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Dommage en France : la Cour de cassation rappelle les règles de compétence judiciaire
Le 22 janvier 2014, la Cour de cassation a rendu trois arrêts sur la compétence judiciaire des tribunaux français dans des affaires relatives à des contrefaçons de droit d’auteur via des sites internet. Deux d’entre eux concernaient l’application de l’article 5, point 3 du règlement du Conseil du 22 décembre 2000 en matière de compétence judiciaire, de reconnaissance et d’exécution de décisions en matière civile et commerciale. Dans la première affaire, KDG Mediatech, la Cour de cassation avait justement introduit un recours préjudiciel auprès de la Cour de justice de l’UE pour connaître son interprétation du règlement. Dans son arrêt du 22 janvier 2014, la Cour de cassation s’est donc appuyée sur la position émise par la cour européenne dans un arrêt du 3 octobre 2013. Et elle a considéré qu’« en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur garantis par l’Etat membre de la juridiction saisie, celle-ci est compétente pour connaître d’une action en responsabilité introduite par l’auteur d’une oeuvre à l’encontre d’une société établie dans un autre Etat membre et ayant, dans celui-ci, reproduit ladite oeuvre sur un support matériel qui est ensuite vendu par des sociétés établies dans un troisième Etat membre, par l’intermédiaire d’un site Internet accessible également dans le ressort de la juridiction saisie ; que cette juridiction saisie n’est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre dont elle relève ». Elle a conclu que la cour d’appel avait violé le texte en question « alors que l’accessibilité, dans le ressort de la juridiction saisie, d’un site internet commercialisant le CD argué de contrefaçon est de nature à justifier la compétence de cette juridiction, prise comme celle du lieu de la matérialisation du dommage allégué ».
Dans cette affaire, l’auteur compositeur interprète français de douze chansons enregistrées par le groupe Aubrey Small sur un disque vinyle avait découvert, depuis son domicile toulousain, que ses œuvres étaient vendues sur un site internet britannique. Sans son autorisation, ses chansons avaient été reproduites sur des CD pressés en Autriche par la société par KDG Mediatech et commercialisés sur internet par deux sociétés britanniques. Le créateur avait donc saisi le TGI de Toulouse qui s’était jugé compétent, eu égard aux différents points de rattachement avec la France. Mais la cour d’appel avait infirmé sa décision au motif que le lieu du défendeur était situé en Autriche et que le lieu de réalisation du dommage se trouvait en Grande-Bretagne. L’auteur français s’était pourvu en cassation. Mais la cour suprême avait souhaité avoir l’interprétation de la Cour de justice de l’UE sur l’article 5, point 3, du règlement du 22 décembre 2000. Dans un arrêt du 3 octobre 2013, la Cour de justice de l’UE a estimé que le tribunal saisi français était compétent pour connaître d’une action en responsabilité, dans le cadre d’une atteinte alléguée aux droits d’auteur d’un musicien français dont les chansons avaient été reproduites sur CD en Autriche et vendues en ligne par une société britannique par un site accessible en France.
La Cour de cassation a repris ce raisonnement dans le second arrêt rendu le même jour. Dans cette affaire, il s’agissait de la reprise sur Youtube d’extraits d’un documentaire diffusé par la BBC britannique qui reproduisait des œuvres d’un photographe sans autorisation. La cour d’appel de Paris s’était déclarée incompétente, au motif que le documentaire en cause n’était pas destiné à un public français.
Quant au troisième arrêt du même jour, il porte sur l’application de l’article 46 du code de procédure civile. Il s’agissait de déterminer si le site internet américain en question était destiné à un public français. Cette affaire portait à nouveau sur une reproduction de la photo célèbre du « Che au béret et à l’étoile » du photographe Korda. Sa fille et la société à qui elle avait concédé les droits d’exploitation sur ce cliché avaient constaté qu’il était reproduit sur des tee-shirts vendus sur un site américain. Les juridictions françaises s’étaient déclarées incompétentes pour connaître d’un site américain, non destiné à un public français. La Cour de cassation a annulé l’arrêt au motif que la cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences légales de ses constations « alors que l’accessibilité, dans le ressort de la juridiction saisie, d’un site Internet commercialisant les produits argués de contrefaçon suffit à retenir la compétence de cette juridiction, prise comme celle du lieu de la matérialisation du dommage allégué ».