Jurisprudence : Responsabilité
Cour d’appel de Paris Pôle 5, chambre 5 Arrêt du 3 octobre 2013
Rentabiliweb Europe / Hi-Media
adresse IP - données personnelles - encyclopédie - fiche - identification - modification - piratage - preuve - réquisition judiciaire - site internet - validité
FAITS ET PROCÉDURE
La société Hi-Media, créée en 1996, s’est développée sur le marché de l’édition de sites internet ; elle intervient aussi sur le marché de la publicité interactive et celui des paiements électroniques, via notamment sa filiale, la société Allopass.
La société Rentabiliweb, créée en 2002, est un spécialiste de la monétisation des audiences numériques internet et mobile.
Les deux sociétés sont cotées en bourse et exercent des activités concurrentielles.
Dès le mois de novembre 2008, la société Rentabiliweb a fait connaître son souhait de procéder à une opération de croissance externe et a mentionné que la société Hi-Media pouvait constituer une cible.
Par voie de presse, la société Hi-Media a fait état de la décision de son conseil d’administration du 7 novembre 2008 déclinant l’offre de la société Rentabiliweb.
La société Rentabiliweb a estimé que la société Hi-Media avait entrepris des manœuvres sur l’ensemble des sites web tendant à la discréditer, consistant à la faire disparaître de la fiche Wipikédia sur le micropaiement, à modifier la fiche de documentation du site Boku et à mettre en ligne des textes la dénigrant.
Par actes des 11 juin et 20 octobre 2010 la société Rentabiliweb Multimedia a assigné la société Hi-Media devant le tribunal de commerce de Paris.
La société Hi-Media, estimant aussi avoir fait l’objet d’une campagne de dénigrement a régularisé des conclusions tendant au rejet des demandes de la société Rentabiliweb et sa condamnation à titre reconventionnel.
Par jugement en date du 1er juillet 2011, le tribunal de commerce de Paris a :
– dit les demandes reconventionnelles de la société Hi-Media recevables,
– condamné la société Hi-Media à payer à la société Rentabiliweb Europe 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour suppression de sa référence sur le site Wikipédia,
– condamné la société Rentabiliweb Europe à payer à la société Hi-Media 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour dénigrement,
– condamné la société Rentabiliweb Europe à payer à la société Hi-Media 50 000 € titre de dommages et intérêts pour parasitisme,
– ordonné la compensation des condamnations réciproques et dit que les comptes entre les parties seront soldés par un unique paiement de 75 000 € à faire par la société Rentabiliweb Europe à la société Hi-Media,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement sans constitution de garanties.
Vu l’appel interjeté le 6 septembre 2011 par la société Rentabiliweb Europe.
Vu les conclusions signifiées le 10 août 2011 par la société Rentabiliweb Europe, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu l’article 1382 du code civil,
– constater que la société Hi-Media est l’auteur des modifications, suppressions, des mentions et des références de la société Rentabiliweb Europe sur l’encyclopédie numérique Wikipédia,
– constater que le directeur du développement de la société Hi-Media dénigre la société Rentabiliweb Europe ainsi qu’il en résulte des constatations opérées par la SCP Piquet & Molitor, huissiers de justice, en date du 5 novembre 2009,
– constater en outre que la société Hi-Media se complaît à porter atteinte à l’image de la société Rentabiliweb Europe en la faisant retirer des référencements nécessaires à sa profession,
– dire et juger que ces comportements de dénigrement portent atteinte à l’image commerciale de la société Rentabiliweb Europe et constituent des faits constitutifs d’atteinte à la bonne pratique commerciale de concurrence,
– dire et juger que ces pratiques constituent autant de fautes dont il en résulte un préjudice pour la société Rentabiliweb Europe,
– condamner la société Hi-Media à verser à la société Rentabiliweb Europe, la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts,
– ordonner la publication sur 5 sites web, au choix de la société Rentabiliweb Europe et aux frais avancés de la société Hi-Media, d’un encart reproduisant par extrait le jugement à intervenir, sans que le coût de chaque publication n’excède la somme de 5000 € chaque,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– condamner la société Hi-Media à payer à la société Rentabiliweb Europe, la somme de 15 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Rentabiliweb Europe reproche à la société Hi-Media d’avoir commis des actes de dénigrement en procédant à la modification des fiches Wipikédia et Boku relatives à l’activité micropaiement, faisant valoir qu’elle fait la démonstration que l’auteur est une personne de la société Hi-Media, quand bien même elle ne l’identifie pas.
