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Jurisprudence : Base de données

lundi 17 février 2014
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Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 3ème section Jugement du 6 décembre 2013

Auto Look Perfect / Perfect Car'Line, Frédéric L.

base de données - concurence déloyale et et parasitaire - constat APP - contenu - droit du producteur - droit sui generis - extraction - interdiction - investissement - protection - similitudes - site internet - structure

FAITS ET PROCÉDURE

La société Auto Look Perfect, créée en 2008, exerce une activité de négoce dans le domaine des accessoires pour l’automobile, produits, articles, fournitures et véhicules neufs ou occasions ainsi que cela ressort de l’extrait Kbis versé au débat.

Elle indique être plus particulièrement spécialisée dans la vente de jantes replica haut de gamme fabriquées en Italie ou en Allemagne pour des véhicules de tourisme, de prestige ou de luxe.

Elle exploite un site internet marchand accessible à l’adresse www.auto-look-perfect.fr créée le 13 octobre 2008.

La société Perfect Car’Line, immatriculée le 1er mars 2011 a, selon son Kbis, une activité de carrosserie, peinture de véhicule, mécanique, alarme, film solaire, multimédia, navigation sur tous véhicules, placement, vente, réparation.

Elle est titulaire du nom de domaine www.perfectcarline.fr, sur lequel est exploité un site internet de vente en ligne, par le biais duquel elle propose à la vente différents articles, parmi lesquels se trouvent des accessoires automobiles et plus spécialement des jantes replica.

M. Frédéric L. est gérant de la société Perfect Car’Line.

Estimant que cette dernière avait reproduit sans autorisation de nombreux éléments de son site internet la société Auto Look Perfect a fait dresser un procès-verbal de constat par un agent assermenté de l’Agence pour la Protection des Programmes (APP) le 12 août 2011.

Le 22 août 2011, elle a adressé une mise en demeure à la société Perfect Car’Line d’avoir à cesser ses agissements litigieux. Celle-ci lui a répondu le 24 août 2011 qu’elle avait retiré de son site le module « jantes” et qu’elle s’engageait à éditer une nouvelle charte graphique. Dans ce courrier, elle évoquait un partenariat entre les deux sociétés.

Déniant tout partenariat, la société Auto Look Perfect a fait assigner M. Frédéric L. en sa qualité de gérant de la société Perfect Car’Line ainsi que cette société devant le tribunal de grande instance de Paris par actes d’huissier délivrés les 2 et 14 décembre 2011.

Les procédures ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état en date du 6 mars 2012.

La société Perfect Car’Line et M. L. ont régulièrement constitué avocat le 30 mars 2012.

La société Perfect Car’Line a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d’Evry en date du 3 septembre 2012, ayant désigné la SCP Yves Coudray-Christophe Ancel, prise en la personne de Me Ancel, en qualité de liquidateur.

Suite à l’ouverture de cette procédure collective, la société Auto Look Perfect a fait assigner ès-qualités la SCP Yves Coudray Christophe Ancel, prise en la personne de Me Ancel, lequel s’est constitué le 21 novembre 2012 pour la seule société Perfect Car’Line.

Les deux procédures ont fait l’objet d’une jonction par ordonnance du 18 décembre 2012.

La société Auto Look Perfect verse au débat sa déclaration de créance à hauteur de 104 694 € TTC au passif de la défenderesse au titre de la présente procédure.

Dans ses dernières écritures signifiées le 23 avril 2013, la société Auto Look Perfect demande au tribunal de :

Vu le code de la propriété intellectuelle, et notamment ses articles L. 341-1, L. 342-1 et L. 343-1 et suivants,

Vu le code de commerce, et notamment ses articles L. 223-22,

Vu le code civil, et notamment ses articles 1382 et 1383,

Vu le code de procédure civile et notamment ses articles 699 et 700,
– Déclarer la société ALP recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions,

