que « Considérant, sur l’application Ricard Mix codes, qu’il est constant et décrit par l’ANPAA (p 28) que, téléchargeable sur I Phone, par I Tunes depuis l’Appstore, cette application, qui nécessite un compte Facebook et dispose d’un système de géolocalisation, permet de visionner le film de la campagne publicitaire Un Ricard des rencontres, et de collecter des codes, donnant accès à des cocktails à base de Ricard, que l’utilisateur peut partager sur son mur Facebook ; Que l’appelante produit une attestation du 18 juillet 2011 de l’agence BETC Digital, qui est à l’origine de la campagne publicitaire, selon laquelle l’application Ricard Mix codes est disponible uniquement pour les mobiles IPhone et ne fonctionne que par le biais d’une connexion internet ; Que l’ANPAA soutient que cette application n’est pas un service de communication en ligne, ainsi qu’en atteste l’expert en informatique mandaté par elle, M. A…, qui a conclu que cette application, qu’il a reçue par courriel via le conseil de l’A NPAA, qui l’avait téléchargée sur son ordinateur, n’est pas uniquement téléchargeable sur Appstore, mais qu’elle a un fonctionnement autonome, ce qui est notamment démontré par le fait que l’application, qui a été téléchargée via l Tunes, avant l’ordonnance entreprise, fonctionne toujours, des messages étant encore envoyés par la société Ricard les 10 février 2012, 2 et 20 mars 2012 ;
Que cette expertise est contestée par la société Ricard, qui fait valoir que le premier juge a été saisi d’une application accessible au public, en l’espèce sur Appstore, et non de transferts de fichiers par le conseil de l’ANPAA, selon des manipulations complexes, qui ne sont pas à la portée de “ l’utilisateur moyen “ (décrites en pièce 58 de l’ANPAA) ; Considérant que cette expertise, non contradictoire, et réalisée dans les conditions précitées, ne permet pas au juge des référés d’en déduire, avec l’évidence requise, que l’application litigieuse ne nécessiterait pas de connexion internet et ne pourrait donc pas être qualifiée de “ service de communication en ligne “ ; Considérant, en revanche, que selon l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques, autorisée exclusivement sur les services de communication en ligne, ne doit pas, par son caractère, sa présentation ou son objet, apparaître comme principalement destiné à la jeunesse, ni revêtir un caractère intrusif ; Que si l’ANPAA soutient que Facebook est principalement utilisé par la jeunesse, et s’il résulte des pièces produites par l’ANPAA que les réseaux sociaux sont utilisés, à 70 %, par des enfants de 12 à 17 ans dont 48 % sur Facebook, l’intimée n’a pas contesté devant le premier juge les conclusions d’une étude produite par la société Ricard, datée du 16 février 2010, selon laquelle les possesseurs d’IPhone étaient constitués à 64 % d’hommes âgés de 25 à 44 ans ;
que la société Ricard produit, par ailleurs, en cause d’appel, des éléments (pièces Il, 28, 29) dont il résulte qu’en France, qu’au moins 58 % des utilisateurs de Facebook sont âgés de 25 ans ou plus ; qu’il est constant que la société Ricard a mis en place un filtre d’âge, pour l’accès à l’application en cause, même si elle ne saurait nier que les systèmes de vérification de l’âge sont peu fiables ; Qu’en conséquence, l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a retenu que l’application n’était pas principalement destinée à la jeunesse ; Que de même, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que ce mode de publicité était intrusif ; Qu’en effet, la société Ricard ne dément pas le fait que “ une fois l’application téléchargée par l’utilisateur, ce dernier est en droit de partager ou non des informations sur tes recettes qu’il a téléchargées avec d’autres internautes “ (lettre BETC du 25 août 2011), non plus le fait, démontré par ailleurs par les pièces produites par l’ANPAA (59 à 61), que si ce dernier souhaite “ partager avec son réseau d’amis Facebook “ une recette, en cliquant sur le bouton “ partager sur mon mur “, apparaît sur son profil le message suivant : “ J’ai découvert la Rencontre # 20 Atomic Ricard (ou # 92 Ricard Mango ou autre). Vous aussi récupérez les Ricard Mix avec l’application Ricard Mix codes. Disponible sur l’Appstore. “ ; Que l’accord de l’utilisateur d’accès à ses données personnelles et l’autorisation donnée à Ricard, de publication sur Facebook en son nom, ne constituent pas un accord pour recevoir ou diffuser des messages au contenu dont il n’a pas préalablement connaissance et qu’il ne maîtrise pas ;
que ces messages, à caractère intempestif, ne sauraient être assimilés à des correspondances privées ; Que le texte de ces messages, adressés par Ricard sur le mur de l’utilisateur, consultables par ses “ amis “, et qui incite clairement à télécharger l’application Ricard Mix codes, apparaît de manière inopinée et systématique, revêtant ainsi un caractère intrusif ; Que ce message, présenté sur un réseau social de convivialité est, en outre, clairement de nature à inciter le consommateur à absorber le cocktail “ découvert “ par un “ ami “ Facebook et, étant suivi de l’indication « Tout sur la société Ricard-Société, marques, saga, métiers… www. Ricard. fr », tout autre alcool commercialisé par cette société ; que, diffusé sans la mention sanitaire légale, il contrevient également, de ce fait, aux prescriptions de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique ; Que pour ces motifs, substitués en tant que de besoin à ceux du premier juge, l’ordonnance sera, dès lors, confirmée en ce qu’elle a jugé illicite l’application Ricard Mix codes » ;