Elle ajoute de plus que les allégations de la société Hi-Media, qui soupçonne la société Rentabiliweb Europe d’avoir « piraté » le site de la société Hi-Media pour procéder aux modifications elle-même, ne sont nullement démontrées et donc inopérantes.
Elle estime en outre que la société Hi-Media a commis un acte de dénigrement à son encontre, en prétendant que la source principale de ses revenus serait constituée par des opérations de paiement réalisées sur des sites pornographiques.
Sur la responsabilité de la société Hi-Media du fait des propos tenus sous le pseudonyme de Rodolphe sur le site radiobfm, elle soutient que, contrairement à l’argumentaire de la partie adverse, la personne est bien identifiée comme étant Rodolphe P., cadre dirigeant au sein de la société Hi-Media et que ses propos, constitutifs de dénigrement, engagent la responsabilité de la société Hi-Media.
Elle conteste tout lien de connexité entre ses propres accusations de dénigrement et celles de la société Hi-Media à son encontre, faisant valoir qu’il s’agit de deux procédures de dénigrement relatives à des faits parfaitement distincts, et demande en conséquence le rejet des demandes reconventionnelles de la société Hi-Media.
Elle ajoute, concernant les demandes de la société Hi-Media relatives à l’éventuel parasitisme par l’achat du mot-clef « Allopass » à Google, que la société Hi-Media n’a pas référencé le mot, et n’a donc aucun droit à sa protection, et ne peut par conséquent demander réparation d’un quelconque préjudice en résultant.
Vu les conclusions d’appel incident signifiées le 29 septembre 2011 par la société Hi-Media, par lesquelles il est demandé à la cour de :
A titre principal,
– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 1er juillet 2011 en ce qu’il a condamné Hi-Media à payer à Rentabiliweb Europe 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour suppression de sa référence sur le site Wikipédia,
Statuant à nouveau,
– constater l’absence de responsabilité de Hi-Media pour les prétendues modifications des fiches Wikipédia et Boku,
– constater l’absence de responsabilité de Hi-Media du fait des écrits de Rodolphe P.,
– dire et juger que Rentabiliweb Europe ne justifie ni de son préjudice ni du lien de causalité avec les prétendus agissements de Hi-Media,
En conséquence,
– débouter Rentabiliweb Europe de l’intégralité de ses demandes,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 1er juillet 2011 en ce qu’il a considéré que ni Hi-Media, ni ses dirigeants, ni Monsieur P. n’avaient dénigré Rentabiliweb Europe,
A titre reconventionnel,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 1er juillet 2011 en ce qu’il a dit les demandes reconventionnelles de Rentabiliweb Europe à payer à Hi-Media des dommages et intérêts pour dénigrement,
– infirmer le jugement du tribunal de commerce Paris en date du 1er juillet 2011 en ce qu’il a limité l’indemnité à verser à ce titre à 50 000 €,
Statuant à nouveau,
– condamner Rentabiliweb Europe à payer à Hi-Media la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts pour dénigrement,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce Paris en date du 1er juillet 2011 en ce qu’il a condamné Rentabiliweb Europe à payer à Hi-Media 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour parasitisme,
– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 1er juillet 2011 en ce qu’il a débouté Hi-Media de sa demande de condamnation de Rentabiliweb Europe à lui payer des dommages-intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau,
– dire et juger que Rentabiliweb utilise la présente instance comme moyen de pression sur Hi-Media,
En conséquence,
– condamner Rentabiliweb Europe à payer à Hi-Media la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
En toute hypothèse,
– débouter Rentabiliweb Europe de l’intégralité de ses demandes,
– condamner Rentabiliweb Europe à payer à Hi-Media la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Hi-Media soutient que la société Rentabiliweb Europe s’est constituée une preuve à elle-même et ne justifie pas des modalités d’obtention des coordonnées du détenteur de l’adresse IP et qu’en tout état de cause, l’adresse IP, fût-elle la sienne, ne peut suffire pour engager sa responsabilité.