Y faisant droit,

Sur l’atteinte aux droits de la société Auto Look Perfect, producteur de base de données,
– Constater que la société ALP a procédé à des investissements financiers et humains considérables pour la constitution, la présentation, l’organisation, l’accessibilité et la mise à jour de sa base de données ;
– Constater que la société ALP est à l’initiative de cette base de données ;
– Dire et juger que la société ALP est productrice de la base de données mise à disposition sur le site internet www.auto-look-perfect.fr ;
– Constater que la société Perfect Car’Line a publié sur son site internet www.perfectcarline.fr des fautes de grammaire contenues dans les fiches descriptives des jantes réplica contenues dans la base de données de la société ALP et disponible sur le site internet www.auto-Iook-perfect.fr ;
– Constater que la société Perfect Car’Line a publié des vignettes de jantes contenant le logo de la société ALP elle filigrane qu’elle y appose ;
– Constater que la société a repris l’organisation, la présentation, l’accessibilité ainsi le contenu de la base de données dont la société ALP est à l’initiative ;
– Dire et juger que la société a extrait une partie quantitativement et qualitativement substantielle de la base de données appartenant à la société ALP et s’est rendue manifestement coupable d’actes d’extraction illicite au sens de l’article L.342-1 1° du code de la propriété intellectuelle ;
– Dire et juger que la société a reproduit sur son site internet www.perfectcarline.fr une partie quantitativement et qualitativement substantielle de la base de données appartenant à la société ALP et s’est rendue manifestement coupable d’actes de réutilisation illicite au sens de l’article L. 342-1 2° du code de la propriété intellectuelle ;

En conséquence,
– Condamner solidairement la société Perfect Car’Line et M. Frédéric L. à payer à la société ALP la somme de 10 000 € pour extraction illicite au sens de l’article L. 342-1 1° du code de la propriété intellectuelle ;
– Fixer la créance de la société Auto Look Perfect à la somme de 10 000 € pour extraction illicite au sens de l’article L. 342-1 1° du code de la propriété intellectuelle ;
– Condamner solidairement la société Perfect Car’Line et M. Frédéric L. à payer à la société ALP la somme de 20 000 € pour réutilisation illicite au sens de l’article L 342-1 2° du code de la propriété intellectuelle ;
– Fixer la créance de la société Auto Look Perfect à la somme de 20 000 € pour réutilisation illicite au sens de l’article L. 342-1 2° du code de la propriété intellectuelle ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire,
– Constater que le site internet www.perfectcarline.fr présente des vignettes de jantes réplica identiques à celles publiées sur le site internet www.auto-look-perfect.fr ;
– Constater que le site internet www.perfectcarline.fr présente des vignettes de marques des constructeurs identiques à celles publiées sur le site internet www.auto-look-perfect.fr ;
– Constater que la présence de fautes de grammaire identiques sur les deux sites en cause ;
– Constater que le même cheminement de commande est présent sur les deux sites internet en cause ;
– Constater que la société Perfect Car’Line a volontairement supprimé la quasi-totalité des logos et filigranes présents sur les vignettes de jantes réplica publiées sur le site www.auto-look-perfect.fr pour y apposer son propre logo et sa dénomination sociale et les publier sous cette forme sur son site internet www.perfectcarline.fr ;
– Constater que le site internet www.perfectcarline.fr a manifestement commis quelques oublis et a publié des vignettes de jantes réplica présentant le logo et le filigrane de la société ALP sans accord de cette dernière ;
– Constater que la dénomination sociale de la société Perfect Car’Line contient le terme « Perfect » également existant dans la dénomination sociale de la société ALP ;
– Constater que la société ALP était immatriculée antérieurement à la société Perfect Car’Line ;
– Dire et juger que la société Perfect Car’Line a voulu s‘immiscer dans le sillage dans la société ALP en profitant indument de ses investissements et de sa notoriété sans bourse délier ;
– Dire et juger que la société Perfect Car’Line a également provoqué un risque de confusion dans l’esprit du public afin de détourner les internautes vers son site ;
En conséquence,
– Déclarer que la société Perfect Car’Line a commis des actes déloyaux et parasitaires au détriment de la société ALP ;
– Condamner solidairement la société Perfect Car’Line et M. Frédéric L. à payer à la société ALP la somme de 25 000 € au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;
– Fixer la créance de la société Auto Look Perfect à la somme de 25 000 € au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;
– Condamner solidairement la société Perfect Car’Line et M. Frédéric L. à payer à la société ALP la somme de 3000 € pour atteinte à l’image de marque ;
– Fixer la créance de la société Auto Look Perfect à la somme de 3000 € pour atteinte à l’image de marque ;