Et aux motifs adoptes que « l’ANPAA reproche à la société Ricard d’avoir créé des programmes téléchargeables permettant d’avoir accès à ses publicités sur des applications mobiles, c’est à dire d’avoir ouvert depuis le 20 juin 2011 la possibilité de les télécharger directement sur des téléphones tels que les iPhone ; Attendu, s’agissant des supports, que l’article L. 3323-2 du code de la santé publique autorise la publicité sur des services de communication en ligne, à l’exclusion de ceux qui sont principalement destinés à la jeunesse, qui concernent le monde du sport, sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive, ni interstitielle ; Attendu qu’il convient de savoir si cette application constitue un service de communication en ligne, tel que l’entend l’article L. 3323-2 du code de la santé publique ; Attendu qu’une application sur iPhone permet de faire connaître la marque via un contenu mobile interactif et permet généralement un accès plus confortable et plus efficace à des sites accessibles par ailleurs sur le web ;
Attendu qu’une application sur iPhone repose sur l’idée que le consommateur est devenu de plus en plus mobile, et qu’il importe désormais de prendre en considération ses déplacements et les différents lieux où il se situe, de manière à adapter l’offre en conséquence, où qu’il se trouve ; Attendu que toutes ces potentialités qui sont offertes aux sociétés commerciales constituent dès lors des services de communication en ligne, puisqu’ils nécessitent d’utiliser les différents canaux existants sur internet, comme le précise l’agence de publicité ; Mais attendu que l’agence de publicité BETC Digital ajoute que l’application nécessite d’avoir un compte Facebook pour être utilisée ; (¿) ; Attendu que l’application, telle qu’elle a été mise en place par la société Ricard, est illicite en vertu des dispositions de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique ; Attendu qu’il y a lieu en conséquence d’ordonner le retrait et la suppression des applications intitulées 3 Ricard 3D et Ricard Mix codes sur tout support. et notamment sur l’Appstore et ITunes, sous astreinte de 1000 € par jour et par infraction, passé le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, ce délai étant nécessaire, dès lors que la suppression de l’application ne dépend pas exclusivement de la société Ricard qui doit passer par la société Apple »

1/ Alors que constitue une correspondance privée le message adressé par le titulaire d’un compte Facebook à son réseau d’amis dans le but de partager une information donnée sur un produit, cette information n’étant ni destinée au public, ni accessible par celui-ci ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt, et des pièces versées aux débats (descriptif de l’application Ricard Mix Cod par son auteur et captures d’écran) que les recettes obtenues par l’utilisateur de l’application Ricard Mix Cod ne peuvent faire l’objet d’une information sur le profil Facebook de l’intéressé que si ce dernier décide de « partager une recette avec ses amis Facebook » ; que dans cette hypothèse, un message indiquant « j’ai découvert la Rencontre # (¿) Ricard. Vous aussi récupérez les Ricard Mix avec l’application Ricard Mix codes. Disponible sur l’Appstore » s’inscrit sur son mur auquel n’ont accès que ses amis, ce dont il résulte que ce message constitue une correspondance privée émanant d’un particulier qui en a la maitrise, informant ses relations personnelles sur un cocktail Ricard ; qu’en qualifiant ce message de publicité, pour lui appliquer les règles régissant la publicité en faveur des boissons alcoolisées, la cour d’appel a violé les articles L 3323-2 et suivants du code de la Santé Publique par fausse application ;

2/ Alors que les juges doivent préciser l’origine de leurs constatations ; qu’en affirmant péremptoirement, après avoir constaté que ce n’était que lorsque le téléchargeur avait décidé de « partager » ses recettes avec ses amis, que le message litigieux apparaissait sur son mur, que ce dernier n’en avait pas la connaissance préalable ni la maitrise, et que le message apparaissait de manière « intempestive », « inopinée » et « systématique », sans préciser de quel élément de preuve elle tirait une telle constatation, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3/ Alors en tout état de cause que les juges ne peuvent se contredire ; que la cour d’appel qui a dit que l’astreinte assortissant l’injonction de retrait et suppression de tout support des applications intitulées Ricard 3 D et Ricard Mix codes sera de 10 000 € par jour de retard et par infraction constatée, à compter de la signification du présent arrêt, tout en confirmant l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné le retrait et la suppression des applications intitulées Ricard 3 D et Ricard Mix codes sur tout support, et notamment sur l’Appstore et ITunes, sous astreinte de 1000 € par jour et par infraction, passé le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, s’est contredite en violation des articles 455 et 458 du code de procédure civile.

La Cour : M. Gridel (président)

Avocats : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Odent et Poulet

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