Sur les écrits diffusés sous le prénom de Rodolph, elle soutient qu’aucun élément ne permet d’attribuer ce pseudonyme à Monsieur Rodolphe P., qui certifie ne s’être jamais servi de ce pseudonyme.
Elle ajoute que la société Rentabiliweb Europe mélange les propos tenus par Monsieur P. dans un article sur son blog, et ceux tenus sous le pseudonyme « Rodolph » sur le site radiobfm.com.
Concernant les propos tenus par Monsieur P. sur divers forums de discussion sur internet, elle soutient que sa responsabilité ne peut être retenue, car celui-ci a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à son attribution. Elle ajoute que la société Rentabiliweb Europe n’établit aucun des éléments de nature à engager sa responsabilité délictuelle.
Sur ses demandes reconventionnelles, elle soutient que celles-ci se rattachent de façon suffisante à la demande principale de la société Rentabiliweb Europe, car elles sont fondées sur des faits de concurrence déloyale commis par cette dernière.
Elle estime qu’après avoir essuyé un nouveau refus de son offre d’achat de l’activité de micro-paiement de la société Hi-Media, la société Rentabiliweb Europe a procédé à une campagne de dénigrement à l’encontre de la cession initiée par la société Hi-Media, ce qui lui causé un préjudice évalué à 150 000 €.
Concernant le parasitisme de la société Rentabiliweb Europe à son encontre, elle soutient que celle-ci a effectivement enregistré la marque « Allopass » comme mot clef dans Google, ce qui constitue un comportement déloyal reconnu et assumé, qui lui a causé un préjudice qu’elle évalue à 50 000 €.
Elle considère enfin que la société Rentabiliweb Europe utilise la présente instance comme moyen de pression et demande des dommages-intérêts d’un montant de 50 000 € pour procédure abusive.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile
DISCUSSION
Sur la suppression de la référence de la société Rentabiliweb sur les sites Wipikédia et Boku
Considérant que la société Rentabiliweb soutient que la société Hi-Media a procédé à la modification des fiches Wipikédia et Boku relatives à l’activité de micropaiement, de sorte qu’elle s’en est trouvée momentanément écartée ; qu’elle considère en faire la démonstration grâce à l’adresse IP de la société Hi-Media, celle-ci étant celle utilisée pour réaliser les modifications ;
Considérant que la société Hi-Media réplique que la société Rentabiliweb s’est constituée une preuve à elle-même et évoque un piratage de son adresse IP dans la mesure où la société Rentabiliweb ne justifie pas du processus utilisé pour parvenir à cette identification ;
Considérant que l’article 9 du code civil dispose « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » ;
Que la suppression sur les fiches Wipikédia et Boku de la référence de son site est de nature à causer un préjudice à la société Rentabiliweb, qui est dès lors fondée à en rechercher l’auteur ; que, si elle peut en rapporter la preuve par tout moyen, elle doit se conformer à la loi et ses moyens de preuve restent soumis à l’appréciation du juge ;
Considérant que la société Hi-Media fait valoir que les fichiers détenus par des fournisseurs d’accès à internet sont des données à caractère personnel et bénéficient à ce titre d’une protection telle qu’ils ne peuvent être obtenus que par réquisition du juge ; que la société Rentabiliweb le conteste faisant valoir que l’adresse IP se rapporte à un ordinateur ce qui ne permet pas d’identifier l’utilisateur et qu’il ne s’agit donc pas d’une donnée personnelle ;
Considérant que chaque ordinateur connecté à internet est identifié par un numéro unique appelé « adresse internet » ou adresse IP (Internet Protocol) qui permet de le retrouver parmi les ordinateurs connectés ou de remonter à l’expéditeur d’un message ;
Que la société Rentabiliweb affirme que l’adresse IP figurait sur les sites Wipikédia et Boku ; que son identification comme correspondant à celle d’un ordinateur de la société Hi-Media ne démontre pas l’accès à une donnée à caractère personnel, dès lors qu’elle est insuffisante pour révéler l’identité de l’auteur du message incriminé ; que le refus de la société Rentabiliweb de communiquer sa source est dès lors sans incidence ;
Que la société Hi-Media prétend que le piratage est une manœuvre aisée et verse une étude publiée par l’UFC, indiquant « Le piratage d’un réseau Wifi d’un abonné : Ce piratage ne requiert aucune compétence particulière, ni en informatique, ni en cryptologie, ni matériel autre qu’un ordinateur ordinaire.