Sur la responsabilité solidaire de M. Frédéric L.,
– Constater que le frère et associé de M. Frédéric L. a pris la première fois contact avec la société ALP à titre personnel ;
– Constater que M. Fabien L., associé de la société Perfect Car’Line évoque un soi-disant partenariat alors que sa demande consistait en la communication de tarif pour quatre modèles de jante à exposer dans son garage physique ;
– Constater qu’en sa qualité de frère, d’associé, et de gérant de la société Perfect Car’Line, M. Frédéric L. avait connaissance de l’existence de la société ALP et de son activité ;
– Constater que M. Frédéric L. s’est bien gardé d’évoquer sa volonté de lancer un site concurrent à celui de la demanderesse et de demander l’autorisation de cette dernière pour en piller le contenu ;
– Constater que M. Frédéric L. a créé une seconde société dont l’activité est l’entretien et la réparation de véhicules automobiles légers ;
– Constater que le siège social de cette société ne correspond pas au lieu d’exercice de cette activité ;
– Dire et juger que M. Frédéric L. prépare l’insolvabilité de la société Perfect Car’Line ;
– Dire et juger que M. Frédéric L. a commis délibérément des fautes graves séparables de l’exercice normal de ses fonctions au sens de l’article L. 223-22 du code de commerce ;

En conséquence,
– Déclarer que M. Frédéric L. solidairement responsable des condamnations prononcées à l’encontre de la société ALP ;

Sur les autres demandes,
– Débouter M. Frédéric L., la société Perfect Car’Line et la SCP Coudray-Ancel, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Perfect Car’Line, de l’ensemble de leurs demandes, moyens, fins et prétentions ;
– Ordonner la publication du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site internet www.perfectcarline.fr en caractère 12, police Arial, pendant une période d’un (1) mois à compter de la signification du jugement ;
– Ordonner, à titre de complément de dommages et intérêts, la parution du jugement à intervenir dans 5 journaux au choix de la société Auto Look Perfect et aux frais des parties défenderesse et, dans une limite de 5000 € HT maximum par insertion, soit un total de 25 000 € HT ;
– Condamner solidairement la société Perfect Car’Line et M. Frédéric L. à payer à la société Auto Look Perfect la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Fixer la créance de la société Auto Look Perfect à la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner solidairement la société Perfect Car’Line et M. Frédéric L. aux entiers dépens, qui incluront les frais de publication et les frais de constat pour un montant de 1500 € H.T., soit 1794 € TTC ;
– Fixer la créance de la société Auto Look Perfect à la somme de 1500 € H.T., soit 1794 € TTC au titre des frais exposés pour la réalisation du procès-verbal de constat APP du 12 août 2011 et de 25 000 € H.T., soit 29 300 € TTC au titre de la publication du jugement à intervenir ;
– Dire que le jugement à intervenir sera commun et opposable à l’ensemble des parties à l’instance, y compris Me Ancel de la SCP Yves Coudray-Christophe Ancel, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Perfect Car’Line ;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel, caution ou bénéfice de garantie ;
– Dire que, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Me Gérard Haas pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Dans ses conclusions signifiées le 6 juin 2013, Me Ancel en qualité de liquidateur de la société Perfect Car’Line demande au tribunal de débouter la demanderesse et de la condamner à lui verser la somme de 3000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions signifiées le 26 juin 2012, M. L. demande au tribunal de :
– Mettre hors de cause M. Frédéric L.
– Condamner la société ALP lui verser la somme de 3000 € pour procédure abusive ;
– Condamner la société ALP lui verser la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par courrier du 22 novembre 2012, le conseil précédent de la société Perfect Car’Line et de M. L. a indiqué avoir été déchargée du dossier par Me Ancel.

Me Andrez s’est constitué pour le compte de la société Perfect Car’Line le 21 novembre 2012, mais aucune constitution d’avocat aux lieu et place n’est intervenue pour M. L. qui reste donc représenté par Me Durel-Léon.

Une ordonnance de clôture partielle de la procédure a été prononcée à l’encontre de M. L. le 12 février 2013 et la procédure a été clôturée le 17 septembre 2013.

DISCUSSION

A titre liminaire, il y a lieu d’observer que la demande tendant à voir déclarer le présent jugement commun et opposable à Me Ancel ès-qualités est sans objet, dès lors que ce dernier est intervenu dans la présente instance.

Sur l’atteinte aux droits du producteur de base de données

Aux termes de l’article L.341-1 du code de la propriété intellectuelle, le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci bénéficie d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel.

La qualité de producteur de base de données de la société Auto Look Perfect n’est pas contestée par les défendeurs et celle-ci justifie de l’antériorité de son site par rapport à celui de la société Perfect Car’Line.

Ainsi que cela ressort du procès-verbal de constat APP, la base de données exploitée sur le site de la société Auto Look Perfect est constituée de plusieurs milliers de références de jantes replica et de leur description professionnelle précise, dans une configuration qui permet à l’internaute à partir d’une marque automobile et d’un modèle de véhicule, d’accéder aux jantes compatibles, de lire la fiche produit et, le cas échéant de choisir le produit adapté (en fonction du diamètre et du modèle de jante) en le mettant dans le panier.

La demanderesse prétend que M. Thomas C., gérant de la société demanderesse, a passé de nombreuses heures à recenser les modèles de jantes replica existants et à les rassembler, avec les informations pertinentes, au sein d’un recueil de données précis, constitutif d’une base de données au sens de l’article L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, ce qui est évalué à plus de 500 heures de travail pour constituer cette base comprenant 1600 modèles de jantes classées selon leur compatibilité avec les marques de fabricant automobiles et modèles de véhicules.

En outre, la société Auto Look Perfect opère des mises à jour régulières et justifie de frais de 29 780 € hors taxes correspondant aux services de son prestataire informatique ID CLIC pour la période du 2 septembre au 31 mai 2011.

Il en ressort que la constitution de la base de données accessible sur le site internet de la demanderesse a bénéficié d’un important investissement humain et financier, d’autant plus au regard du capital social de la société qui s’élevait à 7500 € au jour de son immatriculation le 2 septembre 2008.

L’article L.342-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que le producteur de bases de données a le droit d’interdire :

1° L’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit,

2° La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme.

Il ressort du constat APP du 12 août 2011 que l’agent assermenté a, de manière aléatoire, choisi 7 modèles de jantes sur les 40 modèles communs aux deux sites (sur les 72 jantes proposées à la vente sur le site de la demanderesse).

L’agent a procédé à une comparaison des deux sites et a constaté la reprise des mêmes erreurs grammaticales sur les 7 descriptifs, outre l’insertion du logo et l’apposition du filigrane Auto Look Perfect sur des vignettes, ce qui démontre une extraction et une reproduction de ces éléments.

Par ailleurs, l’organisation de la base de données est la même sur les deux sites, à savoir que le client va faire le choix d’une marque automobile, d’un modèle de véhicule et d’un modèle de jantes d’après vignette photographique, moment auquel la fiche descriptive apparaît à l’écran, avant de mettre l’article dans le panier.

La société Perfect Car’Line reconnaît expressément les faits qui lui sont reprochés mais invoque sa bonne foi en se prévalant d’un partenariat que les parties auraient conclu, relatif à la fourniture par la société Auto Look Perfect des tarifs professionnels de 4 de ses produits.