Le piratage du réseau Wifi d’un abonné offre une complète impunité à l’auteur d’un acte délictueux, celui-ci étant réalisé sous l’adresse IP de l’abonné piraté » ;
Qu’elle verse également un procès verbal en date du 29 octobre 2008, réalisé dans les locaux de la société Allopass, …, qui a constaté, que celle-ci était empêchée, à partir de ses propres ordinateurs, de se connecter au site internet de la société Rentabiliweb ou aux sites utilisant les solutions de paiement de la société Rentabiliweb et qu’elle était dirigée automatiquement vers le site www.jurito.net/otro/shutup/xtina.swf contenant une animation parasite à caractère sexuel ; qu’elle en déduit que la société Rentabiliweb connaissait alors ses adresses IP ce qui lui a permis ainsi de s’introduire sur ses propres sites ; que pour autant, ces faits n’apportent pas la preuve, ni de l’intervention de la société Rentabiliweb, ni d’une utilisation ultérieure par celle-ci de l’adresse IP de la société Hi-Media ;
Que sur le document que produit la société Rentabiliweb intitulé « Fiche de modification Wipikédia », il est seulement indiqué « Le 9 juillet 2008 à 17H15 Rentabiliweb a été volontairement supprimé de Wipikédia par l’ip 84.14.140.23.. » et « Le changement de la fiche Boku nous a carrément supprimé en tant que concurrent de Boku!!! » sans que cette pièce soit authentifiée en ce qui concerne sa teneur et son origine ; que la société Hi-Media fait valoir que les informations qu’elle contient sont par ailleurs erronées car il est mentionné que le 9 juillet 2008 son siège social était situé au […] alors qu’à cette date il était au […] à Paris ; que la pièce 7 produite par la société Rentabiliweb intitulée « modification de Grunchbase », relative à la fiche Boku est une impression qui semble être celle du site crunchbase.com, sans que puisse être vérifiée l’authenticité des informations y figurant ;
Que de plus, si la société Rentabiliweb indique que sa disparition de la fiche Wipikédia sur le micropaiement a été constaté par tous les internautes et qu’elle a aussi disparu de certains autres sites d’activité, elle n’apporte aucun élément pour justifier d’une telle affirmation ;
Qu’il s’infert seulement de ces éléments que la société Rentabiliweb a eu connaissance des numéros IP de la société Hi-Media ; qu’en revanche elle ne précise pas comment elle a pu identifier la société Hi-Media comme en étant le titulaire, et n’apporte aucun élément circonstancié permettant de retenir la société Hi-Media comme étant l’auteur d’une intervention ayant eu pour objet de supprimer le référencement de la société Rentabiliweb sur les sites Wipikédia et Boku, la seule mention d’une adresse IP correspondant à un ordinateur de la société Hi-Media sur des documents non authentifiés, étant insuffisant pour démontrer la réalité des faits allégués ;
Considérant qu’il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de débouter la société Rentabiliweb de sa demande.