La bonne foi alléguée par la défenderesse est inopérante en l’espèce, d’autant que le partenariat qu’elle allègue n’est étayé par aucune pièce et ne portait, selon ses propres déclarations, que sur 4 références alors que 40 modèles de jantes replica étaient présentés sur son site. De plus, elle précise elle-même que l’accord de la société Auto Look Perfect portait uniquement sur la possibilité de présenter des jantes replica sur un présentoir dans son garage et en aucun cas sur la reproduction totale ou partielle de la base de données.

La société Perfect Car’Line reconnaissant les faits qui sont également établis au regard du procès-verbal de l‘agent APP, le grief d’atteinte aux droits du producteur de base de données est caractérisé.

Sur la concurrence déloyale

Il convient de rappeler que le principe est celui de la liberté du commerce et que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, que des comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d’une valeur économique d’autrui lui procurant un avantage concurrentiel injustifié, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Les agissements parasitaires constituent entre concurrents l’un des éléments de la concurrence déloyale sanctionnée sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle. Ils consistent à se placer dans le sillage d’un autre opérateur économique en tirant un profit injustifié d’un avantage concurrentiel développé par celui-ci.

La société Auto Look Perfect reproche à la société Perfect Car’Line des actes de concurrence déloyale du fait de la reprise du contenu de son site internet et de l’organisation de la navigation de son site mais ces faits et plus particulièrement la reproduction des modèles de jantes replica, la reprise des fiches descriptives avec les mêmes fautes grammaticales et le chemin de commande, sont déjà sanctionnés au titre de l’atteinte aux droits du producteur de base de données. Un même fait ne pouvant être sanctionné sur deux fondements distincts, ils ne peuvent être retenus cumulativement au titre de la concurrence déloyale.

En l’espèce, le retrait des logos et filigranes de la société Auto Look Perfect sur les vignettes importées de sa base de données et ajoutées au site de la société Perfect Car’Line démontre une volonté de s’approprier sans autorisation le travail d’autrui, ce qui constitue non pas un fait distinct de la reproduction de la base de données mais en constitue une cause aggravante qui sera prise en compte au titre de la réparation du préjudice subi par la demanderesse.

En revanche, la simple reprise du terme “Perfect” au sein de la dénomination Perfect Car’Line n’est pas fautive dès lors que le demandeur ne démontre aucune confusion entre les dénominations “Auto Look Perfect” et “ Perfect Car’Line”, ces dénominations se distinguant tant au niveau visuel, qu’auditif et intellectuel et le terme Perfect, de nature laudative, n’apparaissant pas comme l’élément dominant.

La société Auto Look Perfect qui ne caractérise aucun fait distinct de ceux retenus au titre de l’atteinte à ses droits privatifs, sera déboutée de sa demande de concurrence déloyale.

Sur les mesures réparatrices

Il est établi que le site internet de la société Perfect Car’Line a été créé le 15 avril 2011 et que les faits incriminés ont cessé le 24 août 2011.

Pour fixer le préjudice, il convient de retenir que du fait de son utilisation illicite et sa mise en ligne à destination des internautes, la base de données a été dévalorisée par un concurrent direct et partant, la société Auto Look Perfect dont l’activité de vente de jantes s’effectue exclusivement en ligne, a subi un préjudice né de l’atteinte à ses investissements et à son image, qu’il convient de réparer en lui allouant la somme de 5000 €, étant relevé qu’aucun élément chiffré sur la fréquentation des sites n‘est produit.

Cette somme sera fixée au passif de la société Perfect Car’Line placée en liquidation judiciaire.

Il est constant qu’aucune vente de jante replica n’est intervenue sur le site en ligne de la défenderesse aujourd’hui placée en liquidation judiciaire. Par conséquent, il sera fait droit à la mesure d’interdiction mais sans astreinte, dans les termes du dispositif

Les dommages et intérêts accordés étant suffisants pour réparer l’entier dommage, il ne sera pas fait droit à la mesure de publication judiciaire.

Sur la responsabilité de M. L.

La demanderesse a assigné M. Frédéric L. en sa qualité de gérant et sollicite dans ses dernières écritures sa condamnation personnelle au motif que celui-ci connaissait parfaitement l’existence de la demanderesse du fait de la commande passée par son frère Fabien, auprès de la société Auto Look Perfect, à titre de simple particulier, antérieurement à la constitution de leur société.

Elle prétend que le défendeur avait prémédité son action et a sciemment recherché une confusion avec elle. Elle en déduit que c’est à son initiative que la société Perfect Car’Line a commis ces agissements délictuels et qu’il a en outre organisé l’insolvabilité de sa société, ce qui est corroboré par la création d’une nouvelle entité commerciale dont il est le gérant, dénommée aujourd’hui Limauto.

M. L. soutient qu’aucun acte personnel ne peut lui être reproché et souligne que l’achat de quatre jantes par son frère, antérieurement aux faits incriminés, non seulement n’est pas fautif mais ne peut lui être imputé.

En vertu de l’article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

En vertu de l’article L. 223-22, alinéa premier du code de commerce, les gérants sont responsables envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Il résulte de la combinaison de ces deux textes que la responsabilité personnelle d’un dirigeant de société à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis une faute séparable de ses fonctions, qui lui soit imputable personnellement; qu’il en est ainsi par exemple d’une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales.

En l’espèce, la demanderesse, qui a assigné M. L. en sa seule qualité de gérant de la société Perfect Car’Line ne rapporte pas la preuve d’une faute détachable de ses fonctions, étant relevé qu’il ne peut être tenu pour responsable des agissements de son frère et elle doit être déboutée de ses demandes à son encontre.

Sur les autres demandes

La société Perfect Car’Line, qui succombe, doit être condamnée aux entiers dépens de l’instance, qui pourront être directement recouvrés par Me Gérard Haas, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En revanche, la société Auto Look Perfect devra supporter la charge des dépens exposés par M. L. et sera condamnée à lui verser la somme de 1500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La créance de la société la société Perfect Car’Line sera fixée à 4000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile incluant les frais de constat APP.

Compte tenu de l’ancienneté des faits et de la nature de la décision, il y a lieu d’en ordonner l’exécution provisoire, conformément aux dispositions de l’article 515 du code de procédure civile.

DECISION

Le tribunal, par jugement rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

. Dit n’y avoir lieu de déclarer le présent jugement commun et opposable à la SCP Yves Coudray – Christophe Ancel, prise en la personne de Me Ancel en qualité de liquidateur de la société Perfect Car’Line ;

. Dit que la société Perfect Car’Line a porté atteinte aux droits de producteur de base de données de la société Auto Look Perfect ;

. Déboute la demanderesse de sa demande en concurrence déloyale ;

. Déboute la société Auto Look Perfect de ses demandes contre M. Frédéric L. en son nom personnel ;

. Fixe la créance de la société Auto Look Perfect au passif de la société Perfect Car’Line à la somme de 5000 € en réparation de son préjudice né de l’atteinte à ses investissements ;

. Interdit à la société Perfect Car’Line d’utiliser à destination du public sous quelque forme et support que ce soit les données faisant partie de la base de données dont le producteur est la société Auto Look Perfect ;

. Condamne la société Perfect Car’Line aux dépens qui seront recouvrés directement par Me Gérard Haas, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

. Condamne la société Auto Look Perfect à supporter les dépens exposés par M. Frédéric L. ;

. Condamne la société Auto Look Perfect à payer à M. L. la somme de 1500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Fixe la créance de la société Auto Look Perfect à la somme de 4000 €, comprenant les frais de constat APP, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Ordonne l’exécution provisoire du jugement.

Le tribunal : Mme Marie Salord (vice présidente), Mmes Mélanie Bessaud et Nelly Chretiennot (juges)

Avocats : Me Gérard Haas, Me Hélène Durel-Léon, Me Paul Andrez

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