Sur les écrits de M. Rodolphe P.
Considérant que la société Rentabiliweb invoque les propos tenus sur internet par M. Rodolphe P., directeur du développement au sein de la société Hi-Media du 9 septembre 2008 au 12 février 2010 et soutient qu’ils sont constitutifs d’un dénigrement commis par celui-ci à l’occasion de son travail ;
Qu’elle vise des propos tenus sur le site radiobfm sous le pseudonyme « Rodolph », affirmant que celui-ci est utilisé par M. Rodolphe P. ce qui résulte du fait que celui-ci, mis en demeure de retirer ces propos de son blog, s’est exécuté immédiatement ;
Considérant que la société Hi-Media prétend que, d’une part, la société Rentabiliweb ne démontre pas que le pseudonyme incriminé, a été utilisée par son salarié, d’autre part, celui-ci, qui s’exprime régulièrement dans des forums de discussions, a agi hors des fonctions dans lesquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ;
Considérant que la société Rentabiliweb ne fait pas la démonstration que l’auteur des propos tenus sur BFM sous le pseudonyme Rodolph et M. P. sont une même personne ; que les deux types d’expression ne sauraient être assimilées, quand bien même celui-ci a accepté de retirer les propos figurant sur son blog ;
Que les propos de M. P. sur son blog ont été mis en ligne le samedi 14 novembre 2009 durant le week end et hors des heures de travail de celui-ci ;
Que constitue un dénigrement des faits qui ne relèvent pas des usages normaux du commerce et qui sont de nature à jeter la suspicion sur la loyauté d’un concurrent, sur la qualité de ses travaux et sur l’efficacité de ses produits ;
Que s’agissant du blog de M. P., la société Rentabiliweb communique les titres des articles litigieux et le contenu de l’un d’entre eux ; que ceux-ci ont trait à l’opération publicitaire lancée par la société Mailorama, filiale de la société Rentabiliweb et, qui avait eu pour objet de lancer par voie de presse une opération de distribution d’argent liquide dans les rues de Paris, opération qui avait été annulée, l’article se terminant par une citation de Michel A. « Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait » ;
Considérant que les propos et l’analyse critique faite sur son blog par M. P. de cette opération publicitaire relève de sa liberté d’expression et ne constitue pas des actes de dénigrement imputables à la société Hi-Media ; que s’il a accepté de retirer certains propos de celui-ci, il n’en résulte pas pour autant la preuve qu’ils auraient eu un caractère dénigrant ; que, d’ailleurs ces propos, outre qu’ils concernent une autre société que la société Rentabiliweb, n’ont donné lieu à aucune action de la société concernée à l’encontre de M. P. ;
Qu’enfin dire que la société Rentabiliweb consacre l’essentiel de son activité dans l’exploitation de sites pour adultes alors qu’elle le reconnaît en partie et que, si ce n’est pas son activité principale, elle ne conteste pas en tirer des revenus conséquents ; que la société Rentabiliweb s’est elle-même fait l’écho sur le site internet de BFM de ce type d’activités et des profits substantiels que sa société en tirait, de sorte que la référence à cette activité par des tiers ne constitue pas un dénigrement ; que c’est à juste titre que la société Rentabiliweb a été déboutée de sa demande à ce titre par les premiers juges.
Sur les demandes de la société Hi-Media
– sur leur recevabilité
Considérant que la société Hi-Media soutient que sa demande reconventionnelle repose sur des faits de concurrence déloyale de la part de la société Rentabiliweb, qui allègue de faits de dénigrement, de sorte que ces demandes respectives ont pour objet de soumettre à la cour le comportement respectif des deux sociétés dans leur rapport de concurrence ;
Considérant que la société Rentabiliweb conteste la recevabilité de cette demande en ce qui concerne non pas les actes de dénigrement mais les actes de parasitisme qui lui sont reprochés en ce qu’elle aurait enregistré le mot Allopass ;
Considérant que la société Allopass a engagé une action distincte, obtenant du président du tribunal de grande instance de Paris une ordonnance en date du 6 décembre 2010, afin d’obtenir la communication par la société Google de l’identité des tiers ayant acheté le mot clé « allopass» ; qu’il en résulte que l’action en concurrence déloyale par utilisation de ce mot constitue une action parfaitement distincte de celle dont est saisie la cour, dès lors même qu’elle concerne une société qui n’est pas dans la cause ; qu’il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de la société Rentabiliweb sur ce point ;
Considérant en revanche que les actes de dénigrement s’inscrivent dans les relations réciproques de concurrence entretenues directement entre les sociétés Rentabiliweb et Hi-Media ; qu’il y a lieu de recevoir la société Hi-Media en sa demande reconventionnelle ;
– sur les actes de dénigrement allégués par la société Hi-Media à l’encontre de la société Rentabiliweb
Considérant que la société Rentabiliweb affirme que les propos qu’elle a tenus étaient parfaitement exacts en ce qu’elle affirmé qu’elle n’était pas intéressée par la société Allopass et qu’elle a expliqué sa position par le fait que la société Hi Media était « prétendument en perte de vitesse » et qu’elle enregistrait « une croissance et une rentabilité inférieures à celle de / ‘activité micropaiement » qui était la sienne ;
Qu’elle soutient que les propos concernant la société Allopass ne sont pas son fait et n’ont pas été encouragés par elle ;
Qu’il convient de relever que les propos incriminés et non contestés s’inscrivent dans une succession d’échanges entre les deux sociétés à l’occasion d’un projet de cession par la société Hi-Media, auquel s’était intéressée la société Rentabiliweb qui, après s’être portée candidate à une acquisition de la société Allopass, s’est publiquement retirée ; que, dans ce contexte ils constituent une explication de sa position ; que sur ses motifs, la société Rentabiliweb a utilisé le terme « prétendument » et se réfère à des informations journalistiques, indiquant « Selon les informations de WanSquare Chez Rentabiliweb on estime », de sorte qu’il ne peut pas lui être reproché une affirmation mensongère sur la situation financière de la société Allopass ;
Que la société Hi-Media justifie que, lors de la présentation de son chiffre d’affaires 2010 aux analystes financiers, les questions ont concerné son positionnement et celui de sa solution de micropaiement via sa filiale Allopass par rapport à la société Rentabiliweb ; que, s’il s’agit d’une interview classique dans le monde des affaires, qui met en évidence l’obligation qui a été faite à la société Hi-Media de s’expliquer au regard même de la position adoptée par la société Rentabiliweb, ce questionnement apparaît normal au regard des projets de cession de la société Hi-Media et de ses échanges nombreux et quelque peu tumultueux avec la société Rentabiliweb, sans qu’il s’ensuive la preuve d’un préjudice qui aurait été la conséquence des propos tenus par la société Rentabiliweb ;
Qu’enfin, si la société Hi-Media indique avoir abandonné son processus de vente dans un communiqué du 31 août 2011, elle ne démontre pas que cette décision aurait été induite par les déclarations de la société Rentabiliweb ;
Considérant en conséquence qu’il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris et de débouter la société Hi-Media de ses demandes.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Considérant que l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 dans la mesure.
Sur les dépens
Considérant que la cour déboute chacune des parties en leur demande respective ; qu’il y a lieu en conséquence de laisser à chacune le montant de ses dépens.
DÉCISION
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
. Infirme le jugement déféré,
. Dit irrecevable la demande reconventionnelle de la société Hi-Media pour les faits de parasitisme,
. Déboute les sociétés Rentabiliweb et Hi-Media de l’ensemble de leurs demandes.
. Dit n’y avoir lieu application de l’article 700 du code de procédure civile,
. Dit que chacune des parties gardera la charge de ses dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La cour : Mme Colette Perrin (présidente), Mmes Patricia Pomonti et Valérie Michel-Ansellem (conseillères)
Avocats : Me Jean-Marc Fedida, Me Laurent Limoni